Cheval en Arménie

Cheval en Arménie
Cheval gris monté par un homme âgé transportant des branches dans la montagne.
Transport monté et bâté dans une vallée du marz de Vayots Dzor, à quelques kilomètres du monastère de Spitakavor.

Espèce Cheval
Statut natif
Nombre 12 222 (2017)
Races élevées Nisaen (éteint)
Objectifs d'élevage Transport

Le cheval en Arménie (arménien : ձի / dzi), présent au paléolithique, est élevé dès l'Antiquité, le pays devenant exportateur du célèbre Nisaen. Du fait de sa position géographique, l'Arménie favorise ensuite la transmission de connaissances hippiatriques entre le monde musulman et le monde occidental.

Utilisé de longue date dans l’agriculture et pour les transports, le cheval voit son élevage encouragé jusqu'au début du XXe siècle, mais est devenu relativement rare à l'époque moderne, avec un cheptel de 12 222 têtes environ en 2017. La souche locale est caractérisée par un modèle léger et un pied sûr, adapté aux régions montagneuses.

Histoire[modifier | modifier le code]

Le territoire arménien est connu pour avoir révélé des squelettes de chevaux paléolithiques, qui ont succédé à Equus stenonis[1]. L'archéologie n'a cependant pas révélé la présence de chevaux après la glaciation de Würm, au début de l'holocène, sur le territoire arménien et plus largement dans le sud du Caucase[2]. La population néolithique arménienne n'était donc pas en contact avec le cheval sauvage[2].

Premiers chevaux domestiques[modifier | modifier le code]

Historiquement, l'Arménie fait partie des premiers territoires à avoir connu la domestication du cheval, laquelle est vraisemblablement survenue pour la première fois dans la steppe pontique[3]. Les premiers contacts des populations locales avec des chevaux domestiqués ont pu se produire à la faveur de l'avancée de peuples indo-européens issus de ou influencés par la culture de Botaï, vers d'autres partie de l'Eurasie[2],[4]. Le mot indo-européen désignant le cheval, *h₁éḱwos, en vient cependant à désigner l'âne sous la forme « Isuwa » en proto-arménien[5].

Depuis l'âge du bronze moyen jusqu'à la période classique, de multiples tombes à chevaux et foyers de peuplement utilisant le cheval sont trouvés sur le territoire arménien, en particulier à Lori Berd, Lchashen et Shirakavan[6],[7],[8]. Les tombes féminines de l'âge du bronze final retrouvées dans la région de Shirak suggèrent que les femmes montent aussi à cheval, et tirent à l'arc[9].

Une tombe à tumulus monumentale avec un cheval enterré portant un anneau de bronze dans la bouche a été retrouvée sur le versant sud du mont Aragats, et le cheval daté à environ −2 120[10]. Le squelette d'un homme de la fin de l'âge du fer, enterré avec son cheval sur le territoire de Shirakavan et présentant de multiples traumatismes notamment osseux, laisse à penser qu'il pratiquait régulièrement l'équitation[11],[12].

Dans l'Antiquité[modifier | modifier le code]

Les Hittites, peuple cavalier nomade, se déplacent du sud du Caucase vers l'Anatolie environ 2 000 ans av. J.-C.[13]. L'élevage du cheval revêt ensuite un intérêt stratégique majeur pour le royaume d'Urartu, particulièrement dans les plaines d'Urmia : ces animaux sont à la fois attelés à des chars, et montés[14]. Des cavaliers nomades tels que les Cimmériens et les Scythes traversent régulièrement le territoire arménien[15]. Il semble avoir été très tôt exportateur de chevaux[16]. Un siècle avant J.-C., les chevaux présents sur place sont le plus souvent de robe dun[17]. Selon Strabon entre autres, l'Arménie est une terre d'élevage particulièrement réputée[18],[19]. Selon Plutarque, l'armée de Tigrane compte des milliers de cavaliers[20].

Le Nisaen, premier cheval oriental mentionné par des sources écrites[21], semble avoir été élevé dans l'Antiquité, dans la mesure où les satrapes d'Arménie devaient envoyer chaque année 20 000 poulains au roi perse, pendant les fêtes de Mithra[22]. Le Nisaen d'Arménie semble avoir présenté le type du cheval des montagnes d'Asie[23]. Il est également possible que les chevaux arméniens soient proches de ceux des Assyriens[24]. L'origine mongole, discutée, n'est pas défendable selon l'historien Wiliam Ridgeway[25].

Si l'influence des conquêtes d'Alexandre le Grand sur la satrapie d'Arménie est discutée, il est néanmoins possible que l'intérêt des Thessaliens pour l'élevage des chevaux ait laissé des traces localement[26].

Depuis le Moyen Âge[modifier | modifier le code]

Cosaque avec son cheval à Alexandropol.

Au Moyen Âge, l'Arménie joue un rôle dans la transmission des connaissances issues des traités d'hippiatrie arabe vers l'Occident chrétien, du fait de sa position géographique et du recours à la traduction, en particulier pendant les Croisades[27]. L'aire d'élevage du cheval Turcoman s'est étendue jusqu'à l'Arménie[28]. Durant leur invasion médiévale de l'Europe, les nomades Mongols se sont peut-être fournis localement en chevaux de plus grande taille[29].

Jusqu'au début du XXe siècle, l'élevage de chevaux fait l'objet de structuration et d'encouragements[30]. Durant les années 1940, un citoyen américain introduit une pouliche de couleur pie acquise dans un village arménien, dans un village turc adjacent à la frontière, donnant naissance à la race de l'Alaca[31].

Les autorités soviétiques développent une nouvelle race de chevaux entre 1935 et 1950 dans les districts de Kalinin et Stepanavan, avec des étalons ardennais en croisement et quelques étalons trotteurs russes, sur des juments indigènes, pendant plusieurs générations. La race de selle et de trait léger qui émerge de ces croisements s'adapte aux conditions locales[32].

Le nombre de chevaux en Arménie a continuellement décru au XXIe siècle, l'élevage étant pratiqué de façon privée par des agriculteurs[30].

Pratiques et usages[modifier | modifier le code]

Les chevaux d'Arménie sont utilisés pour les travaux agricoles et le transport depuis longtemps[30].

Élevage[modifier | modifier le code]

Cheval broutant près de Buzhakan.

Chris J. Mortensen indique sur la base des données de la FAO la présence d'un cheptel de 11 686 têtes en 2014[33], tandis qu'en 2017, dans l'ouvrage Equine Science, la population chevaline arménienne est estimée à 12 222 têtes, ce qui représenterait 0,02 % de la population chevaline mondiale[34].

Races élevées[modifier | modifier le code]

La base de données DAD-IS ne recense aucune race de chevaux particulière élevée en Arménie[35]. Les chevaux élevés dans ce pays sont vraisemblablement de la souche locale, sélectionnée sur place[30]. Ils présentent un modèle léger et musclés, sont sûrs de pied et adaptés aux terrains accidentés[30].

Maladies et parasitisme[modifier | modifier le code]

La présence de l'herpèsvirose équine de type 1 (HVE1) au nord-est de la Turquie en 2015 laisse à supposer la présence de ce virus également en Arménie[36].

Dans la culture[modifier | modifier le code]

Pierre tombale arménienne en forme de cheval harnaché.

Par comparaison à des pays voisins, notamment la Perse et la Grèce antique, le cheval joue un rôle mineur dans les traditions populaires, les croyances et la littérature de l'Arménie[2]. Cette culture équestre semble influencée par les Urartéens, et plus tard par la culture iranienne et grecque[2]. À partir du VIIe siècle, ce sont les traditions arabes qui ont de l'influence, avant d'être remplacées par la chevalerie européenne[37].

Ces influences se retrouvent dans l'hippologie, la terminologie et la littérature arméniennes[37]. Les plus anciennes occurrences d'une terminologie relative à la couleur du cheval se retrouvent dans une traduction de la Bible en arménien classique[38].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) David Marshall Lang, Armenia: Cradle of Civilization, Routledge, (ISBN 978-1-000-51477-3, lire en ligne), p. 11.
  2. a b c d et e Dum-Tragut 2020, p. 66.
  3. Dum-Tragut 2020, p. 65.
  4. (en) Edmund Herzig et Marina Kurkchiyan, The Armenians: Past and Present in the Making of National Identity, Routledge, (ISBN 978-1-135-79837-6, lire en ligne), p. 28.
  5. Armen Petrosyan, « Indo-European *wel- in Armenian mythology », Journal of Indo-European studies, vol. 1-2,‎ , p. 129-146 (lire en ligne, consulté le ).
  6. (en) Nimrod Marom, Reuven Yeshuran, Lior Weissbrod et Guy Bar-Oz, Bones and Identity: Zooarchaeological Approaches to Reconstructing Social and Cultural Landscapes in Southwest Asia, Oxbow Books, (ISBN 978-1-78570-173-3, lire en ligne), p. 436.
  7. (en) Lilith Mirzoyan et Nina Manaseryan, « Armenia: Animal remains from Neolithic and Bronze Age settlements and burials (Review of osteological material from the collection funds of the Instit », Studii de Preistorie, no 10,‎ , p. 131–153 (ISSN 2065-2526 et 2065-2534, lire en ligne Accès libre [PDF], consulté le ).
  8. (en) Manuel Castelluccia, « Transcaucasian Iron Age Metal Horse Bits », Iran and the Caucasus, vol. 21, no 1,‎ , p. 1–12 (ISSN 1573-384X et 1609-8498, DOI 10.1163/1573384X-90000002, lire en ligne, consulté le ).
  9. (en) Anahit Y. Khudaverdyan, Azat A. Yengibaryan, Hamazasp H. Khachatryan et Arshak A. Hovhanesyan, « Warrior burial of the Late Bronze Age and Early Iron Age: The phenomenon of women warriors from the Jrapi cemetery (Shirak Province, Armenia) », International Journal of Osteoarchaeology, vol. 32, no 2,‎ , p. 524–535 (ISSN 1047-482X et 1099-1212, DOI 10.1002/oa.3077, lire en ligne, consulté le ).
  10. A. Nachmias, G. Bar-Oz, D. Nadel et I. Petrosyan, « A Monumental Horse Burial in the Armenian Highlands », Archaeology, Ethnology & Anthropology of Eurasia, vol. 49, no 3,‎ , p. 41–50 (ISSN 1563-0110, DOI 10.17746/1563-0110.2021.49.3.041-050, lire en ligne Accès libre [PDF], consulté le ).
  11. (en) Khudaverdyan, A., Khachatryan, H., & Eganyan, L., « Multiple trauma in a horse rider from the Late Iron Age cemetery at Shirakavan, Armenia. », Bioarchaeology of the Near East, vol. 10, no 12,‎ , p. 47-68 (lire en ligne Accès libre [PDF]).
  12. (en) Anahit Yu Khudaverdyan, Hamazasp H. Khachatryan et Larisa G. Eganyan, « The human skeleton from the late iron age burial of Shirakavan (Armenia): a case study », Bulletin of the International Association for Paleodontology, vol. 11, no 2,‎ , p. 51–61 (ISSN 1846-6273, lire en ligne Accès libre [PDF], consulté le ).
  13. Chahin 2001, p. 34.
  14. Chahin 2001, p. 60-61.
  15. Chahin 2001, p. 97.
  16. (en) John Hankins Wallace, The Horse of America in His Derivation, History, and Development, DigiCat, (lire en ligne).
  17. Ridgeway 2015, p. 190.
  18. Ridgeway 2015, p. 192.
  19. (en) Ann Hyland, The Horse in the Middle Ages, Sutton, (ISBN 978-0-7509-1067-5, lire en ligne), p. 143.
  20. Chahin 2001, p. 201.
  21. (en) V. B. Kovalevskaya, « Ancestors of the Oriental Horse in Eurasia: Origin and Distribution », Archaeology, Ethnology & Anthropology of Eurasia, vol. 48, no 1,‎ , p. 129–139 (ISSN 1563-0110, DOI 10.17746/1563-0110.2020.48.1.129-139, lire en ligne, consulté le ).
  22. Ridgeway 2015, p. 193.
  23. Ridgeway 2015, p. 194.
  24. Ridgeway 2015, p. 197.
  25. Ridgeway 2015, p. 198 ; 234.
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  28. Ridgeway 2015, p. 132.
  29. (en) John Masson Smith, « Nomads on Ponies vs. Slaves on Horses », Journal of the American Oriental Society, vol. 118, no 1,‎ , p. 54–62 (ISSN 0003-0279, DOI 10.2307/606298, lire en ligne, consulté le ).
  30. a b c d et e (en) Food and Agriculture Organization of the United Nations, GARDENS of BIODIVERSITY: Conservation of genetic resources and their use in traditional food production systems by small farmers of the Southern Caucasus, Food & Agriculture Org., (ISBN 978-92-5-106613-3, lire en ligne).
  31. Porter et al. 2016, p. 509.
  32. (ru) I. B. Pogosjan, « Lošadi Kalininskogo i Stepanavanskogo raionov Armjanskoi SSR » [« Chevaux des districts de Kalinin et Stepanavan de la R. S. S. Arménienne. »], Konevodstvo, no 9,‎ , p. 11-15 (lire en ligne).
  33. (en) Chris J. Mortensen, The Handbook of Horses and Donkeys: Introduction to Ownership and Care, 5m Books Ltd, (ISBN 978-1-912178-99-5, lire en ligne).
  34. (en) Rick Parker, Equine science, Delmar Cengage Learning, , 5e éd., 640 p. (ISBN 978-1-305-94972-0 et 1-305-94972-2, OCLC 1054197727, lire en ligne), p. 32.
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  37. a et b Dum-Tragut 2020, p. 67.
  38. Dum-Tragut 2020, p. 70.

Annexes[modifier | modifier le code]

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Article connexe[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • [Chahin 2001] (en) M. Chahin, The Kingdom of Armenia: A History, Psychology Press, (ISBN 978-0-7007-1452-0, lire en ligne)
  • [Dum-Tragut 2020] (en) Jasmine Dum-Tragut, « The legendary white horses: A linguistic and cultural survey on "white" horses in Armenia (and its neighbouring countries) », dans Cultural, Linguistic and Ethnological Interrelations In and Around Armenia, Cambridge Scholars Publishing, (ISBN 978-1-5275-5136-7, lire en ligne)
  • [Porter et al. 2016] (en) Valerie Porter, Lawrence Alderson, Stephen J. G. Hall et Dan Phillip Sponenberg, Mason's World Encyclopedia of Livestock Breeds and Breeding, CAB International, , 6e éd., 1 107 p. (ISBN 1-84593-466-0, OCLC 948839453). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'articleVoir et modifier les données sur Wikidata
  • [Ridgeway 2015] (en) William Ridgeway, The Origin and Influence of the Thoroughbred Horse, Cambridge University Press, (ISBN 978-1-107-50223-9, lire en ligne)