Accords Pétain-Churchill

Les accords Pétain-Churchill, également connus sous le nom d'accords secrets franco-britanniques d'octobre 1940, sont des pourparlers diplomatiques supposés entre Philippe Pétain, chef de l'État français sous le régime de Vichy, et le Premier ministre britannique Winston Churchill, rapportés par le philosophe et diplomate français Louis Rougier. Ces accords, dont l'existence est controversée et débattue par les historiens, auraient eu lieu en octobre 1940 et auraient porté sur la coopération entre la France de Vichy et le Royaume-Uni dans la lutte contre l'Allemagne nazie et l'Axe, malgré la signature de l'armistice franco-allemand et l'établissement du régime de Vichy en juin 1940.

Contexte historique[modifier | modifier le code]

Le contexte historique des Accords Pétain-Churchill présumés se situe en 1940, durant la Seconde Guerre mondiale, une période marquée par des bouleversements politiques et militaires majeurs en Europe. La défaite française face à l'Allemagne nazie et l'établissement du régime de Vichy ont créé une situation complexe pour les relations franco-britanniques et la lutte contre l'Axe.

La défaite française en juin 1940 et l'établissement du régime de Vichy[modifier | modifier le code]

Après l'invasion allemande de la France en mai 1940, la débâcle militaire française a été rapide et désastreuse. Le 22 juin 1940, la France signait un armistice avec l'Allemagne nazie, mettant fin aux hostilités entre les deux pays. L'armistice a divisé la France en deux zones : la zone occupée, sous le contrôle direct de l'Allemagne, et la zone libre, administrée par le régime de Vichy dirigé par le Maréchal Philippe Pétain. Le gouvernement de Vichy a adopté une politique de collaboration avec l'Allemagne, tout en maintenant une certaine autonomie et en essayant de préserver les intérêts nationaux français[1].

La position du Royaume-Uni et la formation du gouvernement de Churchill[modifier | modifier le code]

Pendant ce temps, le Royaume-Uni était le seul pays allié encore en lutte contre l'Allemagne nazie et ses partenaires de l'Axe en Europe. Winston Churchill, devenu Premier ministre en mai 1940, a adopté une politique de résistance acharnée contre l'Allemagne et a cherché à maintenir et renforcer la coalition des Alliés. Après la défaite française et la signature de l'armistice, les relations entre la France de Vichy et le Royaume-Uni se sont détériorées, notamment en raison de l'attaque britannique sur la flotte française à Mers-el-Kébir[2] en juillet 1940. Malgré cela, Churchill aurait cherché à établir des liens discrets avec des éléments du régime de Vichy prêts à coopérer avec les Alliés contre l'Allemagne nazie[3].

C'est dans ce contexte troublé et incertain que Louis Rougier a affirmé l'existence d'accords secrets entre Pétain et Churchill visant à coordonner la lutte contre l'Axe. Ces accords auraient été conclus en dépit des tensions officielles entre les deux pays et de la politique de collaboration adoptée par le régime de Vichy envers l'Allemagne[4].

Les allégations de Louis Rougier[modifier | modifier le code]

Les allégations de Louis Rougier concernant les Accords Pétain-Churchill émanent de sa position en tant que philosophe et diplomate français. Rougier était un personnage influent de l'époque, ayant été chargé de missions officieuses pour le compte du gouvernement français. C'est dans ce contexte qu'il a avancé des affirmations sur des accords secrets entre Philippe Pétain et Winston Churchill.

Le rôle de Louis Rougier et sa carrière diplomatique[modifier | modifier le code]

Louis Rougier est un philosophe français, proche du positivisme logique, spécialiste notamment de philosophie des sciences. En marge de son œuvre, il a également eu une action diplomatique pendant la Seconde Guerre mondiale. Durant cette période, il a été envoyé en mission officieuse auprès du gouvernement britannique par le gouvernement français, notamment comme chargé de mission par le ministre français des Affaires étrangères Paul Baudouin[4]. Il déclare avoir eu l'agrément de Weygand puis de Pétain pour tenter de desserrer le blocus alimentaire anglais[5].

Les détails des Accords Pétain-Churchill selon Rougier[modifier | modifier le code]

Selon les allégations de Rougier publiées en 1946 dans son livre Mission secrète à Londres, dans lequel il publie les photocopies de ses échanges[6], les Accords Pétain-Churchill auraient été conclus lors de réunions secrètes entre les représentants du Maréchal Pétain et du Premier ministre britannique. Ces accords présumés auraient porté sur la coopération clandestine entre la France de Vichy et le Royaume-Uni pour lutter contre l'Allemagne nazie et ses alliés, en dépit de la politique officielle de collaboration du régime de Vichy.

Rougier soutenait que ces accords étaient fondés sur un engagement mutuel à œuvrer pour la libération de la France et de l'Europe du joug nazi, en utilisant les forces et les ressources disponibles des deux pays. Les accords prévoyaient notamment la coopération en matière de renseignement, l'échange d'informations militaires et stratégiques, ainsi que la coordination des opérations militaires en Afrique du Nord et ailleurs[4].

Rougier a également affirmé que ces accords secrets étaient connus d'un nombre restreint de personnes au sein des deux gouvernements et qu'ils étaient restés confidentiels jusqu'à ce qu'il en fasse état après la guerre. Les allégations de Rougier ont été accueillies avec scepticisme par certains historiens et ont fait l'objet de débats et de controverses sur la véracité de ces accords et leur impact sur les relations franco-britanniques pendant la guerre[4].

Contenu des accords[modifier | modifier le code]

Points britanniques[modifier | modifier le code]

  1. Le gouvernement britannique mènera la guerre jusqu’à l’effondrement de l’Hitlérisme.
  2. Le gouvernement britannique aura un appui financier total des Etats-Unis, et il accroîtra son appareil militaire.
  3. L’attitude du régime français (de son Empire) déterminera la durée de la guerre.
  4. La radio britannique fera tous les efforts de propagande radiophonique pour se gagner la sympathie des Français; mais, elle s'abstiendra de toute critique à l'égard du chef de l'État français, le maréchal Pétain.
  5. Rétablir [La France] dans son intégrité et sa souveraineté.
  6. Le blocus naval sera atténué.

Points français[modifier | modifier le code]

  1. Le gouvernement français s'engage à ne pas reprendre par la force les colonies passées à De Gaulle.
  2. Vichy s'engage à ne pas céder à l'Axe ni les ports de Provence, ni les bases d'Afrique du Nord, du Maroc et d'Afrique occidentale.
  3. Le gouvernement français remettra l'Empire dans la guerre le jour où les Anglais et leurs alliés éventuels auront fait la preuve de leur force.
  4. Le gouvernement français s'engage à saborder les unités de la flotte plutôt que de les laisser tomber aux mains des Allemands

Annotations de Churchill[modifier | modifier le code]

  1. « If General Weygand will rise the standard in North Africa, he can count on the renweal of the whole-hearted collaboration of the governments and peoples of the British Empire, and, en guise de miel pour attirer la mouche, on a share of the assistance afforded by the United States. » Traduction : Si le général Weygand élèvera l'étendard (reprendra les combats) en Afrique du Nord, il pourra compter sur le renouveau d'une collaboration sans réserve des gouvernements et des peuples de l'Empire britannique, et en guise de miel pour attirer la mouche, sur un partage de l'aide offerte par les États-Unis.
  2. « Great Britain would do everything in her power to strike at a government which had been guilty of so base a betrayal. » Traduction : La Grande-Bretagne ferait tout en son pouvoir pour frapper un gouvernement qui aurait été coupable d'une trahison aussi lâche.

Preuves et sources disponibles[modifier | modifier le code]

Les preuves et sources disponibles concernant les Accords Pétain-Churchill présumés sont rares et parfois contradictoires. Malgré les allégations de Louis Rougier, il n'existe pas de preuve documentaire directe de ces accords. Cependant, certaines sources indirectes et témoignages peuvent apporter un éclairage sur la question.

Documents officiels et correspondances entre Pétain et Churchill[modifier | modifier le code]

Aucun document officiel n'a été retrouvé qui puisse prouver l'existence des Accords Pétain-Churchill. Les archives gouvernementales françaises et britanniques ne contiennent pas de preuve directe de ces accords. Les correspondances entre Pétain et Churchill, pour autant qu'elles aient existé, n'ont jamais été rendues publiques, ce qui rend difficile la vérification des allégations de Rougier[7].

Témoignages de personnalités impliquées et d'historiens contemporains[modifier | modifier le code]

Certaines personnalités de l'époque, telles que Paul Baudouin, ministre français des Affaires étrangères sous Vichy, ont confirmé que des contacts officieux et des échanges d'informations avaient eu lieu entre la France de Vichy et le Royaume-Uni. Toutefois, ces témoignages ne vont pas jusqu'à confirmer l'existence d'accords formels entre Pétain et Churchill[8].

De même, certains historiens contemporains, tels que François Delpla, ont soutenu la thèse de Rougier en avançant que des contacts et des échanges entre la France de Vichy et le Royaume-Uni étaient plausibles et cohérents avec les objectifs politiques des deux gouvernements. Cependant, ces historiens ne sont pas parvenus à apporter des preuves définitives de l'existence des Accords Pétain-Churchill[9].

En résumé, les preuves et sources disponibles sur les Accords Pétain-Churchill présumés sont limitées et ne permettent pas de confirmer avec certitude l'existence de tels accords. Les témoignages et les sources indirectes suggèrent que des contacts et des échanges entre les gouvernements de Vichy et britannique ont bien eu lieu, mais ils ne vont pas jusqu'à prouver l'existence d'accords formels entre Pétain et Churchill, tels que rapportés par Louis Rougier.

Controverses et débats historiographiques[modifier | modifier le code]

Les controverses entourant les Accords Pétain-Churchill présumés sont nombreuses et proviennent de différentes sources, notamment des débats historiographiques, des interprétations des preuves disponibles et des implications politiques de ces allégations.

Arguments en faveur de l'existence des Accords Pétain-Churchill[modifier | modifier le code]

Certains historiens et chercheurs soutiennent l'existence des Accords Pétain-Churchill en se basant sur les allégations de Louis Rougier et les témoignages de personnalités de l'époque[9],[8]. Ils font valoir que ces accords étaient plausibles étant donné la complexité de la situation politique et militaire pendant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que les intérêts stratégiques communs entre la France de Vichy et le Royaume-Uni dans la lutte contre l'Allemagne nazie. De plus, ils soutiennent que la nature secrète de ces accords expliquerait l'absence de preuves documentaires directes.

Henry du Moulin de Labarthète, directeur du cabinet civil de Pétain, affirme dans ses mémoires[10] avoir été informé du retour de Rougier à Vichy, de sa nouvelle entrevue avec le Maréchal et sa remise d'un rapport de mission. Il affirme avoir vu les annotations manuscrites présentées comme celles de Churchill et constaté l'enjouement de Pétain.

Arguments contre l'existence des Accords Pétain-Churchill[modifier | modifier le code]

D'autres historiens et chercheurs contestent l'existence des Accords Pétain-Churchill, arguant que les preuves disponibles sont insuffisantes pour confirmer de tels accords. Ils soulignent l'absence de documents officiels et de correspondances entre Pétain et Churchill, ainsi que les contradictions et les lacunes dans les témoignages et les sources indirectes. Ces critiques estiment également que les allégations de Rougier pourraient être le résultat d'un désir de réhabiliter l'image du Maréchal Pétain et du régime de Vichy après la guerre[11].

Le général Maurice Schmitt, à la demande de l'inspecteur général Michel, secrétaire général du Comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale, estime que la tâche d'encre en haut du document dactylographié portant des annotations manuscrites de l'écriture de M. Winston Churchill masque le nom de Weygand[12]. Selon le général Schmitt, le feuillet baptisé gentleman's agreement existe non maquillé dans les archives du Foreign Office.

Implications politiques et historiques des débats[modifier | modifier le code]

Les controverses entourant les Accords Pétain-Churchill ont des implications politiques et historiques importantes. Si ces accords étaient avérés, cela pourrait remettre en question la perception générale du régime de Vichy comme étant entièrement collaborateur et soumis à l'Allemagne nazie. De plus, cela pourrait modifier la compréhension des relations franco-britanniques pendant la guerre et la manière dont les deux pays ont mené leur lutte contre l'Axe.

En conclusion, les controverses entourant les Accords Pétain-Churchill présumés sont le résultat de débats historiographiques, d'interprétations divergentes des preuves disponibles et des implications politiques de ces allégations. Ces controverses persistent en raison de l'absence de preuves documentaires définitives et de l'ambiguïté entourant les relations entre la France de Vichy et le Royaume-Uni pendant la Seconde Guerre mondiale.

Répercussions et conséquences des Accords Pétain-Churchill présumés[modifier | modifier le code]

Les répercussions et conséquences des Accords Pétain-Churchill présumés, s'ils s'avéraient authentiques, pourraient avoir un impact significatif sur la compréhension de la Seconde Guerre mondiale, les relations franco-britanniques et la perception du régime de Vichy.

Impact sur la compréhension de la Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Si les Accords Pétain-Churchill étaient avérés, cela pourrait révéler une facette méconnue de la coopération entre les Alliés et la France de Vichy dans la lutte contre l'Allemagne nazie. Cela pourrait conduire à une réévaluation des stratégies et des tactiques employées par les Alliés et la France de Vichy, ainsi qu'à une meilleure compréhension des motivations et des objectifs de chaque partie pendant la guerre.

Impact sur les relations franco-britanniques[modifier | modifier le code]

La confirmation de l'existence des Accords Pétain-Churchill pourrait également avoir des conséquences sur la manière dont les relations franco-britanniques sont perçues pendant la Seconde Guerre mondiale. Cela pourrait montrer que, malgré les tensions officielles et les divergences politiques, les deux pays ont réussi à établir des liens clandestins et à coopérer dans la lutte contre l'Axe. Cela pourrait également conduire à une réévaluation des actions et des décisions prises par les dirigeants français et britanniques pendant la guerre, y compris les actions controversées telles que l'attaque britannique sur la flotte française à Mers-el-Kébir.

Impact sur la perception du régime de Vichy[modifier | modifier le code]

Enfin, la découverte d'accords secrets entre Pétain et Churchill pourrait avoir des conséquences sur la manière dont le régime de Vichy est perçu. Si ces accords étaient avérés, cela pourrait montrer que le régime de Vichy n'était pas entièrement collaborateur et soumis à l'Allemagne nazie, mais qu'il cherchait également à préserver les intérêts nationaux français et à soutenir la lutte contre l'Axe. Cela pourrait conduire à une réévaluation de l'héritage du Maréchal Pétain et du régime de Vichy dans l'histoire française.

Toutefois, il convient de noter que les preuves disponibles concernant les Accords Pétain-Churchill présumés sont limitées et controversées. En l'absence de preuves documentaires définitives, il est difficile d'évaluer avec certitude les répercussions et les conséquences de ces accords présumés. Les débats et les controverses entourant ces allégations continuent de susciter des questions et des discussions parmi les historiens et les chercheurs, mettant en évidence la complexité et l'ambiguïté des relations entre la France de Vichy et le Royaume-Uni pendant la Seconde Guerre mondiale.

Conclusion[modifier | modifier le code]

En conclusion, les Accords Pétain-Churchill présumés, tels que rapportés par Louis Rougier, soulèvent des questions complexes et controversées sur la nature des relations entre la France de Vichy et le Royaume-Uni pendant la Seconde Guerre mondiale. Bien que les preuves disponibles soient limitées et parfois contradictoires, elles ont suscité des débats historiographiques, des réévaluations des actions des dirigeants français et britanniques et des discussions sur les implications politiques et historiques de ces allégations.

Il est important de noter que, sans preuves documentaires définitives, il est difficile d'établir avec certitude l'existence de ces accords présumés. Néanmoins, l'étude de cette question permet d'explorer les nuances et les complexités des relations franco-britanniques pendant la guerre et de mettre en lumière les différentes stratégies et motivations qui ont façonné les décisions des deux gouvernements.

Les débats entourant les Accords Pétain-Churchill présumés soulignent l'importance de l'analyse critique des sources et des témoignages historiques, ainsi que la nécessité de poursuivre les recherches pour mieux comprendre les événements et les relations qui ont marqué la Seconde Guerre mondiale. En fin de compte, l'étude de cette question complexe et controversée contribue à enrichir notre compréhension du passé.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Julian Jackson, France : the dark years, 1940-1944, Oxford University Press, (ISBN 0-19-820706-9, 978-0-19-820706-1 et 0-19-925457-5, OCLC 45406461, lire en ligne)
  2. François Delpla, Mers el-Kébir, 3 juillet 1940 : l'Angleterre rentre en guerre, Guibert, (ISBN 978-2-7554-0385-5 et 2-7554-0385-3, OCLC 555638253, lire en ligne)
  3. David Reynolds, In command of history : Churchill fighting and writing the Second World War, Basic Books, (ISBN 978-0-465-00330-3 et 0-465-00330-3, OCLC 154706483, lire en ligne)
  4. a b c et d Louis Rougier, Les accords secrets franco-britanniques de l'automne 1940: Histoire et imposture, .
  5. Louis Rougier, Mission secrète à Londres, Genève, Éditions du cheval ailé, , 352 p., p62.
  6. Louis Rougier, Mission secrète à Londres, Genève, Éditions du cheval ailé, , 352 p..
  7. Roland Courtinat, Les accords secrets Pétain-Churchill : octobre-novembre 1940, Dualpha, cop. 2007 (ISBN 978-2-35374-065-9 et 2-35374-065-0, OCLC 494701999, lire en ligne)
  8. a et b Paul Baudouin, Neuf mois au gouvernement: Avril-décembre 1940, La Table ronde, , 456 p. (ISBN 10-371-0346-7)
  9. a et b François Delpla, « Du nouveau sur la mission Rougier », Revue universitaire,‎ , pp. 103-113 (lire en ligne Accès payant [PDF])
  10. Henry du Moulin de Labarthète, Le Temps des illusions : souvenirs (-), Genève, Constant Bourquin, à l’enseigne du cheval ailé, , 416 p., p204.
  11. Robert O. Paxton, Vichy France : old guard and new order, 1940-1944, Columbia University Press, (ISBN 0-231-12469-4, 978-0-231-12469-0 et 978-0-231-05426-3, OCLC 47825026, lire en ligne)
  12. Général SCHMITT., « La "mission" du professeur Rougier », Le Monde,‎ (lire en ligne Accès payant, consulté le ).