Siège de Tourane

Siège de Tourane
Description de cette image, également commentée ci-après
Navires alliés devant Tourane
1858
Informations générales
Date
Lieu Tourane, aujourd'hui Da Nang, au centre du Viêt Nam
Casus belli Exécution de missionnaires européens par les Vietnamiens.
Issue Retrait français et espagnol.
Belligérants
Drapeau de l'Empire français Empire français
Drapeau de l'Espagne Espagne
Drapeau de la dynastie Nguyễn Empire d'Annam
Commandants
Drapeau de la France Charles Rigault de Genouilly
Drapeau de la France François Page
Tự Đức
Nguyễn Tri Phương
Forces en présence
Une quinzaine de navires de guerre français et espagnols.
Environ 2 000 soldats français et espagnols à la fin de la guerre.
Au moins 10 000 (infanterie)
Pertes
Drapeau de la France Environ 250 inconnues

Campagne de Cochinchine

Batailles

Coordonnées 16° 01′ 55″ nord, 108° 13′ 14″ est
Géolocalisation sur la carte : Viêt Nam
(Voir situation sur carte : Viêt Nam)
Siège de Tourane

Le siège de Tourane, de à , est un épisode mineur de la campagne de Cochinchine. Il s'agit d'une expédition punitive franco-espagnole dirigée par l'amiral Charles Rigault de Genouilly. Elle réussit à s'emparer des forts de la baie de Tourane (aujourd'hui Đà Nẵng), mais fut obligée de réembarquer après vingt mois sur place, sans succès décisif.

Contexte[modifier | modifier le code]

En 1857, l'empereur Tự Đức avait fait exécuter deux missionnaires catholiques espagnols. Le gouvernement français avait déjà fermé les yeux sur de telles exactions, mais cette fois, le contexte était différent : Les occidentaux venaient d'envoyer une expédition militaire contre les Chinois lors de la seconde guerre de l'opium et les Français avaient des troupes disponibles pour intervenir au Viêt Nam. Napoléon III donne son accord en à l'amiral Rigault de Genouilly pour une action punitive. Au mois de septembre suivant, une flotte franco-espagnole arriva à Tourane (actuelle Đà Nẵng), dont la baie protégée pouvait constituer une bonne base pour une expédition en Annam.

Ordre de bataille[modifier | modifier le code]

Alliés[modifier | modifier le code]

Français : le navire amiral la frégate de 50 canons Némésis avec les corvettes Primauguet, Phlégéton armées de 12 canons, les canonnières à vapeur Alarme, Avalanche, Dragonne, Fusée et Mitraille et en support les transports Dordogne, Durance, Gironde, Meurthe et Saône. Deux bataillons d'infanterie de marine, 1 000 hommes et une batterie d'artillerie de marine.

Espagnols : le navire El Cano et 1 000 soldats venant des garnisons des Philippines, soit 550 Espagnols et 450 Philippins d'infanterie légère (principalement d'ethnies Tagalog et Visayas, connus par les Français sous le nom de « chasseurs Tagals »)[1],[2],[3].

Vietnamiens[modifier | modifier le code]

Une garnison de 2 000 hommes était commandée par le mandarin Le Dinh Ly. La baie était défendue par deux forts de Kien-Chan sur la côte ouest et par cinq forts sur la péninsule de Tien-Châ, qui contrôlaient l'embouchure du fleuve Han et l'accès à la ville. Sur la côte ouest de la péninsule se trouvaient, du nord au sud, le fort du nord, le fort de l'observatoire, au bout d'une jetée, le fort de l'Aiguade et le fort de l'est, à l'est de l'embouchure du fleuve. Le fort de l'ouest se trouvait de l'autre côté du fleuve. Entre ces forts étaient déployées des batteries de canons. Après coup, Rigault de Genouilly expliqua que ces forts étaient défendus par des canons de calibre conséquent, avec de la poudre anglaise et des affûts modernes, et que l'infanterie était équipée de fusils belges et français modernes.

Première phase[modifier | modifier le code]

Débarquement des troupes de marine en 1858.

Arrivé dans la baie durant la nuit du , le corps expéditionnaire plaça ses navires en face des forts de la péninsule de Tien-Châ le au matin. Rigault de Genouilly les somma de se rendre sous deux heures en envoyant un pli au fort de l'Aiguade. En l'absence de réponse il fit ouvrir le feu.

Au nord les canons furent rapidement réduits au silence et le capitaine de vaisseau Reynaud débarqua ses compagnies de la Némésis, du Primauguet et du Phlégéton, prenant le fort de l'Aiguade et les batteries qui se trouvaient à l'ouest sans grande résistance. Arrivés là ils subirent une contre-offensive vietnamienne.

Au sud, deux canonnières et le EL Cano bombardèrent les forts, un incendie fut allumé par un obus dans le fort de l'est, ce qui mit en déroute ses défenseurs, ceux du fort de l'ouest firent de même et l'ensemble des troupes vietnamiennes se retira vers la ville. La péninsule de Tien-Châ était aux mains des alliés.

Les défenseurs du fort de l'observatoire, piégés, se défendirent jusqu'au bout et furent tués. Les pertes des alliés furent faibles et aucun dégât ne fut à déplorer sur les navires.

Seconde phase[modifier | modifier le code]

Détail d'une illustration vietnamienne du siège de Tourane (1859) : on distingue la péninsule de Tien-Châ à droite, ainsi que les forts de l'est et de l'ouest encadrant l'embouchure du Han, et Tourane plus au sud. Les forts de Kien Chan sont représentés à gauche, de l'autre côté de la baie.

Rigault de Genouilly quitta les lieux le avec l'essentiel de ses forces pour attaquer Saïgon, ne laissant au capitaine de vaisseau Toyon que le Phlégéton, le Primauguet, trois canonnières, l'aviso espagnol et de 2 176 hommes embarqués sur deux transports pour tenir Tourane. En face l'armée vietnamienne était commandée par Nguyen Tri Phong, qui décida d’assiéger la péninsule, en pratiquant la politique de la terre brûlée, dans l'espoir d'affamer ses défenseurs.

Rigault de Genouilly fut de retour en avril après avoir pris Saïgon le et il y eut plusieurs attaques françaises pour détruire les tranchées et capturer des canons qui furent réutilisés.

Engagement de Cam Le, 15 septembre 1859[modifier | modifier le code]

Renforcé de compagnies de fusiliers marins, Rigault de Genouilly attaqua en formant trois colonnes, l'une sous les ordres du lieutenant-colonel Reybaud, une autre commandée par le colonel Lanzarote et la troisième par le capitaine de vaisseau Reynaud, avec une forte réserve sous les ordres du chef de bataillon Breschin. Ils perdirent 50 hommes, tuèrent plusieurs centaines de Vietnamiens et capturèrent 40 canons. Le général vietnamien Le Dinh Lai fut mortellement blessé durant le combat[4].

Malgré ce succès tactique, les Français ne purent briser le siège. Le choléra se déclara parmi les assiégés et sur les navires : entre le 1er et le , il fit 200 victimes ; un bataillon qui avait rejoint la garnison à la fin du mois d' perdit un tiers de son effectif en deux mois[5],[6].

Dans le même temps, les troupes vietnamiennes passèrent à 10 000 hommes. Le résultat global fut politiquement critiqué et l'amiral Rigault de Genouilly fut remplacé à l'automne par l'amiral François Page.

Capture des forts de Kien Chan, 18 novembre 1859[modifier | modifier le code]

La route de Tourane à Hué .

Arrivé à Tourane le , l'amiral François Page mena des pourparlers de paix offrant un retrait sous condition de la signature d'un traité commercial, de l'implantation d'un consul et la fin des persécutions. Les Vietnamiens refusèrent ces conditions, pariant que les Français finiraient par se retirer les mains vides.

L'amiral Page ordonna donc une nouvelle attaque, cette fois contre les forts de Kien Chan, qui barraient la route vers Hué. Le , le Némésis, le Phlégéton, le Prégent et le Norzagaray, les canonnières Avalanche et Alarme, le transport Marne et l'espagnol Jorgo Juan (qui avait remplacé le El Cano) s'ancrèrent en face des forts pour les bombarder. Les forts furent détruits, mais leurs canons eurent le temps de faire plusieurs victimes ; le lieutenant-colonel Dupré-Déroulède du génie et un marin furent tués d'un boulet à quelques pas de l'amiral. Une fois les forts réduits au silence, les Français débarquèrent, pour les trouver abandonnés. Encore une fois cette victoire tactique ne déboucha sur aucun avantage réel[7],[8].

Évacuation de Tourane, 22 mars 1860[modifier | modifier le code]

Les Français décidèrent d'évacuer Tourane pour concentrer leurs efforts autour de Saïgon. Ils commencèrent leurs préparatifs en février, faisant sauter tous les forts qu'ils avaient saisis et brûler tous leurs baraquements. Ils ne laissèrent que le cimetière où étaient enterrés leurs morts. Le dernier soldat s'embarqua le , sans réaction des Vietnamiens.

Bien que l'expédition ait été un échec, dont l'empereur Tu Duc fit le symbole de la résistance à l'étranger, elle n'eut pas de vraie conséquence sur la guerre, qui se poursuivit encore deux ans.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Gundry, 6 [1]
  2. Thomazi 1934, p. 29.
  3. Thomazi 1931, p. 24–25.
  4. Chapuis, 48
  5. Thomazi 1934, p. 38.
  6. Thomazi 1931, p. 26.
  7. Thomazi 1934, p. 40.
  8. Thomazi 1931, p. 27.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sources et bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Auguste Thomazi, La Conquête de l'Indochine, Paris,  ;
  • Auguste Thomazi, Histoire militaire de l'Indochine français, Hanoï,  ;
  • (en) Oscar Chapuis, The last emperors of Vietnam : from Tu Duc to Bao Dai, Westport, Conn., Greenwood Press, coll. « Contributions in Asian studies », , 185 p. (ISBN 978-1-567-50733-1 et 1-567-50733-6, OCLC 56119222) ;
  • (en) R.S. Gundry, China and Her Neighbours, Londres, 1893 ;

Fictions littéraires ayant pour décors le siège de Tourane[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]