Rouge-brun

Karl-Otto Paetel, Le Fascisme rouge.

Le terme rouge-brun également appelé communofascisme (en russe: Коммунофаши́зм) ou ses partisans fascistes rouges (en russe : красные фашисты) désigne une personne, ou une mouvance politique, susceptible de prôner des valeurs hybrides résultant d'un mélange entre celles de l'extrême-droite nationaliste (le brun) et l'extrême-gauche communiste (le rouge). Ces termes sont évoqués par les hommes politiques et les journalistes d'orientation libérale-démocrate pour désigner un ensemble de forces politiques qui prêchent l'idéologie communiste et ultranationaliste[1].

Origines[modifier | modifier le code]

Le terme apparaît en Russie en 1992, « pour fustiger le Front de salut national, qui regroupait l’extrême droite populiste et les conservateurs communistes »[2],[3].

Une notion débattue[modifier | modifier le code]

Jean-Yves Camus indique que le national-bolchévisme, « courant ultra-minoritaire » de la révolution conservatrice allemande, est « le seul courant qui pourrait s’en rapprocher »[3]. Selon Nicolas Lebourg, les mouvements dits rouges-bruns suivent « une ligne lexico-stratégique qui s'est développée à diverses reprises depuis que l'intellectuel conservateur et candidat malheureux à la SS Armin Mohler théorisa historiographiquement en 1948 la jonction des extrêmes », et que la formule « rouge-brun » « a été mise en scène en France avec un talent certain par un groupuscule nationaliste-révolutionnaire, Nouvelle Résistance, se reconnaissant dans la période la plus révolutionnaire du phénomène fasciste et s'inspirant de la plus extrême droite sous Weimar[4] ».

Nicolas Lebourg voit dans la notion « un mythe mobilisateur, une ligne discursive. Quand on analyse les mouvements dits « rouges-bruns » on ne trouve pas d'alliage avec la gauche, ni dans le capital militant, ni dans le substrat idéologique. C'est une affaire de propagande et d'auto-représentation[4] ». Le journaliste Kévin Boucaud-Victoire estime qu'il s'agit d'un « épouvantail » inventé par les libéraux, mais sans vraie existence[5].

Au contraire, Rudy Reichstadt estime qu'elle « renvoie à une réalité objective », tout en concédant qu'elle « échoue sans doute à qualifier correctement les convergences qu’on observe autour de personnalités comme Dieudonné, Alain Soral et Thierry Meyssan, où entrent non seulement de l’antisémitisme mais aussi un attrait particulier pour les théories du complot et une fascination à l’égard des régimes autoritaires… Et une culture marxiste absente ou dévoyée. Bref, beaucoup de brun et pas beaucoup de rouge[4] ».

Le politologue Alexandre del Valle actualise la notion dans la formulation "rouge brun vert" pour désigner une proximité supplémentaire avec un Islam réactionnaire[6],[7].

Dans Les Nouveaux Rouge-Brun: le racisme qui vient (2014)[8], l'anthropologue Jean-Loup Amselle note le regain de pertinence des "rouge brun" dans le développement de nouvelles formes de racismes concernant les deux extrêmes politiques. Il prend pour exemples les Indigènes de la République, Dieudonné, Soral, la militante anti-genre Farida Belghoul.

Le documentaire de Bertrand Delais L'Idiot international: un journal politiquement incorrect (2017)[9] relate l'apparition du terme « rouge-brun » dans le débat idéologique français à l'occasion de la controverse née de la publication en de la chronique « Vers un front national » de Jean-Paul Cruse en première page de L'Idiot international, appelant à « forger une nouvelle alliance » regroupant « Pasqua, Chevènement, les communistes et les ultra-nationalistes ». Cette chronique est ensuite violemment dénoncée par la journaliste Mariette Besnard et le romancier Didier Daeninckx, proches de l'extrême-gauche, dénonçant, entre autres, L'Idiot comme un « laboratoire national-communiste » ()[10]. Le documentaire s'appuie sur les récits de figures emblématiques qui ont politiquement migré de la gauche extrême à la droite extrême : Gilbert Collard, Alain Soral, Alain de Benoist.

France[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (ru) Моченов В., Никулин С., Ниясов А., Савваитова М., Словарь современного жаргона российских политиков и журналистов,‎ , 443 p. (ISBN 5-224-04486-3)
  2. Nicolas Lebourg, « Jacques Sapir, le présent d'une illusion », sur Slate, (consulté le )
  3. a b et c Abel Mestre, « Histoire d’une notion : « Rouge-brun », cent ans d’alliances des extrêmes », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  4. a b c et d « Complot, théorie du complot… et si on s’arrêtait deux minutes ? », sur Conspiracy Watch, (consulté le )
  5. « Les libéraux et l'épouvantail rouge-brun », sur lemediapresse.fr,
  6. « Alexandre Del Valle », sur www.c-e-r-f.org (consulté le )
  7. Alexandre Devecchio, « « Le modèle de société offert par les islamistes n'est pas très éloigné du stalinisme » », Le Figaro,‎ (ISSN 0182-5852, lire en ligne, consulté le )
  8. Jean-Loup Amselle, Les nouveaux rouges-bruns : Le racisme qui vient, Paris, Nouvelles Editions Lignes, , 116 p. (ISBN 978-2-35526-138-1, lire en ligne)
  9. « «L'Idiot International», un journal politiquement incorrect », sur television.telerama.fr (consulté le )
  10. « National-bolchevisme : de nouvelles convergences pour un front anti-système ? », REFLEXes,‎ (lire en ligne), mise à jour le 29 mars 2009.
  11. Philippe Goulliaud, « Enquête sur la nébuleuse «rouge brune » », sur www.lefigaro.fr, Le Figaro, (consulté le )

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]