Réification

La réification (du latin res, rei « chose ») consiste à réifier, c'est-à-dire à donner les caractéristiques d’une chose à ce qui ne l'est pas, par exemple considérer une personne comme un objet, une idée abstraite comme un élément concret, ou leur donner un caractère statique ou figé.

Dans l'usage ordinaire du langage, il est normal de réifier des idées et la réification sera comprise comme telle. Par exemple dans ce vert bleuté est beau ou j'aime ce vert bleuté : seule la chose qui est de cette couleur existe réellement, sa couleur est une idée dans l'esprit[réf. nécessaire] qui est ici réifiée, mais cela ne pose pas de problème. Par contre, l'usage de réifications dans le discours abstrait est souvent trompeur et est considéré comme un sophisme : une erreur de pensée ou une manipulation intellectuelle.

Logique[modifier | modifier le code]

Des raisonnements fallacieux fondés sur la réification peuvent être commis quand les manipulations qui sont seulement possibles sur des choses concrètes sont appliquées à un concept abstrait. On dit également qu'une erreur est commise quand on traite un concept abstrait comme s'il n'avait aucune relation avec les choses concrètes dont il est une abstraction. Des domaines comme la psychologie en font une grande utilisation[réf. nécessaire]. La réification est une forme de biais cognitif.

Psychologie[modifier | modifier le code]

En psychologie, la réification peut désigner le fait de considérer autrui comme un objet, d'annuler autrui pour parvenir à ses fins[1], par exemple en se faisant servir, en ne considérant l'autre que comme une source de jouissance mais en niant le lien social, l'empathie, la réciprocité.

Pédagogie[modifier | modifier le code]

On parle de réification du savoir en pédagogie, de façon essentiellement péjorative, pour décrire l'habitude des enseignants et élèves de considérer les objets d'un apprentissage comme existant par eux-mêmes, qui doivent être transmis, acquis, emmagasinés et restitués aussi fidèlement que possible lors des tests de connaissance ou contrôles. On peut opposer cette approche au constructivisme, qui s'intéresse à l'articulation entre le savoir et les individus qui l'acquièrent activement et le reconstruisent. L'Histoire aménagée pour un certain modèle de leçons qui exclut la diversité des niveaux d'approche, et met en avant directement les dates ou concepts à retenir relève de la réification.

Informatique[modifier | modifier le code]

En informatique, la réification consiste à transformer un concept en un objet informatique. Ce terme est surtout utilisé en programmation orientée objet ou en programmation fonctionnelle. Par exemple, soit un objet p d'une classe Point et contenant les deux entiers 2 et 3 dans son état. Point est une réification du point de coordonnées (2;3) (et p est une instance de la classe Point).

Lorsque le langage orienté objet possède un mécanisme de réflexion, il réifie des éléments du langage comme les classes, les champs ou encore les méthodes, sous forme d'objets. On fait souvent référence à cette catégorie d'objets particuliers sous le nom de méta-objets, instances de méta-classes.

Littérature[modifier | modifier le code]

On utilise aussi le terme en littérature pour désigner notamment la déshumanisation d'un personnage qui est « transformé » en objet par l'auteur par exemple. Lulu, pièce de Frank Wedekind, ou Pornographie de Simon Stephens jouent sur la réification des êtres humains.

Le terme « chosification » est également parfois employé.

Gestion des connaissances[modifier | modifier le code]

La réification est un concept utilisé dans la gestion des connaissances. La réification va permettre de transformer l'information en connaissance.

Esthétique[modifier | modifier le code]

Transformation d'une œuvre conceptuelle ou numérique en un objet tangible.

Philosophie[modifier | modifier le code]

La réification est un concept marxiste développé par Georg Lukács, notamment au sein de son ouvrage Histoire et conscience de classe (1923). Il décrit la manière dont le capitalisme, selon cette vision, transforme tout en objet, y compris le rapport à soi, aux autres, à la nature et au monde[2].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Didier Pleux, Les Adultes tyrans, Odile Jacob, , 240 p. (ISBN 978-2-7381-3119-5, présentation en ligne), p. 28
  2. « Réification », dans Les 100 mots du marxisme, vol. 2e éd., Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », (ISBN 978-2-13-058494-0, lire en ligne) (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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