Frédéric Spitzer

Frédéric Spitzer
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Cimetière de Passy, Grave of Feist (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Conjoint
Marie Victoire Feist (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfant
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Conflit
Distinctions
Vue de la sépulture.

Frédéric Spitzer ou Frédéric Sámuel Spitzer (1815-1890) est un marchand, collectionneur d'art et faussaire autrichien, actif à Paris.

Marchand d'art et de curiosités, il se spécialisait dans l'art médiéval et de la Renaissance et a constitué une importante collection, appelée lors de sa vente posthume Collection Spitzer et qualifiée par les collectionneurs contemporains de huitième merveille du monde. Plus tard, des études ont prouvé qu'il a fait fabriquer et commercialisé des faux.

Sa fille Catherine Coche de La Ferté est une poétesse française, et son petit-fils, Étienne Coche de La Ferté, un homme de lettres français.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse[modifier | modifier le code]

Frédéric Spitzer naît le à Vienne[1] ou à Presbourg[2], fils du fossoyeur d'un cimetière juif de Presbourg[2],[3].

Après avoir participé à la Première guerre d'indépendance italienne en 1848, Spitzer voyage à travers l'Allemagne, l'Angleterre, la Belgique et les Pays-Bas[3].

Carrière[modifier | modifier le code]

Inspiré par ses contacts avec des collectionneurs anglais, Frédéric Spitzer commence à collectionner des objets d'art et des antiquités en revendant très cher un tableau de Albrecht Dürer acheté pour seulement cinq florins, ce qui jette les bases de sa fortune[2],[3]. Il prend notamment conscience des armes et armures anciennes, qu'il achète en grand nombre à Vienne pour les revendre à Londres[2]. Il n'arrive pas à se lancer dans cette ville, où il est installé depuis les années 1840, et décide de s'installer en 1852 à Paris[4],[5].

Il devient dans la capitale française le premier antiquaire et collectionneur d'objets du Moyen Âge à la fin de la Renaissance et ses affaires prospèrent[3],[2]. Trois ans plus tard, il établit la succursale Spitzer à Aix-la-Chapelle : « Kunst- und Antiquaten-Handlung »[3], où il vend de nombreuses antiquités au baron Adolphe de Rothschild[2]. Son magasin, situé dans son hôtel particulier parisien construit en 1878 au 33, rue de Villejust[6], près de l'Arc de triomphe[4], devient un lieu de rencontre populaire de l'aristocratie, des personnalités politiques et du monde de l'art (la famille Rothschild compte également parmi sa clientèle) et se fait appeler le « musée Spitzer »[3],[4]. Par sa capacité à répondre à une demande grandissante d'art décoratif chez la classe bourgeoise ; à s'arracher les œuvres qui ne sont plus à la mode pour les revendre plus tard plus cher ; et à cultiver une aura d'autorité en commandant des textes savants, Frédéric Spitzer est un marchand d'art en avance sur son temps[4]. Un article de 1893 le décrit ainsi :

« un homme d'origine modeste, voire basse, qui possédait l'instinct du chasseur de curiosité, le flair du bibelot. Il a commencé sa vie comme colporteur de curiosités, puis s'est établi comme marchand de curiosités à Paris. Ses connaissances artistiques sont vite connues et des collectionneurs comme le baron Adolphe de Rothschild et Sir Richard Wallace lui confient leurs intérêts. Spitzer lui-même a déclaré qu'il avait fait des affaires à hauteur de plus de 60 000 000 francs avec ces deux seuls clients [...] Il s'était fait construire un hôtel particulier près de l'Arc de Triomphe, avec des galeries dans lesquelles, comme au Louvre, les objets d'art étaient disposés dans des vitrines et catalogués dans l'ordre, afin de présenter aux visiteurs l'histoire complète de l'art du Moyen Âge et de la Renaissance[a]. »

— Jacques St. Cere, The Critic, 8 avril 1893, p. 225.

Le « Musée Spitzer » présente des armes, des armures, des tapisseries, des meubles, de la faïence, des reliquaires, de l'orfèvrerie, des horloges, etc. ; il rivalise avec les musées d'arts et métiers émergents en Angleterre et en Allemagne[3] au point d'être appelé la « huitième merveille du monde »[4]. Certains de ses objets d'art proviennent notamment des collections de Louis Fidel Debruge-Duménil, du Prince Soltykoff, d'Achille, baron Seillière, d'Alessandro Castellani et de Julien Gréau[8].

Lorsque la guerre franco-prussienne éclate en 1870, Frédéric Spitzer envoie la majeure partie de sa collection à Londres, où elle est rachetée par Richard Wallace. Il part avec sa collection d'armes et armures à Vienne, que le baron Anselm von Rothschild achète pour 500 000 francs. Tout cela lui permet d'acheter la collection Caran à Lyon[2].

Frédéric Spitzer est fait chevalier de troisième catégorie de la Couronne de fer en 1875 et a été chevalier ou officier de la Légion d'honneur française[3],[b].

Vers la toute fin de sa vie, Frédéric Spitzer s'associe à Émile Molinier pour créer un ouvrage de six volumes particulièrement soigné avec des illustrations sur sa collection : La Collection Spitzer : Antiquité - Moyen Âge - renaissance[3],[c]. Seul le premier volume est publié de son vivant (Paris, Quantin, 1890), mais des instructions sont laissées pour les suivants[7].

Fin de vie et descendance[modifier | modifier le code]

Frédéric Spitzer meurt le à Paris[1] et est enterré au cimetière de Passy.

Il laisse une veuve, née Maria-Victoria Feist avec deux filles mineures,

  • Catherine-Julie Spitzer, née à Chatou le qui épousera en 1891[10] l'avocat Alexandre Paul Coche de La Ferté (1864-1931) et sera poétesse
  • Marguerite-Jeanne Spitzer, née à Paris le qui épousera en 1900[d] l'architecte Adolphe Augustin Rey (1864-1934)

toutes trois de nationalité autrichienne et instituées héritières par testament du , la mère étant nommée tutrice par le défunt en vertu de ce même testament. En mai 1890, la veuve Spitzer obtient sa naturalisation ainsi que la reconnaissance de ses deux filles comme Françaises afin de faire lever les scellées par les autorités françaises en vue de l’inventaire de la succession ce à quoi s’oppose, sans succès, le consul d’Autriche[12].

Collection[modifier | modifier le code]

Devenir de la Collection Spitzer[modifier | modifier le code]

« La collection Spitzer est, du moins pour les connaisseurs et les amateurs, depuis longtemps la huitième merveille du monde. De temps en temps, son possesseur a permis d'en apercevoir un peu dans les expositions, mais, en règle générale, elle a été verrouillée et barrée contre les yeux vulgaires ou élus dans son vaste manoir de la rue Villejuste, Paris, qu'il fourre comme une saucisse de la cave au toit[e]. »

— The Collector, 1890.

Comme aucun acheteur n'a pu être trouvé pour son magasin trois ans après sa mort, il a été vendu aux enchères en 1893, comme le prévoyait son testament[13]. En présence de représentants des grands musées européens et de collectionneurs privés internationaux, la « Vente aux enchères du siècle » de ce qui est connu comme la Collection Spitzer et qui s'étend sur trois mois avec ses plus de 3 000[3] à 4 000 objets[8], a atteint 9,1 millions de francs[3] (soit l'équivalent de 60 millions de dollars en 2014, selon Cordera[4]).

Le collectionneur George Salting (en) (1835-1909) acheta une bonne partie de la collection et légua plus tard des œuvres au British Museum, à la National Gallery de Londres et au Victoria and Albert Museum. Plus tard, une plus grande partie de la collection de Spitzer, composée d'œuvres d'art ou décoratives médiévales et de la Renaissance, a été vendue lors d'une vente de cinq séances aux Anderson Galleries à New York (du 9 au )[8],[7].

Révélations sur la production de faux[modifier | modifier le code]

Il faut attendre le début des années 1900 pour voir des restaurateurs allemands remettre en question l'authenticité de certaines œuvres, qui semblent fausses ou tellement altérées qu'on ne pourrait les considérer comme authentiques[4].

En 1978, une partie des œuvres conservées à Londres au Victoria and Albert Museum a été officiellement jugée frauduleuse : des objets ont été assemblés à partir de pièces différentes et des faux ont été volontairement commandés à des artisans[8],[3], preuve en est un document contenant des instructions pour fabriquer ces objets[4]. Spitzer a en effet chargé le restaurateur allemand Reinhold Vasters (en) (1827–1909) et d'autres de modifier des objets ou de créer des faux qui pourraient être revendus sur le marché en tant qu'œuvres d'art authentiques de la Renaissance et de la période médiévale[8],[4]. Le Metropolitan Museum of Art de New York, qui possède alors 45 œuvres provenant de la Collection Spitzer, les retire de ses collections exposées[4].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Citation originale en anglais : « a man of humble, even low origin, who possessed the instinct of the curiosity hunter, the flair du bibelot. He commenced life as a peddling curiosity monger, then established himself as a curiosity dealer in Paris. His artistic knowledge soon became known, and collectors like Baron Adolphe de Rothschild and Sir Richard Wallace confided their interests to him. Spitzer himself stated that he had done business to the amount of over 60,000,000f with these two customers alone [...] He had built himself a mansion near the Arc de Triomphe, with galleries in which, as in the Louvre, objects of art were arranged in glass cases and catalogued in order, so as to bring before the eyes of visitors the complete history of the art of the Middle Ages and the Renaissance », citée dans le site doaks.org[7].
  2. La légion d'honneur qu'aurait reçu Frédéric Spitzer selon l'Österreichisches Biographisches Lexikon[3] n'apparaît pas dans la base Léonore[9].
  3. Voir la notice principale sur le site de la Bibliothèque nationale de France, où tous les tomes sont consultables : T. 1 (1890) ; T. 2 (1891) ; T. 3 (1891) ; T. 4 (1892) ; T. 5 (1892) ; T. 6 (1892).
    Par ailleurs, les deux premiers volumes sont disponibles en ligne sur Internet Archive : vol. 1 et vol. 2.
    D'autres catalogues de ses collections ont été publiés à l'occasion de leur vente (Résumé du catalogue des objets d'art et de haute curiosité, antiques, du Moyen-age et de la renaissance : composant l'importante et précieuse collection Spitzer par E. Ménard et Cie en 1893, ou sur ses armes et armures par la galerie Georges Petit en 1895 : voir la « version 1 » et la « version 2 ». Voir aussi les ouvrages disponibles sur Open Library.
  4. La bénédiction nuptiale est donnée le mardi 30 janvier 1900 au temple protestant de l’Etoile, 54 avenue de la Grande-Armée (Cf. carton d’invitation dans le dossier « Rey-Spitzer, Augustin » de la base de données de l’AGORHA, feuille 13/16[11]).
  5. Citation originale en anglais : « The Spitzer collection has, in the estimation of connoisseurs and amateurs, at least, long been the eighth wonder of the world. Now and then its possessor has allowed glimpses of it to be seen in exhibitions, but, as a rule, it has been locked and barred against vulgar or elect eyes in his roomy mansion in the Rue Villejuste, Paris, which it stuffs like a sausage from cellar to roof », citée dans artsy.net (en)[4].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b (en) « Notice de Frédéric Spitzer », sur Consortium of European Research Libraries (en) (consulté le ).
  2. a b c d e f et g (en) Isidore Singer et Richard Gottheil, « Biographique de "Spitzer, Friedrich (Samuel)" », sur Jewish Encyclopedia (consulté le ).
  3. a b c d e f g h i j k l et m (de) Ch. Huemer, « Biographie de Frédéric Spitzer », sur Austrian Centre for Digital Humanities and Cultural Heritage | Österreichisches Biographisches Lexikon (consulté le ).
  4. a b c d e f g h i j et k (en) Isaac Kaplan, « Once Called the Eighth Wonder of the World, This Art Collection Was Actually Full of Fakes », sur artsy.net (consulté le ).
  5. (en) « Fiche biographique de Frédéric Spitzer », sur British Museum (consulté le ).
  6. Peter R. De Clercq, Scientific Instruments: Originals and Imitations : the Mensing Connection : Proceedings of a Symposium, held at the Museum Boerhaave, Leiden, 15-16 October 1999, p. 33.
  7. a b et c (en) « The Spitzer Collection », sur doaks.org (consulté le ).
  8. a b c d et e (en) « Fiche biographique de Frédéric Spitzer », sur Frick Collection (consulté le ).
  9. « Liste des légionnaires du nom de Spitzer », sur base Léonore (consulté le ).
  10. « Catherine Spitzer », fiche généalogique établie par Alain Garric sur geneanet.com.
  11. « Rey-Spitzer, Augustin », notice biographique sur le site de l'Agorha agorha.inha.fr
  12. Tribunal de la Seine (Audition des Référés), . – Prés. M. Aubepin – Veuve Spitzer c. Consul d’Autriche dans Édouard Clunet, André Henri Alfred Prudhomme, Journal du droit international, 1890 (en ligne) p. 688.
  13. Tribunal civil de la Seine, 1re ch. , présid. M. Poncet, - Coche-Spitzer c. Mannheim – Gazette des Tribunaux citée dans La Revue de l'art ancien et moderne du , (en ligne) pp. 178-180.

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (it) Paola Cordera, La fabbrica del Rinascimento : Frédéric Spitzer mercante d'arte e collezionista nell'Europa e delle nuove nazioni, Bologne, Bononia University Press, , 486 p. (ISBN 978-8873959939).
  • (it) Paola Cordera, Dal museo delle cose al Musée Imaginaire : materiali per la (ri)costituzione del Museo di arti decorative e industriali di Frédéric Spitzer (1815-1890) ; thèse sous la direction de Dominique Poulot et de Barbara Pernici et de Pietro Cesare Marani, .
  • Edmond Bonnaffé, Le Musée Spitzer, Paris : Imprimerie de l'art, 1890.
  • Catalogue des objets d’art et de haute curiosité antiques, du Moyen Âge & de la Renaissance... (collection Spitzer), 2 vol., 1893.
  • La collection Spitzer et la presse du monde entier, 1892-1893 (recueil de coupures de presse relatifs à la collection d’objets d’art de Frédéric Spitzer, voir notice en ligne).
  • (en) J. Hayward, in: The Burlington Magazine, no 112, 1970, p. 669ff.
  • (en) The Dictionary of Art, vol. 29,

Liens externes[modifier | modifier le code]

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