Rinceau

Deux enroulements d'un rinceau, peuplé d'oiseaux. Mosaïque antique de Rome, Ier ou IIe siècle.
Rinceau antique romain en relief, exposé au Composanto de Pise.
Rinceaux paléochrétiens en mosaïque. Mausolée de Galla Placidia de Ravenne, Ve siècle.
Rinceau indien de Pataliputra, indiquant une forte influence hellénistique. empire Maurya, IIIe siècle av. J.-C.

Le rinceau est un motif ornemental constitué d'une tige se développant en volutes et en contre-volutes, ornée le plus souvent de feuillages, de fleurs ou de fruits. Cette arabesque sert d'ornement en architecture ou dans les arts décoratifs[1].

Description[modifier | modifier le code]

Ce sont des motifs composés de feuillages et tiges végétales à enroulements successifs plus ou moins rythmés et ordonnés, souvent déployés sous forme de frises mais pouvant aussi couvrir des surfaces plus importantes. Les végétaux représentés les plus classiques depuis l'Antiquité sont l'acanthe et la vigne. Ils intègrent parfois des roses et peuvent figurer toutes sortes de plantes à fleurs. Les rinceaux sont avant tout des motifs imaginaires et composites qui peuvent s'inspirer d'une très grande variété de végétaux sans respecter leur forme naturelle. Ils contiennent fréquemment des fleurs, des vases, des oiseaux et autres animaux, des mascarons et diverses figures humaines. Lorsqu'ils sont associés à des personnages ou à des animaux, on parle de « rinceaux peuplés ». Ils sont employés pour la décoration graphique, de peinture et/ou d'architecture. Ils peuvent être peints (ex. : enluminure), sculptés, forgés (ferronnerie), modelés (stuc), tissés ou brodés (arts textiles), imprimés, faits de mosaïques, de marqueteries, etc.

Histoire[modifier | modifier le code]

Des motifs curvilignes et spiralés rythmés ressemblant parfois beaucoup aux rinceaux, mais généralement sans connotation végétale, sont répandus dans les arts décoratifs dès le Néolithique (culture de la céramique rubanée, culture de Cucuteni-Trypillia, entre autres). On rencontre encore des motifs semblables dans l'Antiquité (art minoen par exemple).

Les rinceaux végétaux, inspirés des branches et des feuillages de la vigne et de l'acanthe, apparaissent dans l'architecture de la Grèce antique, dans les décors des toitures (sima ou chéneau), notamment à l'époque hellénistique. Dès l'époque hellénistique, ils se diversifient dans des mosaïques, des fresques et des frises sculptées, et se répandent dans tout le Bassin méditerranéen, et en Orient jusqu'en Inde après les conquêtes d'Alexandre le Grand. Comme l'ensemble de l'héritage artistique grec, ils se transmettent à la Rome antique où ils seront un des motifs décoratifs parmi les plus diffus et classiques de l'époque impériale. Ils seront de même abondamment employés dans les décors de l'architecture paléochrétienne.

Pentures en ferronnerie des portes de la cathédrale Notre-Dame de Paris, attribués au serrurier Biscornet (XIIe – XIIIe siècle)[2].

Les rinceaux perdurent durant tout le Moyen Âge en Europe en se diversifiant. Ils sont très abondants dans l'art byzantin, dans la continuité de l'art paléochrétien, que ce soit dans les mosaïques, les ivoires ou les reliefs architecturaux en marbre. Dès le début du Moyen Âge, on les rencontre dans toute l'Europe occidentale, sur des reliefs sculptés, des cercueils, des croix de pierre, des stucs décoratifs, en orfèvrerie, etc. Ils sont notamment très utilisés dans les manuscrits, souvent associés avec des entrelacs, et ils resteront un des motifs décoratifs majeurs de l'enluminure médiévale durant plus d'un millénaire, malgré les évolutions du style (pré-roman, roman, gothique). Ils sont souvent dans les lettrines ou autour, mais peuvent aussi former le motif de fond des miniatures ou encore les encadrer en pleine page. Dans l'architecture romane, ils ornent fréquemment les chapiteaux sculptés. Les pentures en ferronnerie des portes de la cathédrale Notre-Dame de Paris sont un exemple remarquable de rinceaux gothiques. On les rencontre aussi parfois dans les vitraux.

Rinceaux de l'art gréco-bouddhique du Gandhara, IIe siècle ; vase chinois, VIe siècle ; tuiles japonaises, VIIe siècle et aujourd'hui.

Les motifs curvilignes traditionnels de Chine, mêlés de dragons, paons et autres animaux, prennent très tôt des formes parfois étonnamment semblables aux rinceaux végétaux occidentaux, dès l'Antiquité. Le commerce des objets de luxe sur la route de la soie a mis la Chine en contact avec l'art occidental assez tôt dans l'Antiquité, puis s'est officialisé sous la dynastie Han. Les influences proviennent de Perse, d'Inde, et surtout de la Bactriane hellénistique. L'influence occidentale dans ces motifs se renforce et se fait plus manifeste à partir de la dynastie Tang, en provenance notamment de la Sogdiane et de Byzance. Les rinceaux deviennent peu à peu un motif décoratif parmi les plus importants de l'art chinois. De la Chine ils se sont ensuite diffusés en Corée et au Japon. Les rinceaux d'Asie du Sud-Est, également d'origine hellénistique, sont passés par deux trajectoires d'influence : d'abord par l'Inde puis par la Chine. On les trouve par exemples sur les temples khmers et thaïlandais, et jusqu'à Borobudur sur l'île de Java.

Au Moyen-Orient, dans la continuité de l'art byzantin notamment, ils deviennent un des motifs de base de la décoration de l'art islamique, aux côtés des motifs géométriques, favorisés par l'interdiction de la figuration humaine dans l'islam, et ils connaîtront un développement particulier dans l'art persan.

En Europe, les rinceaux retrouvent des formes plus antiques à la Renaissance. Puis ils se diversifient à nouveau durant l'ère baroque des XVIIe et XVIIIe siècles, où ils seront utilisés en abondance dans tous les arts, y compris l'ébénisterie et les arts du textile.

Héraldique[modifier | modifier le code]

Dans le domaine héraldique, rinceau « se dit aussi en blason, des branches chargées de feuilles[3] ».

Galerie[modifier | modifier le code]

Rinceaux peuplés de putti néo-Renaissance. Relief de la fontaine Saint-Michel de Paris, 1860.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Alain Rey (dir.), Dictionnaire culturel en langue française, tome IV (ISBN 2 84902 179 - 2), , p. 340.
  2. Selon une légende médiévale, Biscornet (ou Biscornette) aurait voué son âme au diable deux fois cornu (bis-cornutus) en échange de son aide pour la réalisation d'un tel chef-d'œuvre. Le diable peut exécuter les portes latérales mais pas la porte centrale réservée au passage du Saint-Sacrement. Le non respect du pacte l'oblige à laisser l'âme de Biscornet en paix. C.f. Jacques Silvestre de Sacy, L'île Saint-Louis, l'île de la Cité, le quartier de l'ancienne université, H. Veyrier, , p. 147.
  3. Dictionnaire de l'Académie française, 4e édition, 1762.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Évelyne Thomas, « L'originalité des rinceaux français », dans L'Invention de la Renaissance, actes du colloque tenu à Tours du 1er au , Picard, 2003, p. 177-186.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]