Pollution visuelle

L'Amérique pittoresque, illustration satirique datée de 1907, dessinée par Harry Grant Dart, alertant sur l'encombrement croissant de l'espace public urbain par la publicité.
Sur le grand calicot suspendu en travers de la rue, on peut lire (en anglais) :
« Société d'enseignes publicitaires artistiques. Il reste deux places sur la Mairie. Les églises, une spécialité. Aucun espace n'est sacré pour nous. Vous nous montrez le bâtiment ; nous faisons le reste. L'avancement artistique est notre objectif. »

La pollution visuelle (on parle aussi de « nuisances visuelles ») comprend les modifications visuelles d'un espace public ou d'un paysage, jugées inesthétiques ou visuellement désagréables.

Description[modifier | modifier le code]

Les panneaux et grands objets publicitaires, omniprésents, lumineux, détournant l'attention, parfois illégaux[1], sont un cas particulier, car leur taille et leur emplacement sont souvent conçus pour être vus par un grand nombre de personnes et pour attirer l'attention[2]. D'autres exemples sont l'urbanisme commercial de périphéries urbaines, certains bâtiments ou infrastructures, certains écrans acoustiques, certaines infrastructures énergétiques (lignes à haute tension, centrale nucléaires, fermes éoliennes ou solaires, barrages hydroélectriques...), de nombreuses infrastructures de transport, industrielles, portuaires, aéroportuaires, de tourisme, certaines clôtures (ex. : enclos de chasse). Certaines des sources de pollution visuelle sont durables et d'autres momentanées. Les fumées d'usines, traînées d'avion, rejets d'eau colorée, certaines grandes antennes[3] (notamment de téléphonie)[4][réf. non conforme] et la pollution lumineuse[5],[6][réf. non conforme] sont des pollutions visuelles qui disparaissent quand leur source cesse de les émettre ou selon les conditions météorologiques. Hors des zones réservées à leur expression artistique, les graffitis sont souvent considérés comme contribuant à la pollution visuelle[7].

En France[modifier | modifier le code]

En 2015, les dépenses publicitaires en France ont été d'environ 30 milliards d’euros, dont 12 % consacrés à l’affichage extérieur (contre 6 % en Allemagne ou aux États-Unis). Selon D. Frioux, « la coupable inertie des préfets à chaque plainte déposée par des associations comme Paysages de France, la présence écrasante, parmi les annonceurs, de champions nationaux de la grande distribution ou de l’automobile, expliquent la pollution visuelle de tant d’entrées de villes [...] Pour assurer le financement de la restauration de monuments historiques, on recourt à des bâches publicitaires géantes [...] La publicité devient une sorte d’impôt privé subi par tous »[1].

Les stades sportifs et — notamment en région parisienne — les transports en commun sont également touchés. Ainsi, en 2014, la RATP a reçu environ 100 millions d’euros de recettes publicitaire, ce qui est peu par rapport à son chiffre d’affaires de plus de cinq milliards d'euros[1].

Évaluation de la pollution visuelle[modifier | modifier le code]

Exemple de pollution visuelle (place Rouge à Moscou).

Le caractère relativement subjectif et parfois temporaire ou mobile dans l'espace de la pollution visuelle rendent son évaluation quantitative et qualitative complexe et délicate.

Des chercheurs travaillent à la mise au point d'outils de mesure plus objectifs[8], faisant notamment appel à l'apprentissage profond[9],[10].

Lutte contre la pollution visuelle[modifier | modifier le code]

Certains[Qui ?] proposent de faire en sorte de moins générer de pollution visuelle[11], par exemple par la formation initiale et continue, ou par une démarche d'écoconception et de « marketing vert »[11] en amont, et pour ne pas à avoir à la subir ou à la traiter ensuite[12][réf. non conforme].

Diverses lois protègent certains environnements urbains (généralement les quartiers historiques) et les paysages (parcs nationaux, grands sites, parcs naturels régionaux, réserves naturelles...), où l'affichage et certaines infrastructures sont interdits. Les amendes et la taxation de la pollution visuelle sont aussi des outils fiscaux utilisés[13][réf. non conforme].

Le nettoyage de décharges sauvages, de plastiques et autres déchets flottants, de cimetière d'épaves[14], ou le camouflage et la végétalisation sont parfois utilisés pour cacher des objets jugés laids [15][réf. non conforme].

Des outils d'approche collaborative et de sciences citoyennes, ainsi que la notion de covisibilité, associés à un système d'information géographique peuvent être utilisées pour évaluer et cartographier la pollution visuelle[16]

En France[modifier | modifier le code]

La loi paysage[Quand ?] permet de mieux protéger les paysages de la pollution visuelle, et les lois Grenelle limitent la pollution lumineuse qui dégrade les paysages nocturnes (plutôt pour des raisons de limitation du gaspillage énergétique).

Certaines collectivités (ex. : communes et parcs naturels régionaux), à travers des règlements locaux, cherchent à endiguer la publicité extérieure, notamment aux abords des ronds-points ou carrefours, ou interdisent le pelliculage des véhicules de transports en commun (bus, trams, trains, métro) ou les publicités lumineuses[1]. Mais souvent, hors des zones naturelles, des centres-villes ou des quartiers historiques, les réglementations s'assouplissent ou ne sont simplement pas respectées ; « aux pauvres et aux ruraux les affiches 4 × 3 souvent illégales, aux riches la sérénité d’un panorama préservé », écrivait D. Frioux en 2016[1].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d et e Dalibor Frioux (professeur agrégé de philosophie, romancier), « La publicité, pollution durable », Études, 2016/3 (mars), p. 83-84 (lire en ligne).
  2. (en) Szymon Chmielewski, Danbi J. Lee, Piotr Tompalski et Tadeusz J. Chmielewski, « Measuring visual pollution by outdoor advertisements in an urban street using intervisibilty analysis and public surveys », International Journal of Geographical Information Science, vol. 30, no 4,‎ , p. 801–818 (ISSN 1365-8816, DOI 10.1080/13658816.2015.1104316).
  3. P. A. Garcia, Conception d’antennes optiquement transparentes pour stations de base (thèse de doctorat), Nantes, 2014.
  4. (en) J. C. Nagle, « Cell phone towers as visual pollution ». Notre Dame JL Ethics & Pub, Pol'y, 23, 2009, 537. ; https://heinonline.org/HOL/LandingPage?handle=hein.journals/ndlep23&div=24&id=&page=
  5. J.-L. Dufier, Y. Touitou, D. Chauvaud et A. Torriglia, « Pollution lumineuse, pollution insidieuse », Bulletin de l'Académie Nationale de Médecine, vol. 204, no 3,‎ , p. 201–203 (ISSN 0001-4079, DOI 10.1016/j.banm.2019.12.014).
  6. Dufier, J. L. Jean-Louis Dufier: Pollution lumineuse, pollution visuelle, pollution de l’esprit.
  7. « Dégradations Graffitis : une pollution visuelle qui s'amplifie », sur Corse Matin, (consulté le ).
  8. (en) Khydija Wakil, Malik Asghar Naeem, Ghulam Abbas Anjum et Abdul Waheed, « A Hybrid Tool for Visual Pollution Assessment in Urban Environments », Sustainability, vol. 11, no 8,‎ , p. 2211 (ISSN 2071-1050, DOI 10.3390/su11082211).
  9. (en) Nahian Ahmed, M. Nazmul Islam, Ahmad Saraf Tuba et M. R. C. Mahdy, « Solving visual pollution with deep learning: A new nexus in environmental management », Journal of Environmental Management, vol. 248,‎ , p. 109253 (ISSN 0301-4797, DOI 10.1016/j.jenvman.2019.07.024, lire en ligne, consulté le ).
  10. (en) Khydija Wakil, Malik Asghar Naeem, Ghulam Abbas Anjum et Abdul Waheed, « A Hybrid Tool for Visual Pollution Assessment in Urban Environments », Sustainability, vol. 11, no 8,‎ , p. 2211 (ISSN 2071-1050, DOI 10.3390/su11082211, lire en ligne, consulté le ).
  11. a et b (en) Dr. Prashant M Joshi, « Green Marketing - New Hopes And Challenges », Indian Journal of Applied Research, vol. 1, no 4,‎ , p. 25–27 (ISSN 2249-555X et 2249-555X, DOI 10.15373/2249555x/jan2012/7).
  12. (en) Elena, E., Cristian, M., & Suzana, P. (2011). Visual pollution: A new axiological dimension of marketing. European Integration-New challenges, 1836.
  13. Barilari A (2013) Taxe sur la pollution visuelle ou pollution de la lisibilité de notre système fiscal. Constitutions: Revue de droit constitutionnel appliqué, (3), 432-433.
  14. Carmen Gil de Arriba, « Le tourisme fluvial et son cimetière d’épaves au seuil du Canal du Midi », Via . Tourism Review, no 8,‎ (ISSN 2259-924X, lire en ligne, consulté le ).
  15. Benassil-Chabane F (2012). L’intégration du végétal dans le processus de revalorisation des paysages urbains denses (Doctoral dissertation, école polytechnique d'architecture et d'urbanisme - Hocine Aït Ahmed)
  16. (en) Szymon Chmielewski, Marta Samulowska, Michał Lupa et Danbi Lee, « Citizen science and WebGIS for outdoor advertisement visual pollution assessment », Computers, Environment and Urban Systems, vol. 67,‎ , p. 97–109 (ISSN 0198-9715, DOI 10.1016/j.compenvurbsys.2017.09.001).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Adriana Portella, Visual Pollution: Advertising, Signage and Environmental Quality (DOI 10.4324/9781315547954)
  • F. Hamlat, Morphologie urbaine ; effet de la pollution visuelle sur l'enfant (thèse de doctorat), université de Batna 1-Hadj Lakhder.
  • P. Bar et G. Pachiaudi, « Les écrans acoustiques transparents : un moyen de réduire la nuisance acoustique sans engendrer de pollution visuelle », MONIT TRAV PUBLICS BATIM, no 6,‎ (ISSN 0026-9700, lire en ligne, consulté le )
  • S. Issad, A. D. Ali, et S. Boufassa, La pollution visuelle entre la conception architecturale et le mode de vie socioculturel (thèse de doctorat), université Abderrahmane Mira, 2016