Croiseur lourd

Le croiseur lourd américain Pensacola (CA-24), en 1935, porte un des plus puissants armements de ce type de navire : 10 canons de 203 mm en deux ensembles d'une tourelle triple superposée à une tourelle double, à l'avant et à l'arrière.

La dénomination de croiseur lourd est communément employée à partir de 1930 et jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour désigner un croiseur, c'est-à-dire un navire principalement armé de canons, d'un déplacement supérieur à 1 850 tonnes, et inférieur à 10 000 tonnes conformément au traité de Washington (1922) et dont l'artillerie principale avait un calibre supérieur à 155 mm, et au plus égal à 203 mm (8 pouces), conformément au traité naval de Londres (1930). Si la distinction entre croiseur lourd et croiseur léger a ainsi été claire pendant quelques années, l'apparition, après 1935, des « grands croiseurs légers », déplaçant 10 000 tonnes, et armés de dix à quinze canons de 152 ou 155 mm, tirant jusqu'à 8 à 10 coups par minute, avec des blindages de ceinture de plus de 100 mm, a sérieusement contribué à brouiller les catégories.

Du traité de Washington (1922) au traité de Londres (1930)[modifier | modifier le code]

D'après le traité de Washington de 1922, les limites maximales applicables aux croiseurs étaient un tonnage de 10 000 tonnes anglaises, et un armement principal au calibre de 8 pouces (203 mm).

Les bâtiments d'un déplacement supérieur, ou porteurs de canons d'un calibre plus élevé, entraient dans la catégorie des cuirassés, soumise à d'autres limitations, telles qu'un tonnage global par nation et un moratoire de construction de 10 ans. L'objectif était d'en finir avec la catégorie des grands croiseurs cuirassés. À la fin du XIXe siècle, et jusqu'au début des années 1910, il y avait eu, en effet, une tendance à l’accroissement du déplacement et de l’armement de ce type de navires, ce qui conduisit aux croiseurs cuirassés de la classe Minotaur[1], de la Royal Navy, avec quatre canons de 234 mm (en), et dix canons de 190,5 mm (en), à la classe Scharnhorst[2] et au SMS Blücher avec huit à douze canons de 210 mm[3], de la Kaiserliche Marine. Dans d'autres marines, certains croiseurs cuirassés ont porté des canons de 240 mm (comme le SMS Sankt Georg austro-hongrois), du 280 mm (comme la classe Infanta María Teresa espagnole)[4], voire du 305 mm (comme les classes Ibuki et Tsukuba[4] japonaises, dont les unités ont fini par être reclassées croiseurs de bataille).

La classe Hawkins ne fut pas construite pour respecter le traité de Washington, c'est le traité qui a été établi de façon que la classe Hawkins le respectât.

Les limites imposées aux croiseurs par le traité de Washington résultaient d'un accord entre le Royaume-Uni qui souhaitait inclure dans les croiseurs autorisés par le traité sa dernière classe en construction, la classe Hawkins, d'un déplacement de 9 750 tonnes et armée de canons de 190,5 mm, dont la première unité avait été achevée en 1919 et dont les suivantes devaient être mises en service entre 1921 et 1925[5], et les États-Unis et le Japon, qui estimaient avoir besoin de croiseurs de 10 000 tonnes, pour assurer la sécurité des communications maritimes dans l'immensité de l'Océan Pacifique, où ces deux marines ne disposaient que de bases éparses[6],[7].

Les nouveaux croiseurs du traité de Washington[modifier | modifier le code]

Comme l’expérience de la guerre avait montré l’importance de cette sécurité des routes commerciales maritimes, le nombre de ces croiseurs de 10 000 tonnes, armés de canons de 203 mm, détenus dans les années 1930 par les puissances signataires du traité de Washington, a atteint dix-huit chacun, pour les États-Unis et le Royaume-Uni, douze pour le Japon, et sept chacune, pour la France et l’Italie.

Dotés de huit pièces en quatre tourelles doubles pour ce qui est des croiseurs britanniques[8], français[9], ou italiens[10], ils ont compté jusqu'à neuf ou dix canons pour les croiseurs américains[11] ou japonais[12]. Avec une vitesse de 30 à 35 nœuds, les premières séries étaient légèrement blindées. Les séries postérieures furent équipées d'une meilleure protection, au prix d’une vitesse légèrement réduite[13].

Les croiseurs japonais des classes Furutaka, Aoba, Myōkō et Takao[modifier | modifier le code]

Les premiers croiseurs japonais respectant les stipulations du traité de Washington de 1922, des classes Furutaka et Aoba, n'ont eu que six canons de 200 mm en batterie principale.

La Marine impériale japonaise fut la première à mettre sur cale, dès la fin de l'année 1922, des croiseurs répondant aux stipulations du traité de Washington, avec la classe Furutaka, conçue par l'amiral Hiraga, reprenant des innovations du croiseur Yubari, qu'il avait précédemment dessiné, et avec un pont continu « ondulé », au franc-bord plus important à l'avant et moins important à l'arrière. L'armement principal de six canons de 200 mm, en affûts simples sous masques, fut remplacé à la fin des années 1930 par des tourelles doubles, dont ont été dotées dès l'origine les unités de la classe Aoba, mises sur cale en 1924. L'artillerie secondaire de quatre pièces simples de 76 mm de la classe Furutaka y avait été portée à quatre pièces de 120 mm. La Marine impériale japonaise dota tous ces croiseurs de tubes lance-torpilles, les fameuses « Longues Lances » de 24 pouces (610 mm) de diamètre. Avec un déplacement de 9 000 à 9 500 tonnes et une puissance installée de 108 000 ch, la vitesse maximale était de 33 nœuds[14].

La Marine Impériale japonaise a très vite choisi d'armer ses croiseurs de 10 canons de 203 mm (ici le Haguro).

Les deux classes suivantes de quatre unités chacune, les classes Myōkō et Takao, mises sur cale respectivement en 1924-1925 et 1927-1928, ont porté cinq tourelles doubles, trois à l'avant et deux à l'arrière, la deuxième tourelle avant étant superposée, la troisième avait un champ de battage limité aux tirs en abord, et l'artillerie secondaire comptait six pièces simples de 120 mm. Le blindage était renforcé, atteignant 102 mm d'épaisseur en ceinture sur la classe Myōkō, et 127 mm, sur les magasins de l'artillerie principale de la classe Takao. Un bloc passerelle plus massif caractérisait la classe Takao. Avec un déplacement réel atteignant 13 000 tonnes et une puissance installée de 130 000 ch, la vitesse maximale atteignait 33 nœuds[15].

Les croiseurs américains des classes Pennsacola, Northampton, Portland et New Orleans[modifier | modifier le code]

USS Salt Lake City (CA-25), seconde unité de la classe Pensacola, en 1935

Mises à part les deux unités de la classe Pensacola qui portaient dix canons de 203 mm en deux ensembles d'une tourelle triple superposée à une tourelle double, à l'avant et à l'arrière[16], les croiseurs de l'U.S. Navy répondant aux stipulations du traité de Washington portaient, pour obtenir une économie de poids, trois tourelles triples de 203 mm/55 calibres, deux à l'avant et une à l'arrière. L'artillerie secondaire était constituée de huit pièces simples de 5 pouces (127 mm)/25 calibres pouvant tirer contre-avions.

L'USS New Orleans fait partie de la classe la mieux protégée des croiseurs lourds américains des années 1930

La Défense Contre-Avions rapprochée comptait généralement deux pièces simples à tir rapide de 3 livres et huit pièces simples de 28 mm[11]. Des installations d'aviation, catapultes, grues, (et hangar à partir de la classe Northampton[17]), se trouvaient entre les deux cheminées. Le blindage qui, sur la classe Pensacola n'avait que 76 mm d'épaisseur sur les flancs, 50 mm sur le pont principal et 25 mm sur le pont inférieur, a été augmenté sur les classes suivantes Northampton et Portland[18], et atteignait sur la classe New Orleans jusqu'à 127 mm en ceinture, 76 mm sur le pont principal et 50 mm sur le pont inférieur. Les machines (huit chaudières alimentant des turbines Parsons entrainant quatre hélices) développaient 107 000 ch et assuraient 32 nœuds[11].

Les croiseurs britanniques de la classe County et les HMS York et Exeter[modifier | modifier le code]

Le HMS Kent a donné son nom à la première sous-classe de la classe County

Pour les treize bâtiments de la classe County de la Royal Navy qui ont été construits en trois sous-classes, Kent, London et Norfolk, le blindage de ceinture n'avait que 25 mm d'épaisseur. Cela leur a valu, par dérision, le surnom de « navires de fer-blanc » (tin-clad ships), mais leurs tourelles doubles plus spacieuses que les tourelles triples des croiseurs américains, avaient une cadence de tir supérieure, jusqu'à 5 coups par minute, et leurs canons pouvaient être pointés à 70°. Leur protection sous-marine était bien conçue. Avec leur silhouette de paquebot, due à leurs trois cheminées inclinées, c'étaient de bons marcheurs, (31,5 nœuds), très marins avec un franc-bord élevé et un bon rayon d'action[19].

À la fin des années 1920, dans une tentative de construire plus de navires dans les limites du traité naval de 1922, la Royal Navy prévoit de construire des croiseurs de 8 250 tonnes, six à construire (soit 49 500 tonnes), au lieu de cinq County. Ce type de navire, avec une batterie principale de six canons au lieu de huit, était une solution tentante à l'époque pour une marine en temps de paix avec un Empire colonial aussi étendu que l'Empire britannique. On verra plus loin que seuls deux de ces navires sur six auront été construits, les HMS York et Exeter.

De 1938 à 1941, une unité de la classe County, le HMS London, aura été profondément refondue, conservant son artillerie principale mais recevant de nouvelles superstructures, rappelant celles de la classe Crown Colony, alors en construction, avec une ceinture blindée de 140 mm, en une sorte d'équivalent britannique de l'USS Wichita, c'est-à-dire un armement de croiseur "lourd" sur une coque de grand croiseur "léger".

Les croiseurs italiens et français[modifier | modifier le code]

Le croiseur Trento prototype des croiseurs lourds italiens

En Italie, d'une part des croiseurs puissamment armés paraissaient un soutien bienvenu à une flotte de quatre cuirassés ne portant que des canons de 305 mm, d'autre part la longueur des côtes à défendre justifiait que ces croiseurs fussent rapides. Ce sont ces deux caractéristiques qui ont été retenues pour la première classe de croiseurs à partir de 1925, la classe Trento, mais la limite de 10 000 tonnes de déplacement, avec un armement de quatre tourelles doubles de 203 mm et une vitesse maximale de 36 nœuds, ne permettait qu'une protection très légère (verticale de 70 mm, horizontale de 50 mm) même si, dans la réalité, le déplacement autorisé a été dépassé de plus de 30 %.

Les quatre unités de la classe Zara, à l'ancre à Naples, en 1938

Les quatre croiseurs de la classe suivante, classe Zara, construits de 1927 à 1932, ont été un peu moins rapides et un peu mieux protégés ; mais pour le septième croiseur construit, le Bolzano, la Regia Marina italienne est revenue à une protection très légère et une grande vitesse[20].

Le croiseur français Duquesne, en 1943

Pour les croiseurs français, si l'artillerie principale de quatre tourelles doubles de 203 mm/50 Modèle 1924[21]est restée la même pour toutes les unités construites, on a assisté au fil du temps à une augmentation du blindage qui restait faible et allait de pair avec une légère réduction de la vitesse. Ainsi, sur le Duquesne, premier croiseur français construit en respectant les stipulations du traité de Washington, le poids du blindage était de 430 tonnes et la vitesse maximale atteinte aux essais était de 35,30 nœuds pour une puissance de 126 919 ch. Le dernier croiseur français construit dans ce cadre fut l'Algérie dont le poids du blindage était de 2 657 tonnes, la vitesse maximale de 33,20 nœuds pour une puissance de 93 230 ch[22].

Le croiseur Colbert

Après les deux unités identiques de la classe Duquesne, les croiseurs français différaient tous les uns des autres.

Dans la classe Suffren, le croiseur éponyme avait les deux étages de la passerelle situés très haut dans le tripode avant, le Foch avait un tripode plus large. L'épaisseur du blindage variait légèrement pour les quatre croiseurs de la série Suffren-Dupleix. Pour les machines, tous sauf l'Algérie, avaient neuf chaudières Guyot du Temple, timbrées à 20 kg/cm2. Le Suffren et le Foch avaient aussi deux petites chaudières à charbon pour améliorer le rayon d'action à 11 nœuds et des soutes à charbon. Le Colbert et le Dupleix n'avaient pas de chaudières à charbon mais ils ont gardé les soutes qui contribuaient à la protection des machines. L'artillerie secondaire de la classe Duquesne et du Suffren comportait huit affûts simples de 75 mm Modèle 1925 pouvant servir de Défense Contre-Avions, assez faible. Le Colbert et le Foch avaient huit pièces simples de 90 mm et le Dupleix avait cette artillerie de 90 mm en quatre pseudo-tourelles doubles ouvertes[23],[24]. Ces bâtiments faisaient cependant jeu égal avec leurs homologues italiens et surclassaient les croiseurs légers allemands.

Le croiseur Algérie en 1935

Avec une seule cheminée et une tour à la place du tripode avant, l'Algérie avait une silhouette qui anticipait celle du Dunkerque. Dernier croiseur « lourd » français, construit après 1930, l'Algérie a la réputation d'être l'un des croiseurs issus du traité de Washington les mieux réussis de son temps[25]. Il avait une artillerie secondaire à double usage de 100 mm, en six pseudo-tourelles ouvertes, qu'on retrouvera sur le cuirassé Richelieu . Le blindage de ceinture atteignait 110 mm et celui du pont principal 80 mm. Les machines, six chaudières construites par l'établissement d'Indret timbrées à 27 kg/cm2 à 325 °C, alimentaient des turbines à engrenages Rateau-Bretagne, entraînant quatre hélices, et permettaient d'atteindre 33 nœuds[26].

Le traité de Londres de 1930 distingue croiseurs lourds et croiseurs légers[modifier | modifier le code]

Le Duguay-Trouin qui a donné son nom a une classe de croiseurs français, avait été mis sur cale quelques mois avant la Conférence de Washington
Le croiseur Yūbari, conçu et mis sur cale avant le traité naval de Washington

Certains croiseurs, comme la classe Duguay-Trouin ou le Yūbari japonais avaient été conçus avant les négociations sur la limitation des armements navals où résultaient du respect des stipulations d'autres traités. Ainsi l’Allemagne n’était pas soumise aux stipulations du traité de Washington mais à celles du traité de Versailles qui limitait le tonnage de ses croiseurs à 6 000 tonnes. Aussi la Reichsmarine a-t-elle mis en chantier, entre 1926 et 1928, trois croiseurs de la classe Königsberg[27],[28], au déplacement de 6 650 tonnes, armés de trois tourelles triples de 150 mm, avec une vitesse de 30-32 nœuds, puis en 1929, une unité améliorée, le Leipzig, équipé de moteurs diesel plus puissants, d'une ceinture blindée plus étendue pour un déplacement équivalent (6 710 tonnes)[29]. Un dernier croiseur léger, le Nürnberg, de ce même type, a rejoint la Kriegsmarine en .

Croiseur léger allemand de la classe Königsberg

La Royal Navy considérait, on l'a vu, que le croiseur de 10 000 « tonnes Washington » était trop grand pour ses besoins, et en 1927, un croiseur légèrement plus petit que la classe County, le HMS York, avait été mis sur cale avec seulement six canons de 203 mm. La construction de deux croiseurs de même tonnage que la classe York mais avec huit canons de 203 mm (HMS Surrey et HMS Northumberland), a été un moment considérée mais alors que la Conférence de Londres venait à peine de commencer, le gouvernement du Royaume-Uni a annoncé l’annulation de ses projets de croiseurs armés de canons de 203 mm, tandis que la première unité d’une nouvelle classe était annoncée[30], avec un déplacement de 6 500 tonnes, armée de huit canons de 152 mm, capable de faire face au Leipzig. C’était le HMS Leander[31],[32].

Croiseur léger de la classe Leander , ici l'HMS Achilles, sous pavillon néo-zélandais

En 1926, la France avait commencé à construire des « contre-torpilleurs » (les classes Jaguar, Guépard, et Aigle), qui étaient supérieurs en déplacement et en puissance de feu aux destroyers, notamment italiens, de l’époque[33]. Dans le but de faire face à cette menace, l’Italie décida de produire une nouvelle classe de croiseurs qui seraient d’une taille intermédiaire entre ces contre-torpilleurs français et ses croiseurs de l’époque. Les quatre premières unités (la classe Alberto da Giussano, premier sous-groupe de l’ensemble des croiseurs italiens portant des noms de Condottieri), furent mises sur cale en 1928 et achevées en 1932. Avec un déplacement de 5 200 tonnes, ils étaient armés de huit pièces de 152 mm en tourelles doubles, pouvaient atteindre la vitesse remarquablement élevée de 37 nœuds, mais avaient un blindage négligeable et un court rayon d’action[34]. Ces croiseurs entraient évidemment dans la nouvelle catégorie des « croiseurs légers » définis par les stipulations du traité de Londres qui venait d’être signé.

Une série de six croiseurs a constitué ensuite les sous-classes Luigi Cadorna mise en service en 1933, Raimondo Montecuccoli en 1935, et Duca d'Aosta, en 1935-36. Hormis les deux premières classes très proches, ces sous-classes ont eu un déplacement et une vitesse accrus par rapport à la précédente, mais une protection comparable et une artillerie principale de huit pièces de 152 mm.

Le traité naval de Londres de 1930 a en effet introduit principalement une distinction entre les croiseurs, dits de Type A communément appelés croiseurs « lourds », avec des canons d’un calibre supérieur à 155 mm et pouvant aller jusqu’à 203 mm, et les croiseurs de Type B, communément appelés croiseurs « légers », avec des canons d’un calibre égal ou inférieur à 155 mm. Ce calibre était celui de l’artillerie principale de la classe Duguay-Trouin, qui avait été conçue avant le traité de Washington et dont la vitesse et la quasi absence de blindage en faisait à l'évidence des croiseurs légers. Ce traité avait également fixé le nombre des croiseurs de Type A de chaque signataire, dix-huit pour le Royaume-Uni[Note 1], et les États-Unis[Note 2], douze pour le Japon[Note 3], et sept pour la France[Note 4], et l'Italie[Note 5], et n'avait autorisé leur remplacement que vingt ans après leur achèvement, si celui-ci était intervenu après le [7],[35]. Le traité de Londres fixait aussi un tonnage global par nation pour les croiseurs légers, mais la France avait refusé d'y souscrire, car l'Allemagne n'y était pas soumise, et l'Italie l'avait imité.

Aux États-Unis, pour respecter les stipulations du traité de Londres, les dix premiers croiseurs construits conformément aux stipulations du traité de Washington de 1922 (les classes Pensacola et Northampton et les USS New Orleans et Portland), ont été reclassés, en 1931, de la catégorie désignée CL pour “Cruiser Light”, comme la classe Omaha, en raison de leur blindage relativement faible, en une catégorie désignée CA, utilisée à la fin du XIXe siècle pour les croiseurs cuirassés (en anglais : “Cruiser Armored”). Les dernières unités de la classe New Orleans et l'USS Indianapolis ont été directement classés CA (croiseurs lourds).

Croiseur italien de la classe Cadorna, seconde sous-classe des Condottieri, ici l'Armando Diaz

Ceci étant, l'opinion générale était que la compétition internationale concernant la catégorie des croiseurs serait désormais circonscrite aux croiseurs légers. Ainsi, du côté français, un nouveau croiseur avait été commandé en 1926, et lancé en 1930, spécialement conçu comme navire-école pour les élèves de l’École Navale. Le croiseur Jeanne d'Arc avait la même artillerie de calibre 155 mm, en tourelles doubles que la classe Duguay-Trouin[36]. Mais la conjonction du traité de Londres qui mettait un terme à la construction de croiseurs ayant une artillerie de 203 mm et de la construction de croiseurs légers par l'Allemagne et l'Italie, a conduit la France à concevoir un nouveau type de croiseur léger, à une époque où l'on pensait encore être en mesure d'avoir une flotte capable d'affronter celles de l'Italie et de l'Allemagne réunies.

Le croiseur léger Émile Bertin

Ce nouveau croiseur, l’Émile Bertin, conçu pour opérer comme mouilleur de mines et conducteur de flottille de destroyers, avait reçu un armement de neuf pièces de 152 mm, complètement nouveau, tant par son calibre que par sa disposition en trois tourelles triples. Il disposait, comme artillerie secondaire anti-aérienne, de quatre pièces de 90 mm, en un affût double, et deux pièces simples. Son déplacement était de 5 886 tonnes, ses machines développaient 102 000 ch, pour 34 nœuds en service normal, mais il n’avait pas de blindage d’une épaisseur supérieure à 30 mm, et son rayon d’action n’était que de 3 600 nautiques à 15 nœuds. Atteignant 39,66 nœuds à ses essais de vitesse, en développant 137 908 ch, ce fut le croiseur français le plus rapide jamais construit[37]. Une version améliorée, la classe La Galissonnière, forte de six unités a été mise en chantier, à partir de 1931. D'un déplacement standard de 7 600 tonnes, filant aisément 32 nœuds, ayant le même armement principal que l’Émile Bertin, mais une artillerie secondaire plus forte (quatre tourelles doubles ouvertes de 90 mm), avec surtout une cuirasse de ceinture de 105 mm, plus épaisse que celle des croiseurs « lourds » français, excepté l'Algérie. Une série de trois croiseurs avec une artillerie secondaire renforcée sur le modèle de celle de l'Algérie devait suivre, dont un seul, le croiseur De Grasse, sera achevé après la guerre, en grand croiseur anti-aérien.

Après le traité de Londres de 1930[modifier | modifier le code]

À la différence de ce que l'on avait vu à la fin du XIXe siècle, où des types de croiseurs protégés ou cuirassés se sont répandus dans de nombreux pays du monde, parfois sur des modèles conçus par des chantiers européens ou américains, le croiseur « lourd » qui devait concilier armement au calibre limité, vitesse et blindage, dans un déplacement de 10 000 tonnes, n'a été copié, du temps où leur construction était autorisée, que par la marine argentine, avec les deux croiseurs lourds de la classe Veinticinco de Mayo et la marine espagnole, avec deux unités de la classe Canarias (en). Les navires argentins construits en Italie étaient inspirés de la classe Trento. D'un déplacement de 9 000 tonnes à pleine charge, ils portaient trois tourelles doubles de 190 mm et pouvaient filer 32 nœuds. Ils sont entrés en service en . Les croiseurs espagnols conçus sur des plans britanniques, inspirés de la classe County, ont été lancés en 1931-1932. Ce sont les premiers croiseurs lourds à avoir connu le feu des combats pendant la guerre civile espagnole, au cap Spartel, et devant Cherchell. Le Baleares a été coulé à la bataille du cap de Palos.

Le « grand » croiseur léger, rival du croiseur lourd[modifier | modifier le code]

Privées de la possibilité d'accroître leurs flottes de croiseurs lourds, la Marine impériale japonaise, et sa grande rivale dans l’Océan Pacifique, l'U.S. Navy, étaient toutes deux intéressées à avoir de grands croiseurs, qu’ils soient classés « lourds » ou « légers » leur importait peu, d'autant que la supériorité des croiseurs lourds armés de canons de 203 mm d’une portée supérieure aux canons de 152 mm n’était réelle que par temps clair, et qu’avec une visibilité plus faible, en ces temps antérieurs au radar d’artillerie, la cadence de tir plus rapide des canons de 152 mm faisait des croiseurs légers des adversaires coriaces[38]. On peut estimer que le poids de la bordée d'un grand croiseur léger, armé de douze canons de 152 mm, tirant des obus de 45 kg environ à 6 coups par minute était de 3 260 kg/min, pour 2 200 kg/min pour un croiseur lourd armé de huit canons de 203 mm tirant des obus de 110 kg environ à 2½ coups par minute[39]. Encore fallait-il que les grands croiseurs légers aient une vitesse et un blindage leur permettant d'approcher sans dommages jusqu'à avoir leurs adversaires à portée.

Les classes Mogami et Tone[modifier | modifier le code]

Le croiseur japonais Mogami en essais en 1935, portant des tourelles triples de 155 mm

Comme le traité de Londres n'avait pas fixé de limite de déplacement pour le Type B, ne demeurait que la limite supérieure de 10 000 tonnes, fixée par le traité de Washington. Aussi pour son programme de 1931, la Marine impériale japonaise passa commande des deux premières unités d’une nouvelle classe de croiseurs, la classe Mogami, avec quinze canons de 155 mm en cinq tourelles triples, avec une disposition des tourelles avant un peu différente des classes précédentes, la tourelle superposée étant la tourelle no 3 et non pas la tourelle no 2. La vitesse maximale était de 37 nœuds et le déplacement annoncé de 8 500 tonnes, manifestement sous-évalué[40]. Mis en service en 1935, ces bâtiments, construits avec une technique de soudure qui n'était pas encore bien maîtrisée par l'industrie japonaise et souffrant d'un excès de poids dans les hauts qui nuisait à leur stabilité, n'étaient pas sans défauts. Ils furent très vite de retour à l'arsenal de Kure pour qu'on y portât remède[41]. Ils en ressortirent dotés de bulges pour accroître la stabilité et leurs membrures renforcées. Ils déplaçaient alors 11 200 tonnes et ils avaient leur vitesse maximale réduite d'un nœud[42]. Les deux dernières unités de la classe reçurent, pendant leur construction, les mêmes améliorations, et eurent leur nombre de chaudières réduit de dix à huit[43].

Le croiseur Tone avec ses quatre tourelles de 203 mm, toutes à l'avant

En 1937-1938, la Marine Impériale japonaise entreprit, pour prendre la suite de la classe Mogami, la construction de deux grands croiseurs : la classe Tone. Ces navires avaient cette particularité d'avoir quatre tourelles, toutes à l'avant, la tourelle no 2 superposée à la tourelle no 1, les tourelles no 3 et no 4 ne pouvant tirer que sur les côtés. Cela a permis de parquer jusqu'à cinq hydravions sur leur très longue plage arrière. Les concepteurs de ces croiseurs bien protégés déplaçant 11 000 tonnes, n'étaient pas censés respecter les traités de limitation des armements navals : le Japon, depuis la Seconde Conférence de Londres de 1936, n'en reconnaissant plus aucune stipulation. C'est pourquoi ils furent mis en service avec des tourelles doubles de 203 mm, après que les quatre unités de la classe Mogami eurent reçu, au cours d'une refonte en 1939-1940, des tourelles doubles de 203 mm, à la place de leurs tourelles triples de 155 mm ce qui avait porté leur déplacement à plus de 12 000 tonnes[44]. Ainsi, pour la Marine Impériale japonaise, il y avait confusion totale entre grands croiseurs légers et croiseurs lourds.

Les classes Brooklyn, St.Louis et l'USS Wichita[modifier | modifier le code]

Le croiseur Savannah(CL-42) de la classe Brooklyn, réponse à la classe Mogami
L'USS Wichita (CA-45) a été le dernier croiseur lourd américain des années 1930

La réaction de l’U.S. Navy fut la classe Brooklyn, avec quinze canons en cinq tourelles triples de 152 mm et huit pièces anti-aériennes de 127 mm qui équipaient les croiseurs lourds en affûts simples. Ils portaient une ceinture blindée de 4 pouces (102 mm) d’épaisseur, ou 5 pouces, sur les deux dernières unités, la sous-classe St. Louis, comme sur les croiseurs lourds. Le pont continu permettait de disposer à l'arrière d'un hangar d'aviation et d'utiliser l'espace au centre du navire pour y installer des pièces anti-aériennes. Ils avaient une vitesse de 32,5 nœuds, pour un déplacement de 9 700 tonnes qui n'était pas sous-évalué. Les premières unités de cette classe furent lancées en 1936-1937[45]. Elles sont entrées en service entre et .

Le dix-huitième croiseur lourd qui restait à construire pour l'U.S. Navy fut l'USS Wichita. Il a été lancé en , incorporant de nombreux éléments qui se trouvaient sur la classe Brooklyn, montrant la proximité entre les croiseurs lourds et les grands croiseurs légers, au moins pour l'U.S. Navy, et on l'a vu, pour la Marine Impériale japonaise[46]. Toutefois, il était équipé pour son artillerie secondaire du nouveau canon de 127 mm/38 calibres, toujours en tourelles simples.

Les classes Town, Edinburgh et Crown Colony de la Royal Navy[modifier | modifier le code]

Le HMS Gloucester, de la classe Town était un grand croiseur léger britannique portant quatre tourelles triples de 152 mm

La Royal Navy, privilégiant le nombre plutôt que la puissance des croiseurs, avait mis sur cale quatre unités d’une classe de croiseurs légers, la classe Arethusa[47], plus petits que le HMS Leander, avec seulement 6 canons de 152 mm. Ils furent lancés entre 1934 et 1936. Pour pouvoir réagir à l’apparition des grands croiseurs légers japonais et américains, le Royaume-Uni dut annuler plusieurs unités projetées des classes Leander et Arethusa . Les deux premiers grands croiseurs légers britanniques qui devaient s'appeler Minotaur et Polyphemus[48],[49], furent lancés en 1936. Ils étaient conçus comme une extrapolation de la sous-classe Amphion[50] de la classe Leander, c'est-à-dire des trois dernières unités, dotées de deux cheminées[Note 6], qui seront transférées à la Marine australienne[Note 7]. Avec douze canons de 152 mm[51], en quatre tourelles triples, et des installations d’aviation spacieuses au centre du navire, il fallait avoir une passerelle plus haut placée, ce qui conduisait à avoir des cheminées inclinées vers l'arrière. Comme il en résultait peu de ressemblance avec les Amphion, il fut décidé de ne pas retenir des noms mythologiques et ils devinrent finalement les premières unités de la classe Town. Leur blindage de ceinture avait 114 mm (4 pouces ½) d'épaisseur. Leur vitesse maximale était de 32 nœuds. Ils respectaient à peu de chose près le déplacement de 10 000 tonnes avec 11 350-11 650 tonnes à pleine charge[52].

Le HMS Belfast, dans le Pacifique, en 1945
HMS Mauritius de la classe Fiji

En raison de la propension habituelle des architectes navals de rechercher l'amélioration au travers de l'accroissement du déplacement, les deux grands croiseurs HMS Belfast et HMS Edinburgh ont été des extrapolations de la classe Town (qu'il fut un temps envisagé de doter de tourelles quadruples), déplaçant 12 650 tonnes à pleine charge. Mais revenant aussitôt à la préférence du nombre par rapport à la puissance, la Royal Navy développa, avec la classe Crown Colony, une série de onze croiseurs, avec une artillerie principale et un déplacement équivalents à celui des premières unités de la classe Town pour huit unités, la sous-classe Fiji. L'expérience de la guerre conduisit, sur les trois autres, la sous-classe Ceylon, à renforcer l'armement anti-aérien en supprimant la tourelle X (arrière superposée) et à réduire le blindage de ceinture de 30 mm. La silhouette différait aussi de la classe Town en ce que les cheminées et les mâts étaient droits[53].

Mais pour faire face à ses besoins persistants en croiseurs légers, la Royal Navy se trouva contrainte par les dispositions complexes du traité Londres de 1930[54] à décider de refondre certains de ses croiseurs lourds anciens, de la classe Hawkins, qui avaient en 1922, servi de référence pour définir la taille limite des croiseurs, et les reclasser en croiseurs légers, en troquant leur artillerie de sept canons de 190,5 mm, contre neuf canons de 152 mm, provenant de croiseurs de la classe C, transformés en croiseurs anti-aériens. Cela ne fut finalement mis en œuvre que pour le HMS Effingham[55].

Les autres croiseurs européens proches des grands croiseurs légers[modifier | modifier le code]

La sous-classe italienne Duca degli Abbruzzi[modifier | modifier le code]
Le grand croiseur léger italien Luigi di Savoia Duca degli Abruzzi portait dix canons de 152 mm

La Regia Marina italienne acheva sa série des Condottieri, par une cinquième sous-classe Duca degli Abruzzi, mise en service en 1937, déplaçant plus de 11 000 tonnes, portant dix canons de 152 mm, en deux ensembles d'une tourelle double superposée à une tourelle triple. Sans être dotés d'une artillerie comparable à celle de la classe Brooklyn ou de la classe Town, ils surclassaient les croiseurs français de la classe La Galissonnière individuellement (il n'y eut que deux unités construites, pour six françaises), avec un canon de plus et un blindage de ceinture plus épais atteignant 140 mm.

Les croiseurs français des classes La Galissonière et De Grasse[modifier | modifier le code]
Croiseurs de la classe La Galissonnière.

Sans faire stricto sensu partie des grands croiseurs légers car ils ne portaient que 9 pièces d'artillerie principale, les croiseurs français de la classe La Galissonnière en étaient proches, associant à une artillerie un peu supérieure à celle des croiseurs britanniques de la classe Leander ou allemands de la classe Leipzig, une protection renforcée par rapport à celle des croiseurs lourds français, l'Algérie excepté. Après leur modernisation aux États-Unis pendant la guerre, ils se sont retrouvés avec des caractéristiques assez semblables aux unités de la sous-classe Ceylon, qui n'avaient que trois tourelles de 152 mm.

Les derniers croiseurs néerlandais commandés avant-guerre[modifier | modifier le code]

Dans un programme de renforcement de ses forces navales aux Indes orientales, face au Japon, en 1932, les Pays-Bas ont résolu de construire deux croiseurs d'un déplacement de 10 000 tonnes environ, version améliorée du HNLMS De Ruyter avec une tourelle triple et deux tourelles doubles de 150 mm, commandées à la firme suédoise Bofors[56]. Les deux unités ont été mises sur cale en 1939, et lorsque les Pays-Bas ont été occupés en 1940, les coques n'ont pas été détruites, mais la construction n'a été poursuivie, pour le compte des Allemands, qu'avec une extrême lenteur et l'artillerie commandée en Suède n'a pas été livrée.

Au bout du compte, lorsque la guerre a commencé en Europe, la différence entre croiseurs lourds et croiseurs légers tenait évidemment au calibre de l'artillerie principale, mais on a vu que les grands croiseurs légers avaient un poids de bordée par minute qui pouvait être égal à 150 % de celui des croiseurs lourds, et pour le reste, déplacement et puissance des moteurs, les caractéristiques étaient identiques, et le blindage comparable pouvant atteindre 140 mm, le double de celui des premiers croiseurs lourds, qui avaient été mis en service dix ou douze ans plus tôt.

Les croiseurs lourds des pays non-signataires du traité de Londres[modifier | modifier le code]

La classe Admiral Hipper[modifier | modifier le code]

En Allemagne, Adolf Hitler, parvenu au pouvoir puis devenu Führer du Reich, proclamait sa volonté de s'affranchir du traité de Versailles et lançait une politique de réarmement, qui, dans le programme de constructions navales de 1934, comportait deux croiseurs qui ne respectaient aucunement les limites de déplacement fixées par le traité de Versailles. Dès lors que l'Allemagne n'était partie ni au traité de Washington, ni au traité de Londres, il n'y avait plus aucune limite à un réarmement naval allemand. Le Royaume-Uni, à l'insu des signataires du traité de Versailles, et en particulier de la France, a alors résolu de négocier avec le Troisième Reich un Traité naval germano-britannique aux termes duquel la marine allemande aurait le droit de disposer d'une flotte de surface, dans la limite de 35 % du déplacement global de chaque grande catégorie de navires de la Royal Navy de l'époque.

L'Admiral Hipper avant qu'il soit doté d'une proue "atlantique" et d'un capot de cheminée, à la fin de 1939

Aux termes de l'accord du , la Kriegsmarine s'est donc vue reconnaître la possibilité de disposer de cinq croiseurs lourds, cinq ans après que le traité de Londres avait décidé de bloquer la construction de navire de ce type. Elle a ainsi pu bénéficier de l'expérience des autres marines. Les deux premières unités ont été mises sur cale, en pour l'Admiral Hipper, et en pour le Blücher. L'armement principal était de huit canons de 203 mm[57] en quatre tourelles doubles, l'artillerie secondaire de six pièces doubles de 105 mm[58], le blindage avait une épaisseur de 80 mm en ceinture et 20 à 50 mm sur les ponts. Les machines (douze chaudières à ultra haute pression alimentant trois ensembles de turbines à engrenage entrainant trois hélices) développaient 132 000 ch, pour une vitesse maximale atteignant 32 nœuds, mais, comme sur la classe Scharnhorst, leur fonctionnement a posé plusieurs fois problème en opération. Le déplacement atteignant près de 14 000 tonnes (18 600 tonnes à pleine charge) n'avait plus rien à voir avec les limitations du traité de Washington de 1922[59].

La troisième unité de la classe Admiral Hipper, le Prinz Eugen, a été achevé en 1940, et a rejoint la Flotte en , pour accompagner le Bismarck. Pour les deux dernières unités, initialement prévues au programme de 1936, avec douze canons de 150 mm[60], le Seydlitz , parvenu à 95 % d'achèvement, est resté inachevé, puis a été démantelé en 1942, pour le transformer en porte-avions, mais il n'était pas achevé, dans cette nouvelle forme non plus, en 1945. Le Lützow, lancé en 1939, a été vendu inachevé à l'Union soviétique, qui en a pris livraison en [61], l'a utilisé en batterie côtière, mais n'avait pas les capacités d'en achever la construction.

On observera qu'en 1940, la Kriegsmarine a reclassé en « croiseurs lourds » les deux unités restantes de la classe Deutschland bien que le calibre de 280 mm de leur artillerie principale eût largement excédé la limite de 203 mm fixée par le traité naval de 1922.

La classe Kirov[modifier | modifier le code]

Le Molotov n'avait pas la structure "quadripode" à l'avant, caractéristique du Kirov et du Voroshilov

L'Union soviétique a achevé, au bout de vingt ans, la construction d'un croiseur de 8 000 tonnes, mis sur cale en 1913, baptisé Amiral Lazarev de la classe Admiral Nakhimov, à son lancement en 1916, resté inachevé de 1917 à 1924, rebaptisé Krasny Kavkaz (Caucase Rouge en russe), mis en service en 1932 dans la Marine soviétique. Il était armé de quatre pièces d'un nouveau canon de 180 mm[62], en tourelles simples axiales, car sa coque avait été jugée de construction trop légère pour supporter l'artillerie de 203 mm, initialement souhaitée. En 1935, la décision a été prise de construire six croiseurs armés de ce nouveau canon, en trois séries de deux unités, la première paire étant mise sur cale en 1935, au chantier Ordjonikidze de Leningrad, la seconde en 1936 au Chantier naval Marti Sud (en) à Nikolaïev, la troisième au chantier naval de l'Amour à Komsomolsk. Ils ont porté des noms de personnages célèbres de l'Union soviétique. Avec un déplacement de moins de 10 000 tonnes (8 800 tonnes, et 11 500 tonnes à pleine charge) et avec une artillerie principale d'un calibre intermédiaire entre 155 mm et 203 mm, ils auraient eu exactement les caractéristiques des croiseurs lourds stipulées par le traité de Londres de 1930, s'ils n'avaient pas été construits plus de 5 ans après que la construction de ce type de navire avait été bloquée, par ce même traité, auquel, au demeurant, l'Union soviétique n'était pas partie.

Les Soviétiques ont cherché l'aide de firmes américaines ou du Troisième Reich allemand pour construire des super-cuirassés, ou pour des croiseurs, on vient de le voir plus haut, en particulier pour l'artillerie principale, finalement sans succès, mais pour les coques et les machines de cette classe de croiseurs, ce fut l'Italie qu'ils sollicitèrent avec succès. Avec la coopération de l'entreprise Ansaldo, ces croiseurs furent conçus sur la base de la classe Raimondo Montecuccoli pour la coque, et de la classe Duca d'Aosta pour les machines. Mais ceci entraina des difficultés lorsqu'il s'est agi d'installer des tourelles triples de 180 mm sur une coque qui n'avait qu'un mètre de plus en largeur maximale que celle où la Regia Marina italienne avait installé des tourelles doubles de 152 mm. Ceci a conduit à installer les trois canons de chaque tourelle sur un berceau commun, mais la proximité des tubes provoquait une dispersion importante entre les obus d'une même salve.

Le blindage de ceinture, des ponts et des tourelles n'avait que 50 mm d'épaisseur sur le Kirov et le Maxime Gorki. Il fut porté à 70 mm pour les autres unités. Des catapultes étaient installées entre les cheminées. Les machines, de construction italienne pour le Kirov, manquèrent d'atteindre d'un nœud la vitesse maximale escomptée de 37 nœuds, parce que le déplacement prévu était dépassé de 500 tonnes, mais sur les unités construites en Mer Noire, comme le Voroshilov, dont les machines étaient de fabrication soviétique, la vitesse prévue fut atteinte[63].

La classe Kirov n'ayant pas donné pleinement satisfaction, six croiseurs déplaçant 11 000 tonnes (15 000 tonnes à pleine charge), la classe Tchapaïev, ont été mis sur cale de 1938 à 1940, et lancés pour quatre d'entre eux en 1940-1941. Prévus pour porter quatre tourelles triples de 150 mm, pointant en élévation à 50°, c'étaient typiquement de « grands » croiseurs légers. Ils sont entrés en service, on le verra plus loin, vers 1949-1950[64].

Les croiseurs conçus pendant la guerre[modifier | modifier le code]

La tendance de la construction navale militaire est souvent d'aller vers des bâtiments plus puissants et d'un déplacement accru. Ce fut le cas pour les croiseurs-cuirassés au début du XXe siècle, puis pour les dreadnoughts et les croiseurs de bataille de la course aux armements du Royaume-Uni britannique et de l'Empire allemand, enfin pour les cuirassés entre les États-Unis et l'empire du Japon au début des années 1920. Les traités de limitation des armements navals ont posé le problème en d'autres termes, obligeant à concilier les besoins tactiques et stratégiques des marines et le respect, fût-i0 il formel, des stipulations des traités.

Les croiseurs anti aériens alliés[modifier | modifier le code]

Pour les amirautés, la Défense Contre Avions est devenue une préoccupation majeure, mais la légèreté des avions a d'abord permis de trouver des solutions dans des armements de faible poids, ce qui a conduit à installer l'artillerie anti-aérienne sur des bâtiments de faible tonnage, au plus des conducteurs de flottilles de destroyers ou des éclaireurs de la flotte. On va les évoquer ci-dessous, parce qu'avec l'accroissement du poids des avions on verra, après la guerre, une tendance à donner une vocation principalement anti-aérienne aux grands croiseurs légers.

La classe Dido[modifier | modifier le code]

Le Royaume-Uni avait mis en construction, simultanément à la classe Fiji, une série de seize croiseurs légers, armés d'une artillerie à double usage, la classe Dido. D'un déplacement de moins de 6 000 tonnes, ils devaient porter cinq tourelles doubles de 5,25 pouces (133,35 mm), du modèle de celles installées comme artillerie secondaire sur les cuirassés de la classe King George V[65]. Conçus peu de temps avant la guerre, ils ont été mis en service de fin à début . Compte tenu de l'indisponibilité relative de cette artillerie, trois unités ne reçurent que quatre tourelles, et deux autres n'eurent que des pièces de 4,5 pouces (114 mm)[66].

La classe Atlanta[modifier | modifier le code]

Les États-Unis ont suivi la même voie, avec la classe Atlanta, dont les premières unités ont été mises en service de fin à . Ces croiseurs légers, déplaçant 6 000 tonnes, portaient, pour les quatre premiers, huit tourelles doubles de 127 mm, à double usage[67]. Mais ils souffraient de n'avoir que deux postes de direction de tir contre-avions. Conçus comme conducteurs de flottilles de destroyers, et donc dotés de tubes lance-torpilles, qui n'avaient plus été portés par des croiseurs américains depuis la classe Pensacola, ils avaient une vitesse maximale opérationnelle de 33 nœuds, un peu faible pour une telle mission[68].

Les grands croiseurs légers de la classe Cleveland[modifier | modifier le code]

Le grand croiseur léger USS Cleveland, à la mer en fin 1942

L'U.S. Navy mit ensuite en construction une très nombreuse série de grands croiseurs légers : la classe Cleveland différait de la classe Brooklyn en ce qu'elle n'avait que quatre tourelles triples de 152 mm au lieu de cinq, mais une artillerie secondaire renforcée de douze pièces de 127 mm à double usage, du même modèle que sur l'USS Wichita, mais en tourelles doubles, comme cela avait été fait sur les deux dernières unités de la classe Brooklyn, les USS St. Louis et Helena. La Défense Contre-Avions à courte portée comprenait de 8 à 28 pièces Bofors de 40 mm[69] et de 10 à 21 pièces Oerlikon de 20 mm[70]. Le blindage avait une épaisseur de 127 mm en ceinture, 76 mm sur le pont principal et 25 mm sur le pont inférieur. Les machines, développant 100 000 ch assuraient une vitesse maximale de 33 nœuds[68],[71]. L'efficacité de ces croiseurs de 10 000 tonnes a tenu à la grande cadence de tir de leur artillerie principale, 8 à 10 coups par minute, conjuguée à leurs quatre postes de contrôle de tir à double usage, mettant en œuvre le système MK 37 GFCS (en) couplé avec les radars.

Au moment de Pearl Harbor, quatre unités étaient déjà en service. Sur les trente-neuf croiseurs prévus, trois seront finalement annulés et neuf transformés pendant la construction en porte-avions légers : la classe Independence.

Les croiseurs lourds de la classe Baltimore[modifier | modifier le code]

Le croiseur lourd USS Baltimore.

La série de quatorze croiseurs armés de canons de 203 mm, la classe Baltimore, dont les coques ont été lancées de à , était la première, dans la Marine des États-Unis, à s'affranchir des limites de déplacement des traités de désarmement naval, avec un déplacement normal de 13 700 tonnes. Les dimensions de coque étaient un peu supérieures à celles des classes précédentes (longueur : 205 m, largeur : 21,59 m). Les canons de 203 mm/55 Mk 15[72], qui avaient déjà été installés sur l'USS Wichita et le seront ultérieurement sur les dernières unités de la classe New Orleans pesaient près de deux fois moins que ceux des premiers croiseurs lourds des années 1930 (17,45 t au lieu de 30,48 t)[73], et pouvaient tirer des obus beaucoup plus lourds de 152 kg, au lieu de 118 kg. De surcroît, ils étaient montés sur des berceaux indépendants dans chaque tourelle, avec un entraxe entre les pièces plus important (1,70 m au lieu de 1,17 m), et avec une vitesse initiale réduite (762 m/s ou 823 m/s[Note 8], au lieu de 914 m/s ou 853 m/s[Note 9]) , d'où il résultait une dispersion inférieure pour les tirs en salves. L'artillerie secondaire de 127 mm était identique à celle de la classe Cleveland, mais la Défense Contre-Avions rapprochée était beaucoup plus considérable avec 48 pièces de 40 mm, principalement en affûts quadruples, et 22 à 28 pièces de 20 mm. La ceinture blindée atteignait 152 mm d'épaisseur. Les machines développaient 120 000 ch et assuraient une vitesse maximale de 33 nœuds[74]. Pour leur construction, ils ne bénéficièrent pas de la même priorité que la classe Cleveland. Douze unités auront été lancées avant la capitulation japonaise, mais huit seulement auront été en service pendant la Seconde Guerre mondiale.

Les grands croiseurs de la classe Alaska[modifier | modifier le code]

Le grand croiseur USS Alaska.

La série suivante de grands croiseurs américains était d'un type très particulier, puisqu'il s'agissait de bâtiments déplaçant environ 30 000 tonnes, armés de neuf canons de 305 mm et de douze canons de 127 mm, portant une ceinture blindée atteignant 203 mm d'épaisseur, et dont les machines développant 150 000 ch donnaient une vitesse maximale de 33 nœuds. Ils faisaient beaucoup penser à une sorte de croiseurs de bataille, mais la position officielle est qu'ils étaient une extrapolation de la classe Baltimore, destinée à la protection des porte-avions. Leur protection n'était en effet absolument pas au niveau d'un cuirassé moderne, tant pour la protection sous marine et le compartimentage que pour le blindage qui n'absorbait que 16 % du déplacement, contre 36 % pour la classe Dunkerque, avec une cuirasse de ceinture de 203 mm d'épaisseur, très inférieure à celle du Scharnhorst (330 mm), égale à celle du Hiei .

Deux unités de cette classe Alaska furent mises en service en 1944, la troisième était inachevée à la fin de la guerre et ne fut jamais terminée, les trois dernières furent annulées[75].

Les derniers croiseurs de la guerre[modifier | modifier le code]

De 1942 à 1944, les quatre premières unités de la classe Oakland, croiseurs légers anti-aériens, sous-classe de la classe Atlanta ont été lancées. Pour corriger les défauts évoqués plus haut, le nombre des canons de 127 mm a été réduit de seize à douze, tout en ajoutant des postes de contrôle de tir, couplés avec des radars et dédiés aux canons antiaériens de 40 mm, dont le nombre était augmenté. L'U.S. Navy avait ensuite le projet de deux classes de croiseurs, basés sur les classes Cleveland et Baltimore, qui n'en différaient que par le fait de n'avoir qu'une cheminée, pour disposer d'arcs de tir plus importants pour l'artillerie anti-aérienne. Mais les classes Fargo et Oregon City, initialement prévues pour treize et huit unités, n'eurent respectivement que deux et quatre unités achevées, et aucune pendant la guerre[75].

Du côté de la Royal Navy, les constructions de grands croiseurs se sont limitées à huit coques, la classe Minotaur, pour des croiseurs correspondant à une continuation de la classe Fiji. Mais à partir de 1942, ces constructions n'ont plus eu priorité, et trois bâtiments seulement ont été achevés avant la fin de 1945. Le NCSM Ontario, cédé à la Marine Royale canadienne en 1944, sous le nom d'Ontario, n'a pas eu d'activité opérationnelle pendant la guerre, le HMS Swiftsure a participé à la campagne d'Okinawa au printemps 1945, et le HMS Superb n'a été armé pour essais qu'en . Deux unités ont eu leur contrat de construction annulé à la fin de la guerre[76]. Trois unités ont constitué la classe Tiger dont la mise en service comme croiseurs anti-aériens n'intervint, on le verra plus loin, qu'à la fin des années 1950[77]. Les projets de croiseurs ayant un déplacement de 15 700 tonnes (près de 19 000 tonnes à pleine charge), armés de quatre tourelles triples de 152 mm, ou de cinq tourelles doubles de 152 mm à double usage, à tir rapide, n'auront jamais connu d'autre réalisation que la mise au point de cette artillerie, qui aura été mise en place sur la classe Tiger[78].

Du côté des puissances de l'Axe, la priorité pour l'Allemagne est allée aux sous-marins et pour le Japon, aux porte-avions, de sorte qu'il n'y a eu aucune construction de grands croiseurs, mais seulement l'achèvement de quatre unités d'une série prévue de douze petits croiseurs, la classe Capitani Romani[79], pour l'Italie. En France, la coque du croiseur De Grasse restée inachevée à Lorient de 1940 à 1944 a permis la construction d'un croiseur anti-aérien à la fin des années 1950.

En Suède, deux croiseurs d'un déplacement de 9 000 tonnes ont été commandés. Conçus avec le concours des Cantieri Riuniti dell'Adriatico, et prévus pour être armés de trois tourelles triples de 150 mm, ils n'ont reçu qu'une tourelle triple à l'avant et deux tourelles doubles à l'arrière, dont la société Bofors disposait, qui avaient été fabriquées pour équiper deux croiseurs néerlandais mis sur cale en 1939. Ils ont été lancés, le Tre Kronor en , et le Göta Lejon en .

Croiseurs lourds et grands croiseurs légers au feu[modifier | modifier le code]

En , l’US Navy aligne dix-huit croiseurs lourds, la plus importante flotte du monde devant les quatorze unités de la Marine impériale japonaise et les treize de la Royal Navy.

De 1939 à 1941, dans l'Atlantique et en Méditerranée[modifier | modifier le code]

La fonction traditionnelle d'éclairage des flottes de cuirassés n'a pas été primordiale pour les croiseurs lourds pendant la Seconde Guerre mondiale, d'abord parce que les croiseurs légers y étaient plutôt mieux adaptés, ensuite par ce qu'il n'y eut plus pour diverses raisons d'affrontements entre flottes de cuirassés. En revanche, les croiseurs lourds s'affrontèrent pour la sécurité des routes commerciales maritimes, et c'est ainsi que, le , le petit croiseur lourd britannique HMS Exeter accompagné de deux croiseurs légers, eut à affronter le cuirassé de poche allemand Admiral Graf Spee, à la bataille du Rio de la Plata et l'a contraint à se réfugier à Montevideo, où il s'est sabordé[80].

Contexte[modifier | modifier le code]

En 1940, la guerre terrestre en Europe de l'Ouest s'est étendue à la Méditerranée et la guerre navale aux océans atlantique et indien. En 1941, la guerre terrestre s'est étendue d'abord à l'est de l'Europe puis le Pacifique occidental s'est enflammé sur terre et sur mer.

L'année 1940 a été marquée par l'irruption de l'aviation dans la guerre navale, au cours de la campagne de Norvège. Celle-ci avait été souhaitée par le grand-amiral Raeder qui souhaitait que la Kriegsmarine puisse sortir de la « baie allemande » où avaient été confinées les forces de surface de la Kaiserliche Marine de 1914 à 1918. L'objectif a été atteint, mais à un coût élevé en croiseurs et destroyers perdus ou endommagés. La défaite française fournit des bases avancées aux sous-marins allemands dans l'Atlantique, mais la proximité de l'Angleterre réduit l'intérêt des bases bretonnes pour les grands bâtiments allemands de surface, à un moment où la Seekriegsleitung (en) n'a pas fait de choix clair pour la guerre au trafic maritime allié entre les raiders de surface et les sous-marins.

Mais la prédominance de l'aviation, à l'époque, est celle de l'aviation basée à terre. Ainsi, en Méditerranée occidentale où il n'y a plus que des côtes au mieux neutres à l'égard du Royaume-Uni, la position de Malte devient stratégiquement importante. En 1941, l'aviation embarquée, si balbutiante soit-elle, est prépondérante par rapport aux croiseurs, dans les succès britanniques, à Matapan ou contre le Bismarck. Mais la supériorité aérienne allemande dépend de l'engagement de la Luftwaffe, qui doit aussi intervenir en Russie. L'année s'achève par une série de coups durs pour les Britanniques et les Américains, trois cuirassés détruits, deux gravement endommagés et un porte-avions coulé pour les premiers et deux cuirassés détruits et cinq gravement endommagés pour les seconds.

Détail des opérations[modifier | modifier le code]

En 1940[modifier | modifier le code]
Le Blücher, chaviré, dans le fjord d'Oslo, début

En , les croiseurs lourds allemands se retrouvèrent à assurer la couverture rapprochée des débarquements allemands en Norvège, opérations qui n'ont pas été sans risques, car devant Trondheim, l'Admiral Hipper y fut avarié, et à l'attaque du fjord d'Oslo, le Blücher a été coulé tandis que le Lützow (ex-Deutschland) était sévèrement endommagé[81]. Réparé, l'Admiral Hipper a participé au début de l'opération Juno, et à la destruction du SS Orama, mais pas à la destruction du HMS Glorious et de son escorte, le .

Le HMS Dorsetshire, ici à l'arrière-plan, escortant dans l'Atlantique un convoi début , a été très impliqué dans la surveillance du cuirassé français Richelieu réfugié à Dakar, fin juin-début juillet.

Les croiseurs lourds britanniques de la classe County, HMS Dorsetshire, HMS Cumberland, HMS Cornwall et HMS Devonshire participèrent, à l'été 1940, à la surveillance des navires français, pour les opérations Catapult[82] et Menace à Dakar où le HMAS Australia a désemparé le grand contre-torpilleur L'Audacieux et le HMS Cumberland a été endommagé[83],[84]. À la suite de l'opération Catapult, les trois croiseurs lourds de la Force X française de l'amiral Godfroy se sont trouvés démilitarisés dans le port d'Alexandrie, pendant trois ans[85].

Le HMS Southampton à la bataille du cap Teulada (27-)

Pendant l'été et l'automne 1940, aux batailles de Punta Stilo, en juillet, et du cap Teulada, fin novembre, les croiseurs italiens[Note 10] et britanniques[Note 11], ceux-ci aux ordres respectivement du vice-amiral Tovey à la première bataille et du vice-amiral Holland à la seconde, ont retrouvé pour un temps leur rôle de forces d'éclairage des cuirassés[86].

À l'automne 1940, lorsqu'il n'a plus été question d'un débarquement allemand en Angleterre, les grands bâtiments de surface allemands ont été disponibles pour attaquer dans l'Atlantique les convois alliés que harcelaient déjà une demi-douzaine de raiders de surface et les sous-marins du vice-amiral Dönitz. Ils y ont affronté les croiseurs britanniques. Ainsi le , l'Admiral Scheer, reclassé croiseur lourd, a envoyé par le fond le croiseur auxiliaire HMS Jervis Bay dont le sacrifice a contribué à sauver la plupart des trente-six bateaux du convoi qu'il protégeait, sauf cinq. La croisière de l'Admiral Scheer a encore duré cinq mois, il n'est rentré à Kiel que le , ayant parcouru plus de 45 000 nautiques et coulé dix autres navires marchands[87]. Quelques semaines plus tard, le , au large des côtes portugaises, le HMS Berwick, accompagné de deux croiseurs légers, a engagé l'Admiral Hipper et l'a détourné d'une attaque d'un convoi de troupes destiné à renforcer les forces britanniques qui s'apprêtaient à déclencher leur contre-offensive en Égypte. La croisière de l'Admiral Hipper aura été plus courte, il est rentré à Brest deux jours plus tard[87].

En 1941[modifier | modifier le code]

Parce que la menace aérienne était très forte, et parce que les grands croiseurs légers, plus récents, étaient mieux armés contre cette menace que les croiseurs lourds de première génération, les croiseurs de la classe Town et de la classe Fiji, furent fortement engagés en Méditerranée. En , le HMS Southampton fut perdu à la suite d'attaques de Stuka, qui endommagèrent aussi le HMS Gloucester après que la Luftwaffe a été appelée au secours, et que le Deutsches Afrikakorps allait bientôt débarquer en Libye[88].

Le HMS York repose sur le fond en baie de la Sude, en

À la fin janvier-début , l'amiral Lütjens, Chef de la Flotte, partant de Kiel, réussit à faire passer dans l'Atlantique les croiseurs de bataille Gneisenau et Scharnhorst pour attaquer les convois britanniques (Opération Berlin). Mais les convois arrivant chargés des États-Unis étaient accompagnés de cuirassés lents, mais plus puissamment armés que les navires allemands. L'amiral allemand fut donc contraint de se limiter à attaquer des navires revenant à vide, sans escorte[89]. Rentrés à Brest à la mi-mars, les croiseurs de bataille allemands, attaqués par l'aviation britannique, y ont été immobilisés pour réparations[90].

Quelque temps avant l'attaque des forces allemandes sur la Crète, le 25-, le HMS York se retrouva immobilisé en baie de la Sude à la suite d'une attaque des hommes-grenouilles de la Decima MAS italienne. Attaqué par l'aviation allemande, il sera mis hors de combat volontairement par les Britanniques, avant l'occupation de l'île par les Allemands, fin mai[91].

La bataille de Matapan (fin )[modifier | modifier le code]

Le au matin, dans le but d'intercepter les convois britanniques entre la Grèce et l'Égypte, l'amiral Iachino, commandant la Flotte italienne qui a sa marque sur le cuirassé Vittorio Veneto, est à la mer, avec huit croiseurs, la 1re division de croiseurs de l'amiral Sansonetti (Trieste, Trento, Bolzano), la 3e division de l'amiral Cattaneo (Zara, Fiume, Pola), rassemblant ainsi tous les croiseurs lourds italiens, sauf le Gorizia, et la 5e division, les deux grands croiseurs légers Giuseppe Garibaldi et Duca degli Abruzzi. Ils ont repéré, au sud de la Crète, et attaqué trois croiseurs légers (HMS Orion, Perth, Ajax) de la classe Leander et le HMS Gloucester[92]. Ceux-ci, aux ordres du vice-amiral Pridham-Wippell, Commandant-en-second de la Mediterranean Fleet, se sont dérobés à la faveur d'une attaque des avions-torpilleurs du porte-avions HMS Formidable qui accompagnait trois cuirassés, dont le HMS Warspite sur lequel l'amiral Andrew Cunningham, commandant de la Méditerranean Fleet avait sa marque[93].

Pendant plusieurs autres attaques de l'aviation embarquée britannique, le cuirassé amiral italien a été endommagé mais peu ralenti. Le croiseur Pola a été immobilisé[94]. Au cours de la nuit, les trois croiseurs, Zara, Fiume et Pola de l'amiral Cattaneo ont été coulés au canon par les cuirassés britanniques au large du cap Matapan[95],[96].

Le , lors de la bataille de Crète, le HMS Fiji et le HMS Gloucester furent coulés tous les deux par l'aviation allemande alors qu'ils étaient près d'avoir épuisé leurs munitions contre-avions[91].

« Coulez le Bismarck ! » (fin )[modifier | modifier le code]
L'explosion du HMS Hood vue par le commandant du HMS Prince of Wales

Un nouveau raid des forces de surface de la Kriegsmarine a eu lieu à la fin (Opération Rheinübung). L'amiral Lütjens, avec sa marque sur le Bismarck, a quitté Gdynia avec le croiseur lourd Prinz Eugen pour passer dans l'Atlantique par l'ouest de l'Islande. Dans la nuit du 23 au 24 mai, les croiseurs lourds HMS Norfolk et Suffolk ont repéré les navires allemands au nord-est de l'Islande et ont gardé le contact radar avec eux pendant vingt-quatre heures. Le 24 mai au matin, dans le détroit de Danemark, le Bismarck a fait exploser le croiseur de bataille HMS Hood et endommagé le cuirassé HMS Prince of Wales. Toutefois, endommagé lui-même, le Bismarck n'a pas poursuivi sa mission et a mis le cap sur Brest. Une attaque de l'aviation embarquée du HMS Victorious n'a pas réussi à le ralentir. Comme le cuirassé allemand avait démontré sa puissance de feu contre les cuirassés britanniques, la menace était terrible pour les convois. L'ordre du Premier ministre britannique Winston Churchill a été impératif : « Coulez le Bismarck ! » et toutes les forces disponibles ont été rameutées contre lui. Ainsi le cuirassé HMS Rodney a délaissé le convoi qu'il escortait, pour rejoindre l'amiral Tovey, Commandant-en-Chef de la Home Fleet, qui menait la chasse sur le cuirassé HMS King George V.

Une centaine de survivants du Bismarck ont été recueillis par le croiseur lourd britannique HMS Dorsetshire

Le Bismarck a réussi à semer ses poursuivants mais, n'en ayant pas conscience, il a envoyé un long message radio à Berlin qui aurait dû révéler sa position. Une erreur d'exploitation de la radiogoniométrie a conduit a égarer un temps la chasse britannique. Après quarante-huit heures de recherches, une reconnaissance aérienne à longue distance l'a repéré, mais il était normalement hors de portée. La Force H opérant à partir de Gibraltar restait la seule force susceptible d'empêcher le cuirassé allemand de gagner Brest. Le grand croiseur léger HMS Sheffield faisait partie de la Force H comme escorte du porte-avions HMS Ark Royal. Il a contribué à guider dans la tempête, le soir du 26 mai, les Sworsfishes, lors de leur attaque décisive. Enfin, après que les cuirassés HMS King George V et Rodney eurent réduit le cuirassé allemand à l'état d'épave, le 27 mai au matin, le HMS Dorsetshire a participé à l'attaque finale, en lançant plusieurs torpilles[97].

Peu après l'attaque de l'Union soviétique par l'Allemagne, Philip Vian, dont les destroyers avaient harcelé le Bismarck, au cours de sa dernière nuit, est nommé contre-amiral, fin . Il fut chargé d'assurer la liaison avec les autorités soviétiques, en particulier avec l'amiral Kusnetzov, Commissaire du Peuple à la Marine, pour établir les bases de la coopération entre les marines des deux pays, ce qui a abouti aux convois de Russie[98]. En septembre, en couvrant l'évacuation de la population civile norvégienne du Svalbard (opération Gauntlet), l'escadre du contre-amiral Vian intercepta un convoi allemand, et le grand croiseur léger HMS Nigeria a éperonné et coulé le bâtiment allemand d'entrainement d'artillerie Bremse (en)[99].

La chasse aux raiders allemands, partis d'Allemagne au printemps 1940, continuait pour les croiseurs lourds britanniques, sur les routes commerciales lointaines dont ils avaient la charge d'assurer la sécurité. Le , le HMS Cornwall a coulé en mer d'Oman le Pinguin, qui, en dix mois, avait capturé ou coulé 28 navires marchands (soit 135 500 tonneaux). Le , dans l'Atlantique Sud, le HMS Devonshire a coulé l'Atlantis . Pendant une croisière de plus de trente mois qui lui avait fait faire le tour du monde, ce raider avait arraisonné 22 navires, soit un tonnage d'environ 145 000 tonneaux. Ses rescapés, dont son commandant, Bernhard Rogge, ont été recueillis par des sous-marins allemands et italiens et ont réussi à gagner Saint-Nazaire fin 1941[100].

La guerre aéronavale s'intensifie en Méditerranée[modifier | modifier le code]

À partir de l'été 1941, en Méditerranée, les formations de la Luftwaffe, comme le X. Fliegerkorps, durent être redéployées vers les Balkans, laissant à la Regia Aeronautica italienne la charge du blocus de Malte. Les opérations de ravitaillement et de renforcement de l'île purent ainsi se dérouler en juillet (Opération Substance) et en septembre (Opération Halberd), malgré la sortie de forces de surface italiennes, deux cuirassés et quatre croiseurs lourds, qui ont été engagées avec circonspection[101].

Après que des sous-marins britanniques basés à La Valette, ont torpillé de grands transports de troupes, à destination de la Libye, une escadre, centrée sur deux croiseurs légers britanniques de la classe Arethusa, la Force K, a été basée à Malte, fin octobre. Dès le début novembre, la Force K détruisait le convoi du Duisbourg. Sur ordre exprès du Führer au vice amiral Dönitz, des sous-marins allemands, détournés de leur chasse aux navires de commerce dans l'Atlantique, ont coulé, pour l'U-81, le HMS Ark Royal en Méditerranée occidentale le , et l'U-331, le HMS Barham, le au large de la Cyrénaïque.

Une série d'opérations, rassemblées sous l'appellation de première bataille de Syrte, ont opposé, à la mi-, des forces de surface italiennes, comprenant quatre cuirassés, les croiseurs lourds Gorizia et Trento et trois grands croiseurs légers Duca d'Aosta, Raimondo Montecuccoli, Muzio Attendolo à des forces britanniques, dont les unités les plus importantes étaient des croiseurs légers de la classe Leander, de la classe Arethusa, ou de la classe Dido, constituant la Force K, ou la 15e Division de Croiseurs, du contre-amiral Vian, basée à Alexandrie. L'issue de ces rencontres, apparemment inégales, a été assez incertaine[102], et, d'ailleurs, les pertes subies par les Britanniques n'ont pas été infligées par les forces de surface, mais ont résulté d'attaques de sous-marins (pour le HMS  Galatea, le ) ou de mines (pour le HMS Neptune, le )[103].

Dans le même temps, des hommes-grenouilles italiens endommageaient gravement les HMS Queen Elizabeth et HMS Valiant, le [103].

De à [modifier | modifier le code]

L'extension de la guerre dans le Pacifique conduit à traiter distinctement cette partie du conflit où les tactiques et les doctrines d'emploi des navires ont été sensiblement différentes de ce qu'elles étaient dans l'Atlantique. On aura garde cependant d'oublier d'une part la concomitance de certains évènements, ainsi les principales opérations de convois de Malte en 1942 ont eu lieu au moment même des combats dans les Indes Orientales néerlandaises et des batailles de la mer de Corail ou de Midway, les batailles navales les plus violentes autour de Guadalcanal ont lieu au moment de l'attaque du convoi PQ-17, ou ont suivi de quelques jours le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord. Et il y a au-delà des coïncidences dans le temps, des relations en termes de stratégie, le repli de la Flotte britannique d'Orient vers l'Afrique Orientale et l'attaque de Madagascar sont intimement liés à la sécurité du renforcement de la VIIIe Armée britannique qui va arrêter la progression de Rommel à la première bataille d'El Alamein.

L'entrée en guerre des États-Unis a tout d'abord ouvert de nouveaux terrains d'attaque aux U-boote (Opération Paukenschlag) alors que l'US Navy n'a pas encore acquis la maîtrise des tactiques de la lutte anti sous-marine. En ce qui concerne les croiseurs, comme avec l'USS Savannah, l'Atlantic Fleet va renforcer la surveillance des forces navales françaises stationnées aux Antilles. Mais assez vite, des bâtiments américains vont participer aux côtés de la Royal Navy à des opérations d'escorte des premiers convois de Russie (cuirassé USS Washington, croiseurs lourds USS Tuscaloosa et USS Wichita), ou le convoyage d'avions vers Malte (USS Wasp). Si certains navires ont opéré successivement dans l'Atlantique ou en Méditerranée puis dans le Pacifique, comme l'USS Massachusetts et les porte-avions d'escorte de la classe Sangamon, ce ne fut pas le cas général, alors que la Royal Navy a fait passer en 1942-1943, porte-avions d'escadre, croiseurs et destroyers de la Home Fleet à la Mediterranean Fleet et inversement plusieurs fois dans l'année, au gré des besoins stratégiques.

Janvier- - L'enjeu hautement stratégique de la défense de Malte[modifier | modifier le code]

La fin de l'année 1941 a été funeste, on l'a vu, pour les forces de surface de la Flotte britannique de Méditerranée, laissant à la seule R.A.F. la charge de disputer à la flotte italienne le contrôle de la Méditerranée centrale. Avec le retour en Sicile du II. Fliegerkorps, à la mi-, le résultat ne se fit pas attendre : alors qu'en décembre 40 000 tonnes de matériel et d'essence avaient été acheminées en Libye, ce furent, de janvier à mars, 110 000 tonnes de matériel et 63 000 d'essence, et en avril-mai 246 000 tonnes de matériel et 66 000 tonnes d'essence : dès la mi- les forces de l'Axe contre-attaquaient en Cyrénaïque[104].

Jusqu'en février, le ravitaillement de Malte depuis Alexandrie fut plus ou moins bien assuré par des convois de quelques navires qu'escortaient des destroyers ou les croiseurs légers de l'amiral Vian, bénéficiant de la couverture de l'aviation britannique basée sur les terrains de la Cyrénaïque[105]. Mais la situation de Malte empira avec la progression des forces italo-allemandes qui prirent Bengazhi, et étaient parvenues à Gazala, le . Les terrains d'aviation de Cyrénaïque sont alors aux mains des Allemands : les convois alliés de Malte depuis Alexandrie n'ont plus de couverture aérienne, sur la fin de leur parcours.

La seconde bataille du golfe de Syrte ()[modifier | modifier le code]
Le HMS Cleopatra tendant un rideau de fumée (photo prise du HMS Euryalus), pendant la seconde bataille du golfe de Syrte.

Cependant, le , après que son navire amiral (HMS Naiad) a été torpillé et coulé le , le contre-amiral Vian mit sa marque sur un nouveau croiseur léger arrivé de Gibraltar au début de février, le HMS Cleopatra, et appareilla d'Alexandrie pour renforcer avec les deux croiseurs restants de la 15e Escadre de Croiseurs, HMS  Dido et Euryalus, l'escorte d'un convoi pour Malte qu'accompagnait un petit croiseur anti-aérien, le HMS Carlisle. De son côté, la Supermarina, le Commandement supérieur de la Regia Marina italienne dépêcha le cuirassé Littorio parti de Tarente et les croiseurs lourds Trento et Gorizia ainsi que le croiseur léger Bande Nere partis de Messine pour intercepter ce convoi. Le HMS Penelope arrivant de Malte rejoignit à la mer l'escorte britannique[106]. Dans cette seconde bataille de Syrte, les croiseurs et destroyers d'escorte britanniques réussirent à maintenir les navires de charge hors de portée des grands bâtiments de guerre italiens pendant plusieurs heures en fin d'après-midi du , profitant du mauvais temps, tendant des rideaux de fumée dont ils ne sortaient que pour canonner l'adversaire ou lui lancer des torpilles. À la tombée de la nuit, l'amiral Iachino décrocha du combat car il ne disposait toujours pas de radars. Il était peu soucieux de renouveler l'expérience du combat de nuit qui avait été funeste à sa flotte, un an avant, au large du cap Matapan. Dans la tempête qu'elle a dû affronter sur la route du retour, l'escadre italienne a perdu deux destroyers. Les navires de guerre britanniques furent loin de s'en tirer sans dommage. Le reste du convoi eut à peine le temps de débarquer 20 % de sa cargaison à Malte que l'aviation allemande aura coulé tous les navires de charge, parmi lesquels le transport rapide HMS Breconshire[107],[108]. « L'ennemi eut donc le dernier mot » a reconnu l'amiral de la Flotte Sir Philip Vian[109] mais la disparité des forces en présence était telle que ce résultat incertain a été vu comme une victoire britannique.

Fin mars, le HMS Carlisle et quatre destroyers sont rentrés à Alexandrie. Le HMS Aurora qui avait été torpillé en décembre et était en réparations à Malte, rejoignit Gibraltar. Le HMS Penelope fit de même en avril. Deux destroyers endommagés, en réparations à Malte, ont été coulés lors d'attaques aériennes[110]. L'affaiblissement de la Mediterranean Fleet fut entériné par le départ de l'amiral Cunningham de son poste de Commandant-en-Chef, et son remplacement par le vice-amiral Henry Harwood.

Au cours du mois et demi qui suivit la bataille du golfe de Syrte, Malte ne fut plus ravitaillée que par avion ou par sous-marin. Cependant, le général Rommel qui jusqu'alors avait été partisan d'une attaque directe pour occuper Malte, sollicita et obtint, parce qu'il était préoccupé de lancer son offensive vers l'Égypte, que le II. Fliegerkorps fût mis à sa disposition pour quinze jours et que l'assaut sur Malte fût différé de trois semaines[111]. Le , le porte-avions américain USS Wasp venant de Gibraltar, escorté du HMS Renown et du HMS Charybdis, déposa 48 Spitfire pour renforcer l'aviation basée à Malte. Des attaques aériennes allemandes les auront tous détruits dans les trois jours qui suivirent.

Le croiseur italien Raimondo Montecuccoli était la seconde unité de la 7e division de croiseurs.

À partir du , le II. Fliegerkorps dut finalement commencer à faire mouvement vers la Russie, tandis que, le , le USS Wasp et le porte-avions HMS Eagle, accompagnés de la même escorte, délivraient à nouveau une soixantaine de Spitfire[111]. Les leçons du fiasco précédent avaient été tirées et les nouveaux arrivants ont cette fois abattu ou endommagé une cinquantaine de leurs assaillants au-dessus de l'île, ne perdant que trois appareils. La capacité de riposter aux attaques aériennes contre Malte s'en trouva reconstituée.

Pour ravitailler Malte depuis Gibraltar, la Royal Navy a utilisé parfois ses mouilleurs de mines qui étaient dotés d'une grande vitesse, et en particulier en , le HMS Welshman. Pour avoir plus de chances de l'intercepter, la Supermarina a basé à Cagliari la 7e division de croiseurs, les croiseurs Montecuccoli et Eugenio di Savoia[112].

Les opérations Vigorous et Harpoon ()[modifier | modifier le code]

À la mi-juin, deux opérations, Vigorous et Harpoon, furent lancées pour ravitailler Malte en nourriture et en essence. Selon l'amiral de la Flotte Sir Philip Vian, l'opération Vigorous était destinée à faire diversion par rapport à l'opération Harpoon[113].

Bombardé le dans l'après-midi, le destroyer HMAS Nestor a du être sabordé le 16 au matin.
L'opération Vigorous[modifier | modifier le code]

Pour l'opération Vigorous, ce sont 11 navires qui ont quitté Haïfa et Port-Saïd, le , escortés du petit croiseur léger anti-aérien HMS Coventry. Ils ont été rejoints par les trois croiseurs légers de la 15e Escadre de Croiseurs du contre amiral Philip Vian, renforcés des croiseurs légers HMS Arethusa et Hermione, de deux grands croiseurs légers, le HMS Newcastle, bâtiment sur lequel le contre amiral Tennant[Note 12] avait sa marque, et le HMS Birmingham de la 4e Division de croiseurs, ainsi que sept destroyers arrivés de l'Océan Indien, détachés par la Flotte britannique d'Orient.

Très vite repéré par des reconnaissances aériennes italiennes, le convoi subit des attaques aériennes qui coulèrent un cargo et obligèrent un autre à se réfugier à Tobrouk (qui ne sera occupée par les Allemands qu'une semaine après), deux destroyers furent coulés et les deux grands croiseurs légers furent endommagés. Les reconnaissances aériennes alliées signalèrent bientôt la présence à la mer de deux cuirassés de la classe Vittorio Veneto, de deux croiseurs lourds et de deux grands croiseurs légers. Aussi, l'amiral Harwood télégraphia à l'amiral Vian de faire demi-tour dans la nuit de 14 au en attendant que l'escadre italienne fût ralentie. Dans la nuit, le HMS Newcastle reçut une torpille d'un Schnellboot et un torpilleur fut coulé par un sous-marin, à l'aube, Le 15 au matin, vers h 15[114], le Trento se trouva immobilisé par une torpille d'un Beaufort. Dès qu'il l'a su, vers h[114], l'amiral Vian mit de nouveau le cap sur Malte. L'escadre italienne subit encore des attaques aériennes, dont une, menée pour la première fois par des bombardiers Liberators américains. Cette attaque n'a pas arrêté ni ralenti l'escadre italienne, ce qui rendait prévisible un contact le 16 dans la matinée. Considérant qu'un combat de jour, pendant de longues heures, par temps clair, avec des bâtiments ayant des canons d'une portée supérieure à celle des navires de l'escorte était beaucoup trop risqué et pouvait mettre les navires à court de munitions anti-aériennes avant la fin de leur mission, et informés qu'une partie du convoi parti de Gibraltar avait atteint Malte, les amiraux Vian et Harwood, après avoir tergiversé, décidèrent d'arrêter l'opération, et, dans la soirée du 15, le convoi prit définitivement la route du retour[115]. Les attaques aériennes et sous-marines se sont poursuivies contre le convoi qui a eu deux destroyers coulés, les croiseurs HMS Arethusa et Birmingham endommagés et le croiseur HMS Hermione coulé par le sous-marin allemand U-205. Quant à l'escadre italienne, elle n'a pas réussi à ramener le Trento. Celui-ci a été achevé par le sous-marin HMS Umbra [116]. Elle a continué à croiser au large des côtes de Grèce. Le cuirassé Littorio a encaissé une torpille aérienne à l'avant. Le convoi est rentré au port le dans l'après-midi[117].

L'opération Harpoon et la bataille de Pantelleria[modifier | modifier le code]

Pour l'opération Harpoon[116], cinq cargos (trois britanniques, un néerlandais, un américain) et un pétrolier américain, le SS Kentucky, transportant au total 39 000 tonnes de matériel et de carburant, avaient quitté Gibraltar, très tôt le , escorté par neuf destroyers (dont un polonais), cinq dragueurs de mines et le croiseur mouilleur de mines HMS Welshman. Le captain Hardy sur le croiseur léger anti-aérien HMS Cairo commandait cette Force X. Une imposante force de couverture (Force W) l'accompagnait, comprenant le cuirassé HMS Malaya, deux porte-avions anciens, avec seize Sea Hurricanes, huit Fulmars et dix-huit Swordfishes pour assurer la couverture aérienne, trois croiseurs, dont deux grands croiseurs légers, HMS Kenya, portant la marque du vice amiral Curteis, Commandant-en-Second de la Home Fleet et HMS Liverpool, et huit destroyers[118].

Marchant à douze nœuds, ses petites unités ravitaillées en mer par le RFA Brown Ranger (A169) (en), pétrolier auxiliaire de la Flotte, dans la journée du , le convoi fut repéré à la longitude des Îles Baléares. Tandis que des avions torpilleurs italiens ne réussissaient pas à trouver le convoi, la 7e Division de Croiseurs italienne appareilla de Cagliari mais, repérée par des sous-marins britanniques, elle mit le cap sur Palerme[119]. Dans la matinée du 14, à 150 nautiques de Cagliari, trois attaques aériennes furent menées, pendant une heure et demie, par des Junkers Ju 87 Stuka pilotés pour la première fois par des aviateurs italiens, et par des bombardiers-torpilleurs Savoia-Marchetti SM.79 avec une couverture de chasseurs Macchi. La chasse embarquée britannique abattit treize assaillants et perdit trois appareils. Le cargo néerlandais (MS Tanimbar) fut coulé et le grand croiseur léger HMS Liverpool, torpillé, touché dans ses machines, fut immobilisé[119]. Pris en remorque par un destroyer, il parvint à rentrer à Gibraltar le 17.

Le pétrolier américain Kentucky en feu sera achevé par le croiseur Raimondo Montecuccoli, le

La Force de couverture fit demi-tour à hauteur de Bizerte et le convoi doubla le Cap Bon, tandis que le HMS Welshman faisait route séparément vers Malte, à grande vitesse[119]. Le 15 au matin, la 7e Division de croiseurs italiens, repérée lorsqu'elle avait quitté Palerme, surprit les Britanniques qui avaient pensé que les croiseurs italiens ne s'aventureraient pas dans une zone située dans le rayon d'action de l'aviation basée à Malte. Le HMS Cairo fit face avec cinq destroyers, en en laissant quatre avec le convoi. De son côté, le vice amiral italien da Zara détacha deux destroyers contre le convoi et attaqua l'escorte[119]. Les destroyers britanniques lancèrent une attaque à la torpille contre les croiseurs italiens qui les repoussèrent, endommageant sévèrement les HMS Bedouin et Partridge. Mais en attaquant le convoi, le destroyer italien Ugolino Vivaldi fut immobilisé par la défense britannique[120]. Pour lui venir en aide, les croiseurs tentèrent de contourner les navires britanniques par le sud-ouest. Dans cette mêlée, les escorteurs britanniques avaient été contraints de faire disperser ce qui restait du convoi, abandonnant le cargo américain et un cargo britannique touchés par des attaques d'aviation, menaçant de couler bas, et le pétrolier américain qui brulait. Ne réussissant pas à retrouver le HMS Cairo qui a réussi à s'éloigner vers Malte avec deux cargos, les croiseurs italiens expédièrent par le fond les navires encore à flot, le cargo anglais endommagé et le pétrolier Kentucky[121]. Le HMS Partridge réussit à atteindre Malte, sans parvenir à ramener le HMS Bedouin, qui fut achevé par l'aviation italienne. Pendant que le Vivaldi rentrait à la remorque à Pantelleria, les croiseurs italiens, prévenus d'avoir à rejoindre les abords de Trapani pour 21 h 30, se retirèrent en début d'après-midi, le 15[122].

En arrivant vers Malte, les rescapés tombèrent dans un champ de mines : deux destroyers et un cargo furent endommagés, le destroyer battant pavillon polonais fut coulé[123]. Environ 15 000 tonnes de cargaison furent débarquées des deux cargos rescapés, soit un peu plus du tiers de ce qui avait été chargé initialement sur les navires du convoi. La cargaison du pétrolier avait été perdue. Le Gouverneur de Malte avertit Londres que l'île ne disposait toujours que de sept semaines de carburant.

La situation était également dramatique en matière de carburant pour la flotte italienne. L'Italie dépendait en ce qui concerne le mazout de la flotte, des livraisons de l'Allemagne. Même si la consommation au second trimestre de 1942 n'avait été que de 180 000 tonnes, 65 % de ce qu'elle avait été au second trimestre de 1941 (280 000 tonnes), elle était supérieure de plus de 50 000 tonnes à ce qui a été reçu au cours de la même période (127 000 tonnes). La priorité donnée à l'approvisionnement des navires des convois de Libye, essentiels pour l'approvisionnement des troupes à terre dans la guerre du désert, a ainsi conduit à ne plus faire sortir les cuirassés contre les convois alliés, ce que l'on va voir pour la bataille de mi-août[124].

La bataille de la mi-août (Opération Pedestal)[modifier | modifier le code]

L'offensive terrestre italo-allemande s'est déclenchée quelques jours plus tard, le . Sa progression fut rapide : Tobrouk a été pris le 21, Sidi Barrani le 24, Marsa Matruh le 26. Cette avancée rapide a persuadé Rommel et Hitler que l'attaque de Malte, l'opération Herkules, n'était plus une nécessité, la victoire leur semblait à portée de main dans la Vallée du Nil. Cependant l'offensive dû s'arrêter le , devant El Alamein car les lignes de ravitaillement de Rommel étaient excessivement longues : 1 000 km par mer jusqu'à Benghazi auxquels s'ajoutaient 1 000 km de route côtière dans le désert, l'aviation alliée de Malte avait été renforcée, la supériorité aérienne n'était plus allemande. Restait que les alliés devait quand même assurer le ravitaillement de Malte en carburant : telle aura été la raison de l'Opération Pedestal qui aura donné lieu à la bataille de la mi-août.

Le porte-avions HMS Eagle, torpillé, prend de la gîte avant de couler, le

Côté allié, les moyens rassemblés sont considérables : les deux cuirassés les plus puissamment armés de la Royal Navy, deux porte-avions modernes et deux porte-avions plus anciens mais puissants, sept croiseurs (soit trois grands croiseurs légers, HMS Nigeria, Manchester, et Kenya) et quatre croiseurs anti-aériens) ; trente-six destroyers pour escorter quatorze navires marchands, dont un pétrolier, le SS Ohio du même type que celui qui a été coulé dans le convoi de Gibraltar, à la mi-juin. Le convoi, emportant 140 000 tonnes de cargaison, a quitté Gibraltar le [125].

Le HMS Kenya pendant une attaque aérienne lors de l'Opération Pedestal, le

Du côté des forces de l'Axe, plusieurs barrages de sous-marins ont été déployés en Méditerranée occidentale. Ainsi, au large d'Alger, le porte-avions HMS Eagle est torpillé et coulé par l'U-73, le Le HMS Furious aurait été aussi endommagé[126] mais il a pu lancer une quarantaine de chasseurs vers Malte avant de mettre le cap sur Gibraltar. Les attaques aériennes allemandes ont été continuelles dans la journée du , depuis h 30 : vers 13 h, un cargo a été touché et est resté à la traine. À 16 h 30, le destroyer HMS Ithuriel a éperonné et coulé le sous-marin italien Cobalto. Vers 18 h 30, une centaine d'avions ont attaqué : un destroyer a été touché qu'il a fallu saborder le lendemain, le pont d'envol du porte avions HMS Indomitable a reçu trois bombes[127], ses avions ont dû être accueillis sur le HMS Victorious. Vers 19 h, les cuirassés et les porte-avions de la force de couverture ont fait demi-tour, à hauteur de Bizerte, comme à l'accoutumée. Un peu plus tard, des sous-marins italiens sont passés à l'attaque : à 19 h 45, le grand croiseur léger HMS Nigeria a été torpillé et a dû mettre le cap sur Gibraltar, à petite vitesse, après que le contre amiral Burrough, commandant l'escorte rapprochée, ai transféré sa marque sur un destroyer ; le petit croiseur anti-aérien HMS Cairo a été coulé, un cargo et le pétrolier SS Ohio ont été touchés. À 20 h 30, une attaque de Stukas allemands a touché deux cargos[128]. Entre 21 h et 23 h, deux sous-marins italiens ont achevé trois cargos avariés, dont un de ceux touchés par la dernière attaque de Stuka qui transportait 11 000 tonnes d'essence d'aviation. À minuit, le convoi a passé le Cap Bon. Peu après h, des vedettes lance-torpilles italiennes ont torpillé et immobilisé le grand croiseur léger HMS Manchester qui a dû être sabordé peu après. Ces attaques se sont poursuivies toute la nuit, et au matin, cinq autres cargos ont été coulés[129].

Le pétrolier SS Ohio est arrivé au port de La Valette, le seulement, endommagé au-delà de tout espoir de réparations
Le cargo SS Waimarama, qui transportait des fûts de fioul, est bombardé et explose, le , peu avant h

Pour ce qui concerne les grands bâtiments italiens, il était apparu au Supermarina, que, contre un convoi venant de Gibraltar, il ne serait pas possible d'avoir une couverture aérienne et des ressources en carburant suffisantes pour une intervention à l'ouest de la Tunisie de quatre cuirassés, ce qui semblait le minimum pour aller au-delà d'une simple gesticulation. Mais la bataille de Pantelleria avait montré l'intérêt de l'intervention des croiseurs en phase finale de l'interception d'un convoi. À 19 h le , six croiseurs (trois croiseurs lourds, Gorizia, Trieste, Bolzano de la 3e Division de croiseurs et la 7e Division de Croiseurs renforcée du Muzio Attendolo étaient à la mer pour intervenir dans le Canal de Sicile, le lendemain matin[130]. Comme des reconnaissances aériennes les avaient repérés, il fallait prévoir une couverture aérienne contre une attaque massive prévisible des 180 avions alliés prêts à intervenir depuis Malte, ce qui conduisait à donner à l'aviation comme mission principale la protection des forces à la mer et qui aurait aussi la charge de porter le « coup de grâce » aux six cargos restant à flot, protégés par deux croiseurs (le HMS Charybdis avait quitté la force de couverture pour revenir en renfort du HMS Kenya) et sept destroyers. Des dissenssions très fortes se firent jour dans la soirée, entre amiraux et généraux d'aviation, au premier rang desquels se trouvait le Feldmarschall Kesselring sur cette répartition des missions, et à la suite d'un arbitrage du Duce en personne, vers minuit, ordre fut donné aux croiseurs de regagner leur base[131]. Sur le chemin du retour, ils furent attaqués près des Îles Éoliennes par le sous-marin britannique HMS Unbroken qui endommagea gravement le Bolzano qui dût être échoué sur l'île de Panarea, et le Muzio Attendolo, de sorte que leurs réparations n'étaient pas achevées en .

Le , les attaques d'aviation ont réussi à couler un neuvième cargo allié et se sont concentrées sur le pétrolier SS Ohio qui fut très près d'être abandonné. Malgré tout, sous la protection de l'aviation de chasse de Malte et avec l'aide de remorqueurs, trois cargos ont pu finalement atteindre le port de La Valette, le 14, ainsi que le pétrolier et un dernier cargo qui avait fait route séparément le long des côtes de Tunisie, le Si la Marine italienne a pu parler de vittoria del mezz'agosto, ce qui est vrai sur le plan tactique, stratégiquement, Malte aura pu, dès lors, jouer un rôle déterminant dans les attaques contre l'approvisionnement des forces terrestres italo-allemandes, dont l'effet se fera sentir dès leur dernière offensive d'Alam el Halfa, qui échouera fin août[132],[133].

L'opération Torch et le sabordage de la Flotte française ()[modifier | modifier le code]
Le croiseur lourd USS Wichita pendant la bataille de Casablanca

Pendant que les forces italo-allemandes ont été enfoncées par l'offensive victorieuse de la VIIIe Armée britannique à El Alamein (-), deux importants convois ont franchi, le , le détroit de Gibraltar. Ils rassemblaient un cuirassé, cinq porte-avions et cinq croiseurs, parmi lesquels les deux grands croiseurs légers britanniques, HMS Sheffield et Jamaica. L'Amirauté française a pensé qu'il s'agissait de convois vers Malte[134], les Allemands ont pensé à un débarquement en Provence, et la Supermarina y a vu l'imminence d'un débarquement en Algérie, auquel la Regia Marina était totalement incapable de s'opposer avec ses seuls moyens[135]. Mais un troisième convoi qui a traversé l'Atlantique en passant au sud des Açores, sans être détecté, approchait des côtes du Maroc. Il était composé d'un cuirassé moderne, de deux cuirassés anciens, de cinq porte-avions,de trois croiseurs lourds (USS Augusta, Wichita, Tuscaloosa) et de quatre grands croiseurs légers (USS Brooklyn, Philadelphia, Savannah, Cleveland).

L'objectif de cette armada était des débarquements au Maroc et en Algérie, devant Oran (opération Reservist) et Alger (opération Terminal). Dans la plupart des zones de débarquement, les croiseurs ont surtout affronté les batteries côtières, en particulier l'USS Brooklyn devant Casablanca[136], l'USS Philadelphia devant Safi (opération Blackstone)[137], et l'USS Savannah pendant la bataille de Port Lyautey[138]. Cependant, devant Oran, les croiseurs britanniques ont coulé deux torpilleurs[139] et mis hors de combat un contre-torpilleur, faisant au total plus de 300 morts[140]. Mais c'est pendant la bataille navale de Casablanca qu'eut lieu, le au matin, le combat le plus sanglant. La 2e Escadre Légère française (le croiseur léger Primauguet, deux contre-torpilleurs et quatre torpilleurs) ont tenté d'affronter les croiseurs lourds américains de la Task Force 34 dont les canons de 203 mm ont écrasé les bâtiments légers, y faisant plus de 450 morts, avant même qu'ils fussent arrivés à portée. Le cuirassé USS Massachusetts, dont s'était la première opération, et les "Dauntless" du porte-avions USS Ranger ont mis hors de combat le cuirassé inachevé Jean Bart, en situation de batterie flottante avec une seule tourelle de 380 mm, après qu'il eut encadré le croiseur amiral USS Augusta le 11 au matin[141]. Les porte-avions d'escorte américains (parmi lesquels l'USS Suwanee du captain Clark a été reconnu pour avoir le premier coulé un sous-marin adverse, sans doute le Sidi-Ferruch) ont donné la chasse aux sous-marins français, dont sept ont été perdus[142],[143].

À Toulon, sur les appontements Milhaud, le lendemain du sabordage, entre le Strasbourg et La Marseillaise, les croiseurs lourds Colbert et Algérie brûlent encore

L'amiral Auphan, Secrétaire d'État à la Marine du gouvernement de Vichy, a réussi à contenir l'amiral de Laborde, Commandant de la « Force de Haute Mer » qui aurait voulu appareiller pour attaquer les forces anglo-américaines[144].

Ce premier débarquement, de moyenne importance (65 000 hommes), auquel les troupes terrestres françaises se sont opposées avec moins de pugnacité que les marins, a été fort utile pour porter remède pour l'avenir, aux défauts et insuffisances qui s'étaient révélées pendant son déroulement. Stratégiquement, le résultat en a été considérable, les Alliés ont désormais disposé d'une base sûre, d'abord pour prendre les forces de l'Axe entre deux feux en Afrique, ensuite porter la guerre en Italie et dans tous les autres territoires de l'Empire Français en Afrique encore sous contrôle de Vichy, de l'A. O. F. à la Côte française des Somalis. Ces territoires seront passés en six mois dans le camp des Alliés.

Tactiquement, cependant, les Allemands ont réagi en occupant la Zone sud (les Italiens occupant la Corse), dès le , et ont tenté, le de s'emparer de la Flotte, qui était restée à Toulon. La Flotte s'est sabordée : quatre des sept croiseurs lourds français (Algérie, Dupleix, Foch, Colbert) y ont été complètement détruits (les Italiens auront jugé inutile d'essayer d'en relever les épaves)[145].

L'est algérien et le nord de la Tunisie ayant été laissés hors du champ des débarquements, les Italiens et les Allemands ont très vite débarqué, par bateau et par avion, en Tunisie et la grande base navale de Bizerte, bien que restée sous le contrôle de Vichy, a été occupée sans ménagements ni résistance le [146].

Dès qu'ils ont eu rejoint les Alliés, les navires de guerre français présents à Dakar (le cuirassé Richelieu et les croiseurs Georges Leygues, Montcalm, et Gloire) ont été envoyés dans des arsenaux américains pour y être réparés et modernisés. Fin , les navires de la Force X, le cuirassé Lorraine, trois croiseurs lourds, deux de la classe Duquesne (Duquesne et Tourville), le Suffren et un croiseur de 7 500 tonnes Duguay-Trouin auront rallié les Forces Maritimes d'Afrique, et en juillet, ce seront un porte-avions ancien Béarn et les croiseurs Jeanne d'Arc et Émile Bertin présents aux Antilles qui auront rallié la France Combattante.

Mars- - Dans l'Arctique, les convois de Russie[modifier | modifier le code]

Les premiers convois alliés de l'été 1941 sont passés sans encombre mais la situation s'est dégradée au début de 1942, alors que les attaques contre les convois étaient jusqu'alors le fait des U-boote, de l'aviation et des destroyers allemands. En effet, en février-mars, sont arrivés en Norvège le Tirpitz et les croiseurs lourds Admiral Scheer, Lützow, et Admiral Hipper. Il est clair qu'après le forcement du Pas-de-Calais (opération Cerberus), en février, par les croiseurs de bataille et le Prinz Eugen, les Allemands ont fait le choix d'abandonner le théâtre d'opérations de l'Atlantique, pour leurs grandes unités de surface.

Premiers convois, premiers déboires (mars-)[modifier | modifier le code]
Le HMS Edinburgh en réparation à Mourmansk, après les graves dégâts subis d'une de ses propres torpilles, le .
Le HMS Edinburgh a eu l'arrière très endommagé par un sous-marin allemand, le .

Le Tirpitz n'a pas réussi, début mars, à intercepter le convoi PQ-12 (Reykjavik-Mourmansk), mais il s'est fait repérer et attaquer par l'aviation embarquée du porte-avions HMS Victorious[147]. Fin mars, le grand croiseur léger HMS Trinidad qui faisait partie de l'escorte du convoi PQ-13, a coulé un destroyer allemand, mais a été gravement endommagé par une de ses propres torpilles dont le gyroscope s'est déréglé. Il s'est trainé jusqu'à Mourmansk pour de premières réparations. Fin avril, en escortant le convoi QP-11 (Mourmansk-Reykjavik), le grand croiseur léger HMS Edinburgh a été torpillé par l'U-456. En route en remorque pour Mourmansk, il a été attaqué par trois grands destroyers allemands, dont un aura été si endommagé que son équipage aura dû le saborder. Mais, torpillé une seconde fois, le HMS Edinburgh a dû être abandonné et achevé par un de ses destroyers d'escorte. Le , au large du Cap Nord, rentrant en Écosse à 20 nœuds et transportant des rescapés de l'Edinburgh, le HMS Trinidad a subi l'attaque de vingt Junkers Ju 88. Torpillé, il a dû être achevé également[148],[149].

La perte de ces deux grands croiseurs a conduit l'Amirauté britannique à réorganiser la protection des convois en distinguant l'escorte immédiate, constituée de petites unités, la couverture rapprochée avec une escadre de croiseurs qui accompagnerait les convois jusqu'à la ligne Spitzberg-Île aux Ours-Mourmansk, et la couverture éloignée d'une escadre de grands bâtiments, cuirassés et porte-avions, positionnée vers l'Île Jan Mayen pour intercepter les grands bâtiments allemands stationnés en Norvège, et les empêcher de déboucher dans l'Atlantique[150]. Du côté allemand, la perte de deux grands destroyers a conduit l'amiral Schmundt, commandant des forces à la mer en Norvège, à souhaiter la participation des grands bâtiments contre les convois en mer de Barents, mais l'interception du Tirpitz par le porte-avions HMS Victorious, en mars, a conduit Adolf Hitler à ne permettre l'engagement du cuirassé que si la menace de l'aviation embarquée était écartée avec certitude.

En avril, l'U.S. Navy détacha auprès de la Home Fleet, la TF.39, aux ordres du contre amiral Giffen, constituée autour du cuirassé USS Washington et des croiseurs lourds USS Wichita et Tuscaloosa. Elle a participé à la couverture éloignée des convois PQ-15 et PQ-16[151].

Le convoi PQ-16, du 21 au , aura perdu sept navires de charge sur trente-quatre, mais six sur les sept perdus ont été coulés par l'aviation. En effet, l'attaque par les sous-marins, en meutes en surface, était trop risquée pendant une période où les nuits étaient très courtes, aux latitudes polaires[152]. Comme l'aviation soviétique basée à terre se montrait incapable de contrer la Luftwaffe, et que le Coastal Command britannique s'était vu refuser, par le Comité des chefs d'état-major britanniques, l'autorisation de baser quelques escadrilles autour de Mourmansk[153], l'amiral Tovey, Commandant la Home Fleet a demandé en vain la suspension des convois pendant l'été[154]. Mais tant Staline que le Président des États-Unis ont fait pression sur le Premier Ministre britannique Winston Churchill pour les maintenir, et même accroître le nombre des navires qui les composaient[155].

Le convoi PQ 17 ()[modifier | modifier le code]

Un nouveau convoi, le PQ-17, prévu pour la mi-juin, eut son départ reporté à la fin juin car les croiseurs et destroyers de la Home Fleet étaient alors engagés dans les opérations de ravitaillement de Malte de la mi- (l'opération Harpoon en particulier), que l'on a évoquées plus haut[Note 13],[156]. Comme plus de vingt-cinq cargos du convoi PQ-16 étaient arrivés à bon port, le Grand-amiral Raeder, à la mi-juin, exposa à Adolf Hitler son projet d'attaquer le prochain convoi avec les navires de surface : le Tirpitz et l'Admiral Hipper venant de Trondheim gagneraient le Vestfjord pour attaquer la force de couverture rapprochée, tout en se tenant hors de portée de la force de couverture éloignée, l'Admiral Scheer et le Lützow venant de Narvik, gagneraient l'Altenfjord, pour attaquer le convoi. Le tout constituait l'opération Rösselsprung (« le saut du Cavalier »). Hitler maintint son exigence que le Tirpitz ne soit pas engagé tant que la Luftflotte 5 n'aurait pas écarté la menace de l'aviation d'assaut embarquée britannique[157].

L'annonce par les services de renseignements, à la fin juin, d'une intervention des grands navires allemands inquiétait beaucoup le Premier Lord de la Mer, qui ignorait d'ailleurs les réticences d'Hitler. Dans une conversation téléphonique avec l'amiral Tovey, où les deux amiraux tombèrent d'accord sur le fait qu'il ne fallait pas aventurer les croiseurs de la force de couverture à l'est du cap Nord, en raison de la supériorité aérienne allemande dans cette zone, l'amiral de la Flotte Sir Dudley Pound fit part de son intention de donner l'ordre au convoi de se disperser s'il venait à être menacé par ces grands navires de surface[158].

Les croiseurs lourds USS Wichita et HMS London, pendant le convoi PQ-17

Le convoi PQ 17 était ainsi composé : 34 cargos et pétroliers, dont 24 américains, 5 britanniques, 2 soviétiques, 2 panaméens et un néerlandais. Il quitta Reykjavik le . Outre les destroyers, corvettes, dragueurs de mines habituels, l'escorte immédiate comptait un CAM ship, deux petits navires anti-aériens[Note 14], et trois petits navires-hôpitaux, la force de couverture rapprochée comptait quatre croiseurs lourds (HMS London navire amiral du contre-amiral Hamilton, HMS Norfolk, USS Wichita et Tuscaloosa), la force de couverture éloignée comportait les cuirassés HMS Duke of York, navire amiral de l'amiral Tovey, et l'USS Washington, portant la marque du contre-amiral Giffen, deux croiseurs (HMS Cumberland et HMS Nigeria, aux ordres du contre-amiral Burrough) et le porte-avions HMS Victorious, portant la marque du vice-amiral Fraser. Le convoi prit une route très au nord, pour entrer en mer de Barents au nord de l'île aux Ours.

Le convoi ayant été repéré le , les grands navires allemands quittèrent leurs mouillages, cap au nord, le [159], en attendant l'ordre d'attaquer, pour lequel il fallait l'accord d'Hitler, tandis que le convoi subissait ses premières attaques de l'aviation et des sous-marins allemands. Le 3, l'Amirauté britannique apprit que les navires allemands avaient quitté leur mouillage[159], et dans la crainte d'une attaque du Tirpitz, l'ordre fut donné, dans la soirée du , par le Premier Lord de la Mer à l'amiral Hamilton, de « se retirer vers l'ouest à grande vitesse », bientôt suivi de l'ordre au convoi de « se disloquer pour gagner les ports russes », puis « ordre de se disperser »[160]. Les destroyers d'escorte ont donc, après l'ordre de dispersion du convoi, rallié les croiseurs, ne laissant avec le convoi que les corvettes, dragueurs, chalutiers, et les deux petits navires anti-aériens[161]. Cette tactique se justifiait en cas d'attaque de forces de surface très supérieures. Cela avait permit en au croiseur auxiliaire HMS Jervis Bay de sauver 31 navires sur 36 du convoi pour lequel il s'était sacrifié[158]. Mais dans la circonstance, les navires ne pouvaient pas se disperser vers le nord, où ils allaient se heurter très vite à la banquise, et surtout le retrait de l'escorte laissait d'une part le champ libre aux sous-marins allemands qui n'avaient plus à craindre l'attaque des destroyers, et d'autre part facilitait grandement l'attaque de l'aviation qui n'avait plus à affronter le feu concentré d'un convoi bien groupé[162].

La situation du convoi a très vite évolué de façon catastrophique. Dès le , dix navires avaient été coulés. Du côté allemand, Hitler, informé que les croiseurs avaient mis cap à l'ouest et que les cuirassés et le porte-avions HMS Victorious se trouvaient à 450 nautiques dans le sud-ouest, donna, le 5 peu avant midi, l'autorisation d'un raid-éclair en mer de Barents. Le Tirpitz, l'Admiral Scheer et l'Admiral Hipper quittèrent aussitôt l'Altenfjord, cap au nord, puis mirent à 17 h cap à l'est, et ont été très vite repérés par des sous-marins. Dès que les résultats exceptionnels des attaques des sous-marins et des avions contre le convoi PQ-17 furent connus, le cuirassé et les croiseurs lourds allemands furent rappelés vers 21 h 30, au grand désappointement de l'amiral Schniewind, responsable de la conduite de l'opération[163].

Pour les navires du convoi, l'hécatombe a continué, malgré la pugnacité et l'héroïsme des équipages des navires d'escorte, en particulier les navires anti-aériens. Onze navires seulement arrivèrent à Arkhangelsk, après avoir longé la banquise et les côtes de la Nouvelle-Zemble, les premiers vers le , et les derniers le , que le commodore Dowding, responsable du convoi était parti rechercher[164].

Au total, treize navires ont été coulés par deux cents avions, dix ont été coulés par des sous-marins, 57 000 tonnes ont été déchargées sur les 156 500 tonnes embarqués, 430 chars, 210 avions et 3 350 véhicules, sont allés au fond de l'eau[165].

Ce fut une grande victoire allemande, sans qu'un seul coup de canon ne soit tiré par les grands navires de surface.

La bataille de la mer de Barents ()[modifier | modifier le code]

L'Amirauté britannique obtint l'arrêt des convois de Russie, pendant le mois d', les moyens de la Home Fleet étant accaparés par l'Opération Pedestal en Méditerranée[Note 15], tandis qu'à la mi-août également, l'USS Washington était appelé à rejoindre le Pacifique, où venait d'avoir lieu le débarquement américain à Guadalcanal.

La principale leçon du calamiteux convoi PQ-17 était la nécessité d'accompagner le convoi en mer de Barents, à l'est de la ligne Spitzberg-Île aux Ours-Mourmansk, et donc de contester la supériorité aérienne allemande des quelque 200 appareils de la Luftwaffe opérant à partir des aérodromes de Kirkenes, de Banak et de Petsamo, pour permettre aux croiseurs de la force de couverture rapprochée de repousser les grands bâtiments de surface allemands et aux destroyers d'attaquer les sous-marins. En l'absence d'un grand porte-avions dans la force de couverture éloignée (le HMS Victorious devant subir des opérations de maintenance), un porte avions d'escorte, HMS Avenger embarquant douze Sea Hurricanes et trois Sworfishes anti sous-marins[166], fut incorporé à l'escorte aux ordres du contre amiral Burnett, sur le croiseur léger HMS Scylla, avec dix-huit grands destroyers, considérés comme constituant le meilleur moyen de dissuader les Allemands de faire sortir leurs grands bâtiments de surface[167]. Leur ravitaillement était assuré par quatre pétroliers auxiliaires de la Flotte, dont deux pré-positionnés dans le Lowe Sound au Spitzberg[168].

Le Coastal Command fut, de son côté, autorisé, cette fois, à implanter sur les aérodromes de Vaenga et de Grasnaya, une escadrille de Catalinas et quatre Spitfires pour la reconnaissance et deux groupes de bombardiers-torpilleurs, soit une trentaine de Hampdens, pour l'attaque des bâtiments de surface[169]. Vingt-trois appareils arrivèrent le de Grande-Bretagne, neuf se perdirent ou furent abattus, dont un dût se poser en territoire occupé par les Allemands. À son bord ceux-ci trouvèrent des renseignements essentiels sur l'opération[170].

Un cargo du convoi PQ 18, touché, explose à proximité du destroyer HMS Eskimo de la classe Tribal.
Vu du pont du porte-avions d'escorte HMS Avenger, le cargo de munitions SS Mary Luckenbach touché par une bombe d'avion se volatilise, le .

La force de couverture éloignée restait composée de deux cuirassés, HMS Anson portant la marque du vice amiral Fraser et HMS Duke of York, et du grand croiseur léger HMS Jamaica. La force de couverture rapprochée, aux ordres du vice amiral Bonham Carter, comportait trois croiseurs lourds, HMS London, Norfolk et Suffolk. L'amiral Tovey, Commandant la Home Fleet était resté à Scapa Flow où le cuirassé HMS King George V avait une ligne téléphonique directe avec l'Amirauté[166].

Le , les quelque quarante cargos du convoi PQ 18 appareillèrent du Loch Ewe, au nord-ouest de l'Écosse, et non plus d'Islande, pour tromper les reconnaissances allemandes, et furent ralliés entre le 7 et le 9, par l'escorte qui comptait cinquante navires dont la moitié de destroyers[168]. Repéré dès le 8, le convoi fut attaqué sans discontinuer pendant six jours du 12 au par l'aviation et, dans une moindre mesure, par les sous-marins. Treize navires furent détruits mais le convoi conserva cependant sa cohésion[171]. Bien que les avions du HMS Avenger eussent été surclassés par les avions de la Luftwaffe, les dispositions prises furent jugées acceptables par l'amiral Tovey.

L'escorte prit ensuite en charge le convoi QP 14, quinze cargos qui étaient majoritairement des rescapés du convoi PQ-17. Le Grand-amiral Raeder avait résolu de réserver l'attaque, par des bâtiments de surface, contre les convois « rentrants » comme le QP-14, mais les objurgations de prudence d'Hitler et le grand nombre des destroyers de l'escorte, le conduisit à renoncer à cette attaque. Cependant trois cargos et un grand destroyer furent encore perdus, principalement sous les coups des sous-marins. Au total pour ces deux convois, les Allemands ont perdu 33 bombardiers-torpilleurs, six bombardiers en piqué, deux avions de reconnaissance à long rayon d'action, quatre sous-marins coulés et cinq endommagés, ce qui leur parut assez cher payé[172]. Les convois de l'Arctique furent uns seconde fois suspendus, parce que, cette fois, la Home Fleet devait consacrer l'essentiel de ses moyens à l'Opération Torch de débarquement en Afrique du Nord française.

Tandis que Churchill et Hitler se sont pris à rêver de débarquements, le premier en Norvège septentrionale, le second en Islande, la nuit polaire hivernale s'est réinstallée, ce qui a conduit la Luftwaffe à alléger son dispositif, le Lützow a remplacé l'Admiral Scheer. L'amiral Tovey a réclamé que la taille des convois fût réduite, il a obtenu qu'ils fussent scindés en deux. Leur numérotation fut changé : les convois ouest-est ont été désignés JW et est-ouest, RA.

Carte des mouvements des navires allemands et britanniques du 27 au , en mer de Barents

C'est ainsi que le convoi JW-51-A, parti le de Liverpool, parvint, sans avoir été attaqué[Note 16], dans le golfe de Kola, le 22. Ce même jour, la seconde partie du convoi, JW-51-B, est partie à son tour, et a été rejointe par son escorte immédiate, partie d'Islande, le 24. Le 27, la force de couverture rapprochée du contre amiral Burnett, avec les grands croiseurs légers HMS Sheffield et Jamaica a quitté le golfe de Kola pour se placer au sud de la route prévue du convoi, pour intercepter une éventuelle sortie des grands bâtiments de surface allemands. Naviguant cap à l'est, elle a mis le 30, à 18 h 30, cap au nord-ouest, pensant se trouver le 31 au matin, en arrière du convoi, en position de couper la retraite aux croiseurs lourds allemands s'ils s'étaient aventurés pour l'attaquer. C'était effectivement le cas.

Le HMS Onslow a eu la cheminée et la passerelle dévastées par les obus de 203 mm de l'Admiral Hipper.

Le , à la mi-journée, le convoi a été repéré par l'U-354. Or la Kriegsmarine avait établi un plan d'attaque des convois de Russie par les navires de surface, l'opération Regenbogen (Arc-en-ciel), qui impliquait l'Admiral Hipper, le Lützow et six destroyers. Aussitôt informé, le commandement du Groupe Nord (de) ordonna de mettre ces navires à 3 heures d'appareillage, et aucun contrordre n'étant venu de la part d'Hitler, à 18 h, les navires avaient quitté l'Altenfjord et mis cap au nord-est. À 18 h 45, l'amiral Kummetz sur l'Admiral Hipper reçut un message de l'amiral « Eaux nordiques » à Narvik[Note 17], lui intimant de se montrer « prudent, même devant un adversaire d'égale force, car il est indésirable que les croiseurs prennent de grands risques ». À h 30, l'amiral Kummetz divisa ses forces, de façon à se trouver avec l'Admiral Hipper, à h, à 75 nautiques au nord du Lützow, pour rechercher le convoi vers l'est, et le prendre en tenailles, le premier qui trouverait le convoi devant attirer l'escorte vers lui, pour permettre à l'autre d'attaquer les cargos[173]. Mais le convoi avait pris du retard dans une tempête les jours précédents de sorte qu'il était plus à l'ouest que ce que pensaient l'amiral Burnett et l'amiral Kummetz. Dès lors, plus personne ne savait exactement qui était où, et dans la lumière crépusculaire d'un , à une latitude de plus de 70° Nord, au milieu des bourrasques de neige et des bancs de brume, les différents protagonistes ont aperçu des silhouettes de destroyers, sans savoir s'il s'agissait d'amis ou d'ennemis.

L'escorte du convoi, aux ordres du captain St. Vincent Sherbrooke sur le HMS Onslow, comportait alors quatre[174],[Note 18] destroyers récents de la classe O, un destroyer plus ancien HMS Achates, deux corvettes, un dragueur de mines et deux chalutiers armés. Des destroyers ayant été repérés, vers h 15, à l'arrière du convoi, l'escorte pensa d'abord qu'ils étaient russes[175]. Lorsque ces destroyers allemands ouvrirent le feu, les destroyers récents de l'escorte firent face[176]. C'est alors le croiseur lourd Admiral Hipper, navire amiral de l'amiral Kummetz, qui, vers h 30, a ouvert le feu sur le HMS Achates, le destroyer ancien tendant un rideau de fumée pour masquer le convoi qui s'éloignait dans la direction opposée. Le destroyer fut endommager gravement[177]. Les destroyers de la classe O[178] furent aussi les cibles des tirs du croiseur lourd allemand. À 10 h 20, il a touché le HMS Onslow, à l'avant et dans la machine. Sur la passerelle ravagée, le captain St. Vincent Sherbrooke a été très grièvement blessé[179] mais craignant de prêter le flanc à une attaque à la torpille, l'amiral Kummetz ne s'est pas assez engagé pour passer au travers de l'écran des destroyers et attaquer les cargos. Cependant, à 10 h 45, il a surpris et écrasé le dragueur de mines HMS Bramble[180]. A 11 h 15, il a entrepris d'achever le HMS Achates[181], qui se trainait à 15 nœuds[Note 19], puis il a canonné à nouveau les destroyers qui étaient revenus vers le convoi. Pendant ce temps, au sud du convoi, le Lützow se rapprochait, mais il a signalé à 11 h 15: «Perdu de vue l'ennemi, dans grains de neige»[182]. L'Admiral Hipper répondit à 11 h 36 : «Suis engagé contre des escorteurs. Aucun croiseur n'accompagne le convoi.»[183].

À 30 nautiques au nord, à h 30, l'amiral Burnett était perplexe, il y avait une bataille dans le sud, mais ce n'était pas là, mais plus à l'est, qu'il pensait que se trouvait le convoi. Finalement, à 10 h, il s'est résolu à marcher au canon, signalant : « Du Sheffield. Je me rapproche de vous, cap au 170 », mais sans indiquer à quelle distance il se trouvait, sans doute parce qu'il ne savait pas exactement où était le convoi[184]. À 10 h 30, deux grands bâtiments furent repérés au radar, l'un droit devant (c'était l'Admiral Hipper), l'autre sur bâbord (c'était le Lützow). À 11 h 15, les croiseurs se dirigèrent, cap au 190, vers le premier. À la suite d'une évolution du bâtiment allemand, il fut identifié à 11 h 28[185]. Quelques minutes plus tard, les croiseurs britanniques ouvraient le feu, à 6 000 mètres, à raison d'une salve toutes les vingt secondes. Le croiseur lourd allemand n'avait rien vu venir, il était engagé du bord opposé avec deux destroyers britanniques. Il encaissa aussitôt plusieurs obus au niveau des machines (sa vitesse tomba à 23 nœuds) et dans le hangar d'aviation. Il vint sur tribord, se rapprochant des croiseurs britanniques qu'il a pris d'abord pour des destroyers. Ceux-ci manœuvrèrent pour garder la distance et l'avantage de la lumière. Mais le navire allemand disparu très vite derrière un rideau de fumée[186]. C'est alors que le destroyer allemand Friedrich Eckoldt voyant surgir un croiseur qu'il prit pour l'Admiral Hipper, lui fit le signal de reconnaissance allemand, et le HMS Sheffield l'écrasa à bout portant. Le Friedrich Eckoldt pris feu et disparut corps et biens[187].

À 11 h 37 et à 11 h 49, l'amiral Kummetz a signalé : « Rompre l'action et se replier vers l'ouest » et le commandant du Lützow a répondu : « Je vous rallie »[188]. Au cours de ce mouvement, quelques coups de canons ont encore été tirés, sur le convoi, sans résultats autres que quelques éclats, ou ont été échangés entre les croiseurs, vers 12 h 30, mais l'amiral Burnett, qui accompagnait alors le convoi rentrant RA-51-A, s'est contenté de s'assurer jusque vers 16 h que les navires allemands avaient bien repris le chemin de leurs bases[189]. À 11 h 45, l'U-354 avait envoyé le message : « La bataille atteint son point culminant. Je ne vois plus que du rouge ». Ce seul message, car l'amiral Kummetz n'a pas voulu rompre le silence radio à la mer, a été transmis au Q.G. d'Hitler. Il a fait croire à une victoire[190]. La désillusion n'en a été que plus grande.

On connait les conséquences considérables de ce combat du , la fureur d'Hitler contre les amiraux, sa décision de mettre à la ferraille les grands navires de surface, la démission du Grand-amiral Raeder, son remplacement par l'amiral Dönitz à la tête de la Kriegsmarine, l'arrêt quasi total des sorties à la mer des cuirassés et des croiseurs allemands.

- - De Pearl Harbor à Guadalcanal[modifier | modifier le code]

Dans le Pacifique, les croiseurs lourds, tant britanniques ou américains que japonais, ont occupé une place de premier plan, parce que du côté allié, les cuirassés modernes n'ont commencé qu'au bout de six mois à remplacer les navires perdus à Pearl-Harbor, ou en mer de Chine Méridionale, tandis que l'État-Major de la Flotte combinée japonaise gardait ses cuirassés en réserve pour la « bataille décisive ». Un des premiers enseignements tirés de l'attaque de Pearl Harbor et des premières batailles « au-delà de l'horizon » a été que, dans un combat de jour, la force de frappe de l'aviation embarquée ne le cédait en rien à celle de l'artillerie navale, et que sa portée en était bien supérieure. Restait en débat la question de la prépondérance relative de l'aviation embarquée ou de l'aviation basée à terre, ce que l'effet de surprise n'avait pas permis de trancher à Pearl Harbor. Sans cuirassé et dans un combat de nuit, les croiseurs se trouvaient en première ligne et ils y sont restés dans nombre de batailles du Pacifique en 1942 et 1943.

De Pearl Harbor à Midway (-)[modifier | modifier le code]

Lors de l'attaque de Pearl Harbor, les USS Honolulu, Helena et St. Louis furent endommagés ; l'USS Phoenix s'en sortit indemne[191].

L'USS Northampton tirant avec ses canons de 127 mm sur Wotje, le . À l'arrière-plan l'USS Salt Lake City.

Dès que la Flotte du Pacifique américaine conduisit ses premières attaques contre les positions japonaises des Îles Gilbert et Marshall, fin janvier-début [192], avec les Task Forces 8 et 17 des amiraux Halsey et Fletcher, les croiseurs lourds USS Northampton, Salt Lake City (aux ordres du contre-amiral Spruance) et Chester accompagnaient le porte-avions USS Enterprise ; les USS Astoria, Louisville et Pensacola avec le porte-avions USS Yorktown. Ces deux Task Forces effectuèrent des bombardements côtiers[193].

Cependant, l'épicentre des combats s'est bientôt situé dans les eaux des Indes orientales néerlandaises dont la Marine Impériale japonaise appuyait l'invasion après celle des Philippines, de la Malaisie, des Célèbes et de Bornéo. Des croiseurs lourds vont s'y retrouver en première ligne, dans des conditions très difficiles, contre des porte-avions, de jour et sans couverture aérienne suffisante, pour ce qui des Alliés.

Aux Indes Orientales néerlandaises[modifier | modifier le code]

Le Commandement Américain-Britannique-Hollandais-Australien, connu par son acronyme en langue anglaise ABDACOM, disposait comme force navale d'une escadre hétéroclite, autour de trois croiseurs légers néerlandais aux ordres de l'amiral Doorman, des croiseurs lourds HMS Exeter et USS Houston, des croiseurs légers HMAS Perth australien et USS Marblehead, avec une dizaine de destroyers néerlandais, britanniques et américains.

Le croiseur néerlandais HNLMS De Ruyter, sur lequel l'amiral Doorman avait sa marque, quelques jours avant sa perte en mer de Java, dans les derniers jours de

Pour avoir vainement tenté d'arrêter un convoi de troupes japonaises, le , dans la bataille du détroit de Makassar, l'escadre de l'amiral Doorman fut attaquée par 37 bombardiers bimoteurs de la 11e Flotte Aérienne japonaise partis d'aérodromes des Célèbes[193]. Ils ont détruit la tourelle arrière de 203 mm du USS Houston, et endommagé le croiseur léger USS Marblehead[191] l'obligeant à se replier sur Ceylan, puis Durban, pour finalement gagner New York et y être réparé. Une seconde tentative d'arrêter les Japonais aboutit, dans la nuit du 19 au , au combat du détroit de Badung, où cette fois ce fut le croiseur léger néerlandais HNLMS Tromp, très endommagé par des destroyers japonais, qui dut quitter l'escadre pour se faire réparer en Australie.

La bataille décisive eu lieu les 27-, dans la mer de Java. L'escadre de l'amiral Doorman, après avoir reçu le renfort des croiseurs lourds HMS Exeter et USS Houston, allait affronter, cette fois, des navires des 4e, 5e, et 7e Divisions de Croiseurs japonais, soit respectivement des croiseurs lourds des classes Takao, Myōkō, et Mogami. Tous ces navires étaient supérieurs, avec 10 canons de 203 mm aux croiseurs lourds alliés qui ne pouvaient alors en aligner que six chacun. Dans l'après-midi du , le HMS Exeter fut touché et incendié par le Nachi. Protégé par deux destroyers britanniques, dont l'un a été coulé, le petit croiseur lourd britannique subit l'attaque de croiseurs légers mais réussit à rejoindre Surabaya. Plus tard dans la nuit, les deux croiseurs néerlandais restants, HNLMS De Ruyter, qui portait la marque de l'amiral Doorman, et HNLMS Java, ont été torpillés et coulés, avec plus de 800 morts, à quelques minutes d'intervalle, par les croiseurs lourds Nachi et Haguro, aux ordres du vice amiral Takeo Takagi[194].

Le lendemain, les deux croiseurs Ashigara et Haguro retrouvèrent le HMS Exeter qui faisait route vers l'Inde. Ils le coulèrent, avec son escorte, tandis que les croiseurs USS Houston, et HMAS Perth, après avoir attaqué un convoi de troupes japonaises qui se dirigeait vers Bali, ont été coulés, dans le détroit de la Sonde[194] par les croiseurs Mogami et Mikuma, aux ordres du contre amiral Kurita. Les destroyers américains, quant à eux, réussirent à passer le détroit de Bali et à gagner Freemantle, en Australie[194].

Dans l'Océan Indien[modifier | modifier le code]

La disparition de l'escadre de l'ABDACOM permettait à l'escadre de porte-avions de l'amiral Chūichi Nagumo, qui, à la mi-février, avait détruit les installations portuaires de Port Darwin, d'aller appuyer l'invasion japonaise de la Birmanie (Rangoun sera occupée le ), et d'attaquer la Flotte britannique d'Orient. Basée sur Ceylan, comprenant quatre cuirassés anciens dont le HMS Warspite, le petit porte-avions ancien HMS Hermes, et plusieurs croiseurs lourds, elle venait d'être renforcée des porte-avions HMS Indomitable (qui aurait dû accompagner les cuirassés qui ont été perdus en mer de Chine méridionale au début ) et HMS Formidable, sur lequel était arrivé le nouveau commandant de la Flotte, le vice amiral Somerville.

Le HMS Cornwall coule sous les attaques de l'aviation embarquée japonaise, le , au sud-ouest de Ceylan

Mais comme la qualité et le nombre d'appareils de l'aviation embarquée britannique n'aurait pas permis d'affronter les porte-avions qui avaient été victorieux à Pearl Harbor, l'amiral britannique, après avoir envisagé une attaque nocturne contre les porte-avions japonais, prit le parti de quitter sa base de Ceylan pour l'atoll d'Addu à 800 km au sud-ouest de Ceylan dans les Maldives[195].

L'attaque de l'aéronavale japonaise, le , sur Colombo, trouva donc une rade presque vide. Pourtant, un hydravion de reconnaissance du croiseur japonais Tone[194] repéra les croiseurs lourds HMS Cornwall et HMS Dorsetshire à 320 km au sud-ouest de Ceylan. Attaqués par l'aviation embarquée des grands porte-avions japonais, ils furent coulés[196].

Le porte-avions Hermes coulé par l'aéronavale japonaise

Le vice-amiral Ozawa, avec sa marque sur le Chokai mena du 6 au , au départ de Mergui, un raid contre le trafic commercial allié dans le golfe du Bengale, avec les croiseurs Mikuma, Mogami, Suzuya et Kumano de la 7e division du contre-amiral Kurita et le porte-avions léger Ryūjō. Une vingtaine de navires de charge, cargos et pétroliers furent coulés, soit un peu plus de 93 000 tonneaux[197].

Les Britanniques ne parvenant pas à localiser les porte-avions japonais, l'amiral Somerville rappela le porte-avions HMS Hermes qui était en réparation à Trinquemalay quand l'aviation japonaise vint bombarder cette base le . Un avion de reconnaissance du cuirassé rapide Haruna repéra le porte-avions en mer et les avions embarqués japonais le coulèrent[196].

Tandis que les porte-avions lourds japonais quittaient l'Océan Indien pour aller couvrir l'avancée japonaise vers la Nouvelle-Guinée et l'Australie, la Flotte britannique d'Orient est revenue à Bombay d'où elle pouvait contrôler la mer d'Oman. Elle s'est préparée à prendre pied à Madagascar, début mai, pour assurer la sécurité du ravitaillement de la VIIIe Armée qui combattait en Afrique du Nord et dont l'essentiel de la logistique passait par la route du Cap, le canal de Mozambique et la Mer Rouge[198].

Carte des commandements alliés dans la guerre du Pacifique

Au moment où allait se dérouler cette attaque japonaise dans l'océan Indien, le Conseil Suprême Interallié (en anglais : Combined Chiefs of Staff - CCS), réunissant les plus hauts responsables des forces militaires des États-Unis et du Royaume-Uni, désigna, le , le théâtre du Pacifique comme une zone stratégique sous contrôle américain. Six jours plus tard, la réunion du Comité des chefs d'état-major interarmées divisa la zone en trois parties : les Zones de l'océan Pacifique, (en anglais : Pacific Ocean Areas - POA), avec l'amiral Nimitz, comme commandant-en-chef (CINCPOA), la zone du Pacifique Sud-Ouest (South West Pacific Area) confiée au général MacArthur, et la SEPA (South East Pacific Area) dont le quartier général se trouvait à Balboa. Il s'agissait de commandements interarmées et interalliés qui ne se limitaient pas aux forces américaines navales et/ou terrestres mais s'appliquaient à l'ensemble des Forces alliées (air, terre et mer) dans ces zones. L'amiral Nimitz conserva sous son autorité directe la zone du Pacifique Central et délégua le commandement des zones du Pacifique Nord au contre-amiral Theobald et du Pacifique Sud au vice-amiral Ghormley. Ce qui compliquait les choses, c'est que l'amiral Nimitz, commandant-en-chef de la Flotte du Pacifique (CINCPAC) était sous les ordres de l'amiral King, Commandant-en-Chef de la Flotte des États-Unis (COMINCH), alors que le général MacArthur, commandant des forces de l'Armée des États-Unis en Extrême-Orient dépendait du général Marshall, chef d'état-major de l'armée des États-Unis, de sorte que lorsqu'il y eut désaccord entre eux, et il y en eut, il fallut faire trancher le sujet par la réunion des chefs d'état-major américains à Washington.

Le raid sur Tokyo ()[modifier | modifier le code]

Le , quatre jours après l'attaque de Trinquemalay, le porte-avions USS Hornet qui avait 16 B-25 “Mitchell” parqués sur son pont d'envol pour aller bombarder Tokyo et était accompagné de l'USS Nashville, a retrouvé au nord de Midway, la TF 16 du vice-amiral Halsey, avec l'USS Enterprise et son escorte de croiseurs lourds USS Vincennes, Salt Lake City et USS Northampton et de destroyers. Le lâcher des avions, le 18, a eu lieu un peu plus tôt que prévu, pour éviter d'être repéré. Mais l'escadre est rentrée à Pearl Harbor trop tard pour aller intercepter une force japonaise, distraite de la force du vice-amiral Nagumo, qui selon un renseignement décrypté avait pour objectif d'attaquer Port Moresby[199].

La mer de Corail ()[modifier | modifier le code]

L'objectif japonais était effectivement d'empêcher la constitution d'une base de départ pour les forces américaines et australiennes contre Rabaul[200], en Nouvelle-Bretagne que les Japonais avaient occupée en janvier. À l'instigation du vice-amiral japonais Inoue, commandant la 4e Flotte (« la Flotte des Mers du sud »), une force de débarquement autour du porte-avions léger Shōhō devait donc aller attaquer Port-Moresby. Une autre force de débarquement articulée autour du grand mouilleur de mines Okinoshima[201], sur lequel le contre-amiral Shima avait sa marque, devait aller occuper Tulagi dans les îles Florida. La couverture rapprochée incombait aux quatre croiseurs lourds, Aoba, Furutaka, Kinugasa et Kako du contre-amiral Gotō. Les deux porte-avions d'escadre Shōkaku et Zuikaku du contre-amiral Hara arrivant de Truk devaient assurer la couverture éloignée, notamment contre les bombardiers basés en Australie, avec leur escorte de deux croiseurs lourds (Myōkō et Haguro) du vice-amiral Takagi.

L'amiral Nimitz avait donc dépêché vers la mer de Corail les deux Task Forces aéronavales dont il disposait, la Task Force 17 du contre-amiral Fletcher, commandant supérieur à la mer autour du porte-avions USS Yorktown et la Task Force 11 du contre-amiral Fitch autour du porte-avions USS Lexington avec les croiseurs USS Minneapolis , New Orleans, Astoria, Chester, Portland du contre-amiral Kinkaid, et la Task Force 44 du contre-amiral J.G. Grace, R.N. avec les croiseurs lourds USS Chicago, HMAS Australia et le croiseur léger HMAS Hobart.

La bataille de la mer de Corail, première bataille aéronavale « au-delà de l'horizon », a connu maintes péripéties, erreurs de reconnaissance aériennes, attaque d'un porte-avions léger japonais pris pour un porte-avions d'escadre, attaque d'un pétrolier américain pris pour un porte-avions, etc. Mais le premier rôle est revenu aux porte-avions et aux aviations embarquées, ainsi l'action la plus notable des croiseurs japonais du contre-amiral Gotō a été de couvrir le repli des porte-avions d'escadre endommagés vers Truk[202],[203].

La bataille de Midway ()[modifier | modifier le code]

L'objectif principal de l'amiral Yamamoto, dans le cadre de la théorie du Kantai Kessen (« la bataille décisive »), était de contraindre la Flotte américaine du Pacifique à livrer bataille pour lui asséner un coup définitif. Il choisit donc d'aller occuper Midway, position américaine avancée dans le Pacifique central à quelque 2 100 km à l'ouest-nord-ouest de Hawaii, à l'extrémité ouest des îles hawaïennes du Nord-Ouest ou Îles d'Hawaii Sous-le-Vent .

Dans la Force constituée dans ce but, on trouvait :

  • dans la 1re Flotte Aérienne du vice-amiral Nagumo, la 8e Division de croiseurs (croiseurs lourds Tone et Chikuma),
  • dans la 2e Flotte du vice-amiral Kondō, les croiseurs lourds Chokai et Atago de la 4e Division de croiseurs et les croiseurs lourds Myōkō et Haguro de la 5e Division de croiseurs,
  • dans le Groupe de Transport du vice-amiral Kurita, la 7e Division de croiseurs (Mogami, Mikuma, Suzuya et Kumano).
Le au matin, l'USS Enterprise, à grande vitesse, escorté par l'USS Northampton, à l'arrière plan

Alerté de nouveau par le décryptage de messages japonais, l'amiral Nimitz a fait appareiller dans les derniers jours de mai, la Task Force 16, à la tête de laquelle le contre-amiral Spruance remplaçait le vice-amiral Halsey, malade, avec les USS Enterprise et Hornet, et le groupe des croiseurs (USS New Orleans, Minneapolis, Vincennes, Northampton, Pensacola et Atlanta) aux ordres du contre-amiral Kinkaid. La Task Force 17 a suivi dès que l'USS Yorktown a été réparé des dommages subis en mer de Corail. Le contre-amiral Fletcher, commandant supérieur à la mer, y avait sa marque, avec les croiseurs USS Astoria et Portland en escorte.

Comme en mer de Corail, la bataille de Midway a connu maintes péripéties, comme les comptes rendus incomplets ou tardifs des reconnaissances aériennes japonaises, les tergiversations du vice-amiral Nagumo et les divergences de vue entre les contre-amiraux Yamaguchi et Ryūnosuke Kusaka sur l'urgence à aller attaquer les porte-avions américains, la recherche des porte-avions japonais, calamiteuse par les avions torpilleurs de l'USS Hornet et chanceuse pour les bombardiers en piqué de l'USS Enterprise dans la matinée du , les erreurs japonaises quant à l'identification des porte-avions américains qu'ils avaient endommagés, dans l'après-midi du même jour, etc. Mais dans tout cela, les croiseurs lourds américains n'ont pas eu un rôle de premier plan[204].

Le croiseur lourd japonais Mikuma sur le point de sombrer, le

En ce qui concerne les croiseurs lourds japonais, le , les deux croiseurs Mogami et Mikuma, qui escortaient les transports de troupes destinés à occuper l'île de Midway, se sont abordés à la suite d'une fausse manœuvre au cours d'une alerte sous-marine et en ont été fortement ralentis. Tandis qu'ils s'efforçaient de gagner l'île de Wake, ils ont été attaqués, le , par les avions des USS Enterprise, et Hornet. Le Mogami a été très endommagé et le Mikuma a été coulé[205], devenant le premier croiseur lourd japonais perdu.

La bataille de Midway a été le coup d'arrêt de l'expansion japonaise dans le Pacifique. La Marine impériale japonaise y a définitivement perdu l'initiative sur le plan stratégique.

Mais le combat aéronaval du , malgré son extrême importance dans l'histoire de la guerre du Pacifique, ne doit pas faire oublier que l'amiral Yamamoto avait également prévu une attaque dans le Pacifique nord, dans l'archipel des Îles Aléoutiennes. Les moyens déployés par la Marine impériale japonaise étaient loin d'être négligeables, avec quatre cuirassés anciens, deux porte-avions, trois croiseurs lourds, deux de la 4e Division (Maya et Takao), et un de la 5e Division (Nachi) et deux croiseurs légers. Pour y face, le contre-amiral Theobald, commandant la zone du Pacifique Nord disposait, depuis le d'une Task Force 8, avec les deux grands croiseurs légers USS Nashville et Honolulu, auxquels se seront adjoints le l'USS St. Louis, et le le croiseur lourd USS Louisville. Il n'a donc pas pu empêcher, le , l'occupation des îles de Kiska et d'Attu, à l'extrémité ouest de l'arc aléoutien. Mais une fois les forces japonaises rentrées au Japon, les croiseurs américains, que rejoindra en juillet l'USS Indianapolis, sont restés un temps dans les eaux du Pacifique nord, pour harceler les positions japonaises, avant de mettre le cap à l'automne, vers le Pacifique sud où commençait la bataille de Guadalanal.

Du côté japonais, le , une réorganisation de l'ordre de bataille est intervenue. La destruction de quatre porte-avions de la 1re Flotte Aérienne a conduit à dissoudre cette grand unité et à recréer une 3e Flotte, dont le commandement a été confié au vice-amiral Nagumo. Rebaptisée 1re Division de Porte-avions, l'ex-5e Division de Porte-avions (les Shōkaku et Zuikaku) a été placée sous son commandement direct, et le contre-amiral Hara qui la commandait est allé remplacer le contre-amiral Abe à la tête de la 8e Division de croiseurs. Le vice-amiral Mikawa qui commandait la 3e Division de Cuirassés (les quatre cuirassés rapides de la classe Kongō) a reçu le commandement d'une nouvelle 8e Flotte, détachée de la 4e Flotte. Le vice-amiral Kurita a reçu le commandement de la 3e Division de cuirassés, réduite aux Kongō et Haruna. Le contre-amiral Nishimura l'a remplacé à la tête de la 7e Division de croiseurs, réduite au Suzuya et au Kumano après la destruction du Mikuma et pendant les réparations du Mogami. Le contre-amiral Abe a pris le commandement d'une nouvelle 11e Division de cuirassés constituée du Hiei et du Kirishima.

Le , à Truk, les consignes ont été passées entre le vice-amiral Inoue, commandant de la 4e Flotte, qui avait dirigé les opérations pendant la bataille de la mer de Corail, et le vice-amiral Mikawa, qui a mis sa marque sur le croiseur lourd Chokai, pour gagner Rabaul, où il a installé son QG de commandant de la 8e Flotte (dite « des Mers du sud extérieures ») qui avait vocation, comme son nom l'indiquait, à intervenir, au sud de l'équateur, dans des zones extérieures aux territoires sous mandat japonais. La 6e Division de croiseurs (les quatre croiseurs des classes Aoba et Furutaka) du contre-amiral Gotō est allée mouiller à Kavieng.

Guadalcanal, tournant de la guerre navale dans le Pacifique (-)[modifier | modifier le code]

Après la bataille de Midway, sur la foi de renseignements relatifs à l'installation d'une base d'hydravions à Tulagi, sur l'île Florida, et à la construction d'un terrain d'aviation à côté de Lunga Point sur Guadalcanal, qui constituaient autant de menaces pour la liaison Hawaï-Australie, à laquelle les plans de guerre américains donnaient une priorité stratégique, l'amiral King, Commandant-en-Chef de la Flotte des États-Unis, a obtenu, non sans difficultés, en ces temps où le maître-mot de la stratégie interalliée était « Germany first », de monter une opération dans le secteur des Îles Salomon, pourvu qu'elle fût menée avec les seuls moyens disponibles de l'U.S. Navy et du Corps des US Marines.

Ce débat sur la priorité stratégique à apporter à la lutte contre l'Allemagne ou le Japon avait commencé dès le début de 1942 (l'amiral King avait failli en venir aux mains sur ce sujet avec un field marshal britannique à la conférence d'Anfa), et il n'avait pas qu'un caractère théorique quand il s'agissait de l'emploi des moyens. On observera ainsi qu'en , le porte-avions HMS Indomitable arrivé à Ceylan en mars, se trouvait à participer à la couverture des convois de Malte, avec de grands croiseurs légers britanniques que le contre-amiral Tennant, rescapé du naufrage du HMS Repulse qu'il commandait en mer de Chine méridionale, amenait en renfort de la Flotte britannique d'Orient. Dans le même temps, le cuirassé USS Washington était encore dans l'Arctique en converture du convoi PQ 17, avec deux croiseurs lourds américains, alors que l'USS Wasp avait déjà mis le cap sur le Pacifique, après avoir convoyé deux fois en avril-mai des avions vers Malte. Quelques mois plus tard, la deuxième unité de la classe South Dakota, l'USS Massachusetts va traverser l'Atlantique pour couvrir le débarquement américain au Maroc.

Le débarquement américain à Guadalcanal (opération Watchtower)[modifier | modifier le code]

Dès le mois de juillet, une quinzaine de milliers d'hommes des US Marines commandés par le major général Vandegrift ont été rassemblés en Nouvelle-Zélande, pour être embarqués sur des navires de la Task Force 62, aux ordres du contre-amiral Turner pour aller débarquer dans les îles Salomon. L'ensemble de l'opération baptisée Watchtower était placée sous l'autorité du vice-amiral Ghormley, commandant interallié et interarmes de la zone du Pacifique Sud, qui avait son QG à Nouméa et était assez réticent sur l'opération. L'appareillage a eu lieu de Wellington le et une répétition de la mise à terre des troupes embarquées a été effectuée dans les îles Fidji quelques jours plus tard.

Pour assurer la couverture éloignée, le porte-avions USS Saratoga et le croiseur lourd USS Vincennes sont arrivés le au large des Fidji, le porte-avions USS Enterprise, le cuirassé moderne USS North Carolina, le croiseur lourd USS Portland et le croiseur léger anti-aérien USS Atlanta sont arrivés le 27. Ces bâtiments ont constitué le noyau de la Task Force 61, aux ordres du vice-amiral Fletcher, nouvellement promu. L'USS Vincennes et l'USS Atlanta ont été détachés pour rejoindre la TF 62. La Task Force 18, constituée autour du porte-avions USS Wasp aux ordres du contre-amiral Noyes (en) a ensuite rallié la TF 61.

La couverture rapprochée était assurée, au sein de la Task Force 62, par les croiseurs lourds HMAS Australia qui portait la marque du contre-amiral Crutchley (RAN), HMAS Canberra, et USS Chicago pour le Groupe Sud (TG 62.2), c'est-à-dire le débarquement sur Guadalcanal, par les croiseurs USS Vincennes, Astoria, et Quincy aux ordres du captain Riefkohl, commandant de l'USS Vincennes, pour le Groupe Nord (TG 62.3), c'est-à-dire le débarquement sur Florida. Le contre-amiral Scott commandait un Groupe Est (TG 62.4), avec les croiseurs USS Atlanta et HMAS Hobart.

Le , les Marines ont débarqué sur la côte nord de Guadalcanal et à Tulagi, où les combats ont été violents, sous la protection de l'USS Wasp pour Tulagi, et des USS Enterprise et Saratoga, pour Guadalcanal[206]. Les objectifs immédiats, notamment le contrôle du terrain d'aviation en construction à la pointe Lunga, ont été atteints, mais dès le 8, l'aviation japonaise basée à Rabaul a attaqué. Elle a eu une quarantaine d'appareils abattus au prix d'une vingtaine de chasseurs embarqués américains perdus, ce qui a été un sujet de préoccupation pour le vice-amiral Fletcher qui a fait part de son intention de retirer la couverture des porte-avions dès la fin de journée du 8. Le contre-amiral Turner a marqué son désaccord car la totalité des matériels n'était pas encore débarquée. Ce point n'a pas été tranché par le vice-amiral Ghormley.

La bataille de l'île de Savo ()[modifier | modifier le code]
Route suivie par les navires du vice-amiral Mikawa partis de Rabaul et Kavieng qui ont fait une pause au large de Bougainville (au centre) puis ont embouqué le détroit de Nouvelle-Géorgie pour attaquer les forces alliées entre Guadalcanal et l'île de Savo.

Le vice-amiral Mikawa, Commandant de la 8e Flotte, basée à Rabaul, qui avait sa marque sur le croiseur lourd Chōkai a décidé de conduire les quatre croiseurs lourds Aoba, Kinugasa, Furutaka, et Kako qui constituaient la 6e Division de Croiseurs du contre-amiral Gotō, et les croiseurs légers Yubari et Tenryu à l'attaque des bâtiments qui couvraient les opérations de débarquement du côté américain. Ses navires ont été repérés à plusieurs reprises, par un sous-marin, par des avions, par des observateurs côtiers, mais aucune de ces alertes n'a été prise en considération à temps. Son irruption entre Guadalcanal et l'île de Savo, dans la nuit du 8 au , a constitué une surprise totale.

Éclairé par les projecteurs des navires japonais, le croiser lourd américain USS Quincy est en train de couler

En une demi-heure, les croiseurs lourds HMAS Canberra et USS Astoria, Quincy et Vincennes ont été désemparés et ils ont coulé dans les heures qui ont suivi. L'USS Chicago torpillé, a eu l'avant emporté, le tout au prix de quelques impacts pour le Chōkai[207]. Le contre-amiral Crutchley a échappé au désastre parce qu'il était parti avec son navire amiral à une réunion impromptue organisée par le contre-amiral Turner.

Ce fut une victoire japonaise éclatante mais ce fut une victoire incomplète, car dans la crainte d'une attaque aérienne de l'aviation embarquée américaine, l'amiral japonais est reparti dans la nuit, sans attaquer les navires de charge qui se trouvaient un peu plus à l'est. Or l'amiral Fletcher, on l'a vu, avait déjà retiré les porte-avions du secteur[208]. Sur la route du retour, cependant, le Kako a été coulé par le sous-marin S-44 (en) à proximité de Kavieng[209].

Le contre-amiral Turner a incriminé le vice-amiral Fletcher pour avoir retiré précipitamment les porte-avions, et le contre-amiral McCain, commandant de l'aviation sur zone (COMAIRSOLS), pour ne pas avoir diligenté de reconnaissances aériennes. Mais une commission d'enquête n'a pas retenu de responsabilités autre que celle du commandant de l'USS Chicago, qui, lors qu'il en a été averti, s'est suicidé, en .

Les félicitations de l'amiral Yamamoto au vice-amiral Mikawa : « J'apprécie le courage et la ténacité de tous les hommes de votre organisation. J'attends de vous que vous prolongiez vos exploits et que vous fassiez tout ce qui est dans votre pouvoir pour soutenir les troupes au sol de l'armée impériale maintenant engagées dans une lutte désespérée » indiquaient clairement que la mission de la 8e Flotte ne correspondait pas à une mission stratégique de la Marine, mais était d'apporter un soutien tactique à l'Armée impériale.

L'« Express de Tokyo »[modifier | modifier le code]

Les troupes japonaises ont entrepris de reprendre le terrain d'aviation de la Pointe Lunga avec l'appui aérien de la 11e Flotte Aérienne basée autour de Rabaul. Les Marines les ont repoussés avec le soutien de l'aviation embarquée sur les porte-avions du vice-amiral Fletcher, le , à la bataille du Tenaru.

Dès le , l'USS Long Island avait apporté les premiers des appareils qui ont constitué la Cactus Air Force sur le terrain d'aviation baptisé du nom du major Henderson, qui avait été tué à Midway. Ceci a contribué à donner aux Américains la supériorité aérienne de jour dans les eaux de Guadalcanal. Les Japonais ont été contraints de procéder à des bombardements côtiers nocturnes, et, pour ravitailler leurs troupes et tenter de reprendre Henderson Field, d'effectuer des débarquements, également nocturnes, sous la protection de destroyers, le plus souvent aux ordres du contre amiral Tanaka, puis à se replier avant le jour, ce que la presse américaine a appelé l'« Express de Tokyo »[210].

Mais, la Marine impériale japonaise disposait encore d'une supériorité en nombre de porte-avions avec deux porte-avions lourds et trois ou quatre porte-avions moyens ou légers contre quatre porte-avions d'escadre ; cette supériorité existait aussi en nombre de cuirassés avec quatre cuirassés rapides contre un cuirassé moderne ; de même en nombre de croiseurs lourds avec neuf croiseurs lourds, à partir d'une grande base assez proche, Truk, en ayant le soutien de quatre croiseurs lourds et d'une aviation navale importante basée à terre à Rabaul, alors qu'avec cinq croiseurs lourds perdus à la bataille de Savo, les trois Task Forces américaines (TF 11, 16, et 18) ne pouvaient en aligner que cinq (USS Minneappolis, New Orleans, Portland, San Francisco et Salt Lake City) et deux croiseurs légers anti-aériens.

La bataille des Salomons orientales et le « carrefour des torpilles »[modifier | modifier le code]

La supériorité aérienne de l'US Navy de jour autour de Guadalcanal a été manifeste lorsque la Marine impériale japonaise a provoqué la bataille des Salomon orientales, du 23 au . La plupart des grandes unités du vice-amiral Nagumo ont été engagées pour couvrir l'arrivée d'un renfort d'environ 1 400 hommes. Les deux camps se sont d'abord trouvés dans l'ignorance de la position de l'autre ; mais le porte-avions léger Ryūjō, accompagné du croiseur Tone, a été envoyé bombarder Henderson Field, ce qu'il fit. Repéré, il a été attaqué et coulé par l'aviation embarquée de l'USS Saratoga[211]. La suite de la bataille, où les porte-avions des deux camps (USS Enterprise et Shōkaku) ont été endommagés, a eu un résultat incertain mais il y a eu deux conséquences : d'abord, les Japonais n'ont pas pu procéder à un renforcement de leurs troupes sur l'île de Guadalcanal et le , l'attaque japonaise à terre a donc échoué (bataille de la crête d'Edson) ; ensuite, il n'y eut pas d'autre attaque navale de jour à proximité de Guadalcanal.

Du côté américain, les renforcements se faisaient par des convois partis principalement des Nouvelles-Hébrides, d'Éfaté ou d'Espiritu Santo, des îles Tonga ou de Nouméa en Nouvelle-Calédonie, avec une escorte rapprochée de croiseurs et une couverture aérienne de porte-avions. Cependant, dans une zone située à l'ouest du méridien 166°Est, soit à quelque 360 nautiques (près de 670 km) à l'est de Guadalcanal, dont la longitude est de 160° Est, les patrouilles de sous-marins japonais étaient fréquentes, aussi a-t-elle été surnommée « le Carrefour des Torpilles » (en anglais : Torpedo Junction).

Le 31 août, l'I-26 a endommagé l'USS Saratoga et le vice-amiral Fletcher a été légèrement blessé. Le 7 septembre, l'USS Hornet a été manqué de peu, mais cela coûtera son commandement de la TF 17 au contre-amiral Murray[212].

L'USS Wasp, en flammes après avoir été torpillé, le .

Plus grave, le 15 septembre, le cuirassé USS North Carolina et le porte-avions USS Wasp ont été torpillés par le sous-marin I-19. Le porte-avions a pris feu et a dû être abandonné[213]. L'USS Helena qui l'accompagnait, arrivant des États-Unis où il avait été réparé des dégâts subis à Pearl Harbor, a recueilli plusieurs centaines de rescapés. Mais, jusqu'à ce que l'USS Enterprise ait été réparé des dégâts subis à la bataille des Salomon orientales, l'US Navy n'a plus eu que l'USS Hornet comme porte-avions opérationnel dans le Pacifique sud[214]. En revanche, plusieurs autres croiseurs de la classe Brooklyn, (USS Boise mais aussi USS Nashville, Honolulu et St. Louis) ont rejoint cette zone.

La bataille du cap Espérance ()[modifier | modifier le code]
Le Nisshin en essais de vitesse en 1942
Le croiseur japonais Aoba lourdement endommagé au large de l'île de Bougainville quelques heures après la bataille le .

Pour apporter des renforts en matériel lourd à Guadalcanal, les Japonais ont utilisé des navires transports d'hydravions dont les hangars permettaient de transporter des pièces d'artillerie par exemple. C'est ainsi que le , le contre-amiral Jōjima a emmené des îlots Shortland vers Guadalcanal, le Nisshin et le Chitose, chargés de 300 hommes et de pièces d'artillerie, avec une escorte de six destroyers. Dans le même temps, venant de Rabaul, les trois croiseurs lourds restants de la 6e Division de Croiseurs, aux ordres du contre-amiral Gotō devaient aller bombarder Henderson Field.

Un convoi de renforts américain, acheminant près de 3 000 hommes de la Division Americal depuis Nouméa, escorté des croiseurs lourds USS Salt Lake City et San Francisco, des grands croiseurs légers USS Boise et Helena et de cinq destroyers, aux ordres du contre-amiral Scott (Task Group 64.2) venait d'arriver. Au large du cap Espérance, a l'extrémité nord-ouest de Guadalcanal, l'escadre américaine, prévenue par des avions de reconnaissance, a repéré au radar les croiseurs japonais, et leur a « barré le T ».

L'USS Boise, de la classe Brooklyn, arrive aux États-Unis pour se faire réparer, sa tourelle no 1 de 152 mm bloquée sur la droite, par un obus japonais de 203 mm, reçu à la bataille du Cap Espérance.

Le contre-amiral Gotō, après avoir donné l'ordre de faire demi-tour, pensant avoir affaire aux bâtiments du contre-amiral Jōjima, a été mortellement blessé, dès le début de l'engagement, sur la passerelle de l'Aoba par le feu du croiseur USS Helena. Le Furutaka, aux prises avec des destroyers américains, a été sérieusement endommagé par une torpille qui a noyé sa salle de machines avant[215], tandis que le Kinugasa engageait l'USS Salt Lake City et endommageait l'USS Boise. Pour son héroïsme et son habileté manœuvrière comme commandant de l'USS San Francisco, le captain McMorris a reçu la Navy Cross.

Le Furutaka a coulé dans la nuit. Le reste de l'escadre japonaise s'est retiré, tandis que les deux convois ont débarqué leurs troupes[216],[211].

Deux jours plus tard, les cuirassés rapides japonais Kongō et Haruna, aux ordres du vice-amiral Kurita, ont longuement bombardé Henderson Field, près de huit cent soixante-dix obus de 356 mm ont été tirés, dont une centaine de nouveaux obus explosifs incendiaires et à fragmentation dits de type “sankaidan”[217]. Près de cinquante avions ont été détruits, soit plus de la moitié des avions qui s'y trouvaient et la quasi-totalité du stock de carburant. Les deux jours suivants, ce sont les croiseurs lourds Chokai portant la marque du vice-amiral Mikawa et Kinugasa, puis Myōkō portant la marque du vice-amiral Takagi et Maya qui ont bombardé de nuit les positions américaines de Guadalcanal[218], tandis que le contre-amiral Tanaka et son “Tokyo Express” ont réussi à mettre à terre 4 500 hommes de renforts[219].

La bataille des îles Santa Cruz ()[modifier | modifier le code]

À ce moment, les effectifs américains et japonais sur Guadalcanal, étaient à peu près équivalents avec un peu plus de 20 000 hommes de part et d'autre[220]. Avec les attaques aériennes constantes de jour, et les bombardements navals de nuit, le moral des Marines était au plus bas. Le vice-amiral Halsey, arrivant à Nouméa en tournée, remis de sa maladie, y trouva, le 18 octobre, l'instruction de l'amiral Nimitz de prendre la suite du vice-amiral Ghormley comme Commandant de la zone du Pacifique Sud. Cette nomination d'un chef connu pour son énergie et son allant a galvanisé les troupes[221].

Carte des îles Santa Cruz

Certes, le , le croiseur lourd américain USS Chester qui accompagnait, au sein de la TF 64, un convoi de renforts a été endommagé par un torpillage du sous-marin I-176[218]. Pour appuyer une nouvelle offensive terrestre majeure, les forces navales japonaises (2e Flotte du vice-amiral Kondō et 3e Flotte du vice-amiral Nagumo) sont allées prendre position au sud-est de Guadalcanal, au nord des îles Santa Cruz, sur la route d'approche d'une flotte américaine qui viendrait de Nouméa. Les croiseurs lourds y étaient répartis au sein de trois forces:

  • la Force Avancée du Corps Principal, avec l'Atago (qui portait la marque du vice-amiral Kondō), et les Takao, Myōkō et Maya, escortant, avec la 2e escadre de destroyers du contre-amiral Tanaka, le Groupe d'Appui du vice-amiral Kurita (les cuirassés rapides Kongō et Haruna) et la 2e Division de Porte-avions du contre-amiral Kakuta, avec le seul Jun'yō, le Hiyō étant rentré à Truk, à la suite d'ennuis de machines.
  • la Force de Frappe des Porte-avions du vice-amiral Nagumo, avec le Kumano escortant la 1re Division de porte-avions (Shōkaku, Zuikaku et Zuihō)
  • le Groupe d'Avant-Garde du contre-amiral Abe, avec les Tone, Chikuma et Suzuya, escortant la 11e Division de cuirassés (Hiei et Kirishima).

Du côté américain, dans la Task Force 16, à la tête de laquelle le contre-amiral Kinkaid avait succédé au vice-amiral Fletcher, les réparations de l'USS Enterprise, menées rondement, ont permis à ce porte-avions d'être de nouveau opérationnel dès le . Lle nouveau cuirassé moderne USS South Dakota a remplacé l'USS North Carolina tandis que l'USS Washington arrivé à la mi-septembre à Tongatapu, avait été rattaché à la Task Force 64, pour couvrir les convois de renforts vers Guadalcanal. Dans la Task Force 17 du contre-amiral Murray, participaient à l'escorte de l'USS Hornet les croiseurs lourds USS Northampton et Pensacola et les croiseurs légers anti-aériens USS Juneau et San Diego.

Le Chikuma, sous une attaque aérienne à la bataille des îles Santa Cruz, le
L'USS Enterprise, et les USS Portland et USS South Dakota à la bataille des îles Santa Cruz

L'offensive terrestre japonaise a été déclenchée le 23 octobre. Le croiseur léger Yura qui s'était approché pour la soutenir a été coulé par l'aviation d'Henderson Field. Le 25, de son QG de Nouméa, le vice-amiral Halsey, fidèle à son comportement bien connu a signalé au contre-amiral Kinkaid, commandant supérieur à la mer : « Attaquez! Je répète: Attaquez! ». Ce fut la quatrième bataille aéronavale « au-delà de l'horizon », c'est-à-dire au cours de laquelle il n'y eut pas de contact visuel entre bâtiments ennemis.

Le premier coup a été porté par les Américains qui ont endommagé le Zuihō. Ce porte-avions a dû renoncer à récupérer les avions qu'il avait en vol. Le Chikuma a aussi été atteint. La riposte japonaise a immobilisé l'USS Hornet, puis ce sont le Shōkaku et l'USS Enterprise qui ont été touchés. Malgré l'efficacité de la DCA de l'USS South Dakota, qui a abattu 26 avions, et l'héroïsme du captain DuBose, commandant de l'USS Portland qui lui a valu la Navy Cross[222], le porte-avions a encaissé trois bombes, et le contre-amiral Kinkaid a décidé de se replier. Le Jun'yō a touché l'USS Hornet derechef, qui a été abandonné et coulé finalement par des destroyers japonais[223],[224].

La destruction de l'USS Hornet a permis aux Japonais de revendiquer la victoire, et il est vrai que l'US Navy se retrouvait une nouvelle fois avec un seul porte-avions opérationnel dans le Pacifique. Mais si la bataille fut un succès tactique japonais, il a été acquis au prix de lourdes pertes pour les pilotes de l'aviation embarquée japonaise[213],[225]. À terre, sur Guadalcanal, l'offensive japonaise a été repoussée (bataille d'Henderson Field).

Le , le vice-amiral Nagumo est remplacé à la tête de la 3e Flotte par le vice-amiral Ozawa.

Les batailles navales de Guadalcanal ()[modifier | modifier le code]
L'USS Atlanta, le , vingt jours avant sa destruction

Deux croiseurs lourds, Suzuya et Maya, ont été affectés à la 8e Flotte de l'amiral Mikawa, début , pour compenser les pertes subies par la 6e Division de croiseurs, où seul le Kinugasa restait opérationnel. Le 9 novembre, une puissante force navale aux ordres du vice-amiral Kondō, promu Commandant-en-Chef adjoint de la Flotte combinée, partie des Truk est arrivée à l'atoll d'Ontong Java à 135 nautiques au nord de Guadalcanal. En son sein, les croiseurs lourds Atago et Takao et Tone, escortaient le porte-avions Jun'yō et les deux cuirassés rapides, Kongō et Haruna, de la Force de Bombardement d'Urgence du vice-amiral Kurita. Les deux cuirassés rapides , Hiei et Kirishima, de l'Unité de Bombardement du vice-amiral Abe étaient accompagnés de destroyers menés par le croiseur léger Nagara. Il s'agissait de couvrir l'approche d'un grand convoi de troupes de 11 navires rapides, transportant 13 500 hommes, escortés par douze destroyers de la 2e escadre de destroyers du contre-amiral Tanaka.

Le , est arrivé à Guadalcanal un convoi de renforts, de la Task Force 67, aux ordres du contre-amiral Turner, escorté des croiseurs lourds USS San Francisco, portant la marque du contre-amiral Callaghan (TG 67.4) et Portland, du grand croiseur léger USS Helena, et des croiseurs légers anti-aériens USS Juneau et Atlanta portant la marque du contre-amiral Scott (TG 67.2).

Dans la nuit du , les deux cuirassés rapides japonais, Hiei, qui portait la marque du vice-amiral Abe, et Kirishima, accompagnés du croiseur léger Nagara et de onze destroyers, avaient mission de bombarder Henderson Field. Averti le contre-amiral Turner, Commandant de la Force Amphibie du Pacifique Sud, a emmené les navires de transport américains se mettre à l'abri à Espiritu Santo, aux Nouvelles-Hébrides, dans la soirée du . À h 30, le 13, entre Guadalcanal et l'île de Savo, dans « le détroit au fond de ferraille » (Ironbottom Sound), tant y étaient nombreuses les épaves de navires et d'avions qui y avaient coulé depuis trois mois, les croiseurs USS Atlanta, San Francisco, Portland, Helena, et Juneau avec huit destroyers ont intercepté la force japonaise[226].

S'est alors engagée dans la nuit une mêlée confuse où les tirs fratricides ont été fréquents. Il en résulta une hécatombe de bâtiments légers. Quatre destroyers américains et deux destroyers japonais ont été coulés, les croiseurs légers USS Atlanta, et Juneau ont été désemparés[227] et les contre-amiraux Scott et Callaghan ont été tués sur la passerelle des USS Atlanta et San Francisco respectivement. Mais au début du combat, l'emploi par les cuirassés japonais d'obus explosifs, destinés au bombardement d'Henderson Field, explique sans doute que les croiseurs lourds américains, USS San Francisco et Portland, quoique touchés à maintes reprises, n'aient pas été coulés. Ainsi l'USS Portland, son gouvernail avarié s'est mis à tourner en rond, sans arrêter de mitrailler à courte distance le Hiei, dont la cuirasse de ceinture n'avait que 203 mm d'épaisseur, et qui a beaucoup souffert. Le captain DuBose, commandant de l'USS Portland, en a reçu la Navy Cross pour la deuxième fois[222].

Vers h 30, le combat cessa et le vice-amiral Abe, qui ne s'était pas rendu compte que, face à lui, seul l'USS Helena était encore en état de combattre, s'est retiré sans bombarder Henderson Field, ni faire débarquer de troupes[228], que le contre-amiral Tanaka a emmené attendre la suite aux îlots Shortland.

Le Hiei, que les Japonais avaient en vain tenté de remorquer, fut attaqué le lendemain par l'aviation d'Henderson Field et l'aviation embarquée de l'USS Enterprise, il a fini par couler dans la soirée, comme d'ailleurs l'USS Atlanta, et l'USS Juneau torpillé par le sous-marin japonais I.26[229], qui le fit exploser[228]. Dans le même temps, la Task Force 64, aux ordres du contre-amiral Lee, constituée autour des deux cuirassés modernes USS Washington et South Dakota accompagnés de quatre destroyers, a été dépêchée vers Guadalcanal[230].

Le croiseur lourd Takao et le cuirassé Kirishima, en route pour Guadalcanal, le (photo prise du croiseur Atago, navire amiral)

Dans la soirée du , le vice-amiral Mikawa arriva de Rabaul avec les croiseurs lourds Chōkai, Kinugasa, Maya, Suzuya ce dernier portant la marque du vice-amiral Nishimura ainsi que deux croiseurs légers. Le Maya, et le Suzuya sont allés bombarder Henderson Field, sans encombre, car les deux cuirassés américains étaient encore à 350 nautiques au sud de Guadalcanal[230]. L'escadre fut attaquée sur le chemin du retour par l'aviation de l'USS Enterprise qui a coulé le Kinugasa, gravement endommagé le Maya, et envoyé par le fond sept des onze navires de transport du convoi prévu pour débarquer à Guadalcanal[231].

Le cuirassé USS Washington tire sur le Kirishima à 8 000 mètres, on remarque l'élévation très faible des canons de 406 mm

L'amiral Yamamoto ayant relevé de son commandement le vice-amiral Abe, et désigné le vice- amiral Kondō pour retourner à l'attaque, le , celui-ci rallia le Kirishima avec deux croiseurs lourds, l'Atago, sur lequel flottait sa marque, et le Takao, deux croiseurs légers et neuf destroyers. Les marins japonais qui ne disposaient pas de radar, avaient en revanche un grand entrainement au combat de nuit. Les navires américains, parvenus à proximité de l'île de Savo, ouvrent le feu vers 23 h 15, sur les deux croiseurs légers japonais Sendai et Nagara[232], et le combat s'est engagé entre les destroyers, où les Japonais ont eu l'avantage de leur expérience au combat de nuit et la supériorité de leurs torpilles Longues Lances[233]. Les deux cuirassés et les deux croiseurs lourds japonais ont accablé alors l'USS South Dakota, quasi paralysé par une perte de puissance de son système électrique. Mais sur l'USS Washington, qui n'avait pas été repéré, et maîtrisait bien la nouvelle technologie du radar, le contre-amiral Lee lance à la radio « Ici Ching Chong Lee, tenez vous à l'écart ! Je vais passer au travers ! », et le sort du Kirishima a été scellé, en quelque sept minutes, par neuf impacts d'obus de 406 mm, tirés de 8 000 mètres[233]. Le vice-amiral Kondō s'est replié aussitôt vers le nord, avec ses croiseurs lourds, laissant les bâtiments légers recueillir les survivants, tandis que les cuirassés américains se retiraient vers le sud. Les quatre navires de transport restant du convoi qui accompagnait les cuirassés japonais se sont jetés à la côte, où ils ont été détruits le lendemain[233].

L'amiral King conclut « Well done ! ». « Ching » Lee a sobrement commenté : « Nous avons réalisé alors et cela ne devrait pas être oublié maintenant, que notre entière supériorité a été due presque entièrement à notre possession du radar. C'est certain, nous n'avions aucune marge de supériorité sur les Japonais en expérience, en dextérité, en formation, ou en performance du personnel. »[234]

Le 26 novembre, le vice-amiral Halsey a été promu amiral[221].

Les batailles de Tassafaronga et de l'île de Rennell[modifier | modifier le code]
L'USS Minneapolis rentre à Pearl Harbour sans sa proue qui a été détruite à la bataille de Tassafaronga

La Marine Impériale japonaise a renoncé dès lors à bombarder les positions américaines de Guadalcanal. Pour ravitailler en armes les troupes japonaises, elle n'a plus eu recours qu'à des destroyers, et non à des convois de navires de transport[235]. De leur côté, ne pouvant affecter leurs cuirassés modernes en permanence à Guadalcanal, les Américains ont constitué une Task Force (TF. 67) de cinq croiseurs, USS Minneapolis, New Orleans, Pensacola, Honolulu et Northampton. Aux ordres du contre amiral Wright, cette escadre a rencontré, au large de Lunga Point, dans la bataille de Tassafaronga, le , huit destroyers emmenés par le contre amiral Tanaka, effectuant la première mission du « Tokyo Express » dans sa nouvelle formule. Un destroyer japonais fut coulé, mais les autres bâtiments, avant de se dérober, lancèrent une gerbe de torpilles « Longues Lances » : l'USS Northampton a été coulé et les trois croiseurs lourds ont été gravement avariés. Ce fut une des plus cinglantes défaites de l'US Navy dans le Pacifique[236].

Le , le vice-amiral Kusaka qui commandait la 11e Flotte Aérienne basée à Rabaul est nommé commandant d'une nouvelle Flotte de la Zone du Sud-Est avec autorité sur toutes les forces navales et aériennes de Nouvelle-Guinée et des Salomon.

L'USS Chicago, bas sur l'eau après avoir été torpillé au large de l'île de Rennel, dans la nuit du 29 au , sera achevé le 30, par de nouvelles attaques aériennes japonaises

À Guadalcanal, où l'Armée de Terre avait pu relever les Marines, les effectifs de troupes américaines ont atteint 50 000 hommes[237], soit le double environ de ceux des Japonais ; aussi ceux-ci ont-ils décidé, début janvier, de se replier, et d'établir leur ligne de défense sur la Nouvelle-Géorgie, à 150 nautiques au nord-ouest de Guadalcanal. L'évacuation a été achevée début février après qu'à la bataille de l'île de Rennell, le 29-, l'USS Chicago ai été torpillé puis coulé par l'aéronavale japonaise alors qu'il avait échappé à la destruction à la bataille de l'île de Savo[235].

Avec les victoires d'El-Alamein, de Guadalcanal, et de Stalingrad, la situation au tournant de 1942-1943, a été définie par Sir Winston Churchill « Ce n'est peut-être même pas le commencement de la fin, mais la fin du commencement. »

En 1943, sur mer, l'Axe recule et les Alliés avancent[modifier | modifier le code]

Après la bataille de la mer de Barents, l'opinion d'Hitler a été arrêtée, la stratégie du Grand amiral Raeder de guerre au trafic allié par des navires de surface est un échec. La seule stratégie qui vaille est la guerre sous-marine, et l'amiral Dönitz a été nommé à la tête de la Kriegsmarine. Fervent partisan de la guerre sous-marine, le nouveau Commandant-en-Chef des forces navales obtient de différer la mise à la ferraille des cuirassés et croiseurs, tous repliés en Allemagne, à l'exception du Tirpitz.

Mais les Alliés vont prendre l'avantage dans la bataille de l'Atlantique. En Égypte, à la suite de la bataille d'El-Alamein, le maréchal Rommel n'a pu qu'essayer de sauver son armée en se repliant vers l'ouest. Après la défaite germano-italienne en Tunisie, les Alliés préparent l'invasion de l'Italie. En Russie, après Stalingrad, l'Armée rouge a toujours de gros besoins en matériel mais d'autres routes que l'Arctique ont pu être utilisées[238]. Dans le Pacifique, la puissance industrielle américaine produit ses premiers effets : les croiseurs et les porte-avions construits depuis le début de la guerre en Europe sont entrés en service dans la seconde moitié de 1943.

Dans l'Atlantique et en Arctique[modifier | modifier le code]

1943 - Les U-boote en échec[modifier | modifier le code]

La stratégie navale allemande est, en cette année 1943, totalement orientée vers la guerre sous-marine. Certes le tonnage allié coulé est passé d'environ 4 millions de tonnes en 1940 et autant en 1941 à près de 7,8 millions en 1942. La part coulée dans l'Atlantique nord passant de 45-50 % à 70 %, et celle revenant aux sous-mains passant de 55 % à 80 % (pour mémoire, celle revenant aux raiders est passée de 8,5 % en 1940 à 2,5 % en 1942 et celle revenant aux bâtiments de guerre, de 2,5 % à 1,6 %). Mais l'âpreté des combats apparait au travers du nombre des sous-marins coulés qui passe de 23 en 1940, à 35 en 1941 et 87 en 1942[239], ce qui signifie que le ratio du nombre de sous-marins perdus par million de tonnes coulé passe de près de 6 en 1940 à plus de 11 en 1942. L'amiral Dönitz peut croire que le choix stratégique fait est justifié. Mais au cours des trois premiers mois de 1943, le tonnage des navires coulés se situe à la moitié de celui de la même période de l'année précédente, alors que le nombre de sous-marins coulés atteint 40, dont 31 dans l'Atlantique. C'est l'effet cumulé de toutes les mesures de la panoplie utilisée par les forces alliées : armes anti sous-marins aéroportées, radars à longueur d'onde centimétrique, avions de surveillance et d'attaque à très long rayon d'action, premiers porte-avions d'escorte opérationnels (USS Bogue et Biter), etc. À la fin de l'année, le tonnage de navires coulés est de 3,2 millions de tonnes soit 41 % de ce qui a été coulé en 1942 ou 80 % du tonnage coulé en 1940, et le nombre d'U-boote perdus approche de 250, dont 200 dans l'Atlantique[240].

Les croiseurs des deux camps n'ont eu qu'un rôle minime dans tout cela, les Allemands n'ont jamais engagé de forces de surface contre les escortes des convois de l'Atlantique. Du côté allié, il y eut des patrouilles océaniques contre les “forceurs de blocus”. Sur quinze de ces navires qui s'efforçaient de revenir du Japon en Allemagne, sept ont été coulés, comme le Regensburg canonné par le HMS Glasgow au nord de l'Irlande, le 30 mars, ou le Portland, qui s'est sabordé, le 13 avril, après avoir été arraisonné dans l'Atlantique central, par le Georges Leygues[241].

Les choses ont été différentes pour les convois de l'Arctique. On le voit à la fin de 1943.

Le "Scharnhorst" coulé à la bataille du cap Nord ()[modifier | modifier le code]

Le début de l'année 1943 a vu une série de convois (JW-52 et RA-52, JW-53 et RA-53) passer à peu près sans encombre. La chaine de commandement de la Kriegsmarine a été modifiée. Le Generaladmiral Carls, théoricien de l'emploi des grands navire de surface, proposé en premier par le Grand amiral Raeder pour lui succéder, et qu'Hitler n'a pas retenu au bénéfice de l'amiral Dönitz, a quitté le commandement du Groupe nord. L'amiral Schniewind lui a succédé, le commandement des "Eaux Arctiques" en Norvège a été supprimé et ses attributions ont été rattachées au commandement du Groupe Nord. Fin février, Dönitz, promu Grand amiral, obtient d'Hitler, non sans difficulté, que le Scharnhorst passe de la Baltique en Atlantique nord. Le , il arrivait à Narvik puis il rejoint l'Altenfjord[242].

Il n'y eut pas de convoi de Russie au printemps et à l'été 1943, les débarquements de Sicile et de Salerne nécessitant la présence en Méditerranée de la majeure partie des escorteurs. La Home Fleet conserve cependant trois cuirassés de la classe King George V en Écosse, pour en avoir, en permanence, deux opérationnels en cas de tentative du Tirpitz de passer dans l'Atlantique. La pénurie de mazout a toutefois contraint les grands navires allemands pendant cette période à rester au mouillage, mis à part quelques rares écoles à feu et un bref raid du Tirpitz et du Scharnhorst, contre les stations météorologiques du Spitzberg, début août[242].

Le Tirpitz ayant été immobilisé pour plusieurs mois à la suite de l'attaque de sous-marins nains le , l'Amirauté britannique, au sein de laquelle l'amiral Sir Andrew Cunningham avait remplacé fin août, comme Premier Lord de la Mer, l'amiral de la Flotte sir Dudley Pound, peut tenir la promesse faite par Winston Churchill à Staline d'organiser un convoi de 30 à 40 navires, chaque mois de novembre à février. Les convois RA-54-A, JW-54-A et B, passent sans encombre en novembre[243]. Pour le convoi JW-55-A, début décembre, l'amiral Fraser qui