Trouble comportemental en sommeil paradoxal

Le trouble comportemental en sommeil paradoxal (TCSP) est un trouble du sommeil caractérisé par des mouvements mimant un rêve en cours, pendant une phase de sommeil paradoxal. Il se distingue des mouvements se produisant pendant le sommeil lent, comme le somnambulisme et la somniloquie.

Le TCSP se manifeste régulièrement chez les patients souffrant d'une maladie neurodégénérative (principalement la maladie de Parkinson, la maladie à corps de Lewy, l'atrophie multisystématisée et les autres synucléinopathies), mais c'en est aussi un signe avant-coureur fréquent (phase prodromique).

Histoire[modifier | modifier le code]

Les premières descriptions de rêves agités chez les patients atteints de la maladie de Parkinson datent de l'identification de la maladie par James Parkinson en 1817[1] :

« The tremulous motion of the limbs occur during sleep, and augment until they awaken the patient, and frequently with much agitation and alarm »

« Des tremblements des membres se produisent pendant le sommeil, et augmentent jusqu'à ce qu'ils réveillent le patient, souvent avec beaucoup d'agitation et de frayeur. »

Le caractère prodromique du TCSP n'est en revanche reconnu qu'à la fin du XXe siècle[2], et son lien avec les synucléinopathies est surtout étudié dans les années 2020[3].

Prévalence[modifier | modifier le code]

Le TCSP touche 0,5 à 1,25 % de la population générale, plus particulièrement les sujets âgés (et un peu plus les hommes que les femmes)[3].

Sémiologie[modifier | modifier le code]

Chez les personnes atteintes de TCSP, l'atonie musculaire habituelle en sommeil paradoxal est levée. Les premières études du TCSP, à la fin des années 1980, font état de rêves violents et de comportements agressifs chez des personnes peu enclines à la violence, comme chez les chats auxquels Michel Jouvet avait fait subir une lésion du tronc cérébral. C'est ce qui a amené Carlos H. Schenck et ses collègues à surveiller leurs 29 patients afin de voir s'ils développeraient une maladie cérébrale, qui effectivement est survenue chez 21 d'entre eux au bout de 10-15 ans.

En fait, les rêves violents sont surreprésentés dans les rapports parce qu'ils sont plus susceptibles de réveiller le dormeur ou son conjoint, mais quand on réveille des personnes souffrant d'un TCSP leur proportion de rêves violents n'est pas supérieure à celle des rêveurs ordinaires[3].

Origine[modifier | modifier le code]

Le TCSP peut être dû à la prise de certains médicaments (notamment des antidépresseurs) ou résulter d'une autre pathologie (narcolepsie, tumeur du tronc cérébral).

En l'absence de ces explications, le TCSP a une grande probabilité d'être le premier stade d'une maladie neurodégénérative. Le suivi de 1 280 patients atteints de TCSP montre que douze ans après, 74 % ont reçu un diagnostic de maladie neurodégénérative. Le TCSP semble résulter d'une neurodégénérescence due à l'agrégation d'alpha-synucléine dans les zones du tronc cérébral qui normalement bloquent les voies motrices pendant le sommeil paradoxal. On ne sait pas détecter ces agrégats in vivo, mais les autopsies de personnes atteintes de TCSP montrent ces accumulations chez 90 % d'entre elles[3].

Risques et bénéfices[modifier | modifier le code]

Le TCSP peut être dangereux pour le rêveur ou pour ses partenaires en raison de l'éventuelle violence de ses mouvements. C'est un signe précurseur fiable des synucléinopathies, notamment la maladie de Parkinson. Toutefois, en l'absence de traitement curatif ou préventif (seuls existent des traitements symptomatiques), il n'est pas utile d'en faire le dépistage précoce.

Si le TCSP est annonciateur d'une maladie de Parkinson ultérieure, l'inverse n'est en revanche pas vrai : seules un tiers des personnes atteintes de la maladie ont présenté un TCSP antérieurement. Il semble qu'il y ait deux versions de la maladie, l'une qui commencerait dans l'intestin avant de migrer vers le cerveau via le nerf vague (en passant par le tronc cérébral et provoquant donc un TCSP), et l'autre qui commencerait dans l'amygdale, la substantia nigra et d'autres parties du cerveau[3].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) James Parkinson, An Essay on the Shaking Palsy, Londres, Sherwood, Neely and Jones, , republié dans (en) James Parkinson, « An Essay on the Shaking Palsy », The Journal of Neuropsychiatry and Clinical Neurosciences (en), vol. 14, no 2,‎ , p. 223-236 (DOI 10.1176/jnp.14.2.223 Accès libre).
  2. (en) Carlos H. Schenck, Scott R. Bundlie et Mark W. Mahowald, « Delayed emergence of a parkinsonian disorder in 38% of 29 older men initially diagnosed with idiopathic rapid eye movement sleep behavior disorder », Neurology, vol. 46, no 2,‎ (DOI 10.1212/WNL.46.2.388).
  3. a b c d et e Diana Kwon, « Les rêves : une fenêtre sur notre santé mentale ? », Pour la science, no 546,‎ , p. 22-29 (présentation en ligne).