Rivière atmosphérique

Imagerie de la vapeur d'eau sur le Pacifique oriental prise depuis le satellite GOES 11, montrant une large rivière atmosphérique Pineapple Express au-dessus de la Californie en décembre 2010.

Une rivière atmosphérique est un corridor étroit ou filament d'humidité concentrée dans l'atmosphère. Ce phénomène consiste en bandes étroites de transport de vapeur d'eau, typiquement le long des frontières entre les grandes zones de circulation d'air, incluant des zones frontales en association avec les cyclones extra-tropicaux qui se forment au-dessus des océans[1]. Ces rivières permettent de produire des précipitations plus importantes que la moyenne lorsqu'elles sont associées à des dépressions des latitude moyennes.

Ce phénomène est associé à des événements de pluies abondantes dont les plus connus sont le Pineapple Express sur la côte de l'Amérique du Nord, certains événements de pluie torrentielle sous orage dans la vallée du Mississippi et certaines tempêtes hivernales de la côte ouest de l'Europe[2].

Description[modifier | modifier le code]

Bien que le phénomène soit connu depuis longtemps des météorologues, le terme fut proposé par les chercheurs Reginald Newell et Young Zhu du Massachusetts Institute of Technology, au début des années 1990, pour refléter l'étroitesse des panaches d'humidité impliqués[3]. Les rivières atmosphériques sont typiquement de l'ordre de plusieurs milliers de kilomètres de long et seulement quelques centaines de kilomètres de large, et une seule rivière peut transporter un plus grand flux d'eau que la plus grande des rivières terrestres, l'Amazone[1]. À tout moment, il existe typiquement 3 à 5 de ces panaches étroits présents dans un hémisphère, apportant l'humidité des tropiques vers les latitudes plus nordiques.

Effets[modifier | modifier le code]

Image du jour de la NASA du 26 octobre 2017, montrant une rivière atmosphérique connectant l'Asie à l'Amérique du Nord, en couverture du rapport de la 4e évaluation nationale du climat.

Les rivières atmosphériques ont un rôle central dans le cycle global de l'eau[4]. N'importe quel jour donné, les rivières atmosphériques comptent pour plus de 90 % du transport global de vapeur d'eau méridional (nord-sud), mais elles couvrent cependant moins de 10 % de la circonférence de la Terre. Le rapport de la 4e évaluation nationale du climat (NCA4 - Fourth National Climate Assessment (en)), publié par le programme de recherche américain sur le changement mondial (USGCRP - U.S. Global Change Research Program) le 23 novembre 2018, confirma ainsi que 30 à 50 % des précipitations sur la Californie et la côte ouest des États-Unis proviennent de ce phénomène[5].

Elles sont le plus souvent la cause majeure des évènements de précipitations extrêmes qui ont pour conséquence de graves inondations dans beaucoup de régions de moyennes latitudes, notamment la côte ouest du continent nord américain[6],[7], l'Europe de l'Ouest[8],[9] et la côte ouest du nord de l'Afrique[10]. Par exemple, l'épisode de Pineapple Express monté dans l'image ci-dessus, fut particulièrement intense. Il produisit 660 mm de précipitations en Californie et jusqu'à 520 cm de neige dans la Sierra Nevada du 17 au 22 décembre 2010. Un autre épisode a causé la Grande inondation de 1862, la plus importante dans l'histoire de la Californie. De la même façon, l'Europe de l'Ouest quant à elle, est affectée par une rivière atmosphérique (baptisée « Rhum Express » par Christophe Cassou, climatologue au CNRS de Toulouse), provenant directement des Caraïbes ou plus largement de l'Atlantique Tropical Ouest[11].

La couverture du rapport de la 4e évaluation nationale du climat (NCA4) présente une image de la NASA en couleur réelles des conditions régnant dans le nord-est du Pacifique le 20 février 2017. Le rapport indique que cette rivière atmosphérique a mis un terme "étonnant" à la sécheresse qui sévit depuis cinq ans dans l'Ouest américain : "certaines régions de la Californie ont reçu presque deux fois plus de pluie dans un seul déluge que les 5 mois précédents (octobre-février)". Jesse Allen, de l'Observatoire de la Terre de la NASA, a créé la visualisation de la couverture du rapport NCA4 avec des données de l'instrument Visible Infrared Imaging Radiometer Suite (VIIRS) sur le satellite Suomi NPP (Suomi National Polar-orbiting Partnership)[12].

Une étude de 2019 montre par ailleurs qu'une augmentation continue de l'activité des rivières atmosphériques pourrait être à l'origine de l'augmentation de la fréquence de la fonte de la glace et avoir des conséquences sur sa stabilité[13]. En Antarctique, 60 % des vêlages de la calotte glaciaire entre 2000 et 2020 ont été déclenchés par l'arrivée de rivières atmosphériques[14].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Michael Dettinger et Lynn Ingram, « Les rivières atmosphériques », Climatologie, sur pourlascience.fr, Pour la Science, (consulté le ).
  2. Delphine Bossy, « Davantage d'inondations à cause des rivières atmosphériques », Climatologie, sur futura-sciences.com, Futura-Sciences, (consulté le ).
  3. (en) Reginald E. Newell, Nicholas E. Newell, Yong Zhu et Courtney Scott, « Tropospheric rivers? – A pilot study », Geophys. Res. Lett., vol. 19, no 24,‎ , p. 2401–2404 (DOI 10.1029/92GL02916, Bibcode 1992GeoRL..19.2401N, lire en ligne)
  4. Vincent Favier, Jonathan Wille, Cécile Agosta, Charles Amory, Léonard Barthélémy, Francis Codron, Élise Fourré, Irina Gorodetskaya, Gerhard Krinner et Benjamin Pohl, « Les rivières atmosphériques de l’Antarctique », La Météorologie, vol. 117,‎ , p. 19-23 (lire en ligne)
  5. (en) National Climate Assessment (NCA), « Chapter 2: Our Changing Climate » [PDF], Washington, DC, USGCRP, (consulté le ).
  6. (en) Paul J. Neiman et al., « Landfalling Impacts of Atmospheric Rivers: From Extreme Events to Long-term Consequences », The 2010 Mountain Climate Research Conference,‎ (lire en ligne [PDF])
  7. (en) Paul J. Neiman et al., « Diagnosis of an Intense Atmospheric River Impacting the Pacific Northwest: Storm Summary and Offshore Vertical Structure Observed with COSMIC Satellite Retrievals », Monthly Weather Review, vol. 136, no 11,‎ , p. 4398–4420 (DOI 10.1175/2008MWR2550.1, Bibcode 2008MWRv..136.4398N, lire en ligne)
  8. (en) « Atmospheric river of moisture targets Britain and Ireland », CIMSS Satellite Blog, (consulté le ).
  9. (en) A. Stohl, C. Forster et H. Sodermann, « Remote sources of water vapor forming precipitation on the Norwegian west coast at 60°N–a tale of hurricanes and an atmospheric river », Journal of Geophysical Research, vol. 113,‎ (DOI 10.1029/2007JD009006/abstract, lire en ligne [PDF], consulté le )
  10. (en) Richard A. Kerr, « Rivers in the Sky Are Flooding The World With Tropical Waters », Science, vol. 313, no 5786,‎ , p. 435 (PMID 16873624, DOI 10.1126/science.313.5786.435, lire en ligne [PDF])
  11. « Fortes chaleurs et pluies diluviennes : qu'est-ce que la rivière atmosphérique "Rhum Express" ? », sur tf1info.fr, (consulté le ).
  12. (en) D. J. Wuebbles, D. W. Fahey, K. A. Hibbard, =D. J. Dokken, B. C. Stewart et T. K. Maycock, Climate Science Special Report (CSSR), vol. 1, Washington, DC, U.S. Global Change Research Program, coll. « Fourth National Climate Assessment », , 470 p., PDF (DOI 10.7930/J0J964J6, lire en ligne)
  13. (en) Jonathan D. Wille, Vincent Favier, Ambroise Dufour, Irina V. Gorodetskaya, John Turner et Francis Codron, « West Antarctic surface melt triggered by atmospheric rivers », Nat. Geosci., no 12,‎ , p. 911-916 (DOI 10.1038/s41561-019-0460-1, lire en ligne [html])
  14. E. D., « Des rivières aériennes menacent l'Antarctique », Pour la science, no 537,‎ , p. 12.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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