Résistance arménienne pendant le génocide arménien

Défenseurs arméniens lors du siège de Van en 1915

La résistance arménienne comprend les efforts militaires, politiques et humanitaires[1] pour contrer les forces ottomanes et atténuer le Génocide arménien pendant la Première Guerre mondiale. Au début de la Première Guerre mondiale, l'Empire ottoman entreprend des efforts pour éradiquer la culture arménienne et éliminer la vie arménienne, par la mise en place d'une politique génocidaire et des marches de la mort dans des déserts inhabitables et des régions montagneuses. Le résultat est l'homogénéisation de l'Empire ottoman et l'élimination de 90% de la population ottomane arménienne[2].

Ces efforts sont contrés par les tentatives arméniennes d'atténuer la situation par la mise en place de réseaux humanitaires. Ceux fournis pour les besoins de base comme la nourriture et les cachettes. Plusieurs soulèvements armés tentant de résister à la déportation sont notables, notamment la Défense de Van (1915) ainsi que celles du Musa Dagh et d'Urfa. Pourtant, la résistance violente est rare et souvent inefficace[2], par rapport au réseau humanitaire qui sauve jusqu'à 200 000 Arméniens de la mort[3]. Les mouvements de résistance locaux sont notamment soutenus par un réseau transnational d'aide, à savoir l'ABCFM, le comité de secours arménien américain et des missionnaires[4].

De plus, des efforts militaires pour contrer l'armée ottomane sont menés par les forces arméniennes, telles que les forces de résistance arméniennes (appelées fedayin/fedaïs) et les unités irrégulières arméniennes. Ceux-ci soutiennent les efforts russes pour avancer sur le front ottoman dans le Caucase[5].

Résistance humanitaire contre le génocide[modifier | modifier le code]

La résistance humanitaire fait référence à une conduite illégale visant à atténuer les effets de la déportation et à empêcher l'anéantissement. Les principaux acteurs de cette résistance sont des chefs religieux et civiques, tels que des comités d'église, des médecins et des infirmières, des musulmans locaux, des dignitaires arméniens influents et des missionnaires étrangers. Ceux-ci établissent un réseau d'entraide, qui fournit aux déportés dans les camps des besoins de base, tels que de la nourriture, du bois de chauffage et un soutien financier par le biais de transferts d'argent[1]. Ce réseau sauve des milliers d'Arméniens de la mort[1]. Au début des déportations, ces efforts sont encore légaux, mais avec des tensions croissantes, ces efforts ont été confrontés à la répression en 1915, à la criminalisation et à l'obligation de passer à la clandestinité[1].

Orphelinat arménien à Alep en Syrie

À partir de là, la résistance mène moins d'actions publiques. Les réfugiés sont cachés dans des maisons privées, des centres communautaires et des enfants dans des orphelinats[5]. Les usines militaires et les hôpitaux sous l'influence des membres du réseau ont pour objectif d'employer des Arméniens, de leur fournir un permis de se déplacer librement dans la ville et de les intégrer avec succès dans leur nouvel environnement. Cela empêche leur déportation dans certains cas[5].

Résistance individuelle[modifier | modifier le code]

Dans la sphère privée, la résistance est présente dans les petits moments de vie. Les liens familiaux dans les camps sont des tentatives de créer à travers leurs fonctions traditionnelles un sentiment de normalité. Ce système de soutien social vise à établir une sécurité relative, s'occupe des orphelins et fournit des soins de santé dans les circonstances données[1].

Des individus, issus de la population musulmane, et des officiers en tant qu'autorités municipales résistent aux ordres d'expulsion et sont souvent démis de leurs fonctions[6].

Résistance par la collecte d'informations[modifier | modifier le code]

L'information établit une part importante de la résistance et était essentielle à la survie. Des lettres d'information clandestines sur les développements dans d'autres camps, les abus des responsables du CUP sur les déportés et des conseils sur la façon de survivre dans les camps aident les Arméniens à s'adapter aux nouvelles réalités de la vie[6]. Le plein impact du génocide est longtemps caché au public ottoman et international. La censure des ambassades étrangères entrave l'attention et l'intervention internationales. Pour contourner la censure ottomane, de nouveaux modes d'expression sont employés, comme les citations de passages bibliques et d'œuvres littéraires, qui permettent une diffusion restreinte de la connaissance du génocide dans les médias et la politique internationale[4]. De telles informations provoquent la mise en place d'organismes de soutien internationaux tels que l'ABCFM, le Conseil arménien des commissaires pour les missions étrangères et la fondation du comité américain de revivification arménienne, ce qui conduit à la collecte de fonds et à la mise en place de pressions internationales[4].

Résistance militaire contre le génocide[modifier | modifier le code]

La majorité de la population arménienne est mécontente de la résistance militaire contre le génocide et espère plutôt survivre grâce à une loyauté affichée. Des acteurs importants de la communauté arménienne comme l'Église atténuent les actions rebelles et mettent plutôt l'accent sur la patience[2].

Résistance arménienne à Urfa 1915

Dans certains cas, la résistance militaire a réussi :

  • la Défense de Van en 1915[5].
  • A Adana en 1915. Les Arméniens d'Adana contournent la déportation en 1915 en se retirant dans les montagnes du Musa Dagh grâce à un soutien des irréguliers arabes dans la région[7]. Là, ils résistent aux forces ottomanes où ils assurent la survie de 4.200 villageois[7].

D'autres mouvements de résistance éclatent et ont pour effet l'anéantissement de villages entiers[2].

Résistance infructueuse :

  • Urfa résiste à la déportation des troupes ottomanes en août 1915 et tient 25 jours seulement avant d'être reprise. La plupart de la population est alors assassinée ou se suicide pour échapper au génocide[2].

Résistance militaire antérieure contre les forces ottomanes[modifier | modifier le code]

Les actes de résistance militaire arménienne contre les forces de l'Empire ottoman sont notamment :

Forces de résistance arméniennes[modifier | modifier le code]

Défenseurs de la résistance d'Urfa

Les Forces de résistance arméniennes (FRA) sont créées en 1890 à partir de volontaires arméniens appelés fedaïs[8] et de membres du mouvement de libération nationale arménien. Les membres importants sont Murad de Sivas et Karekin Pastermadjian/Armen Garo. Leur objectif principal est d'opposer une résistance aux forces ottomanes et d'agir en tant que défenseurs de la nation arménienne[8]. La FRA acquiert une importance majeure pendant la Première Guerre mondiale sur le front du Caucase, où elle rejoint l'armée russe. Leur participation contribue à la défaite de l'armée ottomane en janvier 1916[8]. Les principales légions combattant avec la Russie dans le Caucase sont la légion des volontaires arméniens, composée du personnel du Bureau national arménien (BNA) et indirectement par l'intermédiaire de la FRA, dominant le BNA. Le nombre des combattants atteint un montant estimé à 5.000[8].

Résistance contre l'Empire ottoman[modifier | modifier le code]

Prêtre de soixante-dix ans dirigeant des Arméniens au combat

1914[modifier | modifier le code]

Dirigeants du parti Hentchak, pendus dans le Square Beyazıt de Constantinople le 15 juin 1915 pendant le génocide arménien, surnommés Les Vingt Martyrs.

1915[modifier | modifier le code]

  • Le 25 mars 1915, les déserteurs arméniens de la ville de Zeitun résistent une fois de plus à l'armée ottomane mais sont finalement vaincus[5].
  • En avril/mai 1915, environ 30 000 Arméniens de la ville de Van, rejoints par des réfugiés arméniens des villages environnants, se défendent lors de la Défense de Van. Alors que la ville retient les efforts de l'armée ottomane, les villages environnants sont massacrés. La résistance armée initiale dure moins d'un mois. En mai, l'armée russe du Caucase entre dans la ville de Van et l'armée ottomane se retire[12]. Après l'attaque, on estime que 50% de la population entourant Van est morte[5].

1916[modifier | modifier le code]

1918[modifier | modifier le code]

  • Du 24 au 26 mai 1918, lors de la bataille d'Aparan, les forces arméniennes peuvent empêcher la pénétration des forces ottomanes dans la région d'Aparan. Les deux parties subissent de graves pertes, suffisamment graves pour empêcher l'armée ottomane d'avancer plus profondément sur le territoire arménien[14].
Harissa arménienne

Art et culture[modifier | modifier le code]

La résistance arménienne laisse un plat symbolique. La « Harissa (plat) » (arménien : Հարիսա ) sert généralement à commémorer la résistance du Musa Dagh. La pratique actuelle a renommé le plat en "hreesi".

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • David, Monger (2018). "Networking against Genocide during the First World War: the international network behind the British Parliamentary report on the Armenian Genocide". Journal of Transatlantic Studies. 16 no. 3: 296.
  • Gunn, Christopher (2019). "In Search of the "Immortal" Volunteers: The Legacy of Armenian Fedayis on the Caucasus Front, 1914–1916". Journal of Muslim Minority Affairs. 39: 432–455.
  • Hohanissian, Richard G. (1997) The Armenian People from Ancient to Modern Times. New York. St. Martin's Press, 299.
  • Kaiser, Hilmar. "Regional resistance to central government policies: Ahmed Djemal Pasha, the governors of Aleppo, and Armenian deportees in the spring and summer of 1915". Journal of Genocide Research. 12: 174.
  • Kaligian, Dikran (2014). "Anatomy of Denial: Manipulating Sources and Manufacturing a Rebellion". Genocide Studies International. 8 (2): 208–223. DOI 10.3138/gsi.8.2.06.
  • Kurdoghlian, Mihran (1996). Hayots Badmoutioun (Armenian History) (in Armenian). Hradaragutiun Azkayin Oosoomnagan Khorhoortee, Athens Greece. pp. 92–93.
  • Morris, Benny (2019). The thirty-year genocide: Turkey's destruction of its Christian minorities, 1894-1924. Cambridge, Massachusetts: Harvard University Press. p. 486. (ISBN 978-0-674-91645-6)ISBN 978-0-674-91645-6.
  • Mouradian, Khatchig (2021). The Resistance Network, The Armenian Genocide and Humanitarianism in Ottoman Syria, 1915–1918. Michigan State University Press. p. 28. (ISBN 1-61186-385-6)ISBN 1-61186-385-6.
  • Mouradian, Khatchig (2021). The Resistance Network, The Armenian Genocide and Humanitarianism in Ottoman Syria, 1915–1918. Michigan State University Press. p. 28. (ISBN 1-61186-385-6)ISBN 1-61186-385-6.
  • Mouradian, Khatchig. "Genocide and Humanitarian Resistance in Ottoman Syria, 1915-1916". Études arméniennes contemporaines, 2016. Vol.7 (7): 2, 4.
  • Suny, Ronald Grigor (2015). A history of the Armenian genocide: They can live in the desert but nowhere else. Princeton: Princeton University Press. p. 282. (ISBN 978-1-4008-6558-1)ISBN 978-1-4008-6558-1.
  • The Hugh Chisholm, 1920, Encyclopædia Britannica, Encyclopædia Britannica, Company ltd., twelve edition p. 198.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d et e (en) Mouradian, « Genocide and Humanitarian Resistance in Ottoman Syria, 1915-1916 », Études arméniennes contemporaines, vol. 7, no 7,‎ , p. 87–103 (DOI 10.4000/eac.1023, lire en ligne)
  2. a b c d et e (en) Ronald Grigor Suny, A history of the Armenian genocide: They can live in the desert but nowhere else, Princeton, Princeton University Press, , 282 p. (ISBN 978-1-4008-6558-1)
  3. (en) Benny Morris, The thirty-year genocide : Turkey's destruction of its Christian minorities, 1894-1924, Cambridge, Massachusetts, Harvard University Press, , 486 p. (ISBN 978-0-674-91645-6)
  4. a b et c (en) David, « Networking against Genocide during the First World War: the international network behind the British Parliamentary report on the Armenian Genocide », Journal of Transatlantic Studies, vol. 16, no 3,‎ , p. 296
  5. a b c d e et f (en) Khatchig Mouradian, The Resistance Network, The Armenian Genocide and Humanitarianism in Ottoman Syria, 1915–1918, Michigan State University Press, , 28 p. (ISBN 978-1-61186-385-7)
  6. a b et c (en) Kaiser, « Regional resistance to central government policies: Ahmed Djemal Pasha, the governors of Aleppo, and Armenian deportees in the spring and summer of 1915 », Journal of Genocide Research, vol. 12, nos 3–4,‎ , p. 174 (DOI 10.1080/14623528.2010.528999, S2CID 72078559, lire en ligne)
  7. a et b Jean-Marc Lafon, « Roman, histoire et mémoire : Un épisode méconnu du génocide arménien : la résistance du Musa Dagh », Guerres mondiales et conflits contemporains, vol. 202-203, no 2,‎ , p. 137 (ISSN 0984-2292 et 2101-0137, DOI 10.3917/gmcc.202.0137, lire en ligne, consulté le )
  8. a b c et d (en) Gunn, « In Search of the "Immortal" Volunteers: The Legacy of Armenian Fedayis on the Caucasus Front, 1914–1916 », Journal of Muslim Minority Affairs, vol. 39, no 3,‎ , p. 432–455 (DOI 10.1080/13602004.2019.1654187, S2CID 203108292)
  9. (en) Kaligian, « Anatomy of Denial: Manipulating Sources and Manufacturing a Rebellion », Genocide Studies International, vol. 8, no 2,‎ , p. 208–223 (DOI 10.3138/gsi.8.2.06, S2CID 154744150, lire en ligne)
  10. (en) Eugene Hinterhoff, Illustrated Encyclopedia of World War I, vol. iv. Persia: The Stepping Stone To India, New York, Marshall Cavendish, (ISBN 0-86307-181-3), p. 500
  11. The Hugh Chisholm, 1920, Encyclopædia Britannica, Encyclopædia Britannica, Company ltd., twelve edition p.198.
  12. (hy) Mihran Kurdoghlian, Hayots Badmoutioun (Armenian History), Hradaragutiun Azkayin Oosoomnagan Khorhoortee, Athens Greece, , 92–93 p.
  13. a b et c (en) Garegin Pasdermadjian et Aram Torossian, Why Armenia Should be Free: Armenia's Role in the Present War, Hairenik, (lire en ligne), p. 22
  14. (en) Richard G Hohanissian, The Armenian People from Ancient to Modern Times, New York, St. Martin's Press, , 299 p.