Vol Air Transat 236

Vol Air Transat 236
C-GITS, l'Airbus A330 d'Air Transat impliqué dans l'incident, ici en septembre 2008.
C-GITS, l'Airbus A330 d'Air Transat impliqué dans l'incident, ici en septembre 2008.
Caractéristiques de l'accident
Date
TypePanne sèche, atterrissage d'urgence
CausesErreur de maintenance, erreur de pilotage
SiteBase aérienne de Lajes, île de Terceira, Açores
Coordonnées 42° 43′ 59″ nord, 23° 04′ 59″ ouest
Caractéristiques de l'appareil
Type d'appareilAirbus A330-243
CompagnieAir Transat
No  d'identificationC-GITS
Lieu d'origineAéroport international Pearson de Toronto, Canada
Lieu de destinationAéroport Humberto Delgado de Lisbonne, Portugal
Passagers293
Équipage13
Morts0
Blessés18 (mineurs)
Survivants306 (tous)

Géolocalisation sur la carte : océan Atlantique
(Voir situation sur carte : océan Atlantique)
Vol Air Transat 236

Le vol Air Transat 236, un vol international régulier assuré par un Airbus A330 de la compagnie canadienne Air Transat entre Toronto et Lisbonne le , se retrouve en panne de kérosène au-dessus de l'océan Atlantique avec 306 personnes à bord.

Le pilote Robert Piché, aidé de son copilote Dirk DeJager, réussit à poser l'appareil sur une piste d'atterrissage aux Açores avec les deux moteurs arrêtés et après un vol plané de 21 minutes pour une distance de 120 km. Les 293 passagers et 13 membres d'équipage sont sains et saufs, seuls 18 d'entre eux ont été légèrement blessés lors de l'évacuation d'urgence. À la suite de cet incident inhabituel, cet avion a été surnommé le « Planeur des Açores ».

Avion et équipage[modifier | modifier le code]

C-GITS, l'appareil impliqué dans l'incident, ici en mai 1999 (2 ans avant l'incident).

L'appareil impliqué est un Airbus A330-243 âgé de deux ans, immatriculé C-GITS, qui a volé pour la première fois le , configuré avec 362 sièges en cabine et mis en service par Air Transat le .

Ce biréacteur long-courrier est propulsé par deux turboréacteurs à double flux, de type Rolls-Royce Trent 772B-60, capables de délivrer chacun une poussée de 316 000 newtons.

Le vol 236 est assuré par le commandant de bord Robert Piché, qui totalise 16 800 heures de vol, dont 796 sur Airbus A330, et le copilote Dirk DeJager, qui cumule 4 800 heures de vol, dont 386 heures sur Airbus A330. 

Nature de la panne[modifier | modifier le code]

En vol et pendant la nuit, alors que l'avion a parcouru plus des deux tiers de son trajet, le commandant de bord et l'officier pilote de ligne (OPL, copilote) sont avertis d'un problème de pression d'huile trop forte et d'une température d'huile trop basse sur le moteur droit. Ceci constitue une panne inattendue en vol : en effet, c'est plutôt l'inverse qui peut se produire, à savoir une température trop élevée entraînant une baisse de la pression. Le manuel d'instruction du bord ne répertorie pas cette panne, et le centre technique d'Air Transat de Mirabel au Québec, contacté par radio, n'est pas non plus capable de fournir une explication.

Ce problème d'huile ne mettant pas en danger l'avion, les pilotes décident de continuer le vol normalement, suspectant un problème informatique. Vingt minutes plus tard, une deuxième alarme se déclenche, avertissant cette fois d'un problème de déséquilibre entre les quantités de kérosène des réservoirs présents dans chaque aile.

Sans le réaliser, les pilotes sont confrontés à une fuite de kérosène. En cas d'alarme de déséquilibre des quantités de kérosène, le manuel spécifie alors d'ouvrir la vanne de transfert entre les réservoirs pour rééquilibrer les niveaux de kérosène, mais ce transfert ne doit pas être effectué si une fuite de carburant est suspectée. Mais comme le premier officier a fait un contrôle, habituel, des quantités restantes de carburant un quart d'heure auparavant et que tout était normal, le commandant lui demande d'ouvrir la vanne de transfert. Ce faisant, ils provoquent la perte de la majeure partie de carburant restant à cause de cette fuite, dont ils ignorent l'existence. Le problème de déséquilibre persistant, le commandant commence à suspecter un possible problème de fuite. Il demande à la chef de cabine principale d'aller voir par un des hublots de l'arrière si elle voit une traînée sur le derrière de l'aile, mais, avec la nuit, cette dernière ne voit rien. La vanne de transfert reste ouverte et le premier officier contrôle à nouveau le niveau de carburant. Il s'avère qu'il ne reste presque plus de kérosène. Moins d'une heure après la première alarme, le moteur droit s'arrête, suivi quinze minutes plus tard du moteur gauche. L'avion plane.

Origine de la panne[modifier | modifier le code]

Le moteur droit de l'avion avait été déposé pour maintenance et remplacé par un moteur envoyé par Rolls Royce. Mais ce moteur a été fourni sans les raccords de la pompe hydraulique. Les mécaniciens d'Air Transat ont alors utilisé des pièces prises sur un ancien réacteur. Mais les conduites et la patte de fixation ne correspondaient pas exactement et la canalisation hydraulique a frotté contre une canalisation de carburant pendant les cinq jours précédant l'accident.

L'interférence a été causée par une incorporation incomplète du bulletin de service[1].

Le frottement subséquent a entraîné la défaillance de la canalisation de carburant. Le chef mécanicien s'était inquiété de ce remplacement par une pièce ne correspondant pas exactement mais ses supérieurs n'ont pas voulu immobiliser l'avion le temps que les pièces adéquates arrivent.

La fuite, estimée à 4 litres par seconde, a causé un débit supérieur à la normale de kérosène à travers l'échangeur de chaleur carburant-huile, utilisé pour prélever de la chaleur à l'huile et réchauffer le carburant pour accroître l'efficacité du moteur. Le débit inhabituel dans l'échangeur a entraîné un refroidissement excessif de l'huile et sa viscosité excessive, ce qui a provoqué les deux alertes initiales de température et de pression qui ont induit en erreur les pilotes[2].

Réaction du poste de pilotage[modifier | modifier le code]

Après avoir peut-être échoué à reconnaître la nature du problème, privilégiant d'abord un problème d'ordinateur de bord, l'équipage réagit ensuite avec sang-froid et habileté. Il entreprend un déroutement vers une piste d'atterrissage alternative, sur la base aérienne de Lajes, dans les Açores. Un mayday (déclaration de détresse à bord) est lancé.

Les pilotes renoncent à tenter un amerrissage, trop dangereux. Le transpondeur de l'avion est tombé en panne, ce qui l'empêche d'être détectable sur un radar secondaire, heureusement la base de Lajes est dotée d'un radar primaire militaire qui lui permet de repérer l'avion. Le vol se déroute vers le sud, rejoignant en vol plané la piste d'atterrissage de Lajes.

L'arrêt des réacteurs provoque l'arrêt du générateur électrique et donc l'arrêt de la plupart des systèmes de pilotage, faute d'électricité. Les pilotes activent l'éolienne de secours qui permet avec la vitesse de l'avion de fournir les systèmes électriques au minimum.

Comme l'avion arrive trop vite et trop haut, le pilote effectue des manœuvres en "S" (succession de virages serrés permettant de perdre de l'altitude et de la vitesse) pendant que l'aéroport se prépare à un atterrissage en catastrophe.

Touchant la piste à une vitesse excessive de 200 nœuds (environ 370 km/h), l'Airbus peut freiner à temps grâce aux freins d'urgence et surtout à la longueur de la piste, 3,3 km, prévue pour l'usage militaire. S'il n'y était pas parvenu, l'Airbus aurait probablement effectué une chute mortelle pour ses passagers, la piste se terminant au ras d'une falaise. Huit des dix pneus éclatent, l'atterrissage est brutal, mais l'avion ne prend pas feu. Tous les passagers et membres d'équipage peuvent sortir sur les toboggans d'urgence. Les pilotes sont traités en héros.

Si la panne s'était déclarée plus tôt, si les vents avaient été défavorables ou si l'avion avait suivi comme initialement prévu une route plus au nord, l'avion n'aurait peut-être pas pu atteindre en vol plané cette piste d'atterrissage de secours et aurait été contraint d'amerrir dans des conditions très dangereuses.

Conséquences[modifier | modifier le code]

Une enquête est menée et permet d'identifier les causes probables de l'accident. Quelques jours après l'accident, Air Transat reconnait son erreur de maintenance et la compagnie est condamnée à une amende d'un million de dollars.

Plusieurs recommandations sont faites, notamment d'apporter des modifications aux systèmes de l'appareil afin de faciliter le diagnostic d'une éventuelle fuite de carburant et de perfectionner la formation des pilotes.

Airbus accuse les pilotes d'avoir mal géré la fuite de carburant mais apporte des modifications sur le manuel et l'électronique de bord de l'A330 en cas de déséquilibre des réservoirs. L'ordinateur de bord compare désormais tous les niveaux de kérosène avec le plan de vol et signale toute baisse anormale par rapport à la consommation prévue des réacteurs.

En 2010, Robert Piché pilote encore pour Air Transat, tandis que Dirk DeJager pilote pour Emirates. Les passagers considèrent pour la plupart qu'ils leur doivent la vie. Le pilote et son copilote ont été récompensés en 2002 pour avoir effectué le « plus long vol plané de l'histoire aéronautique » (21 minutes) avec un avion de ligne de cette taille (le , une Caravelle d'Air France avait effectué un vol plané Orly-Dijon en 46 minutes, mais la manœuvre avait été soigneusement préparée).

Médias[modifier | modifier le code]

L'accident fait l'objet d'un épisode dans la série télé Air Crash nommé « Du bout des ailes » (saison 1 - épisode 6). Il est également présent dans le film Piché, entre ciel et terre qui raconte de façon romancée la vie de Robert Piché.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. U.S. Department of Transportation Federal Aviation Administration, « Lessons Learned : Air Transat Flight TSC236, A330  ; Location: Terceira Airport, Azores ; Date: August 24, 2001 », sur lessonslearned.faa.gov (consulté le )
  2. (en) Peter B. Ladkin, « Air Transat Flight 236: The Azores Glider », (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]