Réarrangement de Baeyer-Villiger

Le réarrangement de Baeyer-Villiger ou oxydation de Baeyer-Villiger est une réaction de réarrangement utilisée en chimie organique dans laquelle une cétone est oxydée en ester par réaction avec un peracide ou avec l'eau oxygénée[1],[2]. La réaction est stéréospécifique et régiosélective[3]. Elle doit son nom au chimiste allemand Adolf von Baeyer et au chimiste suisse Victor Villiger.

La réaction de Baeyer-Villiger
La réaction de Baeyer-Villiger

On utilise typiquement comme réactifs l'acide méta-chloroperbenzoïque, l'acide peroxyacétique, ou l'acide peroxytrifluoroacétique[4]. Les cétones réactives ou cycliques à cycle tendu (cyclobutanones, norbornanones) réagissent avec le peroxyde d'hydrogène ou des hydroperoxydes pour former des lactones. Le réactif original utilisé pour la publication de 1899 est l'acide de Caro, découvert un an auparavant[5]. De l'hydrogénophosphate de sodium ou du bicarbonate de sodium est souvent ajouté comme agent tampon pour empêcher une transestérification ou une hydrolyse.

Mécanisme réactionnel[modifier | modifier le code]

Le mécanisme réactionnel du clivage oxydatif implique une première addition de peroxyacide au carbonyle formant un intermédiaire tétraédrique appelé aussi intermédiaire de Criegee pour sa similarité avec l'intermédiaire réactionnel du réarrangement du même nom. L'état de transition de cette étape est vu comme un relai hydrogène impliquant trois molécules de peroxyacide avec des interactions linéaires O-H-O[6]. Puis, il y a migration concertée de l'un des carbones adjacents sur l'oxygène, avec la perte d'un acide carboxylique. Si le carbone migrant est chiral, son orientation est maintenue.

Mécanisme réactionnel de l'oxydation de Baeyer-Villiger
Mécanisme réactionnel de l'oxydation de Baeyer-Villiger
Aptitude migratoire[7] : H > alkyle tertiaire > cyclohexyle > alkyle secondaire, aryle > alkyle primaire > méthyle

Dans l'état de transition de la phase de migration, l'angle dihédrique du R-C-O-O doit être de 180° afin de maximiser l'interaction entre la liaison sigma R-C pleine et la liaison sigma anti-liante O-O. Cetté étape est aussi (du moins in silico) assistée par deux ou trois unités de peroxyacide permettant au proton hydroxyle de transiter vers sa nouvelle position[6].

Pour les cétones asymétriques, le groupe migrant est généralement celui que stabilise le mieux sa charge positive. Ainsi, les cétones cycliques produisent par cette réaction des lactones et les aldéhydes des acides carboxyliques, même si des formiates peuvent être aussi formé si le groupe migrant est tertiaire ou est un groupe riche en électron, comme un groupe viyle ou un cycle aromatique (réaction de Dakin). Parfois, un alcool (chimie) est formé si le formate est hydrolytiquement instable.

Oxydation biocatalytique[modifier | modifier le code]

L'oxydation de Baeyer-Villiger peut aussi être effectuée sous biocatalyse, utilisant une enzyme appelée Baeyer-Villiger monooxygénase ou BVMO. Bien que largement expérimentale, cette technique semble pleine de promesse concernant l'énantiosélectivité et son potentiel dans le cadre de la chimie verte.

Oxydation de Baeyer-Villiger biocatalytique
Oxydation de Baeyer-Villiger biocatalytique

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) A. Baeyer, « Einwirkung des Caro'schen Reagens auf Ketone », Ber., vol. 32, no 3,‎ , p. 3625–3633 (DOI 10.1002/cber.189903203151, lire en ligne [abstract])
  2. (en) A. Baeyer, « Ueber die Einwirkung des Caro'schen Reagens auf Ketone », Ber., vol. 33, no 1,‎ , p. 858–864 (DOI 10.1002/cber.190003301153, lire en ligne [abstract])
  3. (en) Crudden, C. M.; Chen, A. C.; Calhoun, L. A., « A Demonstration of the Primary Stereoelectronic Effect in the Baeyer-Villiger Oxidation of α-Fluorocyclohexanones », Angew. Chem. Int. Ed., vol. 39, no 16,‎ , p. 2851–2855 (DOI 10.1002/1521-3773(20000818)39:16<2851::AID-ANIE2851>3.0.CO;2-Y)
  4. (en) Burton, J.W.; Clark, J.S.; Derrer, S.; Stork, T.C.; Bendall, J.G.; Holmes, A.B., « Synthesis of Medium Ring Ethers. 5. The Synthesis of (+)-Laurencin », J. Am. Chem. Soc., vol. 119, no 32,‎ , p. 7483–7498 (DOI 10.1021/ja9709132, lire en ligne [Abstract])
  5. (en) Michael Renz, Bernard Meunier, « 100 Years of Baeyer-Villiger Oxidations », European Journal of Organic Chemistry, vol. 1999, no 4,‎ , p. 737–750 (DOI 10.1002/(SICI)1099-0690(199904)1999:4<737::AID-EJOC737>3.0.CO;2-B)
  6. a et b The Role of Hydrogen Bonds in Baeyer-Villiger Reactions Shinichi Yamabe and Shoko Yamazaki J. Org. Chem.; 2007; 72(8) pp 3031 - 3041; (Article) DOI 10.1021/jo0626562
  7. ( « > » signifie « migre plus facilement que » )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Lien externe[modifier | modifier le code]