Roger Pannequin

Roger Pannequin
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Roger Pannequin, alias « commandant Marc », né le et mort le à Verberie, est un instituteur de la région Nord et un résistant des Francs-tireurs et partisans (FTP) de la première heure qui combattit l’occupation allemande.

Biographie[modifier | modifier le code]

Engagement dans la résistance[modifier | modifier le code]

Fils d'un ouvrier ajusteur dans l'industrie minière, il étudie à l’École normale d’instituteurs d’Arras à partir de . Il adhère aux jeunesses socialistes, liées à la SFIO, alors que le Front populaire vient d'arriver au gouvernement. Il est proche de l'aile gauche du parti emmenée par Marceau Pivert[1],[2].

Mobilisé au début de la Seconde Guerre mondiale, il est capturé par l'armée allemande après l'effondrement des lignes françaises mais réussit à s’évader avec un camarade. Début 1941, instituteur depuis peu, il entre en contact avec des militants communistes, parmi lesquels Julien Hapiot, qui commençaient à organiser la résistance dans le Nord-Pas-de-Calais, avec un PCF particulièrement impliqué dans le Pas-de-Calais. Il participe au tirage et à la distribution de tracts, à la collecte de matériel et d'argent, et à des sabotages. Il adhère au Parti communiste français (clandestin) au et rejoint le groupe de Charles Debarge avec lequel il participe à l’action armée contre l'occupant[2].

Il est arrêté le , soumis à la torture et condamné à cinq ans de travaux forcés. Il s'évade le et se réfugie brièvement en Belgique avant de revenir en France et de reprendre part à la résistance. Il est l'un des rédacteurs du Patriote du Pas-de-Calais et mène des attaques armées avec les FTP. Il est arrêté une nouvelle fois le à Lens mais s'évade à nouveau le au cours d'un transfert, sous le pseudonyme de « Marc ». Il a la responsabilité des liaisons entre le Front national et les FTP dans les départements de l'Aisne, des Ardennes et de la Meuse. Ses multiples évasions font de lui l'un des résistants les plus recherchés[2].

Ses tortionnaires étaient en premier lieu le commissaire de police de Lens, André Dobbelaere[3], condamné à mort puis gracié à la Libération[4] et son adjoint, lieutenant de gendarmerie Roger Fleurose, œuvrant tour à tour au commissariat de Lens ou dans les locaux de la gendarmerie. Les mêmes s’illustreront dans les tortures infligées à bien d’autres résistants du bassin minier, le plus notable étant l’instituteur d’Harnes, Henri Gouillard avant de les remettre à la Gestapo[5],[6] Beaucoup de gendarmes impliqués dans la traque des résistants seront mutés dans la Sarre pendant les premières années de l'occupation française. Ils reviendront dans le bassin minier lors des grèves de 1947 et 1948[7].

Parcours au PCF[modifier | modifier le code]

Milices patriotiques[modifier | modifier le code]

À la libération de la France, qui voit le Parti communiste en position de force dans sa région, il est vice-président du Comité départemental de libération (CDL) du Pas-de-Calais[8] et dirige le Comité de libération de Liévin.

Roger Pannequin fut désigné en décembre 1945 à la Commission départementale d’enquête auprès des Comités de libération locaux sur le bilan de l’épuration, créée à l’initiative de la Commission de la justice du Conseil national de la Résistance[8].

Il représente son département à la réunion nationale à Paris des milices patriotiques et s'oppose à leur dissolution, au cours d'un accrochage violent avec Laurent Casanova, l'un des plus proches amis du leader du PCF Maurice Thorez.

Cependant, par la suite, il justifie dans Le Patriote du Pas-de-Calais des 9-10 février 1945 la déclaration de Maurice Thorez sur l’illégalité des Milices patriotiques[8]. Il représenta le CDL du Pas-de-Calais aux États Généraux de la Renaissance française et y fut le rapporteur pour le thème de la défense de la République et de la démocratie[8].

Adjoint au maire de Lens[modifier | modifier le code]

En 1945, il est élu sur la liste d'Auguste Lecœur dont il devient le premier adjoint à la mairie de Lens (Pas-de-Calais) et premier adjoint de la Fédération du Parti communiste français du Pas-de-Calais. C'est la première fois de l'histoire que le PCF gagne la mairie de la capitale du bassin minier, créant la surprise, mais en 1947, la liste d'Auguste Lecœur perd les élections municipales, à la suite d'un renversement d'alliance du Parti socialiste.

Les deux premiers adjoints d'Auguste Lecœur, Louis Lambin et lui Roger Pannequin sont opposés à lui et son secrétaire personnel Marcel Rolland[9] sur un tract de campagne disant « Bas les pattes » au docteur Schaffner, combattant de la silicose, qui avait eu les mains brûlées par le radium[10].

Grèves de 1947-1948[modifier | modifier le code]

Roger Pannequin suivit à l’hiver 1946-1947 les cours d'André Marty à l'École centrale du PCF en région parisienne, consacrée à des des néophytes du communisme mais potentiels futurs cadres, généralement âgés de moins de trente ans, et célibataires[11]. Il devint à sa sortie l'un des secrétaires de la Fédération du Pas-de-Calais du Parti communiste français, département où son ami René Camphin est salué en mai 1947 par une « explosion de joie »[12], quand il apporte « tout joyeux »[12] l'annonce de la révocation des ministres communistes, en pleine bataille du charbon, cette révocation semblant augurer d'un retour prochain et ne position plus forte[12].

Son département sera ensuite en pointe dans les grèves de 1947 et la grève des mineurs de 1948. Le discours de Thorez devant 7 000 personnes au grand meeting d'Hénin-Liétard, sa commune natale, le 4 décembre 1947, jour de la Sainte-Barbe, patronne des mineurs s'en prend violemment à la SFIO au pouvoir, décrite comme le « parti américain[13] » et deux jours après des chars arrivent dans la région pour dissuader les barricades[14].

Dans ses mémoires publiées en deux tomes en 1976 et 1977, Roger Pannequin mentionne à plusieurs reprises que le tribunal de Béthune l'a condamné à six mois de prison ferme, après que la police l'ait auditionné en 1948[15], dans le cadre d'une large enquête menée quelques mois après la grève [10]. Il fait ainsi partie des dizaines de militants communistes condamnés à des peines de prison à l'issue des grèves de 1947-1948 et défendus par l'avocat Gaston Moithy, militant SFIO et maire-adjoint de Lille.

Le 2 décembre 1947 en fin d'après-midi il avait été témoin d'une bataille rangée entre des CRS qui tentent de déloger des grévistes occupant les grands bureaux des Mines, dans sa ville natale de Bully-Grenay. Pour échapper aux projectiles jetés du bâtiment, les CRS avaient tenté d'éloigner en frappant à coups de crosse, pendant plusieurs minutes, une manifestation venue soutenir les occupants, au premier rang de laquelle se trouvaient par hasard des prisonniers de guerre allemands. La nuit tombe et les trois CRS jugés les plus actifs dans l'affrontement s'étaient retrouvés prisonnier des grévistes, à l'instigation d'un délégué mineur CGT qui avait décidé leur séquestration à la fosse 5 de Loos-en-Gohelle pendant une nuit, où il mène leur interrogatoire[16], pour faire un exemple. Leur disparition fait l'objet d'un message du capitaine, qui commandait la 31e CRS, conservé aux archives départementales du Pas-de-Calais[3]. La séquestration visait à leur apprendre ce qu'est la dure condition des mineurs[17].

Les mineurs voulaient les garder otages une journée de plus[16] mais ils ont été relâchés le lendemain sur ordre de deux dirigeants de la Fédération CGT des mineurs[16], a raconté Pannequin dans ses mémoires[18]. Leur libération sera mentionnée avec deux jours de retard dans La Voix du Nord du [19]. Pannequin racontera à l'historien Moscou Boucaut que ces CRS ont subi les moqueries des grévistes « sur la dérision qu’il y avait à rester au service du pays pour 8000 francs par mois »[18] et dans ses mémoires qu'ils étaient conservés comme "otages", menacés d'exécution au cas ou les forces de l'ordre tireraient sur les grévistes[18]. Plusieurs grévistes ont ensuite été décrits par trois "otages" de l'année précédente[10], dont un sergent devenu depuis adjudant, et 2 CR, dont l'un est devenu sergent[10].

Il subit les réquisitions sévères du substitut du procureur, l'accusant d'avoir été impertinent[18] lors de l'interrogatoire du juge d'instruction[18] puis fait appel dans l'attente de la loi du 5 janvier 1951 portant amnistie[20], dont une disposition spéciale pour les anciens résistants prévoit qu'ils sont amnistiés, pour les actes accomplis dans l'intention de contribuer à la libération définitive de la France.

Permanent du PCF, de 1949 à 1953 à Paris[modifier | modifier le code]

Roger Pannequin devient permanent du parti communiste en 1949 à Paris, où Auguste Leoceur le fait entrer à la très importante "section d'organisation" qu'il dirige de fait depuis 1949. Malgré son jeune âge, il est l'un des très rares anciens résistants à faire son entrée au comité central du PCF dès le congrès d'avril 1950 où ceux-ci sont globalement évincés de l'instance dirigeante du parti.

Le dimanche qui suit le vendredi du cinquantième anniversaire de la naissance de Maurice Thorez [21], il fait partie d'un tout petit groupe des quatre principaux héros de la Résistance dans la région invités à déjeuner dans le village natal de Maurice Thorez à Noyelles-Godault, frontière du Nord et du Pas-de-Calais autour de sa mère Clémence[21].

Les trois autres sont Nestor Calonne, René Camphin et Auguste Lecœur, et Roger Pannequin y voit une réconciliation entre eux et Thorez quelques jours après le congrès[21]. Dès leur arrivée, ils sont invités à monter à bord de deux voitures[21] pour aller poser quelques kilomètres plus loin pour les photographe de la presse[21] devant une « pierre commémorative »[22] de la grève patriotique que les mineurs menèrent en mai et juin 1941, au lieu où elle a démarré à la fosse n° 7 - 7 bis des mines de Dourges[21], dite du "Dahomey", à Montigny-en-Gohelle pour la commémorer[21].

Le puits ne servait plus à la descente mais le « bistrot d'en face avait les clés de la grille » [22]. Roger Pannequin a l'attention captée par un baromètre dessiné en roue sur un immense tableau blanc mesurant les efforts pour atteindre le seuil de 100 000 tonnes de charbon par jour dans toute la France[22], fixé en 1945 par le ministre de l'industrie Robert Lacoste et il y voit du « l'allure de monuments funéraires à la gloire du stakhanovisme »[22]

Nestor Calonne, qui fut le leader historique de la CGT des mines pendant l'entre deux-guerres,,s'adresse alors à Thorez pour lui dire [22] « regarde ce qui reste de tes conneries, tu n'en as pas à être fier », une allusion à la recrudescence de cas de [[silicose]] pendant la [[Bataille du charbon]] de 1945-1946.

Torez lui répond, « alors Nestor, toujours Broutchoux contre Basly »[22] en référence au conflit du début du siècle entre les lignes des syndicalistes mineurs Benoît Broutchoux et Émile Basly[22].

Début mai 1950, il se voit confier trois secteurs directement par Thorez, les associations de masse (jeunes, femmes, sports, anciens combattants) et surtout les immigrés, qui occupaient alors plusieurs permanents au siège du PCF, au moment où de nombreux pays européens espéraient rapatrier les ouvriers immigrés qualifiés[23]. Il découvre alors que les exploits des FTP parisiens sont surtout ceux des FTP MOI, des juifs étrangers dont il ignorait l'existence[24]. Il échoue à passer l'été 1950 en Hongrie avec ses filles, le passeport lui est refusé[25] et il s'en procure un faux mais Maurice Thorez vient lui reprocher de l'avoir fait faire en lui rappelant sa condamnation découlant des grèves de la fin 1947 dont l'amnistie n'est pas encore obtenue[26].

En septembre 1950 il a le choc d'apprendre l'assassinat à la mitraillette de son ancien compagnon en prison Julien Lahaut[27], numéo un du PC belge et dernier témoin des discussions au sein de l'Internationale communiste pendant la guerre, Eugen Fried ayant été assassiné en 1943[28].

Journalisme et école centrale[modifier | modifier le code]

Brouillé avec Lecœur au printemps 1951 en raison de l'affaire Pronnier, Pannequin perd son poste de responsable de toute la MOI au sein du PCF Mais il est nommé à l'été 1951 rédacteur en chef des Cahiers du communisme puis à l'automne 1952 directeur de l'École centrale du Parti communiste français.

Aux Cahiers du communisme, il travaille en binôme avec le directeur, le Marseillais François Billoux, membre du secrétariat du Comité central, chargé depuis 1948 de la section idéologique, dont la ligne politique est plusieurs fois contestée au cours des hésitations et virages politiques du PCF durant l'année 1952[29].

Il retrouve le 11 avril à Bruxelles François Billoux, de retour de deux semaines passées avec Maurice Thorez en Union soviétique qui lui remet une liasse de notes sur la nouvelle politique à appliquer en France par le PCF. Une première manifestation très dure illustre cette nouvelle politique à la mi-mai. Cette « ligne dure » est relayée par André Stil, jeune rédacteur en chef de L'Humanité, incarcéré le 26 mai 1952 pour des appels à la violence suivis le surlendemain par « l’opération ultra-gauchiste » de la manifestation contre le général Ridgway[29], qui cause 718 interpellations dont celle, imprévue, de Jacques Duclos en fin de soirée[30], numéro un du PCF en l'absence de Maurice Thorez, mais aussi 372 blessés parmi les policiers, dont 27 grièvement[30], et encore davantage parmi les manifestants. Deux sont tués par balles très tôt dans l'après-midi, venus d'Aubervilliers, commune dont Charles Tillon] est le député-maire: Bélaïd Hocine, ouvrier municipal algérien[30] et Charles Guénard conseiller municipal [30], près d'un barrage de police dressé rue de Flandres[31],[32]. Le cordon de police y ayant cédé en désordre, il a subi de lourdes pertes, après un repli sur le commissariat du 10e arrondissement puis la panique d'un brigadier isolé qui ouvre le feu[32].

Un appel à la grève, le 4 juin, pour la libération de Jacques Duclos tourne au fiasco, y compris dans les bastions du PCF[30]. Un comité central semi-clandestin se réunit discrètement à Gennevilliers début juin, où Étienne Fajon, 46 ans, le représentant du PCF au Kominform lors de sa création, très proche de l'Union soviétique, qui sera ensuite directeur de l'Humanité de 1958 à 1974,vient d'être promu au secrétariat. Il lit un rapport prenant le contrepied de l'éditorial de mai et des consignes reçues en avril d'Union soviétique. Le but est d'obtenir la libération de Jacques Duclos dont le PCF craint qu'il ne reste au moins six mois en prison. François Billoux est alors obligé de déjuger son article de mai dans un autre dès juillet [29], en vue du non-lieu général dans l’instruction ouverte le 8 août, obtenu en novembre après 170 inculpations et des dizaines de perquisitions[30], mais perdit quand même la présidence du groupe communiste à l’Assemblée nationale, puis en mars 1953 fut impliqué dans « l'affaire du portrait de Staline », au cours de laquelle Louis Aragon se voit contraint de publier « un choix de lettres de lecteurs » indignés, préparé par Billoux[33], pour le numéro du 26 mars des Lettres françaises.

Mise à l'écart[modifier | modifier le code]

Roger Pannequin a subi ensuite la vague de mises à l'écart dont ont été victimes des leaders de la Résistance française au sein du PCF, comme celles en 1952 du député André Marty, de Charles Tillon, fondateur et commandant en chef des Francs-tireurs et partisans et de Georges Guingouin, chef des maquis du Limousin, puis celles en 1954 des deux leaders de la résistance dans le Nord-Pas-de-Calais, Auguste Lecœur et René Camphin. L'historienne française Annie Kriegel, éditorialiste au Figaro, y verra un désaccord entre dirigeants communistes à l'époque de la fin de vie puis de la mort de Staline en , et Auguste Lecœur[34]. L'historien Philippe Robrieux montrera deux décennies plus tard qu'il s'agissait d'un réflexe de défense de l'entourage de Maurice Thorez[35], qui n'avait pas la même légitimité historique, n'ayant jamais participé à la Résistance française[34].

Cette mise à l'écart débute dès la période favrier-avril 1951, avec l'affaire Pronnier au cours de laquelle Roger Pannequin et son ami René Camphin ont reçu un « blâme interne » du comité central, sur la base du témoignage très controversé d'un criminel condamné à mort, auquel la Justice n'a pourtant pas donné crédit. René Camphin est ulcéré de savoir Lecœur mis en cause par Léon Mauvais dans cette obscure affaire. Paul Pronnier, en se couvrant de la Résistance, où il a pénétré en mai 1944 après avoir sollicité son adhésion à la LVF, s’était rendu coupable d’actes de gangstérisme et de trahison[36]. Personnellement visé par l'affaire, Pannequin reçoit ce blâme après une enquête interne au PCF à laquelle Auguste Lecœur, lui-même en début de disgrâce, été contraint par la direction du PCF de coopérer. Pannequin constate que L'Humanité se fait très discrète sur l'enquête de justice qui blanchit les ex-leaders résistants du PCF tandis que les pages du quotidien régional Liberté la couvrant disparaissent des archives départementales.

C'est la rupture de l'amitié avec Auguste Lecœur, Pannequin estimant que ce blâme injustifié, sera ensuite utilisée par la direction du PCF pour les mettre tous les deux à l'écart en 1953-1954, Auguste Lecœur ayant également été instrumentalisé selon lui pour éliminer dès 1952 deux autres grands résistants qui pouvaient faire de l'ombre à Maurice Thorez, André Marty et Charles Tillon. Minée par les procès internes contre ses dirigeants, la Fédération communiste du Pa-de-Calais va à partir de cette période céder du terrain aux Socialistes[37],[38] mais dans un premier temps le PCF progresse aux élections législatives de 1951.

Tentative d'assassinat en septembre 1953[modifier | modifier le code]

Les 4,5 et 6 septembre 1953, Pannequin assiste François Billoux pour l'organisation des journées nationales d’études des instituteurs communistes[29]. Ceux-si sont invités à une politique d'entrisme au sein de la Fédération éducation nationale alors qu'ils militaient depuis la scission de 1948 dans une FEN-CGT distincte[39].

Parmi les participants, Flore, militante lensoise qu'il connaissait depuis la Résistance[39] et qu'il rejoint chaque soir à son hôtel. Le 7 septembre 1953, il est victime d'une tentative d'assassinat en pleine fête de l'Humanité[39], menacé d'un révolver par le mari de Flore[39], qu'il parvient à convaincre de justesse de ne pas passer à l'acte en s'excusant et en l'informant qu'il est manipulé[39]. Il explique au mari trompé qu'il n'a pu être informé de l'adultère que par un de ses quasi-voisins à Lens, cherchant à le mettre en difficulté, Auguste Lecœur, qui faisait déjà détourner le courrier de Roger Pannequin depuis des semaines à l'École centrale et a utilisé ses fonctions au PCF pour connaître l'adresse de l'hôtel parisien où la militante de province était hébergée[39].

Son licenciement est brutalement décidé par Auguste Lecœur dès le lendemain. Dans sa biographie de Roger Pannequin publiée en 1983, l'historien Philippe Robrieux[40] expliquera que c'est en réalité Maurice Thorez en personne qui avait réclamé que le courrier de Pannequin soit ouvert, en vue de son éviction, pour obtenir par la suite celle d'Auguste Lecœur.

Auguste Lecœur venait d'être lui-même mis en difficulté par la direction du PCF, car il est revenu en août 1953 d'Union soviétique avec un rapport sur la déstalinisation, quelques mois après la mort de Staline, dont le secrétaire général du PCF Maurice Thorez ne voulait pas entendre parler et qu'il cherchait à dissimuler. Le bureau politique du PCF venait de ne recevoir, à l'été 1953, « qu'une version affadie de la réunion du Kominform des 12 et 14 juillet 1953, au cours de laquelle Duclos, représentant le parti français, a entendu mettre en accusation et, probablement déjà, impliquer Staline »[41].

Reprise d'un poste d’instituteur en septembre 1953[modifier | modifier le code]

Roger Pannequin perd immédiatement son travail de permanent à Paris[39] et doit reprendre dès les jours suivant son éviction un poste d’instituteur en 1953 à Sallaumines[39], dans une petite ex-école privée des Houillères nationalisée en 1945[39], qui par chance manquait d'un instituteur à ce moment-là[39].

Tout en restant membre du PCF jusqu'en 1968, il sympathise avec les groupes oppositionnels Débat communiste et Unir. Il ne quitte finalement le parti communiste qu'après Mai 1968, puis peu après participe à la création et aux activités du Secours rouge en 1970[2].

Les livres d'histoire[modifier | modifier le code]

Roger Pannequin a écrit trois témoignages d'histoire racontant ses expériences dans la Résistance et les neuf années d'après-guerre. Ses mémoires en deux tomes, parues en 1976 et 1977[39], n'évoquent pas ses initiatives militantes après le départ du PCF, notamment au sein du mouvement "UNIR" et du Secours rouge[39].

Contribution à Debout partisans de Claude Angeli et Paul Gillet[modifier | modifier le code]

Le premier est une large contribution au livre Debout, partisans, de Claude Angeli et Paul Gillet[42]. C'est un récit-reportage très informatif[43], s'appuyant des documents inédits[43] et sur deux cents interviews de personnages[43] mis en scène, racontant la reconstitution de l'appareil du PCF en 1939-1941 en province[43], sous l'impulsion de Charles Tillon dans le Sud-Ouest, de Marcel Paul dans l'Ouest, de Georges Guingouin dans le Massif Central, d'Auguste Lecœur dans le Nord[43], en évoquant la grande grève des mineurs de 1941[43], sur laquelle le livre apporte de l'information, appuyée sur des témoignages solides et des documents inédits[44].

Avec les auteurs, Roger Pannequin a cofondé quelques semaines plus tard le Secours rouge, présidé par Jean-Paul Sartre, où d'anciens résistants viennent apporter une aide symbolique à des militants de gauche et d'extrême-gauche s'estimant à la fois victimes d'acharnement policier et d'ostracisme du PCF.

Ce livre est paru en décembre 1969, quelques mois après que Jacques Duclos, longtemps numéro du PCF, ait publié en juin 1969 ses mémoires[45], qui donnent une interprétation enjolivée de l'« appel du 10 juillet 1940 »[43], document antivichyssois[43] mais "fort discret sur l'occupant"[43] mais reconnaissent les démarches effectuées en 1940 pour faire reparaître L'Humanité, comme l'avait déjà fait fin 1967 un livre collectif de l'Institut Maurice-Thorez, "Le Parti communiste dans la Résistance", admettant quelques autres faits contestés contre l'évidence jusqu'alors[43]. Ce livre s'était vu reproché dès le printemps 1968 de "travestir les faits et de faire œuvre de propagande", concernant les 21 mois qui séparent octobre 1939 et juin 1941[43], par Auguste Lecoeur, un autre ex-résistance évincé de la direction du PCF en 1953-1954, pour qui la solidarité "bolchevik" avait été "la ligne de conduite permanente" de Jacques Duclos entre 1939 et 1941[43]. Lecoeur lui "attribue avec vraisemblance beaucoup de textes de l'époque", note Alain Duhamel dans Le Monde le 2 mai 1968[43], mais avec "animosité" envers Duclos et "durement", selon Duhamel[43], pour qui "il y a fort à parier que ce fut la mort dans l'âme" que Duclos se soit se plié aux soviétiques[43]. Le livre "Dans la bataille clandestine" de Jacques Duclos, "admet à regret le rôle" joué par Lecoeur en 1941 et 1942, en le critiquant[46].

Le premier témoignage de Pannequin sort au moment du succès considérable, de L'Aveu, de Costa-Gavras, avec Yves Montand, véritable phénomène politique et culturel, bouleversant son époque: ce film d' réunit en France 2 millions de spectateurs[47],[48]. Adaptation du livre éponyme d'Artur London, il raconte le procès découlant des accusations portées contre lui dès 1950-1951, époque où Roger Pannequin secondait Auguste Lecoeur à la section d'organisation du PCF, en charge de la Main d'oeuvre immigrée qu'avait dirigée pendant la guerre Artur London. Lecoeur révèle en 1970 que Maurice Thorez l'avait convoqué en 1950 ou 1951 "pour l'interroger sur les activités" d'Artur London, pendant la guerre d'Espagne et la résistance[49], et qu'il avait pris la défense de London[49], Thorez mentionnant ensuite qu'il interviendrait auprès de Staline[49]. Mais selon Lecoeur, Maurice Thorez a pris seul sa décision après le rapport reçu[49], et les dirigeants du PCF ne connaissent donc pas les circonstances dans lesquelles ces démarches ont été effectuées[49], ceux du PC tchécoslovaque non plus, car les fonctionnaires soviétiques ne leur ont rien dit des interrogatoires secrets qui ont commencé dès la fin de 1949, préparant l'arrestation de London en 1951, étapes-clé de la longue préparation du procès de 1952 contre Artur London, où 11 coaccusés sont condamnés à mort le 28 novembre 1952, lui et deux autres à perpétuité, même s'il sera finalement acquitté par le jugement de la Cour suprême en février 1956 après la mort de Staline[49],[50]. Un article de 1951 d'Etienne Fajon dans les Cahiers du communisme[51] montrant que la commission d'enquête Mauvais-Servin accumule des "preuves" sur Marty et Tillon au moment précis où Arthur London est " interrogé " et torturé, afin de mettre en cause des militants français à propos des Brigades internationales[52].

Mémoires, 1er tome en 1976[modifier | modifier le code]

Le premier tome, des mémoires de Roger Pannequin, consacré à la Résistance, est rendu en mars 1976[53], devenant le premier succès de librairie[54] des éditions du Sagittaire, fondées en 1975 en reprenant la marque de 1919, par Gérard Guégan, Raphaël Sorin et Olivier Cohen, licenciés en 1974 de Champ Libre, la maison fondée par Gérard Lebovici.

Dans ce premier tome, Roger Pannequin raconte son entrée en résistance dès l'année 1940, dans le sillage de Julien Hapiot qui a comme lui grandi à Grenay, les récupérations d'armes qui vont permettre de réduire un peu les risques pris lors la diffusion de la grève des mineurs de mai-juin 1941, puis son arrestation, la torture par les policiers de Lille et les souffrances endurées dans la forteresse d'Huy en Belgique, où il est à deux doigts de mourir de faim, mais dont il parvient à s'évader, puis sa seconde évasion à Douai.

Mémoires, 2ème tome en 1977[modifier | modifier le code]

Le 1er tome est suivi d'un second, très virulent contre Auguste Lecœur, qui fait écho aux critiques formulées contre ce dernier, également très virulentes, dans les mémoires de Pierre Daix, parues un peu avant, en 1976, avec les mêmes accusations de sectarisme et d'ouvriérisme. Ce dernier se rapproche alors de l'historien Philippe Robrieux pour l'aider à écrire en 1978 une 2e édition augmentée du livre Le PCF, continuité dans le changement. De Maurice Thorez à Georges Marchais, puis l'Histoire intérieure du Parti communiste au tout début des années 1980.

Dès 1975, le premier ouvrage de Philippe Robrieux, consacré à Maurice Thorez avait choqué au PCF, en montrant que la direction du PCF et son secrétaire général firent tout pour « désamorcer » la publication du « rapport Khrouchtchev » () au XXe congrès du PCUS[55] car le processus de remise en question du stalinisme mettait en cause directement les deux personnalités les plus importantes du PCF, Maurice Thorez et Jacques Duclos.

Plus tard, Roger Pannequin recentrera ses accusations contre Maurice Thorez, à la lumière d'autres travaux d'historiens attestant de l'impact des premiers épisodes de la déstalinisation sur les conflits à la tête du PCF en 1953-1954 et de l'important rôle de direction joué par le numéro un du PCF entre 1950 et 1953 malgré sa convalescence en Union soviétique.

Roger Pannequin a par ailleurs contribué à de nombreuses recherches historiques, écrites ou cinématographiques, mêlant analyse, souvenirs, anecdote et humour[56], appréciés pour de nombreuses précisions sur les actes de résistance dans le Pas-de-Calais entre 1942 et 1944[57].

Publications[modifier | modifier le code]

  • Roger Pannequin, Ami si tu tombes, Paris, Sagittaire, , 379 p. (ISBN 2727500211).
  • Roger Pannequin, Adieu camarades, Paris, Sagittaire, , 373 p. (ISBN 2727500432).
  • 1979 : Les Compagnons de route 1917-1968, Robert Laffont

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Auguste Lecœur, Le Partisan, Paris, Flammarion, , 315 p.
  • Philippe Robrieux, Histoire intérieure du Parti communiste. Biographies, chronoloie, bibliographie, Paris, Fayard, , 975 p.
  • 2002 : Gilles Deregnaucourt, Roger Pannequin dit commandant Marc, Gauheria, p. 41-52
  • 2001 : Gérard Guégan, Ascendant Sagittaire : une histoire subjective des années soixante-dix,  éd. Parenthèses

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Fiche de lecture de la biographe d'Achille Blondeau, par Laurence Mauriaucourt, dans L'Humanité, 2014 [1]
  2. a b c et d Biographie Le Maitron d'Achille Blondeau [2]
  3. a et b « Les grèves de 1947 et 1948 dans le Pas-de-Calais, déroulement, violence et maintien de l'ordre » par Philippe Roger, dans la Revue du Nord en 2011 [3]
  4. "L’épuration à Lens" par Philippe Roger [4]
  5. Roger Pannequin, Adieu Camarade, Paris, Le Sagittaire,
  6. Jacques Estager, Ami entends-tu ? La Résistance populaire dans le Nord-Pas-de-Calais, Paris, Messidor, Editions sociales,
  7. "Adieu camarades" par Roger Pannequin, en 1977 aux Editions Sagittaire, intégralité du chapitre 6 ("La provocation de Grenay"
  8. a b c et d Biographie Le Maitron [5]
  9. Biographie Le Maitron de Marcel Rolland [6]
  10. a b c et d Pannequin 1977, p. 100.
  11. « Les écoles du P.C.F. Une étude de Danièle Tartakovski » par Philippe Robrieux, dans L'Humanité du 7 novembre 1980 [7]
  12. a b et c Pannequin 1977, p. 79.
  13. Pannequin 1977, p. 95.
  14. Pannequin 1977, p. 96.
  15. Pannequin 1977, p. 99.
  16. a b et c Pannequin 1977, p. 94.
  17. Mémoire d’Ex", documentaire de Mosco Boucault (1991) . Deuxième partie: suicide au Comité Central, 19465-1955
  18. a b c d et e "Adieu, camarades, les années sans suite", II, Paris, Le Sagittaire, 1977, p. 90-94.
  19. « Prisonniers à la fosse 5 de Loos-en-Gohelle, les deux CRS ont été libérés », La Voix du Nord,
  20. Pannequin 1977.
  21. a b c d e f et g Pannequin 1977, p. 167.
  22. a b c d e f et g Pannequin 1977, p. 168.
  23. Pannequin 1977, p. 170.
  24. Pannequin 1977, p. 172.
  25. Pannequin 1977, p. 176.
  26. Pannequin 1977, p. 178.
  27. Pannequin 1977, p. 179.
  28. Pannequin 1977, p. 180.
  29. a b c et d Biographie Le Maitron de François Billoux [8]
  30. a b c d e et f « Histoire : Bataille de rue à Paris contre le général américain Ridgway », par Michel Pigenet, directeur du Centre d’histoire sociale du XXe siècle, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, dans L'Humanité du 25 mai 2012 [9]
  31. Hocine Belaïd et « la manifestation Ridgway » du 28 mai 1952, par André Narritsens, du PCF d'Aubervilliers 30 mai 2009, 1ère partie [10]
  32. a et b Hocine Belaïd et « la manifestation Ridgway » du 28 mai 1952, par André Narritsens, du PCF d'Aubervilliers 30 mai 2009, 2e partie [11]
  33. Reynald Lahanque, Le Réalisme socialiste en France (1934-1954), thèse d’État sous la direction de Guy Borreli, Nancy II, 2002 [12]
  34. a et b Croix de guerre pour une grève. 100 000 mineurs contre l'occupant 27 mai-10 juin 1941, Plon, Paris, 1971.
  35. Histoire intérieure du Parti communiste, tome 2. De la libération à l'avènement de Georges Marchais, par Philippe Robrieux
  36. " La lutte contre la provocation policière" par André VIEUGUET en mai 1951 Les Cahiers du communisme [13]
  37. Histoire du Pas-de-Calais : 1815-1945 par l'historien Yves Le Maner en 1993
  38. On chantait rouge, Charles Tillon en 1977
  39. a b c d e f g h i j k et l Pannequin 1977, p. 211.
  40. Biographie de Roger Pannequin, dans Histoire intérieure du Parti communiste, tome IV, par Philippe Robrieux, en 1983 chez Fayard, page 440
  41. Entretien avec Auguste Lecœur avec Marc Lazar le 6 juin 1990 [14]
  42. Claude Angeli et Paul Gillet, Debout, Partisans, Fayard. Coll. Grands Documents contemporains, 386 p.
  43. a b c d e f g h i j k l m n et o
  44. Claude Angeli et Paul Gillet, Debout, Partisans, Fayard. Coll. Grands Documents contemporain,t, critique par Alain Duhamel le 7 février 1970 " par le dans Le Monde [17]
  45. Jacques Duclos, Mémoires, tome III. Dans la bataille clandestine, De la drôle de guerre à la ruée vers Stalingrad, Fayard. Coll. les Grandes Études contemporaines, 315 p
  46. "Dans la bataille clandestine" de Jacques Duclos et "Debout partisans " de C. Angeli et P. Gillet, critique par Alain Duhamel le 7 février 1970 " par le dans Le Monde [18]
  47. Costa-Gavras, Va où il est impossible d'aller : Mémoires, Paris, Seuil, , 517 p. (ISBN 978-2-02-139390-3 et 2-02-139390-9, OCLC 1088615604)
  48. Aurélien Ferenczi, « “L'Aveu” : le procès des procès staliniens », Télérama, (consulté le )
  49. a b c d e et f Article le 2 septembre 1970 dans Le Monde [19]
  50. Onze condamnations à la peine de mort au proces de prague, dans Le Monde du 28 novembre 1952 [20]
  51. article des Cahiers du communisme, no 6, de 1951, intitulé " La clairvoyance du parti bolchevik et les crimes de la clique fasciste de Tito cité dans Le Monde le 28 décembre 1978 [21]
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  53. Ascendant Sagittaire: une histoire subjective des années soixante-dix par Gérard Guégan aux éditions Parenthèses, en 2001 [22]
  54. « C'était au temps du Sagittaire », par Gérard DESPORTES, dans Libération le 19 mai 2001 [23]
  55. Pierre Souyri, Philippe Robrieux, Maurice Thorez. Vie secrète et vie publique (compte-rendu), Annales, année 1978, 33-4, p. 852-854
  56. Ascendant Sagittaire: une histoire subjective des années soixante-dix par Gérard Guégan, éditions Parenthèses, 2001
  57. Brève histoire de la Résistance dans le Pas-de-Calais [24]