Effort sur une voile
L'effort du vent sur la voile, appelé poussée vélique, est l'ensemble des conditions du transfert d'énergie ou quantité de mouvement entre le vent et le bateau qui, pour un vent donné, dépendent de la voile, de ses caractéristiques, de sa position et plus généralement de la qualité de son emploi. L'optimisation des efforts par le marin est la base de la navigation à voile, optimisation pratique qui est l'aboutissement de celle qui a présidé à la conception de la voile dans sa forme, sa taille et sa composition.
Introduction[modifier | modifier le code]
Le principe d'une voile est de récupérer l'énergie du vent et de la transmettre au bateau. La voile redirige l'air arrivant sur elle dans une autre direction, et, en vertu de la conservation de la quantité de mouvement, une force est créée sur la voile[1],[2],[3]. Les éléments à calculer sont l'effort du vent sur la voile, appelée poussée vélique, et le lieu d'application de cet effort ou point vélique, point mouvant et, pour cette raison, défini par la détermination de ses coefficients de moments, plutôt que par un « centre de poussée ».
Le calcul vélique est essentiel pour bien concevoir un bateau à voile (stabilité du navire...). La modélisation d'une voile, c'est-à-dire le calcul de l'écoulement du vent sur cette voile, est fondée sur le calcul intégral[Note 1]. Le calcul relève du domaine de l'aérodynamique et de la mécanique des fluides. La conception et l'étude d'une voile de bateau repose sur les modèles d'aéroélasticité, combinaison de la mécanique des fluides numérique et des calculs de structure[4]. Les résultats sont néanmoins corrigés par la réalité[Note 2],[5].
Les voileries ont désormais plusieurs solutions pour concevoir leurs voiles : les tests grandeur nature, les essais en soufflerie, la simulation numérique ou encore un mixte des solutions précédentes. Néanmoins, un certain nombre de paramètres sont écartés à la conception[Note 3],[6],[4],[7].
L'article se concentrera sur l'interaction des trois éléments suivants : une mer plus ou moins plate ; du vent plus ou moins constant ; et un jeu de voile[Note 4]
Point vélique[modifier | modifier le code]
Le lieu d'application de l'effort du vent sur une voile est nommé point vélique de la voile. Le point vélique en première approximation est le centre géométrique (ou centre de gravité) de la voile. Dans la réalité, la voile prend une forme de ballon ou d'aile. Si la forme de la voile est stable, alors le point vélique sera stable. Sur une voile de hunier et par vent arrière, le point d'application remonte un peu vers la vergue (le haut), suivant la tension des écoutes et du tangon. Sur une voile de génois et à l'allure du près, le point d'application remonte vers le guindant (avant du bateau) de 10 à 15 %[8].
Corde de la voile[modifier | modifier le code]
La corde est une droite fictive reliant le guindant à la chute (du bord d'attaque au bord de fuite). La notion de corde permet d'approcher plus précisément la position du point vélique. L'effort ou poussée vélique est sensiblement perpendiculaire à la corde et est placé au maximum du creux de la voile.
Poussée vélique[modifier | modifier le code]
La mécanique des fluides considère l'air comme un milieu continu. Le mouvement désordonné des particules est moyenné et seul le comportement mésoscopique est considéré. On peut ainsi considérer l'air au repos comme n'ayant pas de mouvement macroscopique perceptible malgré le mouvement perpétuel de ses molécules.
Le mouvement de l'air est communément appelé vent. Dans le cas d'un voilier, le vent en haut de la voile est différent de celui d'en bas. Cette différence s'explique par ce que l'on appelle la couche limite atmosphérique. Au contact de la mer, le vent est stoppé. Rapidement, il prend de la vitesse avec l'altitude selon un profil logarithmique. Si le bateau avance, l'angle du vent apparent évolue également avec la hauteur.
Au niveau microscopique, dans un mouvement perpétuel, les parcelles d'air se déplacent en permanence. Mais macroscopiquement, l'air peut ne pas bouger. Si l'air ne bouge pas, cela signifie que chacune des parcelles reste plus ou moins dans un même lieu (mouvement désordonné)[Note 5]. La parcelle d'air se déplace autour d'un point fictif fixe dans l'espace sans trop s'éloigner de ce point (Mouvement brownien)[Note 6]. Par contre, si l'air bouge, cela signifie que globalement les parcelles se déplacent en grand nombre dans la même direction (mouvement ordonné). Bien sûr le mouvement résultant peut être une combinaison des deux.
Il y a deux origines au mouvement des parcelles d'air : la température et l'influence mécanique du vent.
Rôle de la pression atmosphérique
Les atomes des parcelles d'air ne sont pas au repos. Elles ont acquis par divers moyens une certaine quantité d'énergie qu'elles ont transformée en énergie cinétique, autrement dit les parcelles d'air se déplacent en permanence. En se déplaçant, une parcelle d'air va rapidement en rencontrer une autre, et c'est le choc. Le choc modifie les trajectoires. Les deux parcelles rebondissent l'une sur l'autre. Chacune repart dans une autre direction. Rapidement, de nouveau, elle rencontre une autre parcelle pour un nouveau choc, les parcelles repartent dans une autre direction, etc.
Or, un cube d'air d'un millimètre de côté au niveau de la mer, à température ambiante contient des milliards de milliards d'atomes. Et la vitesse moyenne des atomes est en centaine de mètres par seconde[9]. Les chocs entre atomes sont donc innombrables et extrêmement fréquents. L'atome, vu de loin, ne se déplace pas aussi vite, et la direction qu'aura prise cet atome laissera un vide "relatif". Si un groupe d'atomes a une direction privilégiée, il crée un vide "relatif " derrière lui et une "forte" concertation devant lui. Ce vide sera comblé aussitôt par d'autres atomes, de la zone à "forte" concentration donc de la direction opposée, ce qui, vu de loin, annule tout mouvement apparent, aucune direction n'est privilégiée (mouvement désordonné). Globalement, vu de loin, cela donne l'impression que l'air ne se déplace pas. Donc, les atomes des parcelles d'air se déplacent en permanence de façon désordonnée ; ce phénomène est très connu et se nomme la température.
Plus la parcelle d'air est haute dans l'atmosphère, moins la gravité se fait sentir. Il y a donc moins de force pour la ramener sur Terre, et les chocs sont moins violents et fréquents. Donc plus la parcelle est proche du niveau de la mer, plus les chocs sont violents et fréquents.
Quand la parcelle est très proche de la voile, le choc se produit alors entre la voile et cette parcelle. Ces chocs innombrables sur la voile génèrent une force considérable, la force exercée au niveau de la mer est d'environ 10 tonnes par mètre carré[Note 7]. Cette force s'exerce sur une surface. C'est donc une pression. Cette pression est la pression atmosphérique. Comme une voile a deux faces, la pression atmosphérique va s'exercer des deux côtés. Finalement, les deux pressions s'équilibrent parfaitement, la voile ne bouge pas.
Rôle du vent
Cette fois-ci, une partie du mouvement des parcelles est globalement ordonnée (vu de loin), les molécules se déplacent toutes ensemble dans la même direction. Vu de loin, l'air bouge, ce qui revient à dire qu'il y a du vent.
Suivant la configuration de la voile, voici ce qui arrive à une parcelle d'air proche de la voile :
- la voile est libre, elle ne présente au vent que son épaisseur (celle du tissu), la parcelle d'air passe sans être notablement perturbée,
- la voile est perpendiculaire au vent (voile de hunier ou spi en vent arrière), la parcelle d'air s'écrase[Note 8] contre la voile. Elle est quasi stoppée[Note 9]. Les autres parcelles qui suivent l'empêchent fortement de faire marche arrière (rebondir). Les parcelles d'air transmettent un maximum d'énergie à la voile, voire la quasi-totalité de l'énergie de déplacement ordonné.
- dans les cas intermédiaires, la parcelle d'air rebondit plus ou moins bien, elle ne délivrera qu'une partie de son énergie. De plus, en rebondissant, elle va perturber le mouvement ordonné de celles qui l'accompagnent par collision. Celles-ci vont à leur tour perturber le mouvement ordonné d'autres parcelles par d'autres collisions, etc. Mais, en rebondissant, elle va aussi, par conséquent, perturber l'équilibre de pression atmosphérique, créant une surpression au vent et une dépression sous le vent de la voile. C'est une sorte d'effet domino.
Grâce à l'effet domino, il vient alors rapidement à l'idée que tout ce qui est poussé d'un côté de la voile va combler ce qui manque de l'autre côté de la voile. En d'autres termes, pour une petite surface S1 de la voile face au vent produisant une surpression, par effet domino, cette perturbation annulera la dépression d'une surface S2 collègue située face sous le vent. De même, la même petite surface S2 sous le vent produisant une dépression par effet domino vient annuler la surpression de la surface initiale S1. Donc globalement les surpressions comblent les dépressions, globalement il ne se passe rien, c'est le paradoxe de D'Alembert. C'est là que la viscosité intervient[10]. La viscosité désigne le fait que les chocs ne se passent pas bien, le choc est un choc mou[Note 10]. À chaque choc de parcelle d'air, il y a une infime perte d'énergie[Note 11]. De choc en choc de parcelle, le choc est de moins en moins violent. En fait, après des milliers et milliers de chocs transmettant le choc originel, l'énergie du choc originel a quasiment disparu. À l'échelle humaine, il disparaît rapidement (cf couche limite). Cela donne l'impression que les surpressions de la face au vent et les dépressions de la face sous le vent sont indépendantes, ne se perturbent pas (ou peu) par effet domino[Note 12].
La perte est infime, donc le choc originel (le choc de la parcelle d'air sur un petit grain de matière de la voile) transfère de l'énergie quasiment sans perte de l'air à la voile. Or, par nature, le tissu d'une voile est du domaine des matériaux. Une voile est bien plus rigide que l'air, les grains de matière ne s'entrechoquent pas, ne glissent pas entre eux. La voile n'est pas soumise à des phénomènes dissipatifs aussi majeurs. Toute la voile profite sans perte de l'apport de chaque choc de parcelle d'air / grain de matière.
Il y a donc deux phénomènes, le phénomène qui pousse la voile (pression due au vent) et le phénomène qui empêche en partie la pression atmosphérique de s'exercer (dépression due au vent).
Direction de la poussée vélique
Le choc de la parcelle d'air sur la voile fait reculer la voile. Le choc ne déplace que très peu la voile sur le côté. L'effort est quasiment perpendiculaire à la surface de la voile.Rôle de la pression atmosphérique[modifier | modifier le code]
Comme une voile a deux faces, la pression atmosphérique va s'exercer des deux côtés. Finalement, les deux pressions s'équilibrent parfaitement, la voile ne bouge pas. On peut donc négliger de l'inclure dans les calculs et travailler avec une pression de référence arbitraire.
Rôle du vent[modifier | modifier le code]
Suivant la configuration de la voile, voici ce qui arrive à un flux soumis à l'influence d'une voile :
- la voile est colinéaire à l'axe du vent (par exemple face au vent), elle ne présente au vent que son épaisseur (celle du tissu), l'air perd de la vitesse au contact de la voile mais n'est globalement que faiblement perturbé. La composante pression de la force globale est négligeable (uniquement sur l'épaisseur de la voile).
- la voile est perpendiculaire à l'axe du vent (par exemple au vent arrière), le flux d'air doit contourner la voile. Ce contournement est très désordonné et ralenti fortement le flux d'air dans les régions. Un différentiel de pression existe alors entre l'intrados et l'extrados induisant une force sur la voile. La composante visqueuse de la force globale est négligeable (uniquement sur l'épaisseur de la voile).
- la voile a une incidence comprise entre 0° et 90° par rapport à l'axe du vent, le flux d'air est redirigé et ralenti et a alors une composante de ces deux forces. Il existe un angle de décrochage, qui dépend de la nature du profil, où le flux perd sa cohérence et devient très turbulent sur l'extrados du profil.
Le choc de la parcelle d'air sur la voile fait reculer la voile[Note 13]. Le choc ne déplace que très peu la voile sur le côté. L'effort est quasiment perpendiculaire à la surface de la voile.
Intensité de l'effort[modifier | modifier le code]
Lorsque le flux d'air transite autour d'un profil, il crée une surpression sur l'intrados et une dépression sur l'extrados. Cette différence de pression intégrée sur la surface de la voile donne une force.
La force[Note 14] : en newtons (N) agissant sur une voile vaut :
avec
- : masse volumique du fluide
- : surface de référence en m2
- : vitesse en m/s
- = coefficient aérodynamique (nombre sans dimension)
Cette formule, issue de l'analyse dimensionnelle et identique à celle de la traînée, est valable dans tout système d'unités cohérent. Il faut noter qu'elle ne dit pas que la portance est proportionnelle au carré de la vitesse. Seuls des essais peuvent le confirmer, ou l'infirmer, dans un cas particulier. Elle définit un cadre cohérent pour exprimer les résultats de ces essais, le coefficient sans dimensions étant défini comme une fonction d'autres nombres sans dimensions.
On note parfois où est la pression dynamique :
Sans entrer dans des détails trop longs : chaque parcelle d'air s'écrasant sur un petit élément dS de surface de la voile génère une force . La force exercée sur la voile est le produit de la pression p de l'air sur la voile par l'élément de surface dS, soit [11],[12]. est un vecteur unitaire normal à la surface dS dirigé dans le sens de la force (on verra que p est une pression formellement négative, d'où le choix de cette définition du vecteur unitaire).
Suivant le théorème de Bernoulli (c'est-à-dire en régime permanent, le long d'une ligne de courant, pour un fluide parfait (viscosité nulle) et incompressible), et si les transferts de chaleur sont négligés, la parcelle d'air vérifie le long d'une ligne de courant l'équation de conservation suivante :
où v est la vitesse, a priori variable, de la parcelle d'air le long de la ligne de courant. Ce sont les variations d'altitude z et de pression p le long d'une ligne de courant qui maintiennent cette somme constante.
Comme les variations d'altitude sont faibles, et sont négligeables par rapport aux autres termes, alors
Le fluide est considéré comme incompressible, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de variation de densité : est constante. Notons qu'à Mach = 0,4, l'erreur reste encore inférieure à 2 %. Considérer que c'est la voile qui se déplace dans l'air à la vitesse ou que c'est l'air qui arrive à la vitesse sur la voile est équivalent. Supposons que l'air est fixe () et que c'est la voile qui se déplace. En appliquant le théorème de Bernoulli à la parcelle d'air sur la voile où l'air arrive à la vitesse (terme de droite) et puis cette même parcelle d'air avant son arrivée sur la voile (terme de gauche), on obtient : d'où
La pression sur l'élément de voile est donc la différence de la pression statique stagnante à l'infini et de la pression dynamique qu'on appellera maintenant . On a donc . La pression statique est constante dans l'espace, de part et d'autre de la voile. Elle s'annule donc globalement lors de l'intégration de la formule dF sur toute la surface (au vent et sous le vent) de la voile, car la pression d'un côté de la voile est exactement compensée par la pression sur l'autre face de la voile, et est donc éliminée. On peut donc considérer sa valeur comme arbitraire, et l'on obtient si l'on choisit l'égalité .
La pression dynamique est la densité volumique d'énergie cinétique de la parcelle d'air : . On appellera maintenant cette quantité dE (il s'agit bien d'une pression et non d'une énergie, ni d'un effort (force), qui sera appelé E dans la suite, ce qui est source de confusion : dE n'est pas la différentielle de E). On a donc
d'où .
dans cette formule la pression dE est une inconnue mais dE est bornée. En effet, est compris entre 0 et car si la vitesse est supérieure à alors le surplus d'énergie proviendrait d'une source ou d'un phénomène que l'équation de Bernoulli ne prend pas en compte. Par exemple, la voile pourrait entraîner des phénomènes aérodynamiques non négligeables jamais constatés dans la réalité (onde de chocs...). Son maximum est appelé Max Q
soit avec un pourcentage de la densité d'énergie cinétique variant de 0 à 100 %. Le pourcentage est inconnu, il devra être déterminé par d'autres moyens (équations supplémentaires ou essais).
En intégrant sur toute la surface : avec
- E = Effort que peut donner au maximum le vent ;
- C = coefficient aérodynamique issue de l'intégration ; il est le pourcentage de transmission de la pression dynamique (ou d'énergie).
Attention, la surface S est la surface totale de la voile donc S est égale à la surface de l'intrados plus la surface de l'extrados : .
Il est possible de diviser l'intégration en deux parties :
- partie extrados
- partie intrados
et donc d'obtenir deux sous coefficients aérodynamiques issus de l'intégration :
- Ce pour l'extrados ; il est le pourcentage de transmission de la pression dynamique (ou d'énergie) sur l'extrados
- Ci pour l'intrados ; il est le pourcentage de transmission de la pression dynamique (ou d'énergie) sur l'intrados
avec
Cependant, pour des raisons pratiques de comparaison de profil, la surface S utilisée dans les tables n'est pas la surface totale de l'objet (ou voile) mais une surface caractéristique. La surface de la corde est souvent utilisée comme surface caractéristique.
Surface de la corde, surface de l'intrados et de l'extrados ne sont pas indépendantes, elles font partie du même objet, le profil. Il existe donc une relation les liant entre elles. Il faut donc calculer les facteurs de forme et tel que , [13].
D'où
- = coefficient de portance des tables (ou abaque).
Comme les tables se basent sur la surface caractéristique , il en résulte que le coefficient dans les tables dépend de deux facteurs :
- un facteur de pourcentage de transmission de la pression dynamique (ou d'énergie) et
- un facteur de forme et .
Dans un profil mince tel que voile, safran, la surface de la corde est proche de la surface de l'extrados (dessus de la voile), c'est-à-dire . Idem pour l'intrados.
Par abus de langage, quand une personne indique qu'une voile est de 10 m2, il veut dire en fait que la surface de l'extrados de la voile est de 10 m2. La surface réelle de la voile (intrados + extrados) est de 20 m2, mais c'est bien la valeur de 10 m2 qu'il faut employer dans la formule des tables de portance.
Bien sûr, ce calcul est une aide à la compréhension et à l'utilisation des tables (ou abaque). Le calcul de C est complexe et part du principe fondamental de la dynamique. Le calcul est abordé dans la section : Cas de plusieurs voiles. Dans la suite de l'article, pour alléger la notation, sera noté et sera noté .La voile se déforme sous l'effet du vent et prend une forme nommée profil. Lorsque l'écoulement de l'air autour de ce profil est laminaire[Note 15], le facteur dépression face sous le vent devient déterminant. Cet effet est alors appelé portance. Les études et la théorie établissent que pour une voile[14] que la dépression sur l'extrados est d'amplitude deux fois plus importante que la surpression sur l'intrados.
Décomposition de la force : introduction de la notion de portance et de traînée[modifier | modifier le code]
Lorsque l'on travaille avec des forces évoluant dans l'espace, il convient de définir un repère :
- : l'axe du vent ;
- : l'axe perpendiculaire au vent et l'allongement ;
- : l'axe de l'allongement.
La force créée par l'écoulement autour d'une voile peut alors être projetée sur ces trois axes[15],[16],[17] : .
avec,
- : la traînée. Cette force est néfaste à l'avancement du bateau. Les voiliers cherchent donc à la réduire au minimum.;
- : la portance. C'est la force propulsive du profil. ;
- : la portance latérale. Cette force est très faible comparée aux deux autres. Néanmoins, dans le cas notamment d'un spinnaker, cette force permet d'éviter l'enfournement[Note 16].
De même, le coefficient aérodynamique peut être séparé selon ces trois mêmes composantes, même si le plus souvent seuls le coefficient de traînée et le coefficient de portance sont étudiés. Ils sont notés dans la littérature anglo-saxonne respectivement et
Effet de la portance[modifier | modifier le code]
L'étude de l'effet de la portance permet de comparer les cas avec et sans portance[18]. L'exemple type est une voile à corne. La voile est approximativement rectangulaire et est en position verticale. La voile a une surface de 10 m2, avec 2,5 m de bordure par 4 m de guindant. Le vent apparent est de 8,3 m/s (environ 30 km/h). Le bateau est supposé à vitesse uniforme, pas de vague. Il ne gîte pas, ne tangue pas. La masse volumique de l'air est fixée à : = 1,2 kg/m3
Voile en écoulement décroché[modifier | modifier le code]
Le voilier est par vent arrière. La forme de la voile est approximée par un plan perpendiculaire au vent apparent.
L'effet dépression sur la voile est du second ordre, donc négligeable, il reste :
- sur la face au vent, les efforts sont la pression atmosphérique et la pression due au vent
- sur la face sous le vent, il ne reste que la pression atmosphérique
Les efforts de pression atmosphérique s'annulent. Il ne reste que la pression produite par le vent.
Grosso modo, les chocs des molécules sur la voile transmettent quasiment toute leur énergie due au vent sur 90 % de la surface de la voile. Cela revient à dire que le Cz ou coefficient de portance aérodynamique est égal à 0,9.
D'autre part, le vent sur la voile peut être assimilé à un jet d’air frappant une voile. La voile joue le rôle de déflecteur, et le vent change alors de direction. Dans ce cas, il suffit d'appliquer le théorème de l'impulsion. Une voile offrant une incidence avec le vent, l'effort sur la voile varie alors avec l'angle de façon sinusoïdale[19],[20],[21],[22].
Si elle fait un angle la force appliquée sera [21],[23] ,[24]
Or à 90° d'incidence par vent arrière, la force est maximale et d’où , il est déduit que .
Dans la réalité, est variable suivant les profils, le coefficient varie en gros entre 1 et 2[25]. Le chiffre de deux est un chiffre correct pour certains profils rigides[26] et autour de un est un chiffre correct pour une voile[27].
Voile en écoulement attaché[modifier | modifier le code]
Le voilier est au près. Le vent a un angle d'incidence d'environ 15° avec la corde de la voile.
Du fait du réglage de la voile à 15° par rapport au vent apparent, la courbure (cambrure) de la voile crée un effet de portance. Autrement dit, l'effet de dépression de la face sous le vent n'est plus à négliger. Comme les efforts de pression atmosphérique s'annulent, les efforts restants sont :
- sur la face au vent, la pression due au vent,
- sur la face sous le vent, la dépression due au vent.
La seule inconnue est le coefficient aérodynamique qu'il faut estimer. Or la cambrure que prend une voile bien réglée est proche de l'extrados d'un profil NACA 0012[28],[Note 17]. Une voile moins bien réglée ou de technologie plus ancienne (vieux gréement), sera plus creuse : la cambrure du profil (le rapport de la flèche à la corde) sera plus grande. Le coefficient de portance aérodynamique sera plus élevé mais la voile sera moins performante (finesse plus faible). Les profils plus adaptés seraient des profils plus épais comme NACA 0015, NACA 0018[29].
Pour un profil donné, il existe des tables donnant le coefficient de portance du profil. Le coefficient de portance (Cz) dépend de plusieurs variables :
- l'incidence (angle : vent apparent/profil)
- la pente de portance de la voile, qui dépend de son allongement[30],
- de la rugosité de la surface et du nombre de Reynolds, qui influent sur l'écoulement du fluide (laminarité, turbulence).
Le coefficient est déterminé pour un fluide stable et uniforme, et un profil d'allongement infini.
Le nombre de Reynolds est :
avec
- U - vitesse du fluide ou vent apparent [m/s]
- L - longueur caractéristique ou bordure de la voile [m]
- - viscosité cinématique du fluide : [m2/s]
- - masse volumique de l'air [kg/m3]
- - viscosité dynamique de l'air [Pa s]
soit pour notre voile environ
Sous une incidence de 15° et un nombre de Reynolds à un million, le profil NACA0012 atteint un Cz de 1,5 au lieu de 0,9 ou 1 à 90° d'incidence.
La portance a augmenté de 50 %. Cela correspond aussi sur l'écoute de voile une augmentation des efforts de 50 % pour le même vent apparent[Note 18],[Note 19].
[modifier | modifier le code]
Dans le cas sans portance la direction du vent apparent est identique au vent. Si la direction prise par le navire est identique au vent, tout l'effort de la voile contribue à l'avancement du navire. Sans portance de la voile, le navire ne peut aller plus vite que le vent, et la force propulsive décroit au fur et à mesure que le navire se rapproche de la vitesse du vent pour devenir nulle.
Dans le cas avec portance, la voile a une incidence avec le vent apparent. Le vent apparent forme aussi un angle avec le vent. De même, le vent forme un angle avec la direction prise par le navire. L'effort de la voile ne contribue pas totalement à l'avancement du navire. Avec un voilier au près serré les conditions sont[Note 20] :
- un angle vent apparent/route (ou allure) du navire de 40 degrés
- la voile avec 20° d'incidence.
La portance ne participe pas totalement à l'avancement du navire, elle forme un angle de 40° soit la force propulsive n'est plus que de 76 % de sa valeur. Le restant soit 36 %[Note 21] est perpendiculaire au navire, et forme l'effort qui engendre la dérive du voilier.
Si pour la même voile avec la même vitesse de vent apparent, le coefficient de portance est de 1,5 au près et 1 en vent arrière, la partie de l'effort de la voile participant à l'avancement du navire reste supérieure de 15 % au cas sans portance.
Autre avantage, plus le bateau accélère plus le vent apparent augmente, plus l'effort de la voile augmente. À chaque augmentation de vitesse la direction du vent apparent bouge, il faut régler de nouveau la voile pour être à l'incidence optimale (portance maximum). Plus le navire accélère, plus l'angle "vent apparent et direction du navire" se rapproche, donc la poussée vélique est de moins en moins orientée en direction de l'avancement du navire, obligeant un changement de cap pour être de nouveau dans les conditions maximales de poussée vélique. Le navire peut donc aller plus vite que le vent. L'angle "direction du navire et vent" peut être assez faible, il en résulte que le navire peut être aux allures de près à travers. Le navire remonte au vent.
Influence du vent apparent[modifier | modifier le code]
Lorsqu'un navire se déplace, sa vitesse crée un vent relatif. Ce vent relatif se cumule au vent réel. Cette somme des deux vents est appelée vent apparent. Si le navire se déplace vent debout, les deux vents se cumulent ; le vent apparent est plus important que le vent réel. Par vent arrière, l'effet est inversé, les vents se retranchent ; le vent apparent est plus faible que le vent réel. Le cumul de ces deux vents peut donc, dans certains cas, augmenter les performances d'un voilier.
Le graphe ci-dessus décrit l'évolution du vent apparent suivant l'allure du voilier suivant deux cas. Le vent réel est fixé à 14 nœuds.
Dans le premier cas (courbe rouge), le voilier est à vitesse constante ici 7 nœuds. Ce cas se rencontre lorsque le bateau est à moteur ou lorsqu'un voilier à déplacement[Note 22] arrive à sa vitesse limite.
Dans le deuxième cas, le voilier n'est pas encore arrivé à sa vitesse limite. Pour simplifier, la performance (ou efficacité) du voilier ne varie pas suivant l'allure (direction du vent), ni la force du vent, ni ne dépend des voiles hissées ; elle est constante. La performance choisie est la suivante : le voilier est capable d'aller à la moitié du vent apparent, c'est-à-dire que le voilier va deux fois moins vite que le vent apparent. Bien sûr dans la réalité cette efficacité dépend des paramètres précédemment cités[Note 23]. Elle reste forcément inférieure au vent réel par vent arrière pour ensuite augmenter. Cette approximation reste assez réaliste pour les bateaux de plaisance, de loisirs (pêche, promenade), par-contre les voiliers de compétition arrivent à dépasser la vitesse du vent réel. Pour les plus performants tels que l'hydroptère, cette valeur atteint deux fois la vitesse du vent réel. En jaune est représentée la vitesse du vent apparent et en bleu la vitesse du navire.
À vitesse fixe du navire (courbe rouge), le vent apparent augmente progressivement. Le vent apparent dépasse le vent réel aux alentours de l'allure travers. Au près serré le vent apparent aura doublé. Vent debout, le vent apparent est 50 % plus élevé que le vent réel. Cet effet est donc non négligeable.
Dans le second cas (courbe jaune) le vent apparent augmente peu jusqu'au travers puis augmente rapidement, le phénomène est principalement localisé au près. Vent debout, le vent apparent aura doublé. Mais même avec une efficacité faible du voilier, le gain de vent est plus fort que dans le premier cas ; vent debout la vitesse du vent apparent est le double de la vitesse du vent réel, soit 100 % de gain. Le voilier vent debout serait donc aussi rapide que le vent réel. Ceci explique pourquoi, les voiliers sont optimisés au près (de travers à vent debout). Bien sûr ces vitesses ne sont pas atteintes car le voilier ne peut dépasser le près serré. Cet avantage peut être encore plus réduit, un voilier à faible performance comme un vieux gréement dépasse péniblement le bon plein.
Donc, deux phénomènes se cumulent :
- la vitesse du vent apparent au près est bien plus élevée qu'au portant;
- pour un même vent apparent, la portance apporte une poussée vélique supplémentaire de 15 % par rapport au cas vent arrière.
Conséquence pour un vent réel identique, le gain de poussée vélique (et de vitesse) au près dépasse largement le cas vent arrière[Note 24].
Influence de la tension de la voile sur la portance[modifier | modifier le code]
Régler une voile consiste au réglage de deux paramètres :
- régler l'incidence, c'est-à-dire régler l'angle "vent apparent/voile" soit au maximum de puissance, soit au maximum de finesse (rapport portance/traînée). Comme le vent varie suivant l'altitude, cet angle varie en hauteur (vrillage aérodynamique)
- choisir le profil de la voile de maximum de puissance ou de finesse.
Une voile est généralement souple[Note 25]. Lorsque la voile fonctionne en mode portance, si une voile n'est pas gonflée et tendue correctement alors il existe des plis sur la voile. Ces plis forment une rupture du profil. L'air ne glisse plus le long de la voile, les filets d'air se décollent du profil, des zones de re-circulation apparaissent. Ces zones diminuent considérablement les performances de la voile. La voile dans notre propos sera donc considérée comme tendue et gonflée par le vent, pour éliminer tous les plis.
Un préliminaire important est à faire. Une voile souple peut être rigide ou élastique. Premier cas, la voile est rigide, c'est-à-dire la voile est composée de fibres qui ne s'allongent pas sous les efforts. Prenons l'exemple d'une voile composée d'un simple morceau de tissu. Une fois tendue, la voile est plate. La voile se gonfle par le vent. Si elle est insuffisamment tendue, la voile se creuse alors inévitablement. Il se crée des plis localisés aux points de fixation de la voile : point d'amure, d'écoute... Pour éviter les plis, il faut tendre la voile plus fortement. La tension peut être considérable pour éliminer tous les plis. En théorie, dans le cas infiniment rigide, il faut une tension infinie pour éliminer tous les plis. Donc, dans le cas rigide, si la voile est bien tendue, la forme une fois gonflée par le vent est unique. Creux et position du creux ne bougent pas.
Deuxième cas, la voile est élastique. La voile ne peut être infiniment élastique, la voile avec le moindre vent gonflerait indéfiniment. La voile est donc légèrement élastique. Reprenons notre voile plate. La voile est bien tendue et gonflée par le vent, les petits plis aux points d'attache de la voile disparaissent. La voile grâce à son élasticité se déforme légèrement à ses endroits de forte contrainte sur le tissu, ce qui élimine les plis. La voile n'est plus plate ! Autre conséquence, la voile grâce à son élasticité peut prendre plusieurs formes. En jouant sur la tension de la voile, la voile est plus ou moins creuse. Il est possible de faire varier la forme de la voile sans avoir de plis. Les formes possibles de la voile ne sont pas infinies, les formes sont intrinsèquement liées à la coupe de la voile (forme à "vide" de la voile). Donc, dans le cas élastique, il existe une "famille" de formes que peut prendre la voile; le creux et la position du creux bougent.
Dans la réalité, les voileries recherchent une grande rigidité de la voile pour que la forme de la voile une fois gonflée par le vent soit celle calculée par la voilerie. Il faut néanmoins une certaine élasticité à la voile pour qu'elle puisse changer de forme (Cf par exemple le vrillage de la voile). En effet, un profil est optimum pour une unique condition de mer et de vent. En changeant légèrement de forme, la voile est alors optimum pour une autre condition proche de vent et de mer. La voile élastique est donc optimum pour une "gamme" de conditions de vent et de mer. Bien sûr, plus la voile est rigide, plus la gamme est restreinte.
Le profil de la voile évolue suivant les réglages de la voile. À une incidence donnée, la voile peut prendre différentes formes. La forme dépend des tensions exercées sur la voile, essentiellement la tension exercée sur la chute via l'écoute. Autres tensions : au point d'amure, le cunningham, le pataras. Ces éléments permettent de décider d'une des formes possibles de la voile. Plus exactement, ils permettent de décider de la position du creux maximum sur la voile[31].
À chaque profil correspond une valeur adaptée du Cz. La position du creux le long de la corde offrant le plus de portance est à environ 40 % de la corde (bordure) en partant du guindant[32]. Le profil sous le vent de la voile est alors assez proche de la série NACA 0012 (NACA 0015, NACA 0018, etc. suivant les possibilités de réglage).
La position du creux sur la voile et la cambrure ne sont pas indépendantes. Ces paramètres sont reliés entre eux par la forme de la coupe de la voile. C'est-à-dire, modifier la cambrure de la voile modifie aussi la position du creux de la voile.
Cambrure[modifier | modifier le code]
Les courbes de portance (et traînée) en fonction et de l'angle d'attaque dépendent de la cambrure de la voile, c'est-à-dire de la forme plus ou moins prononcée du creux de la voile[33],[34].
Une voile à forte cambrure a un coefficient aérodynamique plus élevé, donc potentiellement un effort propulsif plus important. Par contre, le coefficient aérodynamique engendrant la gîte varie dans le même sens, donc il faudra suivant les allures trouver une cambrure de compromis entre un effort propulsif important et une gîte acceptable.
Il est à remarquer aussi qu'une voile trop fine (1/20), les performances se dégradent fortement. Il n'y a plus d'effet de portance, le coefficient propulsif plafonne autour de 1.
Position du creux[modifier | modifier le code]
Les courbes de portance (et traînée) en fonction de l'angle d'attaque dépendent aussi de la position du creux de la voile, plus ou moins proche du guindant[35],[36].
Influence de l'allongement de la voile sur la portance[modifier | modifier le code]
Une voile ne génère malheureusement pas un effort parfaitement perpendiculaire à sa surface. Le choc reste quand même un peu sur le côté. Il n'est pas négligeable. Cet effort de côté, c'est-à-dire perpendiculaire à la portance, est nommé traînée.
La traînée a plusieurs origines :
- allongement de la voile
- les pertes par fortement
- les pertes de formes...
La traînée, dans le cas d'une voile, est due principalement à l'allongement de la voile nommé traînée induite. Cette traînée est liée à la portance, c'est pourquoi le monde scientifique par souci pratique, utilise une formule de la traînée similaire à celle de la portance. Dans cette formule seul le coefficient aérodynamique noté [Note 26] diffère. La traînée est aussi reportée sur les tables ou abaques donnant le coefficient de portance du profil. La formule de l'effort de traînée est :
avec
- F = la traînée, exprimée en newtons orientée perpendiculairement à la portance.
- (rhô) = masse volumique de l'air ( varie avec la température et la pression) ;
- S = surface de référence ; c'est la surface de la voile en m2
- Ci = coefficient aérodynamique de la traînée. Il est donné dans les tables de portance.
- V = Vitesse de déplacement soit la vitesse du vent par rapport à la voile (vent apparent) en m/s.
La résolution des équations de Navier-Stokes permet une simulation complète de tous les types de traînées, mais la résolution de ces équations est pour l'instant "approchante" quoique les résultats partiels obtenus soient très bons (voir Cas de plusieurs voiles : résolution multidimensionnelle du problème). Ce paragraphe se réduira à la traînée d'allongement, pour les autres traînées, voir l'article traînée. Une voile n'est pas infiniment longue. Il existe donc des extrémités, dans notre cas de voile à corne :
Lorsque la voile propulse le navire, la face sous le vent est en dépression, la face au vent est en pression. Aux extrémités de la voile la dépression est en contact avec la pression. Naturellement les molécules d'air comprimées (beaucoup de chocs et fréquents) vont se précipiter dans la zone en dépression (peu de chocs et moins fréquents). La conséquence est que la zone en dépression a plus de molécules d'air que prévu donc la dépression est moins forte (plus de pression que prévu). De même la zone en pression a moins de molécules d'air que prévu donc la pression est moins forte. L'effet propulsif est moindre.
La distance entre la face sous le vent et la face au vent aux extrémités de la voile est très faible[Note 27], une zone de pression aussi proche d'une zone de dépression, le mouvement de transfert des molécules d'une face de la voile à l'autre est très violent. Cela crée des turbulences importantes. Sur une voile bermudienne, la bordure et la chute sont les deux zones où ce phénomène existe. La traînée de la chute est incluse dans la traînée habituelle des courbes de portance où le profil est considéré comme infini (donc sans bordure). Par contre la traînée de la bordure est à calculer séparément. Cette perte d'efficacité de la voile à la bordure est nommée traînée induite.
Influence sur les coefficients aérodynamiques[modifier | modifier le code]
La traînée induite est en relation directe avec la longueur des extrémités. Plus la corne est longue, plus la traînée induite est forte. Inversement une voile peut prendre des ris, c'est-à-dire que la surface de la voile se réduit sans que la longueur de la corne ne change. Cela signifie que la valeur de la traînée induite sera sensiblement la même. Pour une même longueur de corne, plus la voile est grande, plus le ratio traînée induite sur coefficient aérodynamique est faible. C'est-à-dire plus la voile est allongée, plus la traînée induite modifie faiblement la valeur du coefficient aérodynamique.
La traînée induite ne dépend que de l'allongement. L'allongement est défini[37] :
avec
- b est la longueur du guindant
- S la surface de la voile.
La traînée induite est :
-
- Cz : coefficient de portance du profil
- (pi) : 3,1416
- λ : allongement (sans dimension)
- e : coefficient d'Oswald (inférieur à 1) qui dépend de la distribution de portance en envergure. "e" pourrait être égal à 1 pour une distribution de portance "idéale" (elliptique). Une forme elliptique des extrémités diminuera au mieux la traînée induite. En pratique "e" est de l'ordre de 0,75 à 0,85. Seul un modèle trois dimensions et des essais permettent de déterminer la valeur de "e".
- est nommé allongement effectif
La distribution optimale de la portance diminuant au maximum la traînée induite est de forme elliptique[38],[39]. En conséquence, le guindant sera de forme elliptique, donc le mât sera non plus droit comme sur les vieux gréements mais le mât est courbé avec une forme la plus proche possible d'une ellipse. Cette configuration elliptique de mât est possible grâce aux matériaux modernes. Elle est très prononcée sur les planches à voile. Sur les voiliers modernes, le mât est courbé grâce au haubanage. De même la chute sera elliptique. Ce profil n'est pas naturel à une voile souple, c'est la raison pour laquelle la chute des voiles est rigidifiée avec des lattes pour obtenir cette courbure.
La distribution de portance idéale est elliptique, or la forme des voiles actuelles est plutôt une demi-ellipse, comme si la moitié de l'ellipse complète avait été plongée dans la mer. Cela est normal, car comme la vitesse du vent est nulle au contact de la mer, la mer est alors d'un point de vue aérodynamique un "miroir"[40],[41],[42],[43], seul suffit une moitié d'ellipse.
Attention la forme elliptique est obtenue dans un flux d'air uniforme. Or la vitesse et la direction du vent suivant l'altitude est loin d'être aussi simple (cf. vrillage de la voile).
Influence sur les efforts[modifier | modifier le code]
Les relations précédentes sont :
Il est déduit :
Le résultat important du point de vue des efforts est que la traînée induite n'est pas liée à mais . Le moment de redressement est une limite liée à la capacité du navire à ne pas chavirer donc liée à la carène pas aux voiles. Ce même moment s'oppose au moment généré par les voiles. Si on approxime la traînée totale à la seule traînée induite alors le moment généré par les voiles est lié à : (cf. le paragraphe finesse et puissance de cet article). Il est donc déduit, à effort de portance identique, que la capacité du navire à porter de la toile est liée à la hauteur du gréement et non pas à son allongement. Ce concept est également largement employé dans la conception aéronautique.
Influence de la hauteur de la bordure par rapport au niveau de la mer[modifier | modifier le code]
Lors du paragraphe précèdent, la mer est d'un point de vue aérodynamique un "miroir", seul suffit une moitié d'ellipse pour obtenir les meilleures performances (faible traînée). Or, dans la réalité, la bordure des voiles n'est pas en contact avec la surface de la mer. La bordure est à une hauteur significative de la surface de la mer. Il existe donc un trou entre la bordure de la voile et la surface de la mer. Plus le trou est grand, plus la forme aérodynamique correspond à la forme de la voile sans son reflet; plus le trou est petit plus la forme aérodynamique ressemble à la forme de la voile plus son reflet sur la surface de la mer. Dans le cas d'une forme de demi-ellipse de la voile, plus le trou est grand, moins la forme totale aérodynamique (voile + reflet dans la mer) ressemble à une ellipse complète, mais de plus en plus à une demi-ellipse seule.
Ce trou a une influence non négligeable sur les performances. En effet il se crée un tourbillon supplémentaire au niveau du point d'écoute. Le tourbillon serait inexistant si la bordure était en contact avec la mer, mais le trou est bien présent dans la réalité. Ce tourbillon supplémentaire consomme de l'énergie et donc modifie les coefficients de portance et de traînée. Le trou n'est pas entièrement vide, suivant les voiles il est partiellement comblé par le franc bord et les superstructures éventuelles du voilier.
Les modifications de performances de la portance et de la traînée sont assez importantes. Seuls des essais ou une simulation numérique poussée permettent de quantifier ce phénomène. Pour fixer les ordres de grandeur, et pour une hauteur entre la bordure de la voile et le pont du voilier de 6 % de la longueur du mât, les variations sont :
- une augmentation 20 % du coefficient de traînée
- une perte de 10 % du coefficient de portance[44].
Dans cette approche de la réduction de la traînée du point d'écoute sur les performances de la voile, il est à noter le comportement particulier et performant de la voile austronésienne[45],[46]. Cette voile semble utiliser la surface de la mer pour réduire fortement les deux tourbillons d'extrémités de voile (pied de mat et corne de la voile) ; cela réduit la traînée et donc permet de meilleures performances. Ce comportement est à rapprocher de l'effet de sol, est encore mal compris.
Le rôle des tourbillons marginaux au niveau de la bordure d'une voile bermudienne est connu depuis les années 30 : En effet à cette époque les techniques de recherche aéronautique (souffleries) commencent à être appliquées à la voile de compétition. le régatier germano-américain Manfred Curry teste des modèles de voiles dans la soufflerie du professeur (et avionneur) Hugo Junkers à Dessau[47]. L'avionneur britannique Thomas Sopwith défie les américains dans la Coupe de l'America. Leurs recherches aboutissent à des solutions ayant une certaine efficacité comme la bôme spéciale utilisée par Curry, avec une large planche plate surmontant l'espar et jouant le rôle d'une Winglet avant la lettre, ou la bôme large, rigide et plate sur le dessus, (plaisamment dénommée "Park avenue" par les journalistes nautiques américains)[48] équipée de rails transversaux à couliseaux et portant les courbes de profil idéales peintes dessus, utilisée par les derniers voiliers de la classe J lors des défis de la Coupe de l'America de l'immédiat avant-guerre.
Plus récemment les véliplanchistes ont inventé une technique permettant de limiter les tourbillons marginaux au niveau de la bordure, pour les disciplines de vitesse et de slalom, courues sur mer peu agitée: En étarquant à bloc le point d'amure sur le mât et un inclinant la voile vers l'arrière lors d'un "run" (bord rapide), la bordure est collée au pont du flotteur, qui limite ainsi les tourbillons marginaux. Par contre cette technique et les coupes de voiles associées ne sont pas utilisées sur les voiles destinées aux évolutions dans les grosses vagues.
Influence des bords de la voile : chute, guindant, et bordure[modifier | modifier le code]
Une voile hissée a une forme en trois dimensions. Cette forme est la forme choisie par le maître voilier. Or la forme 3D hissée est différente de la forme à vide (vue dans l'atelier d'une voilerie par exemple). Il faut tenir compte de cet aspect lors de la découpe de la voile.
La forme générale d'une voile est un polygone déformé. Le polygone est légèrement déformé dans le cas d'une voile bermudienne à fortement déformé dans le cas d'un spi. La forme des bords à vide est différente de la forme des bords une fois la voile hissée. Un bord convexe à vide peut passer à un bord droit voile hissée.
Le bord peut être :
- convexe appelé aussi rond
- concave
- droit
Quand la forme convexe n'est pas naturelle (sauf pour une bordure libre, un spi), la voile est équipée de lattes pour maintenir cette forme quand la forme convexe est prononcée.
Excepté les spis qui ont une forme de ballon, les variations de la bordure par rapport à la ligne droite restent faibles, quelques centimètres.
Une fois hissée, une voile de forme elliptique serait l'idéal. Mais comme la voile n'est pas rigide :
- il faut un mât qui pour des raisons de possibilité technique est plutôt droit.
- la souplesse de la voile peut amener d'autres problèmes, qu'il vaut mieux corriger au détriment de la forme idéale elliptique (convexe).
Chute[modifier | modifier le code]
La forme elliptique est l'idéal (convexe) mais, une chute concave à vide améliore le vrillage dans la partie supérieure de la voile et empêche la chute de « gonfler » dans les rafales, améliorant ainsi sa stabilité. La chute concave rend la voile plus tolérante et plus neutre. Une forme convexe est aussi un moyen simple d'augmenter la surface de la voile.
Guindant[modifier | modifier le code]
Une fois hissée, le bord doit être parallèle à l'étai ou au mât. Idem quand la voile est à corne. Les mâts et espars sont très souvent (sauf planche à voile) droits, la forme droite du guindant est donc à priori la forme à utiliser.
Mais le creux de la voile est normalement plus proche du guindant que de la chute. Donc pour faciliter la mise en place du creux de la voile une fois hissée, à vide, la forme du guidant est convexe[49]. La convexité du guindant est nommée rond de guindant. Par contre lorsque le haubanage est complexe, la forme du mât n'est plus droite[50]. Dans ce cas il faut en tenir compte, et la forme du guindant à vide peut être alors convexe en bas et concave en haut.
Bordure[modifier | modifier le code]
Mise à part le comportement particulier et très performant de la voile Austronésienne[45],[46], les voiles ne mettent pas en œuvre à l'heure actuelle des systèmes tels que des Winglet. La forme n'a donc que peu d'importance surtout sur des voiles à bordure libre. Sa forme est plus motivée par des raisons esthétiques. Souvent convexe à vide pour être droite une fois hissée. Lorsque la bordure est fixée à une bôme ou un espar, une forme convexe est à privilégier pour faciliter la formation du creux de la voile. De façon réciproque mais moins performante, il faut une bordure avec un rond prononcé pour compenser un espar trop rectiligne pour permettre en peu de hauteur une transition rectiligne au creux conforme au profil désiré. Par contre, sur les bômes à enrouleur, la forme du bord de la bordure est plus choisie en fonction des contraintes techniques liées à l'enrouleur que de considération aérodynamique.
Influence de l'incidence sur le coefficient aérodynamique : polaire d'une voile[modifier | modifier le code]
Le coefficient aérodynamique de la voile varie suivant l'angle d'incidence. Le coefficient est souvent divisé en deux composantes :
- la composante perpendiculaire au vent apparent est nommée portance ;
- la composante parallèle au vent apparent est nommée traînée.
À chaque angle d'incidence va correspondre un couple unique portance-traînée. Les voileries représentent l'évolution de la traînée et de la portance dans un graphique nommé polaire d'une voile.
Le comportement de la voile suivant l'incidence (angle : vent apparent/voile) se décompose ainsi :
- la voile est libre, autant dire qu'il n'y a pas de voile ; c'est le cas portance et traînée nulles[Note 28] ;
- la voile est perpendiculaire au vent, le mouvement est turbulent[Note 29]. C'est le cas portance nulle et traînée maximale ;
- il reste les cas intermédiaires :
- De la voile libre à la portance maximale : l'écoulement est attaché, c'est-à-dire que le vent colle au profil. Il n'y a pas de tourbillons (zone morte) créés sur la voile. Il est à noter dans le cas d'une bonne voile bien réglée que la portance maximale est supérieure à la traînée maximale ;
- De la portance maximale, à la zone morte maximale : le vent ne colle plus correctement au profil de la voile. L'écoulement est moins stable. Il devient petit à petit décroché ou décollé. Il se crée une zone sous le vent, une zone morte diminuant l'efficacité de la voile. À un certain angle, la zone morte a envahi toute la face sous le vent (vers 50°, plus ou moins nette suivant les formes de voile).
- De la zone morte maximale à la traînée maximale : la zone morte a envahi toute la face sous le vent, seule la face au vent intervient. L'air, à ces fortes incidences, est peu dévié de sa trajectoire, les parcelles d'air ne font que s'écraser sur toute la surface au vent de la voile. L'effort est donc quasi constant, la polaire de voile décrit un arc de cercle.
Comme la portance est plus efficace que la traînée pour contribuer à l'avancement du navire, les voileries essayent d'augmenter la zone de portance maximale, c'est-à-dire augmenter l'effort de portance et l'angle d'incidence.
Tout le savoir d'une voilerie réside dans la diminution de la zone morte aux grandes incidences, soit dans la maîtrise de la couche limite[52].
Autre point primordial, la traînée et la portance ne dépendent pas que de l'angle d'incidence. Par nature une voile est souple, elle peut donc prendre une multitude de formes, donc de profils. À chaque profil correspond une polaire de voile. Un profil dépend de la tension de ses attaches et de la position de ses attaches dans l'espace (amure, drisse, écoute pour des voiles attachées en trois points). Il existe une multitude de polaires pour une même voile. Tout l'art du réglage est de sélectionner le bon profil, donc sélectionner une polaire de voile particulière, puis sur cette polaire choisie, choisir le bon angle d'incidence.
De façon générale les profils performants d'une voile sont proches de l'extrados de la série NACA 00XX (NACA 0009 0012 0015 0018). Donc dans une première phase, le réglage consiste à donner une forme NACA correcte à la voile en supprimant faux plis et autres défauts. Ensuite il faut régler finement (choisir le bon profil NACA) cambrure, creux, et vrillage à partir de cette première ébauche de forme de voile, puis choisir l'incidence.
Grâce à la polaire de la voile mais aussi celle de la carène du voilier, il est défini au niveau du voilier complet une polaire des vitesses du voilier.
Influence de l'altitude : vrillage de la voile[modifier | modifier le code]
L'air se déplace principalement par tranches parallèlement au sol. Le sol est dans notre cas la mer. Si la densité de l'air peut être considérée comme constante pour nos calculs d'effort, ce n'est pas le cas de la répartition de vitesse du vent, elle sera différente suivant l'altitude. Comme pour la voile, les parcelles d'air proches de la mer sont accrochées à la mer. Au niveau de la surface de la mer, comme la différence entre la vitesse du vent et celle des parcelles d'eau est nulle, la vitesse du vent varie fortement dans la première dizaine de mètres d'altitude[53],[54],[55]. Cette progression rapide de la vitesse du vent suivant l'altitude, par conséquent, va faire varier aussi le vent apparent. Il en résulte que l'intensité et la force du vent apparent varient fortement pour une altitude comprise en 0 et 20 mètres[56]. Dans le cas d'une utilisation des voiles avec portance, elles doivent être vrillées pour avoir une bonne incidence par rapport au vent apparent tout le long du bord d'attaque (guindant)[57].
K.W. Ruggles donne une formule généralement admise de l'évolution de la vitesse du vent suivant l'altitude :
Avec les données collectées par Rod Carr[61] les paramètres sont :
- k = 0,42 ;
- z l'altitude en m ;
- z0 est une altitude qui tient compte de l'état de la mer, c'est-à-dire de la hauteur des vagues et leur vitesse :
- 0,01 pour 0 à 1 Beaufort ;
- 0,5 pour 2 à 3 Beaufort ;
- 5,0 pour 4 Beaufort ;
- 20 pour 5 à 6 Beaufort ;
- = 0,335 lié à la viscosité de l'air ;
- U en m/s.
En pratique le vrillage doit être réglé pour optimiser les performances de la voile. Le moyen principal de réglage est la bôme pour une voile bermudienne. Plus la bôme sera tirée vers le bas, moins le vrillage sera important[62].
Autre conséquence majeure, le début de l'article indiquait que la forme idéale de la voile est une ellipse lorsque le flux d'air est uniforme, autrement dit quand la vitesse du vent est constante suivant l'altitude. Dans la pratique, la forme idéale est donc bien plus complexe qu'une simple ellipse. En effet il est facile de comprendre qu'augmenter la surface de voile dans les hauts permette d’accéder à des vitesses de vent plus élevées et donc gagner en efficacité. Ceci explique le renouveau des voiles à corne sur les bateaux de course.
Influence de la rugosité de la voile[modifier | modifier le code]
Comme une carène, la rugosité joue un rôle sur les performances de la voile. Les petits creux et bosses microscopiques ont un effet stabilisateur ou facilitent les décrochages de la voile (passage du mode laminaire à turbulent). Ils ont aussi une influence sur les pertes par frottement.
Ce domaine fait l'objet de recherches en conditions réelles (soufflerie). Il n'est pour l'instant pas encore maîtrisé et donc peu simulé numériquement. Il apparaît, à grand nombre de Reynolds, que, bien choisie, la rugosité permet de prolonger le mode laminaire de quelques degrés d'incidence de plus. Le comportement est bizarre et pour plus d'informations voir la référence suivante[63],[64].
Influence du nombre de Reynolds[modifier | modifier le code]
La formule est une formule pratique simple à manipuler. Le coefficient de portance n'est pas indépendant des variables vitesse du vent et surface caractéristique. Le coefficient de portance dépend du nombre de Reynolds comme l'indiquent les tables et polaires. Le nombre de reynolds est défini par . Le nombre de Reynolds dépend donc de U vitesse du vent et L longueur de la bordure, mais l'influence du nombre de Reynolds est du second ordre par rapport aux autres facteurs ; c'est-à-dire que les performances de la voile varient très peu pour une variation importante du nombre de Reynolds. L'influence très faible du nombre de Reynolds est incluse directement dans les tableaux (ou abaque), en traçant le coefficient de portance (ou de traînée) pour plusieurs valeurs du nombre de Reynolds (généralement pour trois valeurs).
Plus le vent est élevé, plus les particules d'air ont tendance à continuer à se déplacer en ligne droite ; donc, moins elle colle à la voile ; donc, le passage au mode turbulent est proche. Le nombre de Reynolds est le rapport entre l'effet viscosité et quantité de mouvement du vent. Il caractérise donc le passage du mode laminaire au mode turbulent. Plus le nombre de Reynolds est élevé, meilleures sont les performances de la voile[65].
Augmenter l'incidence maximale ou encore le coefficient de portance grâce au bon choix du nombre de Reynolds est une optimisation intéressante mais reste très secondaire. Le nombre de Reynolds dépend uniquement de trois paramètres : la vitesse, la viscosité et une longueur.
La viscosité est une constante physique, c'est une donnée d'entrée et non pas une variable d'optimisation.
La vitesse du vent est une variable d'optimisation. Il est évident qu'il est recherché un vent le plus élevé possible sur la voile pour un effort vélique maximal bien plus que pour des raisons de nombre de Reynolds. Ce paramètre a donc déjà fait l'objet d'une optimisation.
Il reste la longueur caractéristique. La voile est par nature inélastique donc de dimension fixe. Donc la longueur caractéristique est fixe pour une voile donnée. Son optimisation est du ressort de l'architecte naval sauf pour le marin à changer de voile. L'optimisation des performances des voiles en jouant sur la longueur caractéristique du nombre de Reynolds est masquée par l'optimisation d'autres paramètres, par exemple la recherche de meilleures performances de voile en jouant sur le poids des voiles ; le poids des voiles est un point important pour l'équilibre du navire. Il suffit de peu de poids dans les hauts pour créer un moment important affectant l'équilibre du navire.
Or plus le vent est fort plus le tissu de voile doit être résistant donc lourd, le marin recherche un jeu de voile adapté à chaque gamme de vitesse de vent pour des raisons de poids bien plus que pour des raisons de nombre de Reynolds : foc, voile tempête, grand voile, voile de cap, génois léger, génois lourd... Chaque vitesse de vent a donc sa voile, la forme peut donc changer entre chaque voile. Or, plus le vent est fort, plus la voile est petite donc des longueurs caractéristiques différentes. Le choix de la forme des voiles (donc la longueur caractéristique) est donc guidé par d'autres critères plus importants que le nombre de Reynolds.
Le prix d'une voile est très élevé et donc, pour donner sa chance à tous, la compétition limite le nombre de voiles.
Les coefficients de portance et de traînée, donc l'influence du nombre de Reynolds, sont calculés en résolvant les équations de la physique régissant l'écoulement de l'air sur une voile via la méthode de la simulation numérique. Les résultats trouvés sont bien corrélés avec la réalité, avec moins de 3 % d'erreur[66].
Finesse et puissance[modifier | modifier le code]
Les courbes polaires de voile au départ ressemblent à des droites, ceci est très bien expliqué grâce à la théorie des profils minces. Le rapport traînée et portance est assimilé à une constante, donc à finesse constante[67]. Puis la pente de la polaire devient de plus en plus horizontale, pour passer par un maximum de portance. Puis, à incidence plus élevée une zone morte apparaît, diminuant l'efficacité de la voile. Le but du navigateur est de régler la voile dans la zone où la poussée est maximale.
Pour illustrer ce chapitre, les méthodes de réglage proposées se basent sur un voilier à gréement bermudien à bôme. Il est rare de régler un voilier en puissance ou en finesse, c'est-à-dire à ces optimums théoriques ; en effet, le vent apparent n'est pas constant, pour deux raisons :
- le vent lui-même n'est pas constant, ni même simplement variant. Il y a les sautes du vent, il existe des rafales de vent, les risées...
- même en supposant le vent constant, le bateau pouvant être soulevé de manière conséquente selon la houle, en haut d'une vague, le haut de la voile trouvera des vents plus rapides, dans le creux de la vague c'est l'inverse il y a moins de vent (le voilier se redresse). Mais aussi en montant ou descendant une vague le voilier tangue, c'est-à-dire le haut de la voile est propulsé vers l'avant puis l'arrière modifiant constamment la valeur vitesse du vent apparent, relativement à la voile.
Le vent apparent varie tout le temps et très rapidement, il est souvent impossible au marin d'adapter aussi rapidement les réglages des voiles à ces conditions de vents. Donc il est impossible d'être à l'optimum. Or un réglage à l'optimum passe rapidement à réglage désastreux, pour une petite variation de vent. Il vaut donc mieux trouver un réglage certes moins optimum mais plus tolérant aux conditions changeantes du vent apparent[Note 30].
Le paramètre important influant sur le type de réglage de la voile est la forme de la carène. La carène est de forme allongée pour offrir un minimum de résistance à l'avancement. En conséquence, il faut un couple bien plus important pour incliner la carène vers l'avant (assiette) que d'incliner vers le côté le navire (gîte). En vent arrière, la poussée vélique est orientée dans le sens du déplacement donc engendrera une assiette faible. La surface de voile hissée peut être importante sans que l'assiette soit importante. Au près, la situation change, une partie de l'effort est perpendiculaire à l'axe principal du navire. Pour la même poussée vélique vent arrière, l'effort perpendiculaire au navire engendre une gîte considérable.
Une voile est placée sur un navire et donc le bon fonctionnement du navire ne dépend pas uniquement du maximum de performance de la voile. En effet, sous forte gîte (ou assiette), la partie supérieure de la voile dévente et ne profite pas des vents plus forts en altitude, c'est-à-dire la zone où le vent peut donner un maximum d'énergie à la voile (et donc au bateau)[68],[69],[70],[71],[55].
Or, le phénomène de gîte est bien plus sensible à la poussée vélique que l'assiette. En conséquence, pour minimiser la gîte, le type de réglage de la voilure sera différent au près ou au portant :
- aux allures du près, le réglage est un réglage finesse,
- aux allures du portant, le réglage est un réglage puissance.
Limites des performances d'une voile[modifier | modifier le code]
Une voile ne peut pas récupérer tout l'énergie du vent. Une fois que les particules ont transmis leur énergie à la voile, il faut qu'elles laissent la place à de nouvelles particules qui vont à leur tour donner de l’énergie à la voile. Comme les anciennes particules ayant transmis leur énergie à la voile s'évacuent, cela signifie que ces particules ont conservé une certaine énergie pour pouvoir s'évacuer. Cette énergie restante à la particule n'est pas négligeable. Si les anciennes particules évacuent trop rapidement pour laisser place aux nouvelles particules, ces anciennes particules emportent avec elles une grande quantité d'énergie. Elles n'ont donc transmis à la voile que peu d'énergie. Il n'y a donc que peu d'énergie, par unité de temps, transmise à la voile (ou puissance). Inversement, si les anciennes particules s'évacuent trop lentement, elles ont certes transmis beaucoup d'énergie à la voile, mais elles empêchent les nouvelles de transmettre de l'énergie. Il y a donc que peu d'énergie par unité de temps transmis à la voile (ou puissance). Il existe un juste milieu entre vitesse entrante des particules et vitesse de sortie des particules donnant un maximum de puissance à la voile. Cette limite se nomme Limite de Betz :
- avec
- : masse volumique du fluide (1,23 kg/m3 pour l'air à 20 °C)
- S : surface de la voile en m2
- : vitesse incidente (amont) du fluide en m/s, c'est-à-dire la vitesse du vent apparent dans le cas d'un voilier.
Donc, la voile ne peut récupérer au maximum que 60 % de l’énergie contenue dans le vent. Le reste est utilisé par les parcelles pour s'évacuer de la surface de la voile.
La formule de l'effort sur la voile est
où
est une surface caractéristique dans le cas de la voile la surface de la corde.
est le coefficient aérodynamique.
représente le pourcentage d'énergie récupérée sur l'extrados multiplié par la surface de l'extrados plus le pourcentage d'énergie récupérée sur l'intrados multiplié par la surface de l'intrados. Par définition, pour une voile, le tissu n'a qu'une faible épaisseur, donc la surface de l'extrados est identique à la surface de l'intrados. En considérant la voile comme peu élastique, le profil de la voile reste relativement mince. La cambrure de la voile ne peut être en mode portance très importante sous peine de voir les filets d'air se décoller du profil et donc diminuer les performances de la voile. Même pour une voile fortement déformée comme un spi, il faut tendre le spi pour intercepter un maximum de vent. La surface de l'extrados et la surface de la corde restent donc proches. Les surfaces intrados et extrados de la voile, la surface de la voile et la surface de la corde sont proches. La surface de la voile est assimilée à la surface de la corde , donc le coefficient aérodynamique a pour limite supérieure 2.
D'autre part, le vent apparent est lié au vent réel par la formule :
avec angle entre le vent réel et la direction de déplacement du voilier.
Le vent réel dépend du vent apparent et de la vitesse du bateau. C'est-à-dire que le vent réel est indépendant de la vitesse du bateau. Le bateau peut prendre n'importe quelle vitesse, le vent apparent s'adaptera. Donc, si le marin arrive à augmenter le vent apparent, alors, comme le vent réel est quasi fixe, la vitesse du bateau augmente. Et ceci sans limite.
Concrètement, les recherches effectuées ont pour but d’améliorer la vitesse des voiliers. Mais, les améliorations sont limitées par les lois de la physique. Avec toutes les avancés technologiques possibles, le coefficient aérodynamique a une limite théorique, ce qui limite l'effort récupérable à vitesse constante. De toute façon l’énergie récupérée du vent intercepté par la voile est limité à 60 %. Le seul moyen pour le marin d'aller plus vite est d'augmenter l’énergie récupérée par unité de temps (ou puissance) en augmentant la surface de vent intercepté par la voile. Sans rentrer dans des calculs, plus le voilier avance vite, plus la surface interceptée augmente, plus le voilier reçoit d’énergie par unité de temps, il va encore plus vite. Si le voilier est plus rapide, la surface interceptée est encore plus grande, il reçoit encore plus d’énergie, il va encore plus vite que précédemment... Le voilier rentre alors dans un cercle vertueux. Le vent apparent augmente indéfiniment; sans problème de gîte et de résistance de carène, le voilier accélérerait indéfiniment. L'autre possibilité est d'augmenter la surface des voiles. Le marin lui ne peut augmenter indéfiniment la surface des voiles, il est limité par les possibilités du gréement. Augmenter la surface des voiles est du ressort de l'architecte naval qui lui est limité par la résistance des matériaux. Mais aussi la préoccupation des architectes navals, particulièrement en compétition, est donc d'augmenter autant que possible ce fameux vent apparent.
Finesses[modifier | modifier le code]
Le vent apparent forme un angle avec l'axe du navire et la corde de la voile ne correspond pas à l'axe du navire. Concrètement, au près, cela signifie que :
- une (petite) partie de la traînée de la voile ralentit le navire,
- l'autre partie de la traînée de la voile participe à la gîte du navire,
- une grande partie de la portance de la voile participe à l'avancement du navire,
- l'autre partie de la portance de la voile participe à la gîte du navire[72].
Aux allures du près, la moindre poussée vélique engendre un effort perpendiculaire donc de la gîte. La gîte optimum offrant le maximum de poussée vélique est fixé par l'architecte naval. Elle dépend des moyens techniques mis en œuvre pour contrecarrer la gîte nommée aussi contre-gîte (ballast, Foils et bien sûr le contrepoids cf. la quille lestée). Il est possible de contrecarrer quasi totalement la gîte grâce à des technologies de mât/quille basculant, de foils type hydroptère, etc. Ces technologies sont coûteuses en argent, poids, complexité et rapidité de changement de réglage, elles sont donc réservées à une élite : la compétition. Dans les cas courants, la gîte existe. Or la moindre gîte commence à faire diminuer la poussée vélique, l'architecte doit trouver un compromis entre la quantité de moyens mis en œuvre pour diminuer la gîte et la gîte raisonnable restante. Le navire est donc optimisé pour cette gîte raisonnable restante, la gîte raisonnable restante est donc la gîte optimale. L'architecte naval fixe souvent la gîte optimale entre 10° et 20° pour les monocoques[73]. En conséquence, le navigateur doit autant que possible être à la gîte optimale choisie par l'architecte. Moins de gîte signifie que le voilier n'est pas au maximum de performance de ses voiles et le profil de la voile a de faibles performances. Plus de gîte signifie que le haut de la voile dévente, et donc une poussée diminuée ; dans ce cas le profil de la voile est certes performant, mais ce n'est pas parmi les profils performants, le bon.
Du point de vue du marin, il doit se placer à la gîte optimum. À cette gite optimum correspond un effort perpendiculaire qui est la projection de la poussée vélique suivant cet axe. Le reste de la poussée vélique fait avancer le navire. Le travail du marin est donc de minimiser le ratio effort perpendiculaire sur effort contribuant à l'avancement.
Ce ratio dépend de l'allure, de l'incidence, de la traînée et de la portance pour un profil donné.
Comme la portance est le principal contributeur à l'effort qui fait avancer le navire, et la traînée le principal contributeur à l'effort perpendiculaire, cela revient en première approche à minimiser le ratio traînée sur portance, donc maximiser la finesse.
L'allure dépend simplement du cap choisie par le navigateur. Le cap dépend lui, de la destination. L'allure est donc un paramètre fixe, pas une variable d'optimisation. Mais chaque allure (angle du vent apparent par rapport à l'axe du navire) a des réglages optimum différents.
Comme la portance est le principal contributeur à l'effort qui fait avancer le navire, le réglage sera d'abord de sélectionner les profils de voile donnant un maximum de portance. À chacun de ces profils corresponds une polaire différente.
Une voile est généralement souple, le navigateur modifie le profil grâce[74] :
- à la position du creux de la voile en jouant sur les éléments agissant sur la tension du tissu de la voile
- au vrillage plus ou moins prononcé de la voile en jouant sur la bôme via le hale-bas.
Il existe autant de polaires de voile pour la même voile que de vrillages et de positions de creux possibles, il faut donc choisir la meilleure polaire de voile.
Le vrillage sera réglé pour avoir une incidence constante le long du guindant. Il serait dommage de ne pas être à l'incidence optimum tout le long du guindant et d'avoir une partie de voile pas à son maximum de performance.
La position du creux de voile influe sur la finesse de la voile. La meilleure finesse sera obtenue lorsque le creux de voile sera le plus avant possible. Plus le creux est sur l'avant plus la courbure du guidant est prononcée. Il arrive un moment où les filets d'air ne collent plus à la voile, la voile décroche. Il se crée une zone morte, une zone de turbulence qui diminue l'efficacité de la voile. Cette zone inefficace apparaît et est située juste après le guindant sur l'intrados, les penons dans cette zone deviennent alors instables[75]. la règle générale qui guide la démarche du réglage de la voile reste une lapalissade, plus le tissu est tendu plus la voile est plate, moins il y a de creux. Le voilier a plusieurs éléments agissant sur la tension du tissu de la voile :
- la tension du cunningham,
- du point d'amure,
- du point de drisse,
- du point d'écoute de la voile.
- du pataras,
- haubans. Ils agissent de façons indirectes.
Ces éléments peuvent avoir une influence couplée, par exemple la tension du pataras agit aussi sur la tension du point de drisse et donc la forme du guindant.
L'influence est largement localisée, par exemple plus la tension est forte sur le point d'écoute de la voile moins il y a de creux proche du point d'écoute de la voile, de même jouer sur le pataras c'est-à-dire la ralingue de guindant a peu d'influence sur l'écoute. Techniquement il est difficile de mettre en place des moyens de réglage indépendant les uns des autres. Plus le gréement est compliqué plus il y a d'interaction entre les réglages. Le réglage du voilier est alors très technique, un véritable casse tête. Pour bien comprendre la difficulté, c'est comme si sur une moto la pédale d'accélérateur bougeait aussi le guidon !
Pour une voile souple, la cambrure de la voile et la position du creux de la voile sont liés. Leur dépendance découle directement de forme de la coupe de la voile. Donc positionner le creux revient à fixer la cambrure. La cambrure est un facteur prépondérant sur la portance maximale du profil. C'est l'architecte naval ou la voilerie qui fixe la coupe de la voile donc la relation creux-cambrure. L'épaisseur du profil correspond à l'épaisseur du tissu de voile. Les variations d'épaisseur d'une voile à l'autre sont négligeables devant les dimensions de la voile. L'épaisseur n'est pas une variable à optimiser, par contre l'épaisseur du mat lui est un facteur bien plus important d'où les mats profilés[76].
D'autre part, pour l'architecte naval, la forme de voile offrant une grande finesse est la voile triangulaire allongée (cf. graphique polaire d'un voile suivant les formes de voile), ceci explique pourquoi les bateaux modernes utilisent le gréement bermudien[Note 31].
La traînée pour une voile à trois origines :
- traînée induite (voir § Influence de l'allongement de la voile sur la portance). Comme le profil n'est pas de longueur infinie, au bord de la voile (bordure et corne), il faut égaliser la dépression de l'intrados et avec la surpression de l'extrados ; cet équilibrage dissipe de l'énergie que l'on retrouve sous la forme de la traînée induite.
- traînée de forme et de frottement, c'est la traînée des abaques des profils. Forme et frottement sont liés au choix du profil.
La théorie de la corde portante de Prandtl appliquée aux profils minces est une théorie moins complexe que la résolution des équations de Navier-Stokes mais explique bien les phénomènes. Elle démontre en première approximation que la traînée est égale à la traînée induite avec la trainée induite et donc où est l'allongement. Cette théorie est très proche de la réalité pour un profil mince à faible incidence[77], dans la réalité, il existe des termes secondaires moins importants, ces termes regroupent la traînée de forme, de frottement. Cette théorie démontre que le terme principal est égal, à un coefficient multiplicatif près, à l'allongement (effectif)[30]. Comme l'allongement est défini par l'architecte lors du choix du plan de voilure, il appartient à l'architecte d'améliorer au mieux l'allongement de la voile, ce qui confirme le choix de gréement bermudien. Le marin lui ne peut que jouer sur le choix du profil influant sur les termes secondaires et le coefficient de portance.
La Théorie des profils minces[78] est appliquée à un profil 3D. Les résultats 2D classiques (profil d'allongement infinie) de la Théorie des profils minces sont complétés. Le profil infini est tronqué et à chaque extrémité du profil tronqué est rajouté un vortex autrement dit une ligne portante est rajoutée sur toute la périphérie du profil.
La théorie donne alors pour la traînée[79] :
avec
- Cz : coefficient de portance du profil
- : pi ou 3,1416
- λ : allongement (sans dimension) avec b est la longueur du guindant, S la surface de la voile.
- e : coefficient d'Oswald
La théorie modélise uniquement la traînée induite les deux autres traînées forme et friction sont négligées[80]. Pour fixer les ordres de grandeur :
- Cz varie de 0 à 1,5 environ, une valeur de 1 est prise
- e est compris entre 0 et 1 pour une voile il est aux environs de 0,8
- l'allongement. pour un Edel 2 la grand-voile est de 10 m2 avec une bordure de 2,5 m soit
est pour un Edel 2 de 0,2.
Mais la voile a aussi son reflet dans la mer qu'il faut tenir compte. Si on néglige la distance entre la mer et la bordure de voile alors, la voile et son reflet a une surface double et un guidant de longueur double.
Donc est de 0,1.
Dans la réalité est situé entre ces deux valeurs. Cette valeur varie suivant l'état de la mer autrement dit suivant la qualité du miroir.
Pour compléter, le calcul du coefficient d'Oswald repose sur le calcul intégral. Il est peu abordé par la littérature car il est calculé de manière indirecte. Les formules ne sont pas toute écrites avec le coefficient d'Oswald, il existe aussi une autre notation, :
La Théorie des profils minces appliquée en 3 D donne les formules pour la traînée induite[81]. Il est à noter dans le cas d'une voile, la cambrure peut être forte (exemple un génois). Il faudrait reprendre les calculs en fonction de cette cambrure qui n'est plus négligeable. La mathématique démontre aussi que peut être calculé non pas via une série de Fourier mais via un calcul intégral[82].
La finesse est directement déduite de la formule de la traînée induite :
La théorie donne alors pour la portance[83] ,[84] :
avec
- λ : allongement (sans dimension) avec b est la longueur du guindant, S la surface de la voile.
- coefficient de portance calculé par la théorie avec un profil d'allongement infinie.
Dans le cas d'une voile les vitesses du vent sont très éloignées du Mach ; il s'ensuit que le facteur correctif du nombre de Mach est approximé à 1.
La théorie donne alors pour la portance d'un profil d'allongement infini :
avec
- angle d'incidence entre la corde de la voile et le vent apparent.
- en 3D ce coefficient est en fait légèrement diffèrent du calcul 2D.
d'où
L'architecte naval fixe e et . Le marin lui fixe et . Dans la littérature anglaise, les courbes portance en fonction de la traînée sont appelées drag polar.
Le marin n'a pas un choix total du facteur , autrement dit il ne peut pas choisir totalement la forme du profil. L'ensemble des profils possibles est limité. En effet, la voilerie fixe une coupe de la voile donc définit un ensemble de profils possibles que peut prendre la voile suivant les réglages de la voile. Pour illustrer, la voile est coupée pour donner un profil NACA0009, mais si la voile n'est pas bien tendue, la voile peut prendre les profils NACA0012 NACA0015 NACA0018 et intermédiaires ; la forme générale reste la même, les relations entre position du creux et cambrure, galbe/corde, etc. eux sont fixes. Le choix de la forme générale est du ressort de la voilerie (ou l'architecte naval).
Or une finesse élevée correspond dans la gamme des profils possibles de la voile à un creux au maximum sur l'avant (voile bien tendue)[85]. Du point de vue du marin pour le réglage, il cherchera à avancer le creux, mais cela ne veut pas dire qu'il pourra le positionner où il le veut. Le choix du profil par la voilerie aura peut être comme conséquence de positionner la finesse max quand le creux est à 30 % sur l'avant comme aussi bien à 50 % sur l'avant. Dans le premier cas, il aura la possibilité de positionner le creux entre 30 % et 100 % alors dans le deuxième cas le marin sera limité entre 50 % et 100 %.
Bien sûr, cette explication reste une bonne approche, les simplifications faites et les autres types de traînée forme et frottement ont un impact secondaire mais non négligeable pour la compétition[86]. La surface perpendiculaire au vent est un facteur important, plus la profondeur du creux (cambrure) est faible, plus la finesse est élevée comme le vrillage[87]. La voile plate est préférable à un ballon au près. Cela implique que la forme générale d'une voile bien réglée est une voile tendue au près. Mais la voile ne doit pas être pas trop tendue car elle serait trop plate, la portance alors diminue[88].
Ces calculs sont des approximations de la réalité, ils sont encore relativement simples, ils évitent les calculs 3D extrêmement lourds (voir Cas de plusieurs voiles : résolution multidimensionnelle du problème). Ils restent pratiques pour dimensionner un gréement ou pour modéliser un gréement en vue de l'étude du comportement à la mer du voilier en entier.
(...)Une finesse plus élevée signifie moins de traînée, donc moins de gîte pour le même effort de poussée. La finesse maximale sera donc privilégiée. Donc parmi les profils restants qui donnent un maximum de portance, le navigateur sélectionne parmi ces profils le profil ayant une finesse maximale (creux vers l'avant de la voile). Maintenant, le profil de voile est défini, il reste à trouver le point de la polaire de ce profil donnant le maximum de poussée au navire, c'est-à-dire le choix de l'angle d'incidence du profil.
Sur une voile triangulaire, la zone de forte portance (0,9 à 1,5) comporte deux points caractéristiques :
- la finesse maximale (de 0 à 5° d'incidence c'est-à-dire la zone droite) ;
- la portance maximale (l'incidence de 15° du graphique).
Comme la traînée ralentit le navire, il faut que la partie de la portance qui fait avancer le voilier soit supérieure à la contribution de la traînée qui ralentit le navire :
or
d'où
avec :
- angle d'incidence entre la corde de la voile et le vent apparent,
- angle entre le vent apparent et la route fond du navire (route réelle du navire donc incluant sa dérive). Cela signifie qu'il ne faut pas dépasser le point de la polaire où la tangente à ce point est inférieure à l'angle . D'où entre la finesse maximale notée pt1 (fin de la zone droite) et une finesse de notée pt2.
L'évolution de la poussée qui fait avancer le navire évolue comme suit :
- de 0° d'incidence au pt1, la poussée croit linéairement ainsi que la gîte.
- de pt1 à l'optimum, la poussée croit toujours mais la polaire s'aplatit, ce qui veut dire que la traînée ralentit plus vite le navire que la portance en rajoute. Mais globalement aussi la gîte augmentant, la voile a un vent apparent plus faible. Le haut de la voile n'est plus dans les vents rapides d'altitude.
- de l'optimum au point pt2, la poussée décroit jusqu'à devenir nulle, le bateau se redresse.
Le réglage d'incidence optimale est entre pt1 et pt2. Le point optimal dépend donc de deux facteurs :
- l'évolution de la finesse ;
- l'évolution de la gîte.
Le navigateur devra trouver le compromis entre ces deux facteurs entre pt1 et pt2. Le point de fonctionnement optimum se trouve ainsi proche du pt1 au près serré, où le facteur gîte est prépondérant. Comme il est plus difficile de faire gîter au grand largue, l'optimum sera plus proche de pt2.
Attention, la finesse est déterminée grâce aux polaires de la voile. Les polaires sont déterminées indépendamment de la vitesse du vent apparent ; or la gîte intervient sur le paramètre vitesse (vent dans la voile), par conséquent la finesse des polaires de la voile ne dépend pas de la gîte.
La position du creux reste le facteur prépondérant, dans la recherche de cette optimum. Tout le savoir faire du marin de régate est d'avancer au maximum le creux. Un réglage de "trop" et la voile décroche, la chute de portance est alors très importante. Donc le marin est toujours à la limite du décrochage, le réglage de la voile est donc très fin, d'où le terme de finesse. À ce point particulier optimal de la meilleure polaire de la voile, il est dit que la voile travaille en "finesse". À cet optimum, les penons de chute sont horizontaux et parallèles à la surface de la voile[89],[90],[91].
Le but recherché des réglages du bateau est d'avoir la force propulsive (Fp) la plus importante. Un moyen simple serait de faire des voiles gigantesques mais le bateau a ses limites, il va chavirer, notons Fc la force de chavirage. La littérature définit alors la finesse de la voilure (ensemble des voiles) comme le rapport Fp/Fc.
Au près, là où la portance agit, la finesse est fonction de la hauteur de la voilure, de la coupe des voiles et de leur tissu, mais aussi et surtout du bon réglage des voiles. Au près, il est constaté des variations de la finesse de 100 % d'un couple voiles-équipage à un autre. En course, les bateaux étant souvent proches en performance (rôle des jauges) le facteur prépondérant sur la vitesse du navire est l'équipage. La finesse n'est pas une notion secondaire[92],[93],[94].
Un voilier dérive, cette dérive crée une portance de la forme immergée ; cette portance ou effort sert à contrer l'effort perpendiculaire de la poussée vélique. Donc autrement dit, minimiser la gîte revient aussi à minimiser la dérive du navire. Minimiser la dérive, c'est mieux remonter au vent. Par homophonie, la finesse d'un voilier est son aptitude à remonter au vent.
Bien que proche, la notion de finesse, existe donc sous plusieurs formes :
- travail en finesse de la voile, ou réglage optimale du marin de la voile au près,
- finesse de la voilure, ou rapport Fp/Fc,
- finesse d'un voilier, ou capacité du bateau à remonter au vent,
- finesse de la voile, ou pente de la polaire.
Puissance[modifier | modifier le code]
Au portant, l'effort vélique tend de plus en plus à faire tanguer (basculer vers l'avant) le voilier. Pour une même assiette (inclinaison) (carène non sphérique bien sûr), l'effort vélique à appliquer est bien plus important suivant l'axe de tangage que de l'axe de gîte. Il en résulte que Fc et bien plus important au portant.
Le vent apparent forme un angle avec l'axe du navire et la corde de la voile ne correspond pas à l'axe du navire. Concrètement au portant cela signifie que :
- une grande partie de la traînée de la voile participe à l'avancement du navire
- l'autre partie de la traînée de la voile participe à la gîte du navire
- une grande partie de la portance de la voile participe à ralentir le navire,
- l'autre partie de la portance de la voile participe à la gîte du navire[72].
Donc en fonction de l'allure (angle du vent apparent par rapport à l'axe du navire) le réglage optimum ne situe pas au même endroit et c'est la traînée de la voile qui fait avancer le navire. Le navigateur sélectionne donc parmi les profils possibles que peut prendre la voile, les profils offrant un maximum de traînée.
L'assiette (ou gîte) n'est plus vraiment un gros problème diminuant drastiquement la vitesse du voilier. La finesse n'est plus un facteur sélectif du bon profil à appliquer. Le facteur prépondérant est donc de chercher le profil de voile donnant le maximum de poussée (ici au portant la traînée). Dans le cas où il est recherché un maximum de poussée sans se soucier de la finesse, on dit que la voile travaille en "puissance".
Maximiser la puissance ou maximiser l'effort propulsif est équivalent.
La puissance d'un voilier (et non plus la puissance au sens physique) est définie comme son moment de redressement[95],[96].
Mais l'optimisation de la puissance au sens moment de redressement revient à maximiser la puissance au sens physique du voilier, donc augmenter finalement la vitesse maximale possible du voilier.
La puissance physique
La puissance en physique est définie comme
ou dans notre cas, le calcul est le calcul de la puissance de la voile :
(en N) est l'effort sur la voile ou poussée vélique
(en m/s), vitesse du navire par rapport au fond noté .
est la puissance instantanée (en W)
A vitesse constante du voilier, les efforts contribuant à son avancement sont exactement équilibrés par les efforts de carène :
- ;
d'où
Les efforts sont projetés sur l'axe vitesse :
La carène se comporte comme un profil immergé. La portance est perpendiculaire à l'avancement du navire, donc elle n'intervient pas. La résistance à l'avancement est due à la traînée de la carène. Pour ne pas compliquer, la route vraie ou route fond est égale à la route surface, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de courant.
avec C coefficient de trainée de la carène.
Les facteurs suivants dépendent peu de la vitesse du navire :
d'où
d'où
Donc optimiser la puissance revient à optimiser l'effort propulsif.
or la poussée (ou effort propulsif) contribuant à la vitesse est :
- avec
avec :
- angle d'incidence entre la corde de la voile et le vent apparent,
- angle entre le vent apparent et la route fond du navire (route réelle du navire donc incluant sa dérive).
d'où la formule complète est :
Le marin pour faire varier la puissance par uniquement trois facteurs de réglage :
- la finesse
- l'incidence
- mais aussi la portance.
Cela signifie que dans certains cas il faut aussi prendre en compte la portance pour optimiser la vitesse du voilier.
La portance a pour équation avec C le coefficient de portance, S la surface de la voile, et V la vitesse du vent apparent. La vitesse n'étant pas identique le long du guindant, il faut prendre une moyenne pondérée (à déterminer via des essais). L'effort portance dépend de plusieurs paramètres dont principalement la vitesse (moyenne sur toute la voile) du vent apparent, vitesse moyenne qui dépend fortement de la gîte du navire.
La puissance d'un voilier
La puissance physique ne peut augmenter indéfiniment, il arrive un moment où l'effort est tel que la gîte (ou tangage) est trop importante, le bateau va chavirer. La puissance est donc limitée par la capacité du bateau à résister à la gîte (ou tangage), autrement dit son moment de redressement.
Le monde maritime préfère donc définir la puissance comme suit : la puissance d'un voilier est son moment de redressement[95]. Cette notion est légèrement différente de la notion de puissance utilisée par les physiciens.
Ce qui empêche le voilier de chavirer, c'est le moment des moyens de contre gîte (ballast, carène, quille...). Ce moment équilibre exactement le moment généré par l'effort du vent dans les voiles lorsque le navire est à vitesse constante. Cette simplification (vitesse constante) évitera de partir dans des raffinements de formule trop complexe.
avec
- G centre de gravité du voilier
- moment de redressement du voilier, ce moment inclus les effets des ballasts de la quille de la carène, etc.
Ces moments sont décomposables suivant les axes du navire : gîte, tangage, lacet. Chaque axe a sa limite (Fc faible à la gîte élevée au portant), soit :
- Moment maximum à la gîte
- Moment maximum au tangage ;
Bien sûr, il n'est pas possible de chavirer suivant l'axe de lacet.
L'axe de tangage n'aura pas le même moment de redressement que l'axe de gîte. Par nature même d'une forme de carène, une carène est faite pour offrir le moins de résistance de déplacement, la limite suivant l'axe de tangage est considérablement plus importante que suivant la gîte :
Pour fixer les ordres de grandeur sur un monocoque, , bien sur cette valeur est plus faible pour un multicoque.
Un voilier est généralement composé de plusieurs voiles, pour ne pas alourdir le propos, le jeu de voiles sera ramené en une seule voile équivalente. Cette voile aura sa propre polaire de voile. Les résultats trouvés pour cette voile équivalente sont applicables à chacune des voiles; comme les voiles s'influencent mutuellement, le bon réglage sera légèrement diffèrent du réglage voile équivalente. Cette différence est déterminable via des logiciels de calcul ou l'expérience du marin sur son voilier (voir Cas de plusieurs voiles : résolution multidimensionnelle du problème).
L'effort dans les voiles change de direction et d'intensité suivant l'allure, la limite admissible par le voilier au portant est diffèrent du près ou du vent arrière. L'effort vélique se décompose en portance et traînée. Il sera noté le bras de levier du tangage et le bras de levier de la gite de l'effort vélique par rapport au centre de gravité.
d'où
Ces moments peuvent aussi être exclusivement exprimés suivant les moyens de contre gite. Une analyse suivant les moyens de contre gîte sort du cadre de cet article. Néanmoins le calcul suivant la carène est fort complexe, mais les résultats de calcul montre que et évolue respectivement suivant l'angle de gîte et de tangage. La valeur des moments crois assez linéairement pour passer par un maximum puis elle diminue. L'approche généralement choisie est l'approche métacentrique :
avec
- angle de gîte ou de tangage
- distance du centre de gravité au métacentre
- constante, différente suivant gîte ou tangage[98],[99].
Dans la littérature, le moment calculé suivant l'approche voile est appelé en anglais heeling moment; l'approche via la carène est appelée en anglais righting moment.
La littérature utilise souvent une équation simplifiée pour calculer le heeling moment ou vue des voiles.
et la portance et la traînée sont de la forme :
La vitesse du vent n'est pas constante suivant l'altitude, la vitesse dépend de la gîte (ou assiette). Différentes formules simplifiées sont employées :
Plus la gîte est importante plus le voilier se rapproche de ses limites de sécurité, la gîte n'est donc pas souhaitable. De même d'un point de vue effort la gîte n'est pas souhaitable car elle diminue les efforts donc les performances du navire. Les deux phénomènes vitesse et sécurité agissent dans le même sens. La prise en compte de l'effet vitesse du vent dans la suite de l'explication n'apporte rien, elle accentuerait les résultats trouvés sans apporter d'élément nouveau. Dans la suite de l'explication les angles (gîte, tangage) seront considérés comme faible donc négligé.
De ces courbes, il est déterminé et . Ces points sont des maximums, il suffit d'une risée, d'une sur-vente et la limite est dépassée, donc le navire est en situation de danger. De plus les angles sont trop élevés et la voile ne profite pas des vents rapides d'altitude. Pour ces raisons, il est choisi dans la zone linéaire une limite plus faible donc des angles plus faibles que nous appellerons gîte optimum et tangage optimum.
La force vélique se décompose en traînée et portance, au portant la portance ralentit le navire au près inversement c'est la traînée qui ralentit le navire. Donc au portant la portance est minimisée, au près c'est la traînée qui est minimisée. Par corollaire, la portance au portant est plus faible que la traînée, inversement au près. La transition entre ces deux comportements se situe avant vent de travers, le mode de réglage bascule alors de recherche de traînée maximale à portance maximale. La transition correspond aussi à un écoulement sur la voile de turbulent (recherche de trainée) à laminaire (recherche de portance).
Pour fixer les ordres de grandeur, le voilier est considéré à faible gîte (autrement dit une approche métacentrique), si le voilier est bien conçu alors il est ni mou ni ardent donc le centre vélique est approximativement au-dessus du centre de gravité sur la même vertical :
De plus est reste peu variant en première approximation :
- le centre vélique est proche du centre géométrique des voiles
- le cas le plus courant est le voilier sans ballast de plus d'une tonne, donc la majeure partie des poids est fixe, le centre de gravité bouge peu.
Vent arrière
Au portant, une remarque primordiale est à faire, le bord d'attaque est la chute et le bord de fuite c'est le guindant. La situation est inversée par rapport au près. Au portant le profil de voile fonctionne en marche arrière. Comme au portant, la traînée fait avancer le navire, et la portance le ralenti. Il faut donc une traînée maximale, c'est-à-dire une voile qui barre la route au vent et donc une voile à forte incidence. Cela induit un mode d'écoulement du vent sur la voile turbulent.
Considérons le cas simple de vent arrière d'où
Or en vent arrière la voile travaille exclusivement en traînée, la portance est nulle donc :
La gîte n'est pas un problème, le risque est un risque d'enfournement[103]. En vent arrière, le voilier ne peut aller plus vite que le vent. Ainsi, plus le voilier se rapproche de la vitesse du vent réel, plus le vent apparent est faible et donc plus la poussée vélique est faible. Il faut donc hisser un maximum de surface de voile pour faire avancer le voilier aussi proche que possible de la vitesse du vent réel.
Il faut modérer le dernier propos. Dès que le vent n'est plus exactement vent arrière, l'effet vent apparent apparaît. Le vent apparent augmente, donc l'effort vélique aussi; si les voiles hissées étaient calculées pour une limite d'enfournement en vent arrière, cette limite est dépassée. La voilure hissée doit être plus réduite. À ces allures l'effet vent apparent augmentant reste modéré, le voilier est donc toujours à une vitesse inférieure à la vitesse du vent réel. Les limites de vitesse de carène sont donc atteintes par grand vent (de brise, à tempête), or dans des conditions pareilles, le marin raisonnable n'est plus dans une recherche de vitesse mais dans une recherche de sécurité maximale du navire. Il réduit donc fortement la voilure.
Donc dans la réalité, il est hissé une grande surface de voile sans être à la limite de sécurité. La perte de vitesse par rapport au cas surface maximum sera très minime, car en vent arrière le bateau ne peut pas aller plus vite que le vent.
De vent arrière à grand largue
La portance ralentit le navire donc il faut la minimiser. Attention le profil est inversé. La polaire de la voile donnant la traînée maximum et la portance la plus faible est pour une incidence de 90°[104]. Il faut donc maintenir l'incidence perpendiculaire au lit du vent apparent. Dans ce cas la portance reste nulle donc les contraintes sont :
D'autre part la portance n'est plus parallèle à la route du voilier. Une partie perpendiculaire apparaît qui engendre de la gîte.
Le voiler profite de l'effet vent apparent, le bateau accélère. Comme une gîte apparaît, le voilier compense la gîte grâce à la dérive. La dérive augmente les efforts résistants de la carène. De vent arrière à grand largue, le bateau est de plus en plus rapide,en profitant de l'effet vent apparent en augmentation. Puis à l'approche du largue, la résistance de la carène prend le dessus, le bateau ralentit un peu[105].
Comme , ici .
Il existe un point de basculement où la contrainte dimensionnement passe de la contrainte de tangage à la contrainte de gîte :
soit
- °
L'angle est proche de vent arrière. Pour un ratio faible de ,Il est encore de 165°.
Donc la contrainte est :
Au largue, la zone de transition
Au largue, si le voilier garde le même profil de traînée qu'au grand largue, voile bien réglée la portance est nulle. L'effort propulsif suit la formule :
Donc plus le voilier se rapproche du travers plus la poussée diminue, jusqu'à devenir nulle. Il arrive donc une allure, au largue ou il est préférable de passer au mode portance du travers.
De même de façon inverse, si le voilier garde le même profil portant qu'au travers, tant que l'incidence n'est pas trop proche de zéro, la voile garde son profil, et propulse le bateau en mode portance. Par contre plus l'allure se rapproche de grand largue, plus l'incidence diminue, plus l'effort propulsif diminue. Il arrive donc une allure, au largue ou il est préférable de passer au mode traînée c'est-à-dire positionner la voile pour couper la trajectoire d'un maximum de vent comme fait au grand largue. Ce point particulier de basculement diffère suivant les voiliers et les jeux de voile disponibles. Par exemple un multicoque a des moyens de contre gîte bien plus performant qu'un monocoque, le point de basculement sera donc différent.
Au travers
Proche du travers, la portance s'inverse, elle contribue à l'avancement du navire, et la traînée ralentit le bateau. L'effort propulsif suit la formule :
comme l'angle n'est pas parfaitement à le cas idéal serait donc de trouver un point de la polaire de la voile avec une traînée nulle et une portance maximale. Malheureusement contrairement au portant ou la traînée maximale correspond à une portance nulle, la Théorie des profils minces démontre que dès qu'il y a portance il existe une traînée. Le choix de la bonne incidence de la voile va dépendre de la finesse de la voile (voir finesse). Par nature pour une voile travaillant en portance .
Les contraintes sont :
Comme , la contrainte est :
- au travers si la voile travail en portance
Au travers, il faut la portance la plus élevée possible donc le choix du profil se tourne vers une voile la plus creuse possible[106]. Mais plus la voile est creuse plus l'écoulement se rapproche d'un écoulement turbulent. Il faut trouver la limite car dans un écoulement turbulent la portance s'effondre.
Le profil étant sélectionné, il faut trouver la bonne incidence. La bonne incidence sera au point de le polaire avec le plus de portance (une incidence de 20° environ, qui varie suivant les voiles).
La gîte ne pose pas encore de problème car la composante gîte ne contient que la traînée, qui dans ce mode par nature assez faible. La traînée n'est pas la plus faible possible car, il a été choisi le profil avec un maximum de portance donc très creux donc générant beaucoup de traînée pour un profil travaillant en portance).
Comme l'incidence optimum est de 20°, il est possible de régler la voile en mode portance pour des allures correspondant inférieur à . La limite est , à cette allure l'incidence est nulle, l'effort propulsif devient nulle, la voile n'est plus gonflée par le vent.
Il n'est pas rare de voir au travers une voile réglée en traînée. Cette situation comme le démontrent les formules donne une forte gîte, la voile est mal réglée. L'effort propulsif est assuré par la traînée , comme est proche de zéro, l'effort propulsif reste faible. Par contre le reste la quasi-totalité de la traînée fait gîter le voilier.
De petit largue au bon plein
Au allure du près, la voile travaille en portance pour pouvoir remonter au vent. Par contre la gîte devient de plus en plus importante, il faut donc limiter la gîte en améliorant la finesse de la voile (voir paragraphe finesse de cette page de Wikipédia). Il faut une voile avec de moins en moins de creux.
Les contraintes sont :
Comme , ici .
Il existe un point de basculement où la contrainte dimensionnement passe de la contrainte de tangage à la contrainte de gîte :
soit
avec
- la fonction réciproque de la tangente .
- en radian
Or , dans la pratique donc .
Le point de basculement est proche du travers, même avec un ratio faible de . Donc rapidement après le travers, la voile réglée à la plus grande portance (donc très creuse) créera une gîte excessive. Le réglage change, la voile sera progressivement réglée pour obtenir la finesse la plus élevée possible (voile de plus en plus plate).
La contrainte est :
Près serré
Les formules sont identiques à précédemment. Par contre la position sur la polaire de la voile change, l'incidence diminue. En effet, l'angle avec le lit du vent devient de plus en plus faible, jusqu'à devenir si faible que c'est la voile qui n'est plus gonflée donc sans profil, la voile flotte au vent.
Analyse des résultats
Les contraintes suivant les allures sont :
- en vent arrière
- au travers
et
- au grand largue et une partie du largue
- au près.
Donc à chaque allure va correspondre une limite différente.
Or
- au grand largue et une partie du largue
- en vent arrière
- au travers
- au près et une partie du largue.
donc :
- au grand largue et une partie du largue
- au travers
- en vent arrière
-