Processus polytropique

En thermodynamique, un processus polytropique est une transformation réversible impliquant un transfert thermique (échange de chaleur) partiel entre le système étudié et son extérieur.

La loi polytropique peut représenter diverses conditions de transformation. La loi de Laplace en est le cas particulier applicable aux transformations isentropiquesentropie constante, c'est-à-dire adiabatiques, à échange de chaleur nul). Elle couvre également les transformations isobares (à pression constante), isothermes (à température constante) et isochores (à volume constant) ; elle revient alors aux diverses lois qui composent la loi des gaz parfaits.

La loi polytropique n'est en théorie applicable qu'aux gaz parfaits, sous l'hypothèse que leurs capacités thermiques sont constantes et en l'absence de réaction chimique. Elle offre cependant un modèle idéal de référence pour l'étude de procédés réels. Elle est utilisée dans l'étude des explosions. Elle sert dans l'établissement du rendement des compresseurs et des turbines. En astrophysique, un polytrope est une forme de matière dont l'équation d'état s'écrit sous la forme d'une loi polytropique.

Énoncé[modifier | modifier le code]

La loi polytropique[modifier | modifier le code]

Au cours d'une transformation quelconque réversible d'un gaz parfait, on a la relation suivante[1],[2] :

Transformation polytropique :

que l'on peut aussi exprimer sous les formes[1],[2] :

avec :

  • l'indice (ou coefficient, ou exposant) polytropique[3] (en astrophysique, l'indice polytropique est le nombre tel que [4]) ;
  • la pression ;
  • le volume ;
  • la température.

La constante de la loi polytropique (différente d'une forme à l'autre) ne dépend que des conditions initiales de pression, température et volume de la transformation. Cette constante est positive quelle que soit la forme de la loi.

Les lois polytropiques ne sont valables que :

L'indice polytropique[modifier | modifier le code]

Transformations polytropiques dans un diagramme de Clapeyron.
Le point fixe a pour coordonnées = 1 et = 5.

L'indice polytropique correspond aux transformations réversibles suivantes[1],[5],[6],[7],[8] :

  • , le volume et la pression augmentent simultanément (explosion) ;
  • , processus isobare (à pression constante) ;
  • , processus isotherme (à température constante) ;
  • , compression avec refroidissement ou détente avec réchauffement ;
  • , processus isentropiqueentropie du système constante) ou adiabatiquetransfert thermique nul)[9] ;
  • , compression avec réchauffement ou détente avec refroidissement ;
  • , processus isochore (à volume constant).

est l'indice adiabatique, ou coefficient de Laplace, rapport des capacité thermique isobare et capacité thermique isochore .

L'indice polytropique s'écrit de façon générale selon :

avec :

  • la variable laissée constante dans la transformation polytropique ;
  • le coefficient de compressibilité isotherme ;
  • le coefficient de compressibilité polytropique.

Dans un diagramme de Clapeyron, le coefficient polytropique en un point donné peut donc se calculer selon[1],[10] :

et en particulier, pour , l'entropie :

Démonstration[modifier | modifier le code]

Démonstration de la loi[modifier | modifier le code]

Hypothèses[modifier | modifier le code]

Par hypothèse, la transformation est effectuée :

Cas général[modifier | modifier le code]

Par définition des coefficients calorimétriques, on a les relations générales[11] :

avec :

Les relations de Maxwell donnent les première et deuxième relations de Clapeyron :

De façon plus générale, pour toute variable , l'échange de chaleur avec l'extérieur, à quantité de matière constante, peut s'écrire selon :

avec la capacité thermique polytropique[1],[12] :

Capacité thermique polytropique

Dans le cas d'une transformation polytropique, à constante, la variation de chaleur vaut[13] :

Par soustraction de cette expression aux précédentes expressions de , on obtient :

Transformation polytropique

La variation de température vaut :

d'où :

L'indice polytropique est défini par[12],[6],[14] :

Indice polytropique
(a)

On réécrit :

Par ailleurs, on définit le coefficient de compressibilité isotherme :

Coefficient de compressibilité isotherme

La relation :

permet de réécrire :

Finalement, puisque la transformation est effectuée à constante, on obtient[12] :

On définit le coefficient de compressibilité polytropique :

Coefficient de compressibilité polytropique
(b)

ce qui donne :

(c)

Cette relation est une généralisation de la relation de Reech (avec l'entropie, on a et ).

Cas des gaz parfaits[modifier | modifier le code]

L'équation des gaz parfaits, , induit :

On obtient donc, pour les gaz parfaits uniquement :

(d)

d'où :

On considère que lors de la transformation est constant (en toute rigueur, pour un gaz parfait, il dépend de la température). On intègre entre un état initial et un état final , on obtient :

et donc la loi polytropique :

Loi polytropique :

Avec, selon l'équation d'état des gaz parfaits :

par substitutions, on obtient également :

Les processus[modifier | modifier le code]

Coefficient polytropique négatif[modifier | modifier le code]

Le cas concerne des phénomènes dans lesquels une augmentation de pression coïncide avec une augmentation de volume. On a :

Le deuxième principe de la thermodynamique induit qu'un coefficient de compressibilité , quelle que soit , ne peut être que positif pour un corps stable : le volume ne peut que diminuer sous une augmentation de pression. La relation (c) induit que ne peut pas être négatif pour un corps stable. Le cas représente donc un état instable de la matière[15]. Ce cas implique d'autres phénomènes que la seule force de pression, par exemple une réaction exothermique qui génère de la chaleur au cours de la transformation.

Si , la définition (a) donne (la relation de Mayer implique que ).

Ce cas est employé dans l'étude des réactions explosives, par exemple dans l'étude des moteurs à explosion[16],[17],[15] ou en astrophysique dans la modélisation du comportement explosif des plasmas[18].

Processus isobare[modifier | modifier le code]

Si , la pression, le processus est isobare.

La définition (b) donne . On a donc par la relation (c)[6],[14] :

Processus isobare :

On vérifie par la définition (a) que , la capacité thermique isobare[6],[14].

La loi polytropique donne la loi de Charles[5] :

Loi de Charles : à pression constante.

La loi des gaz parfaits donne .

Processus isotherme[modifier | modifier le code]

Si , la température, le processus est isotherme.

La définition (b) donne , le coefficient de compressibilité isotherme. On a donc par la relation (c)[6],[14] :

Processus isotherme :

On a par la définition (a)[6],[14] : .

La loi polytropique donne la loi de Boyle-Mariotte[5] :

Loi de Boyle-Mariotte : à température constante.

La loi des gaz parfaits donne .

Processus isentropique[modifier | modifier le code]

Si , l'entropie, le processus est isentropique (adiabatique réversible[9]).

La définition (b) donne , le coefficient de compressibilité isentropique. La relation de Reech donne, de façon générale :

avec l'indice adiabatique. On a donc par la relation (c)[6],[14] :

Processus isentropique (adiabatique) :

On a par la définition (a)[6],[14] : .

La loi polytropique donne la loi de Laplace[5] :

Loi de Laplace : à entropie constante.

Processus isochore[modifier | modifier le code]

Si , le volume, le processus est isochore.

La définition (b) donne . On a donc par la relation (c)[6],[14] :

Processus isochore :

On vérifie par la définition (a) que , la capacité thermique isochore[6],[14].

La loi polytropique donne la loi de Gay-Lussac[5] :

Loi de Gay-Lussac : à volume constant.

La loi des gaz parfaits donne .

Compression et détente[modifier | modifier le code]

Les formules du travail et de la chaleur établies dans la section Bilan énergétique montrent que, quel que soit , on a, pour un gaz parfait[19] :

avec :

  • le travail des forces de pression ;
  • la chaleur échangée.

L'indice adiabatique est nécessairement supérieur à 1 (voir l'article Relation de Mayer).

Lors d'une compression, soit  :

  • si , alors , le système perd de la chaleur ;
  • si , alors , le système gagne de la chaleur.

Lors d'une détente, soit  :

  • si , alors , le système gagne de la chaleur ;
  • si , alors , le système perd de la chaleur.

Bilan énergétique[modifier | modifier le code]

Coefficients calorimétriques et thermoélastiques[modifier | modifier le code]

Capacités thermiques[modifier | modifier le code]

La définition de la capacité thermique polytropique et la définition (a) de l'indice donnent de façon générale[1],[20] :

Puisque la capacité thermique est positive et que la relation de Mayer induit que , alors si . Autrement, . En particulier[6],[14] :

  • si , le processus est isobare, , la capacité thermique isobare ;
  • si , le processus est isotherme,  ;
  • si , le processus est isentropique,  ;
  • si , le processus est isochore, , la capacité thermique isochore.

L'indice adiabatique est défini par :

La relation de Mayer donne, pour les gaz parfaits :

avec :

De ces relations on tire, pour les gaz parfaits :

Autres coefficients[modifier | modifier le code]

Un gaz parfait répond aux relations :

ou

La variation de la pression en fonction du volume vaut :

Le coefficient de compressibilité polytropique vaut :

La variation de la température en fonction du volume vaut :

La variation de l'entropie en fonction du volume vaut :

Le tableau suivant donne l'évolution des dérivées précédentes en fonction de l'indice polytropique[17].

Processus polytropiques.
Indice polytropique Explosion Explosion modérée Sous-adiabatique Sur-adiabatique

isochore

isentropique

isochore

isotherme

isobare

Entropie et énergie[modifier | modifier le code]

Soit la transformation d'une quantité d'un gaz parfait entre un état initial et un état final . La loi des gaz parfaits donne :

et la loi polytropique :

Entropie[modifier | modifier le code]

On introduit la capacité thermique polytropique dans la variation de chaleur d'un gaz parfait :

La loi des gaz parfaits donne, à quantité de matière constante :

d'où :

La variation de chaleur s'écrit finalement :

Entropie

Donc si et seulement si est constant, d'où la loi polytropique. De plus, puisque par définition :

on a :

Ainsi, est une fonction de la seule variable , et est constante si et seulement si est constant.

En particulier, si , alors , d'où :

On en déduit que , d'où et finalement :

On retrouve la loi de Laplace : est constante si et seulement si est constant.

Travail[modifier | modifier le code]

Le travail produit par les forces de pression vaut :

Si la transformation est isotherme, la température est constante, . L'équation des gaz parfaits donne et :

d'où[21] :

Travail isotherme

Quel que soit , la loi polytropique donne et par conséquent :

d'où[22],[21] :

Travail polytropique

Si la transformation est isobare, la pression est constante, , d'où[21] :

Travail isobare

Si la transformation est isentropique (adiabatique réversible[9]), le système n'échange pas de chaleur avec l'extérieur, d'où[21] :

Travail isentropique

Si la transformation est isochore, le volume est constant, , d'où[21] :

Travail isochore

Chaleur[modifier | modifier le code]

Si la transformation est isotherme, la température est constante, . L'équation des gaz parfaits donne . La chaleur produite par la transformation vaut, selon la relation (d), puisque  :

d'où[21] :

Chaleur isotherme

Quel que soit , les expressions de la variation de chaleur (d) donnent, en supposant constante :

d'où[21] :

Chaleur polytropique

Si la transformation est isobare, la pression est constante, , d'où[21] :

Chaleur isobare

Si la transformation est isentropique (adiabatique réversible[9]), le système n'échange pas de chaleur avec l'extérieur, d'où[21] :

Chaleur isentropique

Si la transformation est isochore, le volume est constant, , d'où[21] :

Chaleur isochore

Énergie interne et enthalpie[modifier | modifier le code]

Le gaz étudié étant un gaz parfait, il répond à la première loi de Joule : son énergie interne ne dépend que de la température. L'énergie interne varie selon :

d'où, en supposant constante[23],[21] :

Énergie interne

La variation d'énergie interne ne dépend pas de . Quel que soit , on vérifie également le premier principe de la thermodynamique :

De même, le gaz étudié étant un gaz parfait, il répond à la deuxième loi de Joule : son enthalpie ne dépend que de la température. L'enthalpie varie selon :

d'où, en supposant constante[21] :

Enthalpie

La variation d'enthalpie ne dépend pas de . Quel que soit , l'enthalpie varie également selon[24] :

avec le travail de transvasement[25]. On pose[1],[20] :

Quel que soit , une transformation polytropique sur un gaz parfait donne les relations[1],[19],[20],[26] :

ou
ou

Le tableau suivant résume les différentes grandeurs des transformations polytropiques[1],[21].

Bilan énergétique.
Indice polytropique
(processus polytropique)

(processus isobare)

(processus isotherme)

(processus isentropique)

(processus isochore)

travail





chaleur





énergie interne



travail de transvasement




enthalpie


Applications[modifier | modifier le code]

Étude des compresseurs et des turbines[modifier | modifier le code]

Les machines[modifier | modifier le code]

Un compresseur est une machine permettant d'augmenter la pression d'un gaz en lui apportant du travail. Une turbine au contraire produit du travail en détendant un gaz. Soient les conditions réelles de fonctionnement, mesurées aux bornes de la machine :

  • à l'admission (entrée) ;
  • au refoulement (sortie).

Pour un compresseur et . Pour une turbine et . On note le taux de compression, ou de détente[27] :

Taux de compression ou de détente

Ce taux est supérieur à 1 pour un compresseur et inférieur à 1 pour une turbine.

Soit la puissance (en watts, W) que la machine consomme (pour un compresseur) ou délivre (pour une turbine) en opérant un débit massique de gaz (en kilogrammes par seconde, kg/s). Le travail technique massique (en joules par kilogramme, J/kg) est le travail consommé ou produit par l'opération d'un kilogramme de gaz[28] :

Travail technique

Ce travail est positif pour un compresseur (un compresseur reçoit du travail), négatif pour une turbine (une turbine produit du travail).

Dans tout type de machine réelle, de la chaleur « irréversible » est produite par les frottements mécaniques et la viscosité du gaz. La machine échange également de la chaleur avec l'extérieur. Une machine « adiabatique » est une machine sans échange de chaleur avec l'extérieur[29] : la chaleur irréversible est exclusivement évacuée par le gaz sortant, le processus est dit « adiabatique irréversible[30],[31] ». Le refroidissement d'un compresseur permet de diminuer le travail à lui fournir. Le réchauffement d'une turbine permet d'augmenter le travail récupérable[8]. Il est cependant économiquement et techniquement plus facile de refroidir un compresseur que de réchauffer une turbine[32]. L'échange de chaleur peut s'effectuer de façon continue pendant l'opération de changement de pression, par exemple via les parois internes de la machine en contact avec le gaz parcourues par un fluide frigoporteur ou caloporteur. Dans certains compresseurs, une fraction de liquide (huile ou gaz liquéfié) est injectée dans le flux entrant. Le réchauffement, voire l'évaporation, de ce liquide dans la machine absorbe une partie de la chaleur dégagée par le processus de compression.

On associe à la transformation réelle (irréversible sur un gaz réel) une transformation polytropique (réversible sur un gaz parfait) ayant les mêmes conditions d'admission et de refoulement que la machine réelle. La loi polytropique donne , d'où :

On peut ainsi calculer l'indice polytropique[33],[26] :

Indice polytropique

Pour tout type de machine, une transformation isotherme () donne .

Pour un compresseur[8] :

  • est une compression refroidie ;
  • est une compression isentropique (adiabatique réversible[9]). La machine n'échange pas de chaleur avec l'extérieur (machine adiabatique) et le refroidissement compense exactement la chaleur irréversible ;
  • est une compression réchauffée. La chaleur provient de l'irréversibilité du processus. Ce cas apparait dans les machines sans refroidissement ou insuffisamment refroidies. Le réchauffement volontaire d'un compresseur est sans intérêt car il augmente le travail à fournir.

Pour une turbine[8] :

  • est une détente réchauffée. La chaleur provient de l'irréversibilité du processus et d'un éventuel réchauffement additionnel ;
  • est une détente isentropique (adiabatique réversible[9]). Ce cas est sans intérêt car il faudrait refroidir la machine pour compenser la chaleur irréversible, ce qui diminue le travail récupérable ;
  • est une détente refroidie. Ce cas est sans intérêt.

Travail de transvasement[modifier | modifier le code]

Travail de transvasement d'un compresseur. Pour une turbine, le travail de transvasement est négatif.

Soit une masse