Élection présidentielle russe de 1996

Élection présidentielle russe de 1996
(1er tour)
(2d tour)
Corps électoral et résultats
Inscrits 108 495 023
Votants au 1er tour 75 587 139
69,67 %
Votes exprimés au 1er tour 74 515 019
Blancs et nuls au 1er tour 1 072 120
Votants au 2d tour 74 691 290
68,78 %
Votes exprimés au 2d tour 73 910 698
Blancs et nuls au 2d tour 780 592
Boris Eltsine – Indépendant
Voix au 1er tour 26 665 495
35,79 %
Voix au 2e tour 40 203 948
54,40 %
Guennadi Ziouganov – Parti communiste de la fédération de Russie
Voix au 1er tour 24 211 686
32,49 %
Voix au 2e tour 30 102 288
40,73 %
Alexandre Lebed – Congrès des communautés russes
Voix au 1er tour 10 974 736
14,73 %
Grigori Iavlinski – Iabloko
Voix au 1er tour 5 550 752
7,45 %
Vladimir Jirinovski – Parti libéral-démocrate de Russie
Voix au 1er tour 4 311 479
5,79 %
Répartition des voix au second tour
Carte
    Eltsine :
  • 45–50 %
  • 50–55 %
  • 55–60 %
  • 60–65 %
  • 65–70 %
  • 70–75 %
  • 75–80 %

  • Ziouganov :
  • 45–50 %
  • 50–55 %
  • 55–60 %
  • 60–65 %
Président de la fédération de Russie
Sortant Élu
Boris Eltsine
indépendant
Boris Eltsine
indépendant

L'élection présidentielle russe de 1996 se tient les et afin d'élire le président de la fédération de Russie pour un mandat de quatre ans. Ce scrutin a lieu sous la présidence de Boris Eltsine, au pouvoir depuis 1991.

Le premier tour voit arriver en tête le président sortant, talonné par le communiste Guennadi Ziouganov. Fait notable, Mikhaïl Gorbatchev, ancien dirigeant de l'URSS, est éliminé avec 0,5 % des voix. Le troisième homme du scrutin, le général centriste Alexandre Lebed, appelle à voter pour Eltsine en vue du second tour. Ce dernier est finalement réélu avec 53,8 % des suffrages exprimés, contre 40,3 % pour son opposant communiste.

Cette élection présidentielle est la première démocratique dans l'histoire de la Russie post-soviétique (la seconde si on prend en compte celle de la république russe au sein de l'URSS en 1991), même si elle fut probablement entachée de fraudes massives au point que son issue véritable est controversée. Sont régulièrement relayées les interventions des États-Unis et des spin doctors en faveur de Boris Eltsine, donné largement battu par les sondages de début de campagne.

Contexte[modifier | modifier le code]

Dislocation de l'URSS et Constitution de 1993[modifier | modifier le code]

Lors de l'élection présidentielle de juin 1991, Boris Eltsine est élu pour un mandat de cinq ans à la présidence de la République socialiste fédérative soviétique de Russie, recueillant 58,6 % des voix dès le premier tour.

Quelques mois plus tard, à la suite de la dislocation de l'URSS (dont Mikhaïl Gorbatchev était le président), la Russie soviétique devient une nation souveraine, ce qui signifie que l'élection présidentielle prévue en 1996 doit être le premier scrutin présidentiel à se tenir dans une Russie pleinement souveraine.

En décembre 1993, une Constitution est adoptée par référendum : elle ramène notamment la durée des futurs mandats présidentiels à quatre ans.

Impopularité du président Eltsine[modifier | modifier le code]

Le président Boris Eltsine, au pouvoir depuis 1991.

Dans le cadre d'une économie de transition, le bilan de Boris Eltsine est jugé négativement par une grande partie de la population.

En , lorsqu'il annonce sa candidature à sa propre succession, ses chances de succès sont maigres : sa popularité est à un plus bas historique et les sondages le donnent souvent à la cinquième place de l'élection présidentielle à venir. Son mouvement politique, Notre maison la Russie (NDR), a obtenu à peine 10 % des voix aux élections législatives de décembre 1995, alors que le Parti communiste de la fédération de Russie (KPRF) est devenu la première formation politique du pays avec plus de 20 % des suffrages.

Tirant profit de la vague contestataire due aux difficultés économiques de l'après communisme, le candidat du Parti communiste, Guennadi Ziouganov, fait la course en tête durant plusieurs mois. Présent au Forum économique mondial de Davos en février 1996, il est traité avec égard par de nombreux dirigeants et médias internationaux, qui pensent qu'il sera le prochain président de la fédération de Russie[1].

Modalités[modifier | modifier le code]

Mode de scrutin[modifier | modifier le code]

Livre constitutionnel russe.

En vertu de la Constitution de 1993, le président de la fédération de Russie est élu pour quatre ans, « au suffrage universel, égal et direct, à bulletins secrets »[2]. La loi fédérale précise qu'il est désigné au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, qu'il existe un vote « aucun d'entre eux » et que les bulletins blancs ou nuls sont comptabilisés dans les suffrages exprimés.

Conditions de candidature[modifier | modifier le code]

Les dispositions constitutionnelles prévoient que les candidats doivent être des citoyens russes âgés d'au moins 35 ans et résidant de façon permanente en Russie depuis au moins dix ans. Par ailleurs, une même personne ne peut exercer la fonction de président de la fédération de Russie plus de deux mandats consécutifs[2].

Dates de déroulement de l'élection[modifier | modifier le code]

Le scrutin doit intervenir cinq ans après l'élection présidentielle de 1991, le chef de l'État ayant alors été élu pour cette durée.

Lors du référendum d'avril 1993, la tenue d'une élection présidentielle anticipée est rejetée : si la proposition est approuvée par 51,2 % des suffrages exprimés, le quorum de 50 % des inscrits n'est pas atteint[3].

Alors que Boris Eltsine fait face à une forte popularité, la possibilité d'un report ou d'une annulation de l'élection présidentielle de 1996 est évoquée. Mais le président sortant décide de maintenir le scrutin à la date prévue[4].

Liste des candidats[modifier | modifier le code]

Retenus[modifier | modifier le code]

Onze candidats sont retenus pour participer au premier tour de l'élection, dont un (Aman Touleïev) se retire quelques jours avant le scrutin.

Candidat (nom et âge) Parti politique Principale fonction
politique lors de la campagne
Vladimir Bryntsalov
(49 ans)
Parti socialiste russe Député à la Douma
(depuis 1995)
Martin Chakkoum
(44 ans)
Parti populaire socialiste de Russie
Boris Eltsine
(65 ans)
Indépendant Président de la fédération de Russie[N 1]
(depuis 1991)
Sviatoslav Fiodorov
(68 ans)
Parti de l'autonomie des travailleurs
Mikhaïl Gorbatchev
(65 ans)
Indépendant Aucune
(ancien secrétaire général du Comité central du Parti communiste de l'Union soviétique)
Grigori Iavlinski
(44 ans)
Iabloko
Vladimir Jirinovski
(50 ans)
Parti libéral-démocrate de Russie
Alexandre Lebed
(46 ans)
Congrès des communautés russes
Iouri Vlassov
(60 ans)
Indépendant
Guennadi Ziouganov
(51 ans)
Parti communiste de la fédération de Russie
Candidat s'étant retiré avant le premier tour :
Aman Touleïev
(52 ans)
Indépendant

Disqualifiés[modifier | modifier le code]

Campagne[modifier | modifier le code]

Boris Eltsine[modifier | modifier le code]

Boris Eltsine en campagne dans la région de Moscou, le .

Plusieurs éléments nuisent à la campagne de Boris Eltsine. L'économie russe continue de se contracter et de nombreux travailleurs restent impayés depuis plusieurs mois[1]. En janvier 1996, des autonomistes tchétchènes prennent en otage des milliers de personnes au Daghestan ; la réponse d'Eltsine face à la situation est considérée comme un échec[1]. Par ailleurs, son état de santé et son mode de vie posent question.

Cependant, le président sortant bénéficie de l'appui des États-Unis et se voit conseillé par des spin doctors, qui reluisent de façon significative son image auprès de l'opinion publique.

Guennadi Ziouganov[modifier | modifier le code]

Alexandre Lebed[modifier | modifier le code]

Grigori Iavlinski[modifier | modifier le code]

Vladimir Jirinovski[modifier | modifier le code]

Sviatoslav Fedorov[modifier | modifier le code]

Mikhaïl Gorbatchev[modifier | modifier le code]

Martin Chakkoum[modifier | modifier le code]

Yury Vlasov[modifier | modifier le code]

Vladimir Bryntsalov[modifier | modifier le code]

Aman Touleïev[modifier | modifier le code]

Résultats[modifier | modifier le code]

Au niveau national[modifier | modifier le code]

Résultats de la présidentielle russe de 1996[5],[6]
Candidats Partis 1er tour 2d tour
Voix % Voix %
Boris Eltsine Indépendant 26 665 495 35,79 40 203 948 54,40
Guennadi Ziouganov Parti communiste de la fédération de Russie 24 211 686 32,49 30 102 288 40,73
Alexandre Lebed Congrès des communautés russes 10 974 736 14,73
Grigori Iavlinski Iabloko 5 550 752 7,45
Vladimir Jirinovski Parti libéral-démocrate de Russie 4 311 479 5,79
Sviatoslav Fedorov Parti de l'autonomie des travailleurs 699 158 0,94
Mikhaïl Gorbatchev Indépendant 386 069 0,52
Martin Chakkoum Parti populaire socialiste de Russie 277 068 0,37
Yury Vlasov Le Pouvoir au peuple 151 282 0,20
Vladimir Bryntsalov Parti socialiste russe 123 065 0,17
Aman Touleïev[N 2] Indépendant 308 0,00
Aucun d'entre eux 1 163 921 1,56 3 604 462 4,88
Votes valides 74 515 019 98,58 73 910 698 98,95
Votes blancs ou nuls 1 072 120 1,42 780 592 1,05
Total 75 587 139 100 74 691 290 100
Abstention 32 907 884 30,33 33 897 760 31,22
Inscrits/Participation 108 495 023 69,67 108 589 050 68,78

Analyse[modifier | modifier le code]

À l'issue du premier tour, Boris Eltsine arrive en tête, juste devant Ziouganov.

Le score du général Alexandre Lebed, militaire qui faisait ses débuts en politique en 1995 sous les couleurs du « Congrès des communautés russes » d'ex-URSS, qui finit 3e avec 14,7 % des voix, fut une surprise[réf. nécessaire]. L'issue du scrutin dépendait donc de ses consignes de vote pour le second tour. Deux jours après le premier tour, Eltsine eut un entretien avec Lebed et lui promit le poste de secrétaire du Conseil de sécurité de la fédération de Russie. Il reçut officiellement son soutien et c'est ainsi que le Eltsine fut réélu avec 53 % des voix contre 40 % pour Ziouganov et 7 % de bulletins blancs ou nuls. Il fut réinvesti le 9 août.

Cette élection voit également la participation du dernier dirigeant de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev, mais celui-ci obtint un score très faible : 0,5 % des voix au premier tour.

Controverses[modifier | modifier le code]

Interventions étrangères[modifier | modifier le code]

Le président américain Bill Clinton s'engagea en faveur de Boris Eltsine lors de l'élection présidentielle. Il intervint auprès du Fonds monétaire international (FMI) afin de faire octroyer à la Russie un prêt de 10,2 milliards de dollars durant la période préélectorale. Des conseillers américains furent également envoyés, sur instruction de la Maison-Blanche, rejoindre l'équipe de campagne du président russe, alors extrêmement impopulaire, pour enseigner de nouvelles techniques de propagande électorale[7].

Plusieurs gouvernements européens manifestèrent également leur soutien à Boris Eltsine. Le Premier ministre français, Alain Juppé, se rendit à Moscou le , jour de l’annonce de la candidature d’Eltsine. Il déclara souhaiter que la campagne électorale soit « l’occasion de mettre en valeur les acquis de la politique de réformes menée par le président Eltsine ». Le chancelier allemand Helmut Kohl se rendit le même jour à Moscou, où il présenta Eltsine comme « un partenaire absolument fiable, qui a toujours respecté ses engagements »[7].

Outre le FMI, le gouvernement russe bénéficia de l'intervention du Club de Paris, qui accorda en avril à la Russie un délai de 25 ans pour rembourser 40 milliards de dollars de dette extérieure, et de la Banque mondiale qui octroya un prêt de 200 millions de dollars destiné à soutenir les services sociaux[7].

Soupçons de fraudes[modifier | modifier le code]

Le KPRF, premier parti d'opposition en Russie et victime principale des supposés trucages, aurait eu un grand intérêt à contester la légitimité d'Eltsine et de son héritage. Mais, faute de preuves, le scandale n'est abordé ni par Guennadi Ziouganov, ni par le comité central (en)[8].

Le , le président de la fédération de Russie en exercice, Dmitri Medvedev, aurait déclaré lors d'une réunion avec des représentants de l'opposition non systémique[N 3] que « Personne n'a de doute sur qui a remporté les élections présidentielles de 1996. Ce n'était pas Boris Eltsine »[9]. Les médias nationaux relayèrent l'information dès le lendemain, mais les rumeurs de falsification furent démenties par le Kremlin[10].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Président de la République socialiste fédérative soviétique de Russie jusqu'en 1992.
  2. Retire sa candidature avant les élections, mais reçoit 308 voix au cours de la période de vote anticipé, suffrages considérés comme valides
  3. Terme qui désigne les organisations qui ne sont pas officiellement reconnues comme des partis politiques.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c (en) David M. Kotz, Russia's Path From Gorbachev To Putin, pp. 260–264.
  2. a et b https://mjp.univ-perp.fr/constit/ru2014.htm
  3. (en) Dieter Nohlen, Philip Stöver, Elections in Europe: A data handbook, 2010, p.1642 (ISBN 978-3-8329-5609-7).
  4. (en) « Russia's 1996 presidential election : the end of polarized politics : McFaul, Michael, 1963- : Free Download, Borrow, and Streaming : Internet Archive », sur Internet Archive (consulté le ).
  5. Nohlen, D et Stöver, P, Elections in Europe : A data handbook, , 2070 p. (ISBN 978-3-8329-5609-7), p. 1642
  6. Timothy J Colton, Transitional Citizens : Voters and What Influences Them in the New Russia, President and Fellows of Harvard College, , 234–5 p. (lire en ligne)
  7. a b et c Hélène Richard, « Quand Washington manipulait la présidentielle russe », sur Le Monde diplomatique,
  8. (ru) « Переписывая российскую историю: украл ли Борис Ельцин президентские выборы в 1996 году? », sur ИноСМИ,‎ 20120225t0942 (consulté le )
  9. (ru) «Дмитрий Медведев говорил о фальсификации выборов Бориса Ельцина», sur www.kommersant.ru,‎ (consulté le )
  10. (ru) « В Кремле опровергли слова Бабурина о фальсификации выборов 1996 года », sur РИА Новости,‎ 20120221t2321 (consulté le )

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Tania Rakhmanova (dir.), « Juin 1996 : la très improbable réélection de Boris Eltsine », dans Au cœur du pouvoir russe, Paris, La Découverte, « Poche / Essais », 2014, p. 13-42 (lire en ligne).