Théorème de Gibbs-Konovalov

En chimie physique, le théorème de Gibbs-Konovalov est un théorème relatif aux équilibres de phases, notamment aux azéotropes des équilibres liquide-vapeur et aux points de fusion congruents des équilibres liquide-solide.

Willard Gibbs établit ce théorème de façon purement théorique en 1876. Il fut vérifié expérimentalement par Dmitri Petrovitch Konovalov, un élève de Dmitri Mendeleïev, dans sa thèse en 1881 puis dans une publication en 1884 relatives aux équilibres liquide-vapeur[1],[2]. La deuxième règle de Konovalov s'énonce ainsi : « À température constante, aux points d'extrémum de la pression de vapeur les compositions de la vapeur et du liquide sont identiques. »

Le théorème de Gibbs-Konovalov est une généralisation de cette règle aux points d'extrémum de pression et de température et à tous les équilibres de phases :

« Aux points d'extrémum de pression ou de température, les phases en équilibre ont la même composition. »

— Théorème de Gibbs-Konovalov

Illustration[modifier | modifier le code]

Figure 1 - Diagramme de phase d'un azéotrope négatif. Un azéotrope, positif ou négatif, répond au théorème de Gibbs-Konovalov.

La figure 1 montre un diagramme de phases liquide-vapeur d'un mélange binaire à pression constante : la température y est tracée en fonction de la composition. Ce diagramme présente un azéotrope sous forme d'un maximum de température, commun aux courbes de bulle et de rosée, auquel le liquide et la vapeur ont la même composition. Ceci s'applique également aux azéotropes dans lesquels la température atteint un minimum à pression constante. De même, ceci s'applique aux azéotropes où la pression atteint un minimum ou un maximum à température constante.

Figure 2 - Diagramme de phase du système silice-alumine. Le maximum local indiqué « 1850 » est un point de fusion congruent, il répond au théorème de Gibbs-Konovalov. Les deux points anguleux situés à environ 10 % et 75 % de silice sont des eutectiques qui ne répondent pas à ce théorème.

Ceci se généralise à toutes les transitions de phase. La figure 2 montre un diagramme de phase liquide-solide : le point indiqué « 1850 » répond au théorème de Gibbs-Konovalov, il s'agit d'un extrémum local, en l'occurrence d'un maximum de température local, appelé point de fusion congruent, auquel le liquide et le solide ont la même composition. Un point de fusion congruent ne doit pas être confondu avec un eutectique, point auquel le liquide et le solide sont également de même composition, mais qui est un point anguleux.

Démonstration[modifier | modifier le code]

On considère un mélange binaire (ne contenant que deux espèces chimiques, notées et ) à l'équilibre de deux phases quelconques (notées et ). Dans cet état on note :

  • la pression ;
  • la température ;
  • et les fractions molaires respectives des corps et en phase  ;
  • et les fractions molaires respectives des corps et en phase  ;
  • et les potentiels chimiques respectifs des corps et en phase  ;
  • et les potentiels chimiques respectifs des corps et en phase .

Puisque l'on est à l'équilibre des phases et , on a les relations entre potentiels chimiques :

Si l'on fait varier la température de à ou la pression de à , les potentiels chimiques varient. Si l'on reste à l'équilibre des phases, on a au nouvel équilibre :

D'où les relations entre variations des potentiels chimiques :

(1a)
(1b)

La relation de Gibbs-Duhem lie les variations des diverses grandeurs pour chacune des deux phases :

(2)

avec :

  • et les volumes molaires respectifs des phases et  ;
  • et les entropies molaires respectives des phases et .

En effectuant la différence des deux relations on obtient :

En introduisant les relations (1a) et (1b) dans la relation précédente, on obtient :

(3)

Les contraintes sur les fractions molaires :

permettent d'écrire :

que l'on introduit dans (3) :

Aussi, si l'on travaille à température constante () un extrémum de pression () conduit à l'égalité :

(4)

La relation de Gibbs-Duhem (2) à température constante et à un extrémum de pression donne :

La relation (4) devient :

Il n'y a aucune raison pour qu'à l'extrémum le potentiel chimique ait lui-même atteint un extrémum : . Par conséquent l'extrémum de pression à température constante est atteint si , soit . Le raisonnement est identique si l'on travaille à pression constante () : un extrémum de température () ne peut être atteint que si . Puisque l'on considère un mélange binaire, on exclut le cas , c'est-à-dire le corps pur, et le cas , c'est-à-dire le corps pur.

Un extrémum de pression ou de température d'équilibre de deux phases d'un mélange binaire ne peut donc exister que si les deux phases ont la même composition, d'où le théorème de Gibbs-Konovalov[3].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Jean Hertz, « Historique en grandes enjambées de la thermodynamique de l’équilibre », J. Phys. IV France, vol. 122,‎ , p. 3-20 (lire en ligne [PDF], consulté le ).
  2. (en) David A. Goodman, John W. Cahn et Lawrence H. Bennett, « The Centennial of the Gibbs-Konovalov Rule for Congruent Points : Its Underlying Theoretical Basis and Its Application to Phase Diagram Evaluation », Bulletin of Alloy Phase Diagrams, vol. 2, no 1,‎ , p. 29-34 (lire en ligne [PDF], consulté le ).
  3. Fosset et al. 2017, p. 251.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Bruno Fosset, Jean-Bernard Baudin, Frédéric Lahitète et Valéry Prévost, Chimie tout-en-un PSI-PSI* : Le cours de référence, Dunod, , 3e éd., 400 p. (ISBN 978-2-10-077191-2, lire en ligne), p. 250-251.
  • Jean Vidal, Thermodynamique : application au génie chimique et à l'industrie pétrolière, Éditions TECHNIP, coll. « Publications de l'Institut français du pétrole », , 500 p. (ISBN 978-2-7108-0715-5, lire en ligne), p. 190.
  • Michel Soustelle, Transformation entre phases, vol. 5, Londres, ISTE Editions, coll. « Thermodynamique chimique approfondie », , 240 p. (ISBN 978-1-78405-123-5, lire en ligne), p. 66.
  • J. Mesplède, Chimie : Thermodynamique Matériaux PC, Éditions Bréal, coll. « Les nouveaux précis Bréal », (ISBN 978-2-7495-2064-3, lire en ligne), p. 136.

Articles connexes[modifier | modifier le code]