Hugues Panassié

Hugues Panassié
Hugues Panassié (à gauche), le saxophoniste Red Prysock (au milieu) et le guitariste Tiny Grimes, vers 1946-1948.
Biographie
Naissance
Décès
(à 62 ans)
MontaubanVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Hugues Louis Marie PanassiéVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Enfant
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Hot Club de France (-)Voir et modifier les données sur Wikidata
Instrument

Hugues Panassié (Paris, - Montauban, ) est un critique et producteur de jazz français. Il était un admirateur des premières formes du jazz, le style « hot », tel que joué par Louis Armstrong dans les années 1930 et tous les musiciens et chanteurs des années 1920, 30 et 40. S'il a largement contribué à la documentation concernant les premières heures du jazz, ses idées sont cependant controversées. Son traditionalisme l'a ainsi poussé à considérer le bebop comme une forme de musique distincte du jazz, le rejetant avec vigueur comme une musique « non authentique », suscitant de nombreuses controverses et une scission du Hot Club de France[1].

Biographie[modifier | modifier le code]

Hugues Panassié est né le [2]dans le 8e arrondissement de Paris dans une famille de la grande bourgeoisie de la droite catholique. Ses premiers maîtres à penser furent Jacques Maritain et Léon Bloy[3],[4]. Frappé par la poliomyélite à quatorze ans, il dû renoncer à pratiquer des activités sportives, il se tourne alors vers le saxophone et découvre le jazz à la fin des années 1920. Il passera le reste de sa vie à faire connaître cette musique en fondant en 1932 le Hot Club de France, qu'il présidera jusqu'à sa mort en 1974 à Montauban[5].

En 1935, il participe avec Charles Delaunay à la création de Jazz Hot, l'une des premières revues de jazz[6]. Sur invitation du montalbanais Georges Herment[7], il s'installe en 1941 à Montauban, au 65 faubourg du Moustier, où il reçoit de nombreux jazzmen.

En plus d'être un fervent représentant du jazz Dixieland et un critique sévère des musiciens de jazz qui s'en sont éloignés, Panassié appartenait à l'Action française et écrivait une chronique de jazz pour le périodique maurrassien L'Insurgé[8],[9].

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il utilise les disques de jazz et leur diffusion comme un défi à la censure et à l'autorité nazie qui occupe la France. Son ami Mezz Mezzrow raconte une de ses performances dans son autobiographie Really the Blues (La Rage de vivre) :

«  Il présenta un disque [à la censure nazie] étiqueté La Tristesse de Saint-Louis, et Hugues leur expliqua patiemment que c'était une chanson triste traditionnelle française parlant du pauvre et malheureux Louis IX. Ce que le cerbère de la culture ne savait pas, c'est que sous cette étiquette se cachait l'étiquette originale Victor Records, avec Louis Armstrong comme artiste et le vrai nom du morceau St. Louis Blues.  »

Selon l'historien Gérard Régnier[10], cette anecdote est totalement imaginaire.

En 1949, il quitte Jazz Hot pour relancer La Revue du jazz ; il en prend la direction.

Panassié a financé ou produit de nombreux enregistrements d'artistes comme Sidney Bechet, Mezz Mezzrow et Tommy Ladnier.

Il a également fortement contribué à la réalisation du film L'Aventure du jazz par son fils Louis Panassié sur la période 1969-1972.

La collection d'enregistrements (rouleaux de cire, 78 tours et vinyles) et de documents (journaux, livres, correspondances) sur le jazz de Hugues Panassié a été rachetée dans les années 1980 par la commune de Villefranche de Rouergue qui a constitué autour d'elle une médiathèque jazz enrichie par d'autres dons, legs et achats. 8 CD ont été publiés et la numérisation des archives sonores de Hugues Panassié se poursuit.

Il est inhumé au cimetière de Montauban.

Controverses[modifier | modifier le code]

Les prises de position traditionalistes de Panassié ont conduit à une bataille célèbre entre un courant conservateur emmené par Panassié (les « figues moisies » pour la partie adverse), et un courant moderniste dont font partie entre autres Boris Vian (parmi les nombreux sobriquets dont l'affuble d'ailleurs Boris Vian dans ses chroniques, on peut relever Gugusse, Hugues-le-Père, Panapapassié, Panaploum, "Panne-à-scier", Pape, Papenassier, Papasse, Papane, Panne d'Acier, Sa sainteté, etc.), Charles Delaunay et André Hodeir (les « raisins aigres » pour leurs contradicteurs). L'un des grands moments de cette bataille sera le concert de Dizzy Gillespie à Pleyel en .

Pour Panassié, le bebop n'était pas du jazz et tournait le dos aux caractéristiques de la musique noire (Il s'appuyait pour cela sur une interview de Charlie Parker, principal créateur du bebop, interview dans laquelle ce dernier déclarait que le bebop n'était pas du jazz. Argument réfuté par les partisans du bebop, selon lesquels Parker voulait simplement souligner la nouveauté de la musique qu'il avait contribué à créer). La définition qu'il donne de Miles Davis dans son Dictionnaire du Jazz est à cet égard parlante : « Trompette né à Alton, Illinois, en 1926, qui a délibérément tourné le dos à la tradition musicale de sa race et qu’on peut citer en modèle de l’anti-jazz. » Il dénie également à Thelonious Monk la qualification de pianiste[11].

Cette vision des choses se retrouve dans un article de 1960 sur Ornette Coleman, à propos duquel Panassié écrit qu'« il joue médiocrement de son instrument, il a une sonorité dix fois plus laide que celle de Charlie Parker et, se moquant délibérément de ses auditeurs, il improvise au hasard, sans thème, sans s'astreindre à suivre le moindre tremplin, de telle sorte qu'on a l'impression que sa partie et celle du contrebassiste ont été enregistrées séparément puis réunies dans le même disque au petit bonheur. Et on persiste à appeler ça du jazz[12] ! »

Quatorze ans plus tard, il qualifie de « traîtres à la cause de la vraie musique noire (qu'ils prétendent soutenir) » les « Miles Davis, Archie Shepp, Pharoah Sanders (...) et autres progressistes »[13].

Certains auteurs considèrent que Panassié a construit « un système d’opposition Noirs/Blancs qui entend suggérer la supériorité des premiers sur les seconds mais reproduit en fait les stéréotypes racistes les plus conventionnels[14],[15] ».

Mais plus encore qu'à l'encontre des musiciens, sa violence verbale s'exerce surtout à l'encontre des critiques de jazz « progressistes », dont il fustige dans le Bulletin du Hot Club de France l'« ignorance crasse », l'« épaisse incompétence » et la « bêtise triomphante[16] ». Il ne répugne pas aux attaques ad hominem, qualifiant par exemple un critique de « répugnant glavioteux[17] », un autre de « redoutable imbécile » et d'« âne bâté de la plume[18] ». Dans le film L'Aventure du jazz, plusieurs jazzmen éminents rendent hommage à Hugues Panassié pour son action en faveur des jazzmen noirs.

Publications[modifier | modifier le code]

  • L'Initiation à la musique à l'usage des amateurs de musique et de radio, comportant un précis d'histoire de la musique, un dictionnaire des œuvres, un lexique des termes et des chapitres variés dus à Maurice Emmanuel, Reynaldo Hahn, Bernard Champigneulle, Paul Landormy, Georges Chepfer, Émile Vuillermoz, Hugues Panassié et Maurice Yvain, Éditions du Tambourinaire (sous la direction de Roger Wild), Paris, 1935 (1re édition, puis 1940 et 1949).
  • Le Jazz Hot, Éditions Corrêa 1934, avec des dessins de Roger Chastel (Charles Delaunay) ; édition américaine : Hot Jazz: the Guide to Swing Music, Éditions Witmark & Sons, 1936.
  • La Véritable Musique de jazz, États-Unis, 1942 ; France, 1946.
  • Les rois du jazz, Éditions Grasset, 1944.
  • La Musique de jazz, Éditions Corrêa, Paris, 1945.
  • Douze années de jazz (1927-1938), 1946.
  • Le Rugby. Règles et technique du jeu, préface de Joseph Desclaux, Les presses rapides, 1946.
  • Cinq mois à New York, Éditions Corrêa, Paris, 1947.
  • Discographie critique des meilleurs disques de jazz, Éditions Robert Laffont, 1958, 621 p.
  • Jazz Panorama, Éditions Deux-Rives, 1950
  • Histoire du vrai jazz, Éditions Robert Laffont, Paris, 1959.
  • La Bataille du jazz, Éditions Albin Michel, 1965.
  • Louis Armstrong, 1969.
  • Dictionnaire du jazz, 1971.
  • Monsieur Jazz. Entretiens avec Pierre Casalta, Stock, 1975.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Jean Jamin, Au-delà du Vieux Carré, Idées du jazz en France, L'Homme, no 158-159, p. 285-300, 2001.
  2. Archives de Paris 8e, acte de naissance no 410, année 1912 (page 13/31) (avec mentions marginales de mariages et de décès)
  3. Pierre Fargeton, Mi-figue, mi-raisin : Hugues Panassié - André Hodeir, correspondance de deux frères ennemis (1940 - 1 948) suivi de  ; Exégèse d’un théologien du jazz : La pensée d'Hugues Panassié en son temps., Paris, Outre Mesure, , 540 p. (ISBN 978-2-907891-93-6)
  4. Franck Bergerot, « Hugues Panassié révélé par Pierre Fargeton », Jazz magazine,‎ (lire en ligne)
  5. Bulletin du Hot Club de France, no 243, décembre 1974 (p. 16-18).
  6. (en) Jazz Hot ; A Jazz Encyclopaedia
  7. Un film mythique d'inspiration montalbanaise, La Dépêche, 13 février 2002.
  8. (en) John Gennari, Blowin' Hot and Cool: Jazz and Its Critics, University of Chicago Press, (ISBN 978-0-226-28924-3, lire en ligne), p. 58
  9. (en) Michael Dregni, Django: The Life and Music of a Gypsy Legend, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-988328-8, lire en ligne)
  10. Jazz et société sous l'occupation / Gérard Régnier. L'Harmattan, 2010. (ISBN 978-2-296-10134-0)
  11. Bulletin du Hot Club de France, no  87, avril 1959 (p. 39).
  12. Bulletin du Hot Club de France, no 101, octobre 1960 (p. 6-7).
  13. Bulletin du Hot Club de France, no  234, janvier 1974 (p. 7).
  14. Denis-Constant Martin, « De l’excursion à Harlem au débat sur les “Noirs”, Les terrains absents de la jazzologie française », L'Homme, no  158-159, p. 261-278, 2001.
  15. La controverse entre Panassié et Delaunay, Der Spiegel, 1950.
  16. Bulletin du Hot Club de France, janvier 1973 (p. 5).
  17. Bulletin du Hot Club de France, no  89, juillet-août 1959 (p. 32).
  18. Bulletin du Hot Club de France, no  242, novembre 1974 (p. 22).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]