Ravachol

François Koënigstein
Portrait d'identité judiciaire de Ravachol par Alphonse Bertillon le .
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
François Claudius Koënigstein
Surnom
Ravachol
Léon Léger
Nationalité
Activité
Autres informations
Idéologie
Instrument

François Claudius Koënigstein dit Ravachol, le « Rocambole de l'anarchisme », est un ouvrier, militant anarchiste et criminel français, né le à Saint-Chamond. S'étant rendu coupable de plusieurs délits, assassinats et attentats, il est guillotiné le à Montbrison.

Biographie[modifier | modifier le code]

François Claudius Koënigstein est né le à Saint-Chamond, dans le département de la Loire. Marie Ravachol, sa mère, exerce la profession de moulinière en soie. Elle vit alors en concubinage avec le père de François-Claudius, Jean-Adam Koënigstein, dit « L'Allemand », originaire des Pays-Bas, arrivé dans le Forez un an plus tôt, en 1858. Il est employé comme lamineur aux forges d'Izieux.

François est confié à une nourrice jusqu'en 1862, date à laquelle Jean-Adam Koënigstein reconnaît la paternité de l'enfant et épouse Marie Ravachol. Il est par la suite placé dans un hospice qui le prend en charge jusqu'à l'âge de six ou sept ans. Son père se montre violent avec sa femme et interroge régulièrement Ravachol pour trouver des prétextes à son encontre, sans résultat, d'après Ravachol dans ses Mémoires[1]. Son père abandonne bientôt le foyer conjugal pour retourner aux Pays-Bas, où il décède de maladie l'année suivante.

Ne pouvant subvenir seule aux besoins de quatre enfants, Marie Ravachol doit mendier de l'aide et placer son fils dans une ferme. Dès ses huit ans, il travaille dur pour subvenir aux besoins de sa famille. Il est tour à tour berger, mineur, cordier, chaudronnier, avant de trouver à 16 ans une place à Saint-Chamond comme apprenti teinturier[2] chez Richard et Puteau.

« Le crime de Chambles. L'assassinat d'un ermite », Le Progrès illustré (1891).

À 18 ans, Ravachol entame la lecture du livre Le Juif errant d'Eugène Sue et commence à se détacher des idées religieuses. Après une conférence donnée par Paule Minck le à Saint-Chamond, il les abandonne totalement. Il assiste aux conférences de Léonie Rouzade et de Charles-Edme Chabert, s'intéresse à la presse socialiste notamment à travers Le Prolétariat et Le Citoyen de Paris. Il entre dans un Cercle d'études sociales où il rencontre Toussaint Bordat et Régis Faure, tous deux militants anarchistes. Ravachol est alors collectiviste, il deviendra anarchiste à la suite de ses lectures.

Renvoyé avec son frère de la maison Vindrey, il se retrouve sans travail, dans la misère et commence par voler des poules pour nourrir sa famille. Vers 1888, il joue de l'accordéon dans les bals pour un cachet de cinq francs par soirée[3]. Il s'adonne à la contrebande d'alcool pour faire face à ses périodes de chômage, puis à la fabrication de fausse monnaie et, à partir de , au cambriolage. En 1890, il est arrêté brièvement pour un vol et est « bertillonné » à la prison de Saint-Étienne.

Dans la nuit du 14 au , à Terrenoire, il profane la sépulture de la baronne de la Rochetaillée dans le but de dépouiller le cadavre de ses bijoux[4]. Mal renseigné, il ne trouve aucun bijou.

Le , à Chambles, il tue et dévalise Jacques Brunel, un ermite de 93 ans, qui vivait d'aumônes depuis une cinquantaine d'années[5]. Sans ressources mais non sans fortune, le vieillard amassait les dons tout en vivant dans une extrême pauvreté. Le crime est découvert le vers midi. La police identifie rapidement l'assassin et, le , tend une souricière à Ravachol. Arrêté par le commissaire Teychené et cinq inspecteurs, il parvient à s'enfuir en profitant de l'occasion offerte par un ivrogne.

Activement recherché par la police, il met en scène son suicide le , puis se rend à Barcelone chez Paul Bernard, anarchiste condamné par contumace, en novembre et , à deux et trois ans de prison pour « excitation au meurtre, au pillage et à l'incendie »[6]. À Barcelone, Ravachol s'exerce avec d'autres compagnons à la fabrication d'explosifs, avant de rejoindre Paris en août 1891 sous le nom de Léon Léger.

Il trouve alors refuge chez Charles Chaumentin, 12, place du square Thiers à Saint-Denis, qui le fait entrer à la Chambre syndicale des hommes de peine. Puis Ravachol loue une chambre à L'Île-Saint-Denis, au 2, quai de la Marine. Il est apprécié par la famille Chaumentin. Il apprend à lire à leur fille.

L'affaire de Clichy[modifier | modifier le code]

Échauffourée de Clichy (1891).

Ravachol est l'instigateur de deux attentats contre les magistrats impliqués dans l'affaire de Clichy. Le , jour de la fusillade de Fourmies, une trentaine de manifestants improvisent un défilé allant de Levallois-Perret à Clichy, drapeau rouge en tête. Un peu avant trois heures, alors que le drapeau est roulé et que les manifestants se dispersent, le commissaire Labussière donne l'ordre de s'emparer de l'emblème. C'est l'incident, des coups de feu sont échangés et des agents de police légèrement blessés. Trois anarchistes sont aussitôt arrêtés, dont Louis Leveillé, lui-même blessé par balle. Dès leur arrivée au poste, ils subissent un violent passage à tabac, ce qui révolte les anarchistes. Lors de leur procès, le 28 août de la même année, l'avocat général Bulot requiert la peine de mort contre l'un des prévenus. Le verdict est sévère : Henri Louis Decamps est condamné à cinq ans de prison, Charles Auguste Dardare à trois ans, Louis Leveillé est acquitté[7],[8].

D'abord occultée par la fusillade de Fourmies, l’affaire est suivie avec plus d’intérêt par les journaux anarchistes. La Révolte met en valeur l'attitude exemplaire d'Henri Louis Decamps lors de son procès ainsi que les violences subies par ses compagnons. Sébastien Faure édite une brochure sur les débats judiciaires intitulée L'anarchiste en cour d'assises.

Ravachol rencontre Auguste Viard, et deux compagnons qui lui racontent le procès de Clichy. Révoltés par la brutalité policière et les condamnations par les magistrats de l'affaire de Clichy, Ravachol, Charles Achille Simon dit « Biscuit », Charles Ferdinand Chaumentin dit « Chaumartin », Joseph Marius Beala dit « Jas-Béala » ou « Joseph Marius » et sa compagne Rosalie Mariette Soubert dite « Mariette Soubère », décident de passer à l'action et organisent plusieurs attentats.

Le vol de Soisy-sous-Étiolles[modifier | modifier le code]

Dans la nuit du 14 au , 360 cartouches de dynamite, 3 kilogrammes de poudre, 100 mètres de mèche et 1 400 capsules d'amorces, sont dérobés dans une carrière de Soisy-sous-Étiolles. L'enquête, confiée au parquet de Corbeil, se dirige rapidement vers les milieux anarchistes parisiens. La police les soupçonne de préparer des attentats contre l'ambassade d'Espagne et lors des manifestations du 1er mai. Le , la police perquisitionne chez de nombreux militants anarchistes, dont Jean Grave, administrateur du journal Le Révolté, Constant Martin et Émile Pouget. Ces premières perquisitions donnent peu de résultats, sauf chez Benoit Chalbrey et Bordier, où elle découvre plusieurs cartouches de dynamite provenant du vol de Soisy-sous-Étiolles. Selon l'indicateur de police Jacot, c'est un agent de la troisième brigade nommé Laux, alors sous les ordres de l'officier de paix Fédée, qui aurait expliqué à un proche de Ravachol comment s'emparer de la dynamite[9]. On sait que pour nuire à la propagande anarchiste, la préfecture de police avait organisé le premier « attentat anarchiste » le contre la statue d'Adolphe Thiers à Saint-Germain[10] et que les éléments de la bombe lancée par Auguste Vaillant le à la Chambre des députés lui avaient été fournis, sans qu'il le sache, par la préfecture[9].

Les attentats[modifier | modifier le code]

Le Figaro, 1er avril 1892.

Attentat du boulevard Saint-Germain[modifier | modifier le code]

Leur cible est d'abord le commissariat de Clichy qu'ils envisagent de faire exploser le à l'aide d'une marmite chargée de mitraille et d'une cinquantaine de cartouches de dynamite. Devant les difficultés d'approche, le groupe renonce et décide de changer d'objectif pour viser le conseiller Edmond Benoît, président des assises lors de l'Affaire de Clichy. Pour trouver l'adresse du conseiller, Ravachol consulte simplement l'annuaire téléphonique. Charles Simon part reconnaître les lieux, un immeuble situé au 136, boulevard Saint-Germain à Paris, sans parvenir à trouver l'étage où habite le conseiller. Le concierge, Augustin Pinot, interrogé par Charles Simon, refuse de le renseigner.

Le , vers 18 h 0, le groupe passe à l'action[11]. Charles Chaumentin les accompagne jusqu'au tramway avant d'être remercié et invité à les quitter car « père de famille ». Pour passer les préposés chargés de l'octroi, Mariette Soubère dissimule la marmite sous ses jupes. Le groupe passé, elle quitte ses trois compagnons et retourne chez elle. Au niveau des Bouffes du Nord, Ravachol congédie Charles Simon et Joseph Beala qui retournent à Saint-Denis. Arrivé devant l'immeuble, Ravachol, armé de deux pistolets, entre et dépose la bombe sur le palier du premier étage. Il allume la mèche, redescend et, au moment même où il gagne le trottoir, la bombe explose. « J'ai cru que la maison me tombait dessus ! », déclara Ravachol lors de son procès. Une personne est blessée. Au quatrième étage, le conseiller Benoît est indemne. Les dégâts matériels sont évalués à 40 000 francs de l'époque. Pour le journal anarchiste La Révolte, cet attentat « réhabilite un peu la dynamite que les tentatives précédentes avaient un peu amoindrie[12] ».

Le , Ravachol et ses compagnons envisagent un nouvel attentat, cette fois contre l'avocat général Bulot. Ravachol et Charles Simon se chargent de préparer une nouvelle bombe, composée de 120 cartouches de dynamite.

Le , une bombe explose à la caserne Lobau. Si cet attentat organisé par Théodule Meunier n'est pas lié à Ravachol, la police est sur les dents. Elle diffuse le signalement de Ravachol à la presse et insiste sur la cicatrice qu'il porte à la main gauche :

« Taille 1 m 66, envergure 1 m 78, maigre, cheveux et sourcils châtain foncé, barbe châtain foncé, teint jaunâtre, visage osseux, nez assez long, figure allongée, front bombé et assez large, aspect maladif
  Signes particuliers : cicatrice ronde à la main gauche, au bas de l'index, près du pouce ; deux grains de beauté sur le corps : un sur la poitrine gauche, un sous l'épaule gauche »

— Signalement de Ravachol diffusé par la police, Jean Maitron, Le Mouvement anarchiste en France, 1951

Dénoncés cinq jours après le premier attentat par une indicatrice anonyme, S. d’A. dite « X2 », rétribuée 800 francs, Charles Simon et Charles Chaumentin sont interpellés le 17 mars. Ravachol parvient à échapper à la police et à joindre Saint-Mandé où il dispose d'une chambre. Il coupe sa barbe et décide de maintenir l'attentat contre Bulot. Charles Chaumentin fait un portrait de Léon Léger qui permet de reconnaître, grâce à l'anthropométrie judiciaire, qu’il s’agit de Ravachol dont on a pris les mensurations et une photographie à la prison de Saint-Étienne deux ans auparavant[13].

Attentat de la rue de Clichy[modifier | modifier le code]

Le , à h 20, Ravachol prend l'omnibus pour se rendre rue de Clichy où il arrive vers huit heures. Il dépose la bombe au numéro 39 de cette rue, au deuxième étage où demeure le substitut Bulot. Il a parcouru cinquante mètres quand la bombe explose. Sept personnes sont blessées, l'immeuble est ravagé. Les dégâts sont évalués à 120 000 francs.

Après l'attentat, Ravachol prend l'omnibus Batignolles-Jardin des plantes pour constater les dégâts causés par la bombe. Mais le transport en commun est détourné de son trajet habituel et Ravachol ne peut rien voir. Vers 11 heures, il s'arrête au restaurant Véry, situé au 22, boulevard de Magenta et fait la connaissance de Jules Lhérot, garçon de café et beau-frère du patron. Jules Lhérot émet quelques critiques à propos du service militaire et Ravachol en profite pour lui exposer les théories anarchistes et antimilitaristes. Il lui parle également de l'explosion qui vient d'avoir lieu. Intrigué par un homme qu'il trouve suspect, Jules Lhérot laisse néanmoins partir Ravachol.

L'arrestation[modifier | modifier le code]

L'arrestation de Ravachol le (Le Petit Journal, ).
Le restaurant Véry après l'attentat du .

Le , Ravachol retourne au restaurant Véry. Alarmé par les propos tenus quelques jours plus tôt et reconnaissant en lui l'auteur des attentats décrit par la presse, Jules Lhérot alerte la police[4]. Ravachol est interpellé avec difficulté par le commissaire Dresch et une dizaine d'agents de police.

Le , veille de son procès, une bombe dissimulée au restaurant Véry explose, tuant le patron et un client. « Véryfication », écrit Émile Pouget dans le Père peinard. Jules Lhérot, lui, est indemne. Il touche 100 francs offerts par le journal le Temps et 300 francs sur le montant d'une souscription lancée par le journal le Matin en faveur des victimes de l'attentat. Il quitte alors la France pour l'étranger afin d'échapper aux représailles anarchistes. À son retour, il sollicite une place dans la police, qui lui sera accordée.

Les procès[modifier | modifier le code]

Procès devant la cour d'assises de la Seine[modifier | modifier le code]

L'instruction du procès ne traîne pas. Ravachol et ses compagnons comparaissent le devant la Cour d'assises de La Seine. Le tribunal est alors sévèrement gardé pour prévenir toute attaque organisée par des anarchistes[7]. Pour entrer, il faut exhiber un laissez-passer. À onze heures, les inculpés sont présentés devant le tribunal. Le siège du ministère public est occupé par le procureur général Quesnay de Beaurepaire, le banc de la défense par maître Lagasse. Les débats se déroulent dans le calme. Ravachol tente de disculper ses compagnons et d'assumer seul la responsabilité des attentats. Il explique ses actes par sa volonté de venger Dardare et Decamps, condamnés à la suite des manifestations du et victimes de brutalités policières. Présenté comme quelqu'un de doux et estimé de tout le monde, à cause de sa physionomie sympathique et de ses sentiments humanitaires, par Charles Chaumentin et ses compagnons, Ravachol apparaît alors comme le justicier anarchiste, compatissant avec les opprimés, mais implacable avec ceux qu'il jugeait responsables de leur misère. Le verdict est inattendu. Charles Simon et Ravachol sont condamnés aux travaux forcés à perpétuité, les trois autres acquittés. Les membres du jury craignant des représailles ont accordé de « surprenantes circonstances atténuantes »[4].

Dénoncé par une habituée de la maison, Charles Chaumentin est jugé sévèrement par les anarchistes qui, à l'époque, ne connaissent pas l'existence de l'indicatrice « x.2 ». Dans le numéro 47 du journal Le Libertaire (3-), Sébastien Faure juge avec sévérité « le délateur, le traître, celui qui, dans cette affaire, récolta le mépris de tous les gens de cœur, parce qu'il acheta son acquittement au prix de l'acte le plus ignoble qu'un homme puisse commettre ». Lors des aveux de Charles Chaumentin, la police connaissait déjà toute l'histoire. L'étude des archives de la Préfecture de police par l'historien Jean Maitron le réhabilita « quelque peu ».

Condamné avec Ravachol aux travaux forcés à perpétuité, Charles Simon meurt au bagne, lors d'une révolte de forçats sur les Îles du Salut, en . Quelques semaines plus tôt, en septembre, un détenu du nom de François Briens est mortellement blessé par un surveillant nommé Moscart. Avant de mourir, il a le temps de prononcer ses dernières paroles : « Je meurs pour l'anarchie ; les anarchistes me vengeront. » Le , Moscart est assassiné de dix-neuf coups de couteau, avec un de ses collègues et deux contremaitres. La révolte s'étend, l'alarme est rapidement donnée. La répression tue onze forçats, dont plusieurs anarchistes connus comme Jules Léauthier, Édouard Marpeaux, Pierre Meyrues, Benoît Chevenet, etc.

Le , Quillemary, condamné deux mois plus tôt pour un crime de droit commun, est exécuté. Perché dans un arbre, Charles Simon, matricule 26507, voit la tête rouler dans le panier du bourreau et crie « Vive l'anarchie ! ». Un soldat l'interpelle : « Veux-tu que je tire en haut ou en bas ? » « Vive l'anarchie ! », fut la dernière réponse du bagnard. Le soldat fait feu, Charles Simon, dit « Biscuit », dit « Ravachol II », s'effondre, mortellement blessé.

Procès devant la cour d'assises de la Loire[modifier | modifier le code]

Ravachol entouré de gendarmes (photographe A. Berthon, Saint-Étienne).
Intérieur des assises de Montbrison.

Le second procès se déroule le , à Montbrison, devant la Cour d'assises de la Loire. Ravachol est accusé de plusieurs crimes et délits antérieurs aux attentats. Il reconnaît la violation de la sépulture et l'assassinat de l'ermite de Chambles, mais nie énergiquement être responsable des meurtres de La Varizelle et de Saint-Étienne. Sa participation au double meurtre de Saint-Étienne repose essentiellement sur les déclarations de Charles Chaumentin le  : « … Béala m'a confié que Ravachol (alors qu'il se cachait à Saint-Étienne après l'assassinat de l'ermite de Chambles) aurait assassiné deux vieilles filles qui tenaient un fonds de quincaillerie à Saint-Étienne, et qu'il n'avait jamais été soupçonné de ce crime. »

Pour sa défense, Ravachol déclare qu'il a tué pour satisfaire ses besoins personnels et soutenir la cause anarchiste. Le président réfute cette thèse. Pour lui, Ravachol a tué pour vivre du crime, et « mener une vie tranquille, sans rien faire ». Sa cause est désespérée, seuls son frère et sa sœur le soutiennent en témoignant de son rôle de père pendant leur enfance.

Ravachol est condamné à mort. Il accueille le verdict au cri de « Vive l'anarchie ! » Le président des assises lui refuse le droit de lire une dernière déclaration qu'il remet à son avocat, maître Lagasse :

« Je souhaite que les jurés qui, en me condamnant à mort, viennent de jeter dans le désespoir ceux qui m'ont conservé leur affection, portent sur leur conscience le souvenir de leur sentence avec autant de légèreté et de courage que moi j'apporterai ma tête sous le couteau de la guillotine. »

— François Koënigstein, dit « Ravachol », Le Révolté, no 40, 1-7 juillet 1892

L'exécution[modifier | modifier le code]

Ravachol est exécuté le à Montbrison. Le bourreau Louis Deibler arrive sur place en train par une voie détournée afin de déjouer la curiosité publique ; à 5 heures du matin, il trouve la ville sous très forte surveillance : « Des gendarmes à tous les coins de rue, des policiers partout sur les boulevards, dans les carrefours, dans tous les cafés, dans tous les hôtels […]. La prison est gardée par un bataillon du 16e de ligne, et par une brigade de gendarmerie. Personne ne peut en approcher s'il n'est muni d'une carte signée et frappée du commandant d'armes […]. Aux entrées de la ville, les précautions les plus minutieuses sont prises. Les portes sont occupées par les soldats du 16e de ligne. 40 agents de la sûreté, venus de Paris, de Lyon et de Saint-Étienne surveillent toutes les issues […]. Un escadron du 30e régiment de dragons, venu de Saint-Étienne, entoure la guillotine et fait la haie depuis le palais de justice jusqu'au lieu de l'exécution. En outre, dix agents de la sûreté de Paris font cercle autour de la guillotine »[14].

Ravachol, qui n'avait pas voulu signer de recours en grâce, refuse l'assistance de l'aumônier et chante Le Père Duchesne en allant vers la guillotine. Ses dernières paroles, au moment où le couperet tombe, sont « Vive la ré… ». Le télégramme partiellement chiffré de l'annonce de l'exécution le traduit par « Vive la république ! ». Mais selon Jean Maitron, il aurait pu vouloir dire « Vive la révolution ! » ou « Vive la révolution sociale ! », comme beaucoup d’anarchistes exécutés.

Mythe et postérité[modifier | modifier le code]

Partition de La Ravachole, L'Almanach du Père Peinard, Paris, 1894.

Avant de devenir l'un des symboles de la révolte désespérée, Ravachol traîne une réputation de mouchard et d'agent provocateur depuis son évasion rocambolesque de . Les journaux anarchistes lui sont alors peu favorables. En , le journal La Révolte commente le procès des complices de Ravachol en des termes sans équivoque : « … L'opinion publique est tellement persuadée que la police l'a fait évader, qu'on rit dans l'auditoire dès qu'il en est question[15]… ».

Au lendemain de son exécution, Ravachol devint un mythe pour de nombreux compagnons et va faire l'objet d'un « véritable culte de la personnalité[16] ». Exalté pour son sang-froid lors des attentats, sa logique implacable et le courage dont il fit preuve devant la guillotine, des chansons lui sont consacrées, à l'exemple de La Ravachole, sur l'air de la Carmagnole et de Ça ira ou de Ravachol, chanté par Renaud en 1974. Dans L'Éloge de Ravachol, l'écrivain Paul Adam en fait un saint, le « Rénovateur du Sacrifice Essentiel[17] ». Comme le remarque le criminologue Cesare Lombroso, « il fallait aux révolutionnaires français, malgré leur internationalisme, un martyr national, exécuté par la guillotine[18] ».

Le , Auguste Vaillant jette une bombe à Paris, à la Chambre des députés, pour venger Ravachol. Et le , c’est Sante Caserio qui poignarde mortellement à Lyon le Président de la République, Sadi Carnot ; le lendemain sa veuve reçoit une photo de Ravachol et ces mots : « Il est bien vengé[19]… »[source insuffisante]

Sa renommée dépassa les frontières de la France et donna un nom commun en wallon ravachol(e) qui désigne, au masculin, un homme bagarreur[20] ou un enfant désobéissant. En catalan, autour de Valence (Espagne), ravatxol désigne : enfant rebelle, qui crée des ennuis ; ancien bateau postal de l'Albufera de Valence ; tramway qui reliait le port à Valence[21]. Au féminin, une option au whist où aucun joueur ne propose un jeu et où les gagnants des 7e et du dernier plis perdent[22]. En lorrain gaumais, également un don Juan ou des dégâts occasionnés par des humains ou des animaux[23]. Mais certains de ces sens pourraient bien être antérieurs au personnage, son surnom étant lui-même basé sur un mot dérivé de l'ancien français « ravagier[24] ».

En , une moitié de sa tête conservée dans du formol à l'école de médecine de Paris est volée et retrouvée au pied du Panthéon[25]. Jean-Christophe Rufin affirme qu'un ami et lui, alors internes en médecine, dérobèrent la moitié de tête de Ravachol pour impressionner une fille de leur connaissance ; le vol rendu public et présenté par France-Soir comme la manifestation d'un renouveau anarchiste, les deux amis déposèrent la tête de Ravachol au Panthéon[26].

Dans leur chanson Salut à toi, Bérurier Noir le cite aux mots de :

« Salut à toi l'Espagnol,
Salut à toi le Ravachol ! »

Ravachol sert également d'inspiration au personnage de Claude Ravache, anarchiste français, interprété par Thierry Neuvic en 2011 dans le film Sherlock Holmes : Jeu d'ombres de Guy Ritchie.

« Ravachol » est aussi le surnom plaisant donné par les habitants de Saint-Maurice au docteur Parpalaid, dans Knock, de Jules Romains.

Dans la bande dessinée Les Aventures de Tintin, « Ravachol », parfois au pluriel, est un juron du Capitaine Haddock.

Dans la comédie française La Vengeance du serpent à plumes (de Gérard Oury, 1984), un groupuscule terroriste et anarchiste se baptise « Ravachol-Kropotkine ».

Dans le jeu vidéo Disco Elysium, Ravachol a inspiré le nom de la ville fictive où se situe l'action du jeu, Revachol. Une autre ville du jeu se nomme également « Koenigstein »[27].

"Ravachol" est également le surnom donné aux locomotives à vapeur de la Compagnie des chemins de fer du Nord du type 220 T, comme elles sont entrées en service pendant la période des procès [28]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Sur les Mémoires de Ravachol, voir : (fr) Archives de la préfecture de police, B A/1132 ;
    (fr) Jean Maitron, Ravachol et les anarchistes, Gallimard, coll. « Folio-Histoire », 1992, p. 42-73 (ISBN 2070326756).
  2. Célébrations nationales 2009, ministère de la Culture et de la Communication, Direction des archives de France, délégation aux célébrations nationales, Paris 2008, p. 224.
  3. Jean-François Gonon, Histoire de la chanson stéphanoise et forézienne, Saint-Étienne, 1906, p. 403.
  4. a b et c Philippe Fraimbois, « Ravachol, les anarchistes et la République », La Nouvelle Revue d'histoire, hors-série, n°13H, automne-hiver 2016, p. 24-27.
  5. Sur le crime de Chambles dans la presse, voir : (fr) « Assassinat d’un ermite. Le crime de Chambles », Le Progrès illustré, no 30, 12 juillet 1891, sur bm-lyon.fr.
  6. À propos de Paul Bernard, voir :
    « Dangereux anarchiste », La Presse, no 630, , [lire en ligne], p. 3 ;
    « L'anarchiste Paul Bernard », Le Figaro, no 46, jeudi , [lire en ligne], p. 2 ;
    « Les anarchistes », Le Temps, no 11952, jeudi , [lire en ligne], p. 2 ;
    (en) « Anarchist chief arrested, Paul Bernard in the hand of the Paris police », The New York Times, jeudi 15 février 1894, sur nytimes.com, p. 5.
  7. a et b (fr) Jean Maitron, Le Mouvement anarchiste en France, Gallimard, coll. « Tel », 1992, 490 p. (ISBN 2070724980).
  8. Sur le compte rendu du procès, voir :
    « Un procès d'anarchistes », La Presse, no 1179, 30 août 1891, [lire en ligne], p. 3.
  9. a et b .Commissaire Ernest Raynaud, La vie intime des commissariats, Paris, Payot, , 266 p., p. 37 et suiv.
  10. Louis Andrieux, Souvenirs d'un préfet de police Tome I, Paris, Jules Rouff et Cie, , 357 p., p. 345 et suiv.
  11. Sur l'attentat du boulevard Saint-Germain, voir :
    « La dynamite », Le Figaro, , [lire en ligne], p. 2.
    « La dynamite à Paris », Journal des débats politiques et littéraires, samedi , [lire en ligne].
    « Nouvelle explosion de dynamite au boulevard Saint-Germain », Le Temps, 13 mars 1892, [lire en ligne], p. 2.
  12. (fr) La Révolte, no 26, 19-25 mars 1892.
  13. L’empreinte indélébile K. Noubi, article sur InfoSoir le 3 septembre 2008.
  14. Le Soleil du Midi, no 2674 du 11 juillet 1892.
  15. La Révolte, no 17, 16-22 janvier 1892.
  16. Gaetano Manfredonia, La Chanson anarchiste en France des origines à 1914, Paris, L'Harmattan, 1997, 448 p. (ISBN 2738460801).
  17. Paul Adam, Éloge de Ravachol, Entretiens politiques & littéraires, juillet 1892, [lire en ligne].
  18. (fr) Cesare Lombroso, L'Anarchie et ses héros, Stock, Paris, 1897, [lire en ligne].
  19. « 24 juin 1894 : Caserio poignarde Sadi Carnot, rue de la Ré à Lyon », sur Rebellyon.info (consulté le ).
  20. Michel Francard, Dictionnaire des parlers wallons du Pays de Bastogne, (ISBN 2-8041-1957-2).
  21. « Diccionari normatiu valencià », sur www.avl.gva.es (consulté le )
  22. Voir Wiktionnaire wallon à « ravachole ».
  23. Académie des patois gaumais, Dictionnaire encyclopédique des patois de Gaume, 2009.
  24. Selon le Dictionnaire encyclopédique des patois de Gaume, le mot existerait depuis 1300 (renseignement peut-être fourni par Jean Lanher, professeur de langue et de littérature française du Moyen Âge et de la Renaissance à l'université de Nancy, qui a revu l'ouvrage).
  25. « Ravachol pas mort ! », La Lanterne Noire, no 3 (juin-juillet 1975), [lire en ligne].
  26. Un léopard sur le garrot (ISBN 978-2-0703-5991-2), chapitre 10.
  27. (en) « Disco Elysium : Where did the name Revachol come from? », Steam, (consulté le )
  28. « Desserte Marchandises à Margival au temps des Ravachol », Loco Revue 453,‎ , p. 778

Annexes[modifier | modifier le code]

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Sources et bibliographie[modifier | modifier le code]

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