Région historique

Une région historique est une zone géographique délimitée par l'étendue d'une culture archéologique, d'une civilisation historique ou d'un peuplement présentant des traits culturels spécifiques tels que la langue, la cuisine, la musique, ou l'architecture traditionnelle. Les habitants de cette région, autochtones ou non, peuvent constituer un peuple, une société ou une nation identifiable au cours d'une période historique donnée. Sauf là où leurs limites étaient déterminées par les contraintes de la géographie physique, les contours des régions historiques sont sans rapport avec les frontières politiques et l'organisation territoriale moderne : la concordance est d'autant plus rare que les délimitations passées sont plus anciennes et les frontières XXIe siècle concordent bien plus souvent avec les délimitations du XXe siècle ou du XIXe siècle qu'avec celles du Moyen Âge, et très rarement avec des délimitations antiques[1]. Généralement, le concept de région historique s'applique à des zones définies par des traits communs, mais ne disposant ni d'un État indépendant ni d'une structure territoriale propre[2].

Définition[modifier | modifier le code]

Les régions historiques, ou pays historiques permettent d'étudier et d'analyser l'évolution démographique, économique, sociale et culturelle de leurs populations durant des périodes spécifiques, avant la mise en place des organisations économiques, sociales ou politiques contemporaines[3] :

« Le principe fondamental de ce point de vue est que d'anciennes structures politiques et mentales existent et exercent sur l'identité spatiale et sociale des individus une influence plus grande que celle du monde contemporain, déterminé et souvent aveuglé par sa propre vision du monde (centré, par exemple, sur l'État-nation)[4]. »

Le terme de région historique est un concept de géographie historique qui a commencé à être utilisé et appliqué aux études d'ethnographie, d'histoire, d'archéologie et d'anthropologie culturelle au début du XXe siècle[5] :

« Ce n'est pas une abstraction de l'historien (...) ; c'est en elle-même une réalité concrète et indépendante de la volonté du chercheur[6]. »

« [C'est une] entité historique et culturelle installée dans une région géographique particulière[7]. »

Niveau d'application[modifier | modifier le code]

Les dimensions des régions historiques varient beaucoup[8] avec des macro-régions d'échelle continentale comme l'Europe, les territoires traditionnels de peuples, de nations ou de Pays, ou encore de plus petites microrégions de niveau local tels que des villes. Une proximité géographique est la condition souvent nécessaire à l'émergence d'une identité régionale[8]. Une région historique est une zone délimitée dans laquelle les populations partagent généralement un patrimoine et des événements historiques communs, et ont souvent des caractéristiques ethniques ou linguistiques propres. Les limites de ces régions peuvent coïncider ou pas avec des régions géographiques ou bien avec des entités politiques encore existantes ou déjà éteintes, tels que des États modernes ou des empires.

Souvent, quelles que soient les structures en vigueur et les changements politiques et économiques dans les limites de la zone en question, il existe une conscience commune des habitants ou de leur diaspora d'appartenir à la même région historique ou d'en être issus, par exemple dans les cas de l'Israël antique, du haut-plateau arménien, de la Moldavie médiévale, de la Bretagne historique, du Pays basque ou de la vallée sacrée des Incas. Ce sentiment peut être une source d'identité ou non, selon les cas. En Europe, les identités régionales peuvent être issues de la période de migrations, mais pour la perspective contemporaine, elles sont liées à la période de transformation territoriale de 1918-1920, puis à une autre dans la période de l'après-guerre froide[9].

Certains noms de région historiques sont récemment inventés, comme le « Moyen-Orient », en 1902 par le stratège militaire Alfred Thayer Mahan, qui se référait à la région du golfe Persique[10]. D'autres remontent à telle ou telle période du passé, comme la « Bourgogne » qui remonte aux Burgondes. D'autres encore ont pu être pris dans l'Antiquité pour être réactualisés, comme « Israël » ou la « Macédoine du Nord ». C'est aussi le cas de certains États du Moyen Âge, comme le « Ghana » (le pays moderne ne se trouve d'ailleurs pas là où s'étendait l'Empire du passé). Ces « greffes de noms historiques » ne prennent pas toujours : ainsi, la tentative du gouvernement français de remettre en usage le nom de l'ancienne région « Septimanie » pour nommer la région française moderne du Languedoc-Roussillon a échoué[11].

Dans certains cas, les régions historiques sont calquées sur d'anciens États ou sur d'autres structures politiques anciennes (duchés, comtés, marches...).

Certaines régions ont une importance particulière lors de l'étude de régions géographiques lors de certaines périodes historiques : la « Mésopotamie », par exemple, est très importante dans les domaines de l'histoire ancienne et de l'archéologie, alors que d'autres régions historiques sont presque oubliées (sauf de quelques spécialistes), comme « Moché » en Amérique du Sud ou « Lounda » en Afrique australe, tandis que l'existence même de certaines est mise en doute, comme dans le cas du « Kitara » également en Afrique.

Ces doutes font partie du débat scientifique : en effet le concept de région historique peut être plus ou moins pertinent selon les circonstances et les pays. Certains historiens incluent les empires ou royaumes disparus dans le groupe des « régions historiques », en donnant un sens plus large à la définition. Mais dans de nombreux cas, les empires ne répondent pas à un degré suffisant d'isolement et d'identité spécifique, caractéristique de la définition stricte d'une région historique.

Éléments de définition[modifier | modifier le code]

Plusieurs éléments peuvent servir à la définition d'une région historique :

  • L'environnement géographique et naturel : bien que l'on fixe les limites de la région à travers la transformation progressive du territoire, les régions historiques partagent souvent des caractéristiques géographiques et naturelles communes qui servent de référence à des conceptions spatiales de géographie physique et politique.
  • L'économie : le système économique peut aider à définir les régions ; par exemple, le capitalisme industriel définissant une aire dite « nord-atlantique » regroupant l'Europe occidentale et l'Amérique du Nord.
  • Le développement socio-culturel : interrelations socio-culturelles et sociétés en construction. Par exemple, les similarités et les différences des sociétés antiques de Mésopotamie, d'Égypte et de la Grèce.
  • L'architecture traditionnelle : propre à chaque région avec un développement socio-culturelle similaire. Ce qui permet à son tour l'étude à différentes échelles ; par exemple, l'architecture romane au niveau européen, et l'architecture roman-mudéjare à une échelle beaucoup plus petite.
  • La région ethnique : c'est un espace dans lequel un ou plusieurs groupes ethniques peuvent interagir sans conflits ; ces régions sont souvent caractérisées par une langue et, parfois, une religion commune. Par exemple la région culturelle et linguistique d'Occitanie a connu des religions en opposition avec le catholicisme romain : le catharisme, le valdéisme, le protestantisme.
  • La région politico-administrative : à la suite d'un processus historico-politique, une organisation a été mise en place telle qu'un gouvernement et une administration commune de la région. Par exemple, le royaume de Bretagne qui a rassemblé des populations de langue brittonique (breton) et d'autres de langue romane (gallo).

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Ancienneté des frontières en Europe » dans Michel Foucher, Fragments d'Europe, Paris, Fayard, (ISBN 978-2213031286)
  2. Daniel Schweitz, Aux origines de la France des pays: Histoire des identités de pays en Touraine (XVIe – XXe siècle), Paris, L’Harmattan, (ISBN 978-2747512503).
  3. Kotlyakov et Komarova 2006, p. 332
  4. « The fundamental principle underlying this view is that older political and mental structures exist which exercise greater influence on the spatial-social identity of individuals than is understood by the contemporary world, bound to and often blinded by its own worldview - e.g. the focus on the nation-state. » Tägil 1999, p. 151
  5. Heinz Quirin, Mitteldeutschland; Bemerkungen zum Verhältnis von Raum und Geschichte. a: Beiträge zur Wirtschafts- und Sozialgeschichte des Mittelalters, Köln, ed. Knut Schulz, 1976
  6. Lilian Vizcaíno (es) no se trata de una abstracción del historiador (...); constituye en sí misma una realidad concreta, independiente de la voluntad del investigador
  7. Hernán Vengas (es) ente histórico-cultural asentado en una determinada comarca geográfica
  8. a et b Tägil 1999, p. XIII
  9. Lehti et Smith 2003, p. 82
  10. Lewis et Wigen 1997, p. 65
  11. (es) Jordi Palmer, « Movilización por la macroregión Occitania-Catalunya », sur El Nacional.cat, Barcellona, Grup les Notícies de Catalunya (consulté le )

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Germán Cardozo Galué, La Región histórica, Caracas, Fondo Editorial Tropykos, (ISBN 9789806004221)
  • (en) Vladimir Mikhaïlovitch Kotlyakov et Anna I. Komarova (dir.), Elsevier's dictionary of geography: in English, Russian, French, Spanish, German, Elsevier, (ISBN 0-444-51042-7)
  • (en) Marko Lehti (dir.) et David James Smith, Post-Cold War Identity Politics : Northern and Baltic Experiences, Routledge, , 320 p. (ISBN 0-7146-5428-0, lire en ligne)
  • (en) Archibald Ross Lewis, The Development of Southern French and Catalan Society, 718–1050, University of Central Arkansas, (lire en ligne)
  • (en) Martin W. Lewis et Kären Wigen, The Myth of Continents : A Critique of Metageography, University of California Press, , 344 p. (ISBN 0-520-20743-2, lire en ligne)
  • (en) Martin W. Lewis et Kären E. Wigen, The Myth of Continents: A Critique of Metageography, (ISBN 0-520-20743-2)
  • (es) Adrián Francisco Pereira Castellón, « Consideraciones teóricas generales sobre los procesos formativos de la región histórica », Contribuciones a las Ciencias Sociales,‎ (lire en ligne, consulté en )
  • (en) Susan Smith-Peter, Imagining Russian Regions: Subnational Identity and Civil Society in Nineteenth-Century Russia, Brill, (ISBN 9789004353497)
  • (en) Sven Tägil, Regions in Central Europe : The Legacy of History, C. Hurst & Co. Publishers, (ISBN 978-1557531858)
  • (es) Lilian Vizcaíno González, « La historia regional. Mitos y realidades », Universidad Michoacana de San Nicolás de Hidalgo: Instituto de Investigaciones Históricas, vol. 27,‎