Tambora

Tambora
Vue du Tambora et de sa caldeira formée durant l'éruption de 1815.
Vue du Tambora et de sa caldeira formée durant l'éruption de 1815.
Géographie
Altitude 2 850 m
Massif Sumbawa
Coordonnées 8° 14′ 47″ sud, 117° 57′ 31″ est
Administration
Pays Drapeau de l'Indonésie Indonésie
Province Petites îles de la Sonde occidentales
Kabupaten Bima, Dompu
Géologie
Âge 43 000-57 000 ans
Roches Trachyandésite, trachybasalte
Type Volcan de subduction
Morphologie Stratovolcan
Activité Actif
Dernière éruption Vers 1967
Code GVP 264040
Observatoire Directorate of Volcanology and Geological Hazards Mitigation
Géolocalisation sur la carte : Indonésie
(Voir situation sur carte : Indonésie)
Tambora
Géolocalisation sur la carte : petites îles de la Sonde
(Voir situation sur carte : petites îles de la Sonde)
Tambora

Le Tambora est un stratovolcan actif qui forme la péninsule de Sanggar de l'île de Sumbawa, dans l'archipel des Petites îles de la Sonde, en Indonésie. Le diamètre du volcan au niveau de la mer est d'environ 60 km, son altitude de 2 850 m. Avant l'éruption de 1815 qui a formé une caldeira de près de 6 km de diamètre et 1 110 m de profondeur, le volcan s'élevait à une altitude d'environ 4 300 m. Le volcan se situe 340 kilomètres au nord de la fosse de Java, une des zones sismiques les plus actives de la planète, et constitue un des éléments de la chaîne volcanique de la Sonde qui comptent des dizaines de volcans actifs comme le Krakatoa. Le Tambora est âgé d'environ 50 000 ans, ses laves sont très diversifiées ce qui est typique des zones de subduction. Ses éruptions peuvent ainsi être aussi bien effusives qu'explosives.

L'éruption de 1815 est la plus violente éruption volcanique connue dans les temps historiques, et surtout la plus meurtrière avec au moins 90 000 morts. Elle entraîna des perturbations climatiques telles que l'année 1816 est connue dans l'hémisphère nord comme l'année sans été. Les récoltes furent catastrophiques, et une famine frappa certaines régions d'Europe, d'Asie et d'Amérique du Nord. Les fouilles archéologiques montrent que l'éruption mit fin à la culture de Tambora, une culture autochtone florissante qui commerçait avec toute l'Asie du Sud-Est.

Aujourd'hui la péninsule de Sanggar abrite une importante biodiversité et des écosystèmes variés. En 2015 est créé le parc national de Tambora protégeant 716 km2 de forêt tropicale et de prairies d'altitude sur les flancs du volcan. L'activité du volcan est surveillée par des observatoires sismologiques afin de prévenir toute nouvelle catastrophe.

Géographie[modifier | modifier le code]

Situation[modifier | modifier le code]

Le Tambora, également parfois appelé Tamboro[1], est situé dans le nord de l'île de Sumbawa, qui fait partie des Petites îles de la Sonde[2]. Ces dernières constituent la partie sud de l'arc volcanique indonésien. Le Tambora forme la péninsule de Sanggar, séparée du sud et de l'ouest de l'île par la baie de Saleh faisant 86 kilomètres de long et 36 kilomètres de large[3]. Au nord, la péninsule de Sanggar est bordée par la mer de Florès[4].

Image en couleur du volcan entouré par la mer. Au centre de l'image la caldeira circulaire est nettement visible.
Vue satellite du Tambora au centre de la péninsule de Sanggar.

Le volcan forme un cône dont la base fait 60 kilomètres de diamètre, ce qui est plus large que la péninsule de Sanggar, la base se trouvant sous le niveau de la mer[2]. Le sommet du cône volcanique est tronqué et occupé par une caldeira de 6 km de diamètre. L'altitude du volcan est de 2 850 m[2].

Les environs immédiats du volcan sont entourés par quelques villages : Sanggar à l'est, Doro Peti et Pesanggrahan au nord-ouest, Calabai à l'ouest. Plus loin vers l'est, à une cinquantaine de kilomètres du cratère, se trouvent les villes de Dompu et Bima[5].

Économie[modifier | modifier le code]

L'agriculture est la première activité avec l'élevage et la riziculture. Il y a également des plantations d'anacardiers et de caféiers sur les basses pentes du volcan, principalement au nord-ouest[5].

La région est peu touristique mais le gouvernement cherche à le développer pour les principales activités qui sont la randonnée et les activités de pleine nature[6]. Par ailleurs, la région du Tambora attire des scientifiques du monde entier spécialistes en sismologie, volcanologie, archéologie et biologie[6]. Deux chemins d'accès à la caldeira sont possibles. Le premier depuis Doro Mboha au sud-est, d'abord en voiture puis par environ 1 heure de marche. C'est souvent le camp de base pour les activités scientifiques. Le second accès se fait depuis Pancasila au nord-ouest, entièrement à pied et nécessite 14 heures de marche[5].

Biodiversité[modifier | modifier le code]

Flore[modifier | modifier le code]

Photorgaphie montrant un homme marchant dans la montagne au milieu d'herbes hautes. Plus loin dans un vallon se trouve une forêt, puis une autre crête recouverte d'herbes.
Paysage de prairies et de forêts sur les flancs du Tambora.

Après la dévastatrice éruption de 1815, la vie sur les flancs du volcan est repartie de zéro. Une équipe dirigée par le botaniste suisse Heinrich Zollinger arrive à Sumbawa en 1847[7]. Ils sont les premiers à revenir dans la zone de la caldeira depuis la catastrophe, soit 32 ans. Zollinger désire étudier la zone de l'éruption et les effets de celle-ci sur l'écosystème local. Au cours de son ascension vers le sommet, qui est encore couvert de fumée, ses pieds s'enfoncent à plusieurs reprises dans une fine croûte superficielle recouvrant une couche chaude de soufre pulvérulent. La végétation a commencé à repousser, y compris des arbres sur les pentes inférieures. Lors de l'ascension une forêt de Casuarina est observée entre 2 200 et 2 550 mètres d'altitude, ainsi que plusieurs prairies d'Imperata cylindrica[7].

La réinstallation des habitants commence en 1907 ce qui va modifier le paysage avec notamment des plantations de café près du village de Pekat sur le versant nord-ouest[6]. Dans les années 1930 une forêt tropicale dense de Duabanga moluccana s'est développée entre 1 000 et 2 800 mètres d'altitude et recouvre une superficie de 80 000 hectares[6]. Cette forêt tropicale est explorée par une équipe néerlandaise, dirigée par Koster et de Voogd en 1933. D'après leurs récits, ils entament leur voyage dans un « pays assez stérile, sec et chaud » avant d'entrer, sur les pentes les plus basses, dans une « jungle imposante » avec d'« énormes et majestueux géants de la forêt »[6]. À 1 100 mètres d'altitude, les arbres deviennent plus minces. Au-dessus de 1 800 mètres, ils trouvent des plantes à fleurs Dodonaea viscosa accompagnées par des Casuarina. Au sommet se trouvent des Edelweiss et Wahlenbergia de façon clairsemée[6].

Faune[modifier | modifier le code]

Une étude zoologique réalisée en 1896 recensait 56 espèces d'oiseaux, principalement des Zosteropidae. Depuis de nombreuses autres études ont suivi et de nos jours plus de 90 espèces d'oiseaux sont identifiées, parmi lesquelles le petit cacatoès à huppe jaune, la perruche de Geoffroy, le mainate religieux, le coq de Java, le loriquet arc-en-ciel, le milan sacré, le crécerelle d'Australie, le drongo de la Sonde, le zostérops à lunettes jaunes et des grives asiatiques[7].

Les savanes et forêts entourant le Tambora abritent également des cervidés comme le cerf rusa, des buffles domestiques, des cochons marrons, des macaques crabier, plusieurs espèces de chauves-souris[6], ainsi que diverses espèces de reptiles dont le varan malais et le python tapis[8].

Conservation[modifier | modifier le code]

Dessin couleur montrant un volcan bleu sombre avec un grand cratère blanc, un sapin sur son flanc, un cerf bondissant au premier plan dans des herbes vertes et jaunes.
Logo du parc national de Tambora.

Certaines espèces d'oiseaux comme les loriquets ou les cacatoès sont chassées illégalement par la population locale pour le trafic d'animaux exotiques. D'autres espèces sont chassées traditionnellement pour la consommation de viande comme le mégapode de Reinwardt. Ces activités entraînent un déclin des populations d'oiseaux. Ainsi, le petit cacatoès à huppe jaune est proche de l'extinction sur l'île de Sumbawa[7].

Une concession d'exploitation forestière située sur les pentes du Tambora est accordée par le gouvernement en 1972, ce qui constite une menace pour la forêt tropicale à long terme. Cette concession pour la coupe de bois représente une superficie de 20 000 hectares, soit 25 % de la superficie totale de la forêt du Tambora. Par ailleurs, une autre partie de la forêt tropicale est utilisée comme terrain de chasse[6]. Entre les deux se trouve une réserve naturelle abritant de nombreux animaux sauvages.

En 2015, soit exactement 200 ans après l'éruption cataclysmique, la réserve naturelle et la réserve de chasse fusionnent pour former un nouveau parc national indonésien[9]. Le parc national de Tambora couvre 716 km2. En 2017 la zone de conservation se voit également attribuer le statut de géoparc[10].

Géologie[modifier | modifier le code]

Carte couleur montrant les frontières de plaques tectoniques dont la zone de subduction de la Sonde, en forme d'arc.
Contexte tectonique de la région (l'île de Sumbawa est située sous la flèche du numéro 11).

Contexte et formation[modifier | modifier le code]

Le Tambora est situé à 340 kilomètres au nord de la fosse de Java et environ 180 kilomètres au-dessus de la surface supérieure de la plaque tectonique australienne qui s'enfonce dans la zone de subduction de la Sonde. Cette subduction étant de type océan-océan, l'île de Sumbawa est donc entourée de croûte océanique, ce qui détermine la nature des laves du volcan[11]. La vitesse de convergence de la plaque australienne, vers le nord, sous la plaque de la Sonde est de 7,8 centimètres par an[12].

Les estimations de l'âge du début de l'activité volcanique du Tambora vont de 57 000[3] à 43 000 ans. Cette dernière estimation publiée en 2012 est basée sur la datation à l'argon des premières coulées de lave pré-caldeira[13]. L'activité volcanique du Tambora draine une grande chambre magmatique préexistante sous l'île de Sunbawa. L'île de Moyo s'est également formée dans le cadre de ce processus géologique au cours duquel la baie de Saleh est apparue pour la première fois il y a environ 25 000 ans[3].

Pétrographie[modifier | modifier le code]

Photographie couleur montrant un mille-feuille de fines couches de roche brunâtre. Plus loin un sommet de montagne apparaît.
Couches de tephra près du sommet du Tambora, qui est visible en arrière-plan.

Le Tambora peut aussi bien émettre des laves fluides que connaître des éruptions explosives. Le Tambora produit des trachybasaltes et des trachyandésites riches en potassium. Ces roches volcaniques contiennent des phénocristaux d'apatite, de biotite, de clinopyroxène, de leucite, de magnétite, d'olivine et de plagioclase, la composition exacte des phénocristaux variant d'un type de roche à l'autre[2]. L'orthopyroxène est absent des trachyandésites du Tambora. L'olivine est surtout présente dans les roches contenant moins de 53 % de silice, tandis qu'elle est absente des roches volcaniques plus riches en celle-ci, caractérisées par la présence de phénocristaux de biotite[14]. Les séries mafiques contiennent également de la magnétite titanique et les trachybasaltes sont dominés par des plagioclases riches en anorthosite[14]. Le rubidium, le strontium et le pentoxyde de phosphore sont particulièrement présents dans les laves du Tambora, bien plus que dans les laves comparables du mont Rinjani voisin. Les laves du Tambora sont légèrement enrichies en zircon par rapport à celles du Rinjani[14].

Le magma impliqué dans l'éruption de 1815 provenait du manteau avec des contaminations lors de sa remontée par les sédiments subductés et autres roches issues de la fusion de la croûte subductée. La composition du magma porte l'empreinte de processus de cristallisation fractionnée dans les chambres magmatiques[13]. Les rapports 87Sr/86Sr mesurés au Tambora sont similaires à ceux du mont Rinjani, mais montrent des valeurs inférieures à celles mesurées au Sangeang Api[11]. Les niveaux de potassium des roches issues du Tambora dépassent 3 %, ce qui les place dans la gamme des shoshonites pour les séries alcalines[15].

Depuis l'éruption de 1815, les dépôts les plus bas sont constitués de séquences superposées de lave et de matériaux pyroclastiques. Environ 40 % des couches sont représentées par des coulées de lave de 1 à 4 m d'épaisseur[16] et d'épaisses couches de scories ont été produites par l'altération des coulées de lave. Dans les dépôts supérieurs, la lave est intercalée avec des scories, des tufs, des coulées pyroclastiques et des retombées pyroclastiques[16]. Le Tambora compte au moins vingt cônes volcaniques annexes[12] ainsi que des dômes de lave, dont le Doro Afi Toi, le Kadiendi Nae, le Molo et le Tahe[1]. Ces évents annexes produisent principalement des coulées de lave basaltique[12].

Histoire éruptive[modifier | modifier le code]

Histoire globale[modifier | modifier le code]

Carte physique de Java et îles de la Sonde.
L'alignement de volcans de l'arc de la Sonde, du Krakatoa à l'ouest jusqu'au Tambora à l'est.

La datation au radiocarbone a permis d'établir que le Tambora a connu trois éruptions au cours de l'Holocène (12 000 ans à aujourd'hui), avant l'éruption catastrophique de 1815, mais l'ampleur de ces éruptions n'est pas connue. Leurs dates estimées sont 3910 av. J.-C. ± 200 ans, 3050 av. J.-C. et 740 apr. J.-C. ± 150 ans[1]. Une caldeira antérieure fut remplie par des coulées de lave à partir de 43 000 ans avant notre ère (phénomène non explosif). Deux éruptions pyroclastiques se sont produites par la suite pour former les formations de Black Sands et de Brown Tuff, la dernière s'étant mise en place entre 3895 av. J.-C. et 800 apr. J.-C.[13].

À partir de 1812, le Tambora devient très actif, avec une intensité éruptive maximale en avril 1815[1]. La magnitude atteinte est de 7 sur l'échelle de l'indice d'explosivité volcanique (VEI), avec un volume total d'éjecta de tephra estimé à 1,8 × 1011 m3[1]. Ses caractéristiques comprennent des éruptions explosives du cratère principal, des coulées pyroclastiques, des tsunamis et l'effondrement de la caldeira. Cette éruption eut des effets sur le climat mondial. L'activité volcanique cesse le 15 juillet 1815. Une activité reprend en août 1819 - une petite éruption avec des gaz enflammés et des répliques explosives- considérée comme faisant partie de l'éruption de 1815[4]. Cette éruption secondaire est estimée à 2 sur l'échelle VEI[1].

Vers les années 1880, des éruptions du Tambora sont observées à l'intérieur de la caldeira[1], créant de petites coulées de lave et des extrusions de dômes de lave. Elles sont estimées à 2 sur l'échelle VEI. Cette série d'éruptions créée le cône secondaire Doro Api Toi à l'intérieur de la caldeira[16].

Au cours des XIXe et XXe siècles, le Tambora est toujours actif de temps à autre, des coulées de lave de faible ampleur et des dômes sont observés sur le fond de la caldeira[1]. La dernière éruption officiellement enregistrée date de 1967. Cependant, il s'agissait d'une éruption très modeste avec un indice de 0 sur l'échelle VEI, ce qui signifie qu'elle n'était pas explosive[17]. Une autre éruption très faible est signalée en 2011[18]. En août 2011, le niveau d'alerte pour le volcan est relevé de I à II après qu'une activité accrue a été signalée dans la caldeira, consistant en de petites secousses et l'émission d'un panache de cendres dans l'atmosphère[19]. Ceci entraîne un début d'exode de la population locale qui reviendra sur place une fois le volcan calmé[20].

Éruption de 1815[modifier | modifier le code]

Vue satellite de la caldeira.

L'éruption du Tambora en avril 1815 est considérée comme l'éruption la plus violente des temps historiques, aux côtés de celle du volcan de l'ancienne île de Santorin, situé en Grèce, en 1610 avant Jésus-Christ, et celle du volcan Taupo, situé en Nouvelle-Zélande, en 230. L'éruption du Tambora eut une puissance surpassant de dix mille fois celles des bombes A d'Hiroshima et de Nagasaki réunies[21]. Les explosions du volcan ont été entendues à plus de 1 400 km de distance. Des tsunamis se sont abattus sur les îles alentour à plusieurs centaines de kilomètres de distance. L'éruption même du volcan tua environ 92 000 personnes.

L'éruption eut d'importantes conséquences climatiques sur le plan mondial. Elle fut à l'origine de l'« année sans été » de 1816, qui entraîna des famines en Chine, Europe et Amérique du Nord qui firent plus de 200 000 victimes. Bien que ces bouleversements restèrent incompris des contemporains, par manque d'informations et de connaissances scientifiques, les répercussions furent ressenties dans le monde entier[22]. Le continent le plus touché est celui qui est le plus proche : l'Asie. Sur les îles alentour, après l'éruption, une obscurité presque complète fut engendrée pendants plusieurs jours par les aérosols en suspension dans l'atmosphère ; l'eau fut contaminée par les cendres et devint impropre à la consommation[22]. En Chine, les récoltes de riz furent calamiteuses en raison du froid. Des chutes de neige se sont produites en plein été. Toute la côte est des États-Unis fut également touchée ; il neigea en juin dans le Maine. De la glace fut observée sur les lacs en plein été en Pennsylvanie. Les récoltes furent détruites avant d'arriver à maturité, notamment au Massachusetts et au New Jersey. Enfin, l'Europe fut aussi sévèrement touchée[23],[24]. Des dépressions circulant habituellement tout au nord de l’Europe se retrouvèrent plus au sud : en Irlande, en Allemagne ou encore en France, des pluies torrentielles inondent une partie des terres durant l’été. L'ensoleillement est nul. La plupart des cultures meurent.

Globalement, la poussière du volcan resta fortement présente dans l'atmosphère pendant deux à trois ans[25].

Certains chercheurs estiment que Napoléon perdit en partie la bataille de Waterloo, qui s'est déroulée deux mois après l'éruption, à cause du mauvais temps induit par l'éruption[26]. Victor Hugo écrit dans Les Misérables : « S’il n’avait pas plu dans la nuit du 17 au 18 juin 1815, l’avenir de l’Europe était changé. Un nuage traversant le ciel à contresens de la saison a suffi pour l’écroulement d’un monde »[27].

L'éruption est évoquée dans le folklore de l'époque, qui explique le cataclysme par un châtiment divin. Un dirigeant local aurait encouru la colère d'Allah en donnant à manger de la viande de chien à un hajji et en le tuant[6].

Une étude scientifique de 2023 indique que les conséquences sont en partie liées à l'émission de plus 147 millions de tonnes de SO2 dans la stratosphère[28]. Cette nouvelle estimation fait de l'éruption de 1815 du Tambora la plus importante depuis 2 000 ans quant à la quantité de dioxyde de soufre dégazée[28].

Culture de Tambora[modifier | modifier le code]

Cartes de relief en couleur.
Comparaison à la même échelle du Tambora (image principale) et du Vésuve (en haut à droite).

La culture autochtone dite « de Tambora » fut anéantie par l'éruption de 1815. Elle est découverte en 2004 lors de fouilles archéologiques menées par l'équipe d'Haraldur Sigurðsson et composée de scientifiques de l'université de Rhode Island, de l'université de Caroline du Nord à Wilmington et de la Direction indonésienne de la volcanologie. Pendant six semaines, l'équipe met au jour des traces d'habitation à environ 25 kilomètres à l'ouest de la caldeira, au cœur de la jungle, et à 5 kilomètres du rivage. Elle excave un dépôt de pierre ponce et de cendres volcaniques de trois mètres d'épaisseur[29].

Les scientifiques ont utilisé un géoradar pour localiser les ruines constituées d'une petite maison contenant les ossements de deux adultes, des bols en bronze, des pots en céramique, des outils en fer et d'autres artefacts[29]. Des tests en laboratoire révèlent que les objets avaient été carbonisés par la chaleur intense du magma. Sigurðsson qualifie cette découverte de « Pompéi de l'Orient »[30] ; les médias parlent eux du « royaume perdu de Tambora »[31].

De nombreux villages de la région se sont convertis à l'islam au XVIIe siècle, mais les structures découvertes jusqu'à présent ne montrent pas d'influence islamique[31]. Sur la base des artefacts trouvés, tels que des objets en bronze et de la porcelaine finement décorée probablement d'origine vietnamienne ou cambodgienne, l'équipe conclut que les habitants étaient des commerçants aisés[31]. Avant l'éruption, les habitants de Sumbawa étaient connus en Asie du Sud-Est pour leurs chevaux, leur miel, leur bois rouge (pour la teinture) et leur bois de santal (pour l'encens et la médecine). La région était alors considérée comme très productive sur le plan agricole[29].

La langue du peuple de Tambora a également disparu avec l'éruption. Les linguistes ont examiné les vestiges lexicaux disponibles, tels que des enregistrements audio, et ont établi que le tambora n'était pas une langue austronésienne, comme on aurait pu s'y attendre dans la région, mais soit un isolat linguistique, soit une langue papoue dont la famille d'origine se situe 500 kilomètres plus à l'est[32].

Prévention du risque d'éruption[modifier | modifier le code]

Photographie couleur d'une plaine caillouteuse entourée de falaises rocheuses. Des fumées blanches s'échappent du sol.
Fond de la caldeira du Tambora avec fumerolles.

Depuis l'éruption de 1815, la population indonésienne ne cesse d'augmenter rapidement. En 2020, la population du pays compte 270 millions d'habitants, dont 56 % concentrés sur l'île de Java qui se trouve relativement proche[33]. Un événement aussi important que l'éruption de 1815 aurait un impact dévastateur sur environ 8 millions de personnes[34].

L'activité sismique du Tambora est surveillée par la Direction de la volcanologie et de la prévention des risques géologiques qui maintient un réseau national en Indonésie. La station de surveillance du Tambora est située dans le village de Doro Peti au nord-ouest du volcan et se concentre sur l'activité sismique et tectonique du volcan à l'aide de sismomètres[5]. Il n'y a pas eu d'augmentation significative de l'activité sismique depuis l'éruption de 1880. Une surveillance continue est également effectuée par des observations directes à l'intérieur de la caldeira, en particulier sur le cône secondaire Doro Api Toi affecté par des fumerolles et solfatares[35].

La Direction a créé un plan de prévention des risques pour le Tambora, qui désigne deux zones en cas d'éruption : une zone de danger et une zone de prudence. La zone de danger identifie les périmètres qui seraient directement touchées par les nuées ardentes, les coulées de lave ou les chutes d'éjectas. Elle comprend des périmètres telles que la caldeira et ses environs, soit une étendue de 58,7 kilomètres carrés où il est interdit d'habiter. La zone de prudence est constituée de terres susceptibles d'être indirectement affectées par les lahars et autres chutes de pierres ponces. La zone de prudence s'étend sur 185 kilomètres carrés et est habitée, elle comprend les villages de Pasanggrahan, Doro Peti, Rao, Labuan Kenanga, Gubu Ponda, Kawindana Toi et Hoddo. La rivière Guwu, située dans les parties sud et nord-ouest de la montagne, est également incluse dans la zone de prudence[36].

Image panoramique
Panorama de la caldeira du Tambora en 2017.
Voir le fichier

Notes et références[modifier | modifier le code]

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Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

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  • R. B. Stothers, « The Great Tambora Eruption of 1815 and Its Aftermath », Science, vol. 224, 1984, p. 1191-1198.
  • Alain Corbin, Terra incognita : : une histoire de l'ignorance, XVIIIe – XIXe siècle, Paris, Albin Michel, , 281 p. (ISBN 978-2-226-44931-3), p. 145

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