Fons honorum

Le roi Charles dispose du fons honorum dans les territoires où il exerce sa souveraineté.

Le fons honorum (du latin, signifiant « source d’honneurs ») est une notion se rapportant à une personne qui, en vertu de sa position officielle, a le droit exclusif d’attribuer légitimement à d’autres personnes des titres de noblesse et des ordres de chevalerie.

Origines[modifier | modifier le code]

Pendant le Moyen Âge classique, les chevaliers européens sont essentiellement des guerriers blindés et montés à cheval[1] ; il est d’usage chez les chevaliers de conférer à leurs meilleurs soldats le rang de chevalier, qui à leur tour peuvent en faire autant vis-à-vis de ceux qu’ils commandent[2]. Pour cette raison, la plupart du temps au Moyen Âge, il était possible à des particuliers de fonder leur propre ordre de chevalerie[3].

Le XIIIe siècle voit en revanche la tendance chez les monarques, à commencer par le roi Frédéric Ier de Sicile (l’empereur Frédéric II) en 1231[4], à se réserver le droit de fons honorum, en abrogeant progressivement aux chevaliers le droit d’élever leurs écuyers à la chevalerie[5]. Après la fin du féodalisme et avec le montée en puissance des États-nations, les ordres et les rangs de chevalerie, parallèlement aux titres de noblesse (dans le cas des monarchies), deviennent le domaine du monarque (du chef de l’État), qui récompense ses loyaux sujets[6] — en d’autres termes, le chef d’État devient la « fontaine à honneurs » de la nation[7].

Néanmoins, beaucoup de chevaliers militaires d’extraction ancienne se sont agacés de ce qu’ils considéraient comme une atteinte à leur indépendance par le pouvoir royal. Julian Pitt-Rivers, anthropologue social britannique, note que « alors que le souverain est la « fontaine d’honneurs » en un sens, il est aussi l’ennemi des honneurs dans un autre, depuis qu’il prétend arbitrer ceux-ci[8] ». Au début du XIIIe siècle, quand un auteur inconnu compose L’Histoire de Guillaume le Maréchal[9] — une biographie en vers de Guillaume le Maréchal, premier comte de Pembroke, qui est souvent considéré comme le plus grand chevalier médiéval anglais[10] — l’historien Richard W. Kaeuper note que « l’auteur [y] déplore le fait que, à son époque, l’esprit de la chevalerie ait été emprisonné ; la vie du chevalier errant, charge-t-il, a été réduite à celle du justiciable devant les tribunaux »[10].

Légalité de l’honneur[modifier | modifier le code]

La question de savoir si un ordre est un ordre de chevalerie légitime ou fantaisiste coïncide avec l’objet du fons honorum[11]. Une source légitime d’honneurs est une personne ou une entité qui a détenu une forme de souveraineté lorsque l’ordre a été établi et, puisque cet ordre dépend en définitive de l’autorité de l’État, il a pu aussi bien été exercé par un souverain régnant qu’un président de la République ; ceci distingue les ordres de chevalerie des organisations privées[12],[13]. Les personnes privées, aussi bien roturiers, chevaliers que nobles , ne peuvent avoir le droit de conférer des titres de noblesse ou des ordres de chevalier à d’autres[14].

Au Royaume-Uni, selon le site officiel de la monarchie britannique, « en tant que fons honorum, le roi a le droit exclusif de conférer tous les titres d’honneurs, y compris les pairies viagères, les titres de chevalerie, ou encore les prix de bravoure »[15]. Toutefois, certaines sociétés privées, comme la Royal Humane Society, ont la permission du monarque de décerner des médailles qui peuvent être portées sur le côté droit d’un uniforme plutôt que l’habituel côté gauche. En France, à de très rares exceptions près, ordres et médailles non gouvernementales ne sont autorisées à être portées[réf. nécessaire]. En Espagne, le fons honorum, une des manifestations de la souveraineté du chef de l’État, est le roi Felipe VI[16].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Jackson J. Spielvogel, Western civilization : a brief history, Boston, Wadsworth/Cengage Learning, , 7e éd., 732 p. (ISBN 9780495571476), p. 179
  2. Léon Gautier, La chevalerie, Paris, Ancienne maison Quantin, , 850 p. (BNF 37022662), p. 288
  3. (en) Jennifer G. Wollock, Rethinking chivalry and courtly love, Santa Barbara, Calif., Praeger, coll. « Praeger series on the Middle Ages », , 341 p. (ISBN 978-0-313-03850-1, lire en ligne), p. 75
  4. (en) Katie Stevenson, Chivalry and knighthood in Scotland, 1424-1513, Woodbridge (Royaume-Uni) and Rochester (comté de Monroe, New York), Boydell Press, , 228 p. (ISBN 9781843831921), p. 8
  5. (en) Charles Mills, The history of chivalry, or, Knighthood and its times, Philadelphia, H.C. Carey and I. Lea, , 2 vol. (OCLC 7335693), p. 34
  6. (en) M.L. Bush, Rich noble, poor noble, Manchester, UK, Manchester University Press, , 234 p. (ISBN 9780719023811), p. 65
  7. (en) Christopher McCreery, The Order of Canada : its origins, history, and development, Toronto, Université de Toronto, , 372 p. (ISBN 9780802039408), p. 3-16
  8. (en) [PDF] Julian R. Pitt-Rivers, « Honor and Social Status », in John G. Peristiany, Honour and shame : the values of mediterranean society, Chicago, Ill., University of Chicago Press, , 265 p. (OCLC 164361413, lire en ligne), p. 30
  9. Paul Meyer, L’Histoire de Guillaume le Maréchal, comte de Striguil et de Pembroke, régent d’Angleterre de 1216 à 1219 : poème français, Paris, Renouard, coll. « Publications pour la Société de l’histoire de France », 1891-1901 (OCLC 489893300) : lire en ligne [PDF] Volume 1, Volume 2 et Volume 3
  10. a et b (en) Richard W. Kaeuper, Chivalry and violence in medieval Europe, Oxford, Oxford University Press, , 338 p. (ISBN 978-0-19-820730-6, lire en ligne), p. 95
  11. (en) Antti Matikkala, The orders of knighthood and the formation of the British honours system, 1660-1760, Woodbridge (Royaume-Uni), Boydell Press, , 470 p. (ISBN 978-1-84383-423-6, lire en ligne), p. 211-213
  12. (en) Peter Bander van Duren, Orders of knighthood and of merit : the pontifical, religious and secularised Catholic-founded orders and their relationship to the Apostolic See, Gerrards Cross, C. Smythe, , 714 p. (ISBN 978-0-86140-371-4), p. 307, 394
  13. (en) Poul Ohm Hieronymussen (trad. Christine Crowley), Orders, medals, and decorations of Britain and Europe in colour, Londres, Blandford Press, (1re éd. 1967), 256 p. (ISBN 978-0-7137-0445-7)
  14. (en) Christopher McCreery, Maple leaf and the white cross : a history of the Venerable Order of the Hospital of St John of Jerusalem in Canada, Toronto, Dundurn Press, , 332 p. (ISBN 978-1-55002-740-2, lire en ligne), p. 26
  15. (en) « Queen and Honours », The British Monarchy,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. (es) « Las Funciones del Jefe del Estado », Casa Real de España,‎ (lire en ligne, consulté le )