Alain Christnacht

Alain Christnacht, né le à Bois-Colombes (Hauts-de-Seine), est un haut fonctionnaire français passé par la DGSE. Il est un des artisans, dans l'ombre, des accords de Matignon puis devient Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie jusqu'en 1994. Il effectue ensuite un passage en préfectorale et en cabinet ministériel, puis est nommé président de la neuvième sous-section de la Section du Contentieux du Conseil d'État et membre de l'Observatoire de la laïcité. En , il devient le directeur de cabinet de Christiane Taubira au ministère de la justice. En , il est nommé président de la Commission nationale d’expertise sur la pédophilie de l’Église catholique de France[1].

Biographie[modifier | modifier le code]

Né à Bois-Colombes, fils d'un chauffeur de taxi[2], Alain Christnacht sort diplômé en 1967 de l'Institut d'études politiques (IEP) de Paris (« Sciences Po »), puis obtient une maîtrise de sciences économiques de la faculté de droit et de sciences économiques d'Assas. Il entre ensuite à l'École nationale d'administration (ENA), membre de la promotion « François Rabelais » (1971-1973)[3]. Il a également suivi la formation de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN).

Ascension dans l'administration[modifier | modifier le code]

Il commence sa carrière comme directeur de cabinet : d' à auprès de René Jannin, successivement préfet des Côtes-du-Nord (jusqu'en ) puis de l'Isère (à partir de ), puis, de à , aux côtés de celui des Hauts-de-Seine, Claude Charbonniaud[3]. Après deux ans passé comme administrateur civil à la direction générale du Trésor du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, il connaît sa première expérience en Nouvelle-Calédonie en tant que secrétaire général de ce Territoire d'outre-mer (TOM) de à , où il seconde à nouveau Claude Charbonniaud, alors Haut-commissaire (jusqu'en ), puis son remplaçant Christian Nucci[3].

De retour à Paris, il est chargé de la sous-direction des Affaires politiques du ministère de l'Outre-Mer de à , il est par la suite chef du service des Finances de la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE)[4], les services de renseignements français, au ministère de la Défense de à . Il retrouve ensuite l'administration préfectorale, et est ainsi secrétaire général pour les affaires régionales de la préfecture de la région Midi-Pyrénées à Toulouse de 1986 à 1988, aux côtés du commissaire de la République (titre des préfets de 1982 à 1988) Christian Dablanc[3].

Accords de Matignon-Oudinot et de Nouméa[modifier | modifier le code]

De à , Alain Christnacht est le directeur de cabinet de Louis Le Pensec, ministre des Départements et Territoires d'Outre-mer dans le second gouvernement de Michel Rocard. À ce titre, il joue un rôle actif dans la préparation de l'accord d'Oudinot signé au ministère par partisans et opposants à l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie le pour préciser les aspects institutionnels du nouveau statut prévu par celui de Matignon passé le 26 juin précédent entre le Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR) du député Jacques Lafleur et le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) de Jean-Marie Tjibaou. L'un des partenaires historiques de ces accords, Jacques Lafleur, le décrit comme l'un des principaux artisans, avec un autre haut fonctionnaire, Pierre Steinmetz, de l'engagement du dialogue et de sa « poignée de main » avec Tjibaou, acte qui mit fin à quatre années d'affrontements violents et déboucha sur les compromis de Matignon-Oudinot. Il est ensuite Haut-commissaire de la République (le « Haussaire » selon l'expression locale) en Nouvelle-Calédonie, délégué du gouvernement pour ce territoire et Wallis-et-Futuna, avec rang de préfet, du au , et chargé de veiller tout particulièrement à l'application de ces accords[5].

Après avoir été préfet des Côtes-d'Armor du au , il est à cette date nommé par Lionel Jospin, nouveau Premier ministre, dans son cabinet en tant que conseiller pour les affaires intérieures et l'outre-mer[5],[6]. À ce poste, il coordonne les nouvelles négociations menées entre le RPCR du député et président de la Province Sud Jacques Lafleur et le FLNKS du grand-chef de Saint-Louis Rock Wamytan, aboutissant à la signature le de l'accord de Nouméa qui repousse la consultation d'autodétermination à 16 ou 20 ans (trois votes possibles entre 2014 et 2018) et donne entretemps à la Nouvelle-Calédonie un nouveau statut transitoire de très large autonomie et de souveraineté partagée dans certains domaines, prévoyant à terme le transfert de toutes compétences en dehors de celles dites régaliennes ainsi que la constitution d'une citoyenneté néo-calédonienne basée sur les principes de « double légitimité » et de « destin commun » à partager entre les communautés.

Il se retrouve également en première ligne[4], et chargé de préparer une solution consensuelle pour une autre collectivité de la République, la Corse[5]. Celle-ci connaît alors son lot de troubles (assassinat du préfet Claude Érignac le , affaire de l'incendie des paillotes à Ajaccio le et l'arrestation du nouveau préfet Bernard Bonnet). Alain Christnacht a ainsi engagé le « processus de Matignon » qui va s'interrompre avec le changement de majorité en 2002 et la victoire du « non » au référendum local de 2003. Il a décrit les coulisses de ces deux négociations, pour la Nouvelle-Calédonie et pour la Corse, dans les livres L’Œil de Matignon : les affaires corses de Lionel Jospin, paru aux éditions du Seuil en 2003[5], et La Nouvelle-Calédonie (en expliquant l'aspect original du processus de l'accord de Nouméa en le replaçant dans le contexte particulier de cet archipel du Pacifique), édité par La Documentation française en 2004[7].

Conseiller d'État et collaborateur de Bertrand Delanoë[modifier | modifier le code]

Après le retour de la droite au pouvoir et le retrait de Lionel Jospin de la politique en 2002, Alain Christnacht est nommé conseiller d'État par décret du [8]. À ce titre, il a été assesseur à la 8e sous-section du contentieux, juge des référés et rapporteur à la section des finances. Il devient dans le même temps conseiller (à temps partiel) chargé des relations avec les Églises du maire de Paris Bertrand Delanoë[9] - fonctions qu'il abandonne en 2011[10]. Il est membre depuis sa création en 2008 du laboratoire d'idées de gauche progressiste Terra Nova, coprésidé par Michel Rocard, Bertrand Delanoë et Daniel Cohn-Bendit. Le , il est nommé président de la 8e sous-section du contentieux. Du au , il est le président de la 9e sous-section du contentieux, fonctions qu'il quitte, ainsi que le Conseil d'Etat[11], pour devenir directeur de cabinet du garde des sceaux, Christiane Taubira[12].

Fédération française de football[modifier | modifier le code]

À l'été 2011, peu après l'arrivée à la tête de la Fédération française de football de Noël Le Graët, Alain Christnacht est recruté en tant que Directeur général de la Fédération pour « ses compétences en droit et en fiscalité ». Il prend ses fonctions le [10] mais les quitte après l'Euro 2012 pour retourner au Conseil d'État[13]. Un communiqué de la Fédération indique que cette décision intervient « à la demande du Conseil d'État, qui connaît des problèmes d'effectifs à la suite des départs en cabinets ministériels consécutifs à l'élection présidentielle »[14].

Autres[modifier | modifier le code]

Il succède à ce poste le à M. Christian Vigouroux, qui présidait ce groupe de travail depuis sa création en 2006.

Le , Alain Christnacht est élu président du conseil d'administration de l'Institut d'études politiques de Grenoble, fonction à laquelle il était le seul candidat[15].

Le , Alain Christnacht, catholique pratiquant et membre du conseil d'administration des Scouts et Guides de France a été nommé membre de l'Observatoire de la laïcité[16] par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Cette instance est présidée par Jean-Louis Bianco.

Depuis , Alain Christnacht est élu président du groupe d'associations UCPA, entreprise solidaire d'utilité sociale organisant des séjours sportifs pour les jeunes ainsi que la conception-exploitation d'équipements sportifs pour les collectivités locales[17].

En , à la suite de multiples scandales de pédophilie visant l’église catholique de France, il est nommé[18] président de la Commission nationale d’expertise sur la pédophilie annoncée quelques jours plus tôt.

Alain Christnacht est nommé président du comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires le [19]

Le 7 février 2020, Alain Christnacht a été désigné président du Samu social de Paris[20]

Mission en Nouvelle-Calédonie[modifier | modifier le code]

Le , dans un entretien accordé au quotidien Les Nouvelles calédoniennes, le Premier ministre Manuel Valls annonce avoir confié à Alain Christnacht et à un autre conseiller d'État membre du PS et spécialiste des questions ultramarines, Jean-François Merle, « une mission d’écoute, d’analyse et de conseil ». Elle doit incarner le « rôle de partenaire » joué par l'État dans le cadre des discussions sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, alors que vient de s'ouvrir la dernière mandature prévue par le statut de l'accord de Nouméa, durant laquelle doivent s'organiser les consultations d'autodétermination[21]. Cette mission est rejointe en par deux autres hauts-fonctionnaires, pour leur part plutôt proches de l'UMP, à savoir l'ancien haut-commissaire et directeur de cabinet de Christian Estrosi, Yves Dassonville, et l'ancien conseiller Outre-mer de Nicolas Sarkozy, Benoît Lombrière.

Directeur de cabinet de Christiane Taubira au ministère de la Justice[modifier | modifier le code]

Un décret paru le lui assigne une nouvelle fonction, directeur de cabinet de Christiane Taubira, au Ministère de la Justice[22]. Il devient ainsi le quatrième directeur de cabinet de Christiane Taubira en trois ans, après Christian Vigouroux, Christine Maugüé et Gilles Le Chatelier, dans un ministère sensible, avec en horizon les tensions politiques à venir avec la préparation des élections présidentielles de 2017[5]. Il cesse toutefois d'exercer ces fonctions le , quelques jours après le remplacement de Christiane Taubira par Jean-Jacques Urvoas[23],[24].

Distinctions[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Alain Christnacht nommé Président de la Commission nationale d’expertise sur la pédophilie
  2. Rivais 1999, Le Monde.
  3. a b c et d LM 1990, Le Monde.
  4. a et b Chemin 2000, Le Monde.
  5. a b c d et e Valdiguié 2015, Le Journal du dimanche.
  6. Arrêté du 9 juin 1997 relatif à la composition du cabinet du Premier ministre, JORF n°133 du 10 juin 1997, weka.fr
  7. Alain Christnacht, La Nouvelle-Calédonie, éd. La Documentation française, coll. « Études de la DF - Économie », 2004, site de la Documentation française
  8. Décret du 27 avril 2002 portant nomination d'un conseiller d'État en service ordinaire (tour extérieur), site admi.net
  9. Présentation du cabinet du maire, site de la ville de Paris
  10. a et b Foot Hebdo n°73
  11. « Legifrance - Le service public de l'accès au droit | Legifrance », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
  12. Arrêté du 22 juin 2015 portant nomination au cabinet de la garde des sceaux, ministre de la justice (lire en ligne)
  13. Arrêté du 11 juillet 2012 portant réintégration d'un conseiller d'État
  14. Alain Christnacht quitte son poste à la FFF. Site foot123.fr
  15. Monsieur Alain Christnacht, Président du Conseil d’administration de Sciences Po Grenoble. Site Sciences Po Grenoble
  16. L'arrêté de nominations des membres de l'observatoire de la laïcité, du 5 avril 2013, est consultable sur le site Internet de l'observatoire de la laïcité (accessible sur le site Internet de l'observatoire de la laïcité : www.laicite.gouv.fr).
  17. « Alain Christnacht élu à la présidence de l’UCPA », sur tourhebdo.com,
  18. « Alain Christnacht nommé Président de la Commission nationale d’expertise sur la pédophilie », sur eglise.catholique.fr,
  19. Décret du 3 février 2017 portant nomination du président du comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires - M. CHRISTNACHT (Alain) (lire en ligne)
  20. « Alain Christnacht, président du Samusocial de Paris : « Nous avons surtout besoin de vrais logements » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  21. Propos de Manuel Valls recueillis par Patrick Blain, « "Je fais une priorité de la Nouvelle-Calédonie" », Les Nouvelles calédoniennes, 17/07/2014
  22. AFP 2015, Les Échos.
  23. Arrêté du 28 janvier 2016 portant nomination au cabinet du garde des sceaux, ministre de la justice (lire en ligne)
  24. Arrêté du 5 février 2016 portant nomination au cabinet du garde des sceaux, ministre de la justice - Article 1 (lire en ligne)
  25. Décret du 14 avril 2017 portant promotion et nomination

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Webographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]