Perfect World (manga)

Perfect World
Image illustrative de l'article Perfect World (manga)
Logo de l'édition française.
パーフェクトワールド
Type Josei
Genres Romance
Thèmes Handicap
Manga
Auteur Rie Aruga
Éditeur (ja) Kōdansha
(fr) Akata
Prépublication Drapeau du Japon Kiss
Sortie initiale
Volumes 12

Perfect World (パーフェクトワールド?) est une série manga dessinée par Rie Aruga et pré-publiée entre 2014 et 2021 dans le magazine Kiss, un magazine de josei manga (manga féminin) édité par Kōdansha. Il raconte en 12 volumes l'histoire d'amour entre une femme valide et un homme paraplégique.

L'œuvre remporte en 2019 le prix du manga Kōdansha dans sa catégorie shōjo[1]. Elle est adaptée en film en 2018 ainsi qu'en drama en 2019. La série est publiée en langue française par Akata.

Description[modifier | modifier le code]

L'histoire est centrée sur la relation romantique entre la protagoniste Tsugumi Kawana (川奈つぐみ?), une architecte d'intérieur de 26 ans vivant à Tokyo, et Itsuki Ayukawa (鮎川樹?), un architecte du même âge[2]. Lorsqu'elle était lycéenne, Tsugumi était amoureuse d'Itsuki, qui était alors l'égérie du club de basket-ball de l'école.

Photographie couleur de quatre joueurs de basketball en fauteuil roulant se disputent la balle.
Itsuki pratique du basket-ball en fauteuil roulant[2].

L'histoire commence par leurs retrouvailles dans le cadre professionnel ; Tsugumi est choquée de découvrir qu'Itsuki est paraplégique et se déplace désormais en fauteuil roulant ; il a eu un accident de vélo lorsqu'il était étudiant, ce qui a provoqué un traumatisme médullaire. Mais une fois le choc initial passé, elle tombe à nouveau amoureuse d'Itsuki[2].

La série présente de nombreux thèmes en liens avec le handicap moteur d'Itsuki : les conséquences sur sa santé (escarre, incontinence fécaleetc.), le handisport, les contraintes d'accessibilité des lieux et l'architecture universelle, la pression sociale exercée sur les protagonistes aussi bien par des étrangers que par des membres de leur famille, la gestion des séismes, le rapport sexuel ou encore la conception d'enfants par procréation médicalement assistée[2],[3],[4],[5]. La relation entre les deux protagonistes est ainsi ponctuée de nombreuses difficultés externes, mais aussi de difficultés internes en lien avec leur propres faiblesses personnelles, notamment alimentées par leur validisme internalisé[3].

Genèse de l'œuvre[modifier | modifier le code]

Contexte de création[modifier | modifier le code]

Rie Aruga est une autrice de manga qui a commencé sa carrière en 2011 ; elle travaille pour le magazine Kiss de Kōdansha, un magazine de shōjo manga pour adulte[4]. Elle dessine plusieurs histoires courtes avant d'entamer sa première série en 2013, Par delà les étoiles… (オールトの雲から?), qui ne rencontre pas le succès et est donc abandonnée au cours de l'année[6].

Kiss publie souvent des œuvres sociales[4] ; le thème du handicap n'avait pas été traité par le magazine depuis la fin de Kimi no te ga sasayaite iru (君の手がささやいている?) en 2002, un manga de Junko Karube sur la surdité[7]. Aussi lors de l'été 2013 le service éditorial du magazine demande à Aruga de créer un manga romantique sur le thème du handicap[4], premièrement sous la forme d'un one shot[7]. L'autrice est choisie pour ce projet car il est estimé que son profil correspond[8], avec son style graphique « joli et travaillé »[7].

Documentation et recherches[modifier | modifier le code]

La création de mangas sur le thème du handicap est généralement très encadrée aussi bien par les éditeurs que par des associations afin d'éviter les faux-pas[8] ; c'est particulièrement le cas pour le projet d'Aruga, comme l'autrice est encore relativement inexpérimentée[9] et qu'elle ne connaît pas du tout la thématique[10].

Lors de ses recherches préliminaires, elle rencontre rapidement Kazuo Abe, un architecte réputé qui est aussi paraplégique ; il devient rapidement son consultant pour la série[4] et joue ainsi le rôle habituellement dévolu aux associations[11]. Abe présente à Aruga une dizaine de couples avec des handicaps divers, leur famille respective[12],[4], ainsi que du personnel soignant[10].

Au fil de ses recherches, la dessinatrice a la vision d'un homme en fauteuil roulant, elle décide alors de s'orienter sur le thème de la paraplégie[10]. Pour bien comprendre le handicap en plus de ce qu'elle peut rassembler lors de ses rencontres, elle visite des usines de fabrication de fauteuils roulants[8] et en loue un pour se rendre compte par elle-même des difficultés de déplacement et de la vie de tous les jours[12].

Création et pré-publication[modifier | modifier le code]

Pour son histoire, Aruga décide d'avoir comme protagoniste une femme, pour correspondre au lectorat typique de Kiss[13] ; comme l'autrice voyait un homme pour le personnage en situation de handicap, la protagoniste est donc valide, ce qui permet d'adopter plus facilement un point de vue didactique pour le lectorat[2]. Elle décide en outre de faire travailler ses personnages dans le milieu de l'architecture et de la décoration d'intérieur afin de mettre en avant le thème de l'accessibilité universelle[4].

L'autrice projette dès le départ de donner à son manga une fin heureuse, avec une idée grossière de l'histoire complète, même si elle se laisse la possibilité de dévier au fil de la progression[6]. Ainsi, comme l'histoire est celle de deux personnes, qui malgré le handicap et les épreuves, cherchent à se créer un « monde parfait », Aruga donne au manga le titre de Perfect World[14].

Le one shot est finalement publié le dans le numéro de de Kiss ; il reçoit un très bon accueil des lecteurs, ce qui permet à l'autrice de poursuivre l'histoire sous la forme d'une série[7] à un rythme plus ou moins mensuel. Rie Aruga travaille sur la série avec trois assistants à distance ; l'élaboration du storyboard dure environs deux semaines, puis elle dessine sur papier avec de simples stylos avant de réaliser l'encrage et le tramage en numérique[6].

Comme l'autrice est encore peu expérimentée et que le manga traite de thèmes difficiles, avec par exemple les problèmes de santé ou le sexe, elle est encouragée par ses éditeurs à représenter ces thèmes au compte-goutte, au fur et à mesure de sa montée en compétence[9], quand d'autres, comme le séisme, font écho à l'actualité, avec les séismes de 2016 de Kumamoto[11]. En outre pour ses dialogues, la dessinatrice essaie au mieux de réutiliser telles quelles des paroles qu'elle a pu entendre lors de ses entretiens, afin de donner directement la parole aux personnes concernées et ainsi d'éviter de les réinterpréter[4].

La série se conclut en 59 chapitres le dans le numéro de de Kiss[15].

Éditions[modifier | modifier le code]

Les chapitres du manga sont rassemblés par Kōdansha en 12 volumes reliés[16] dans sa collection « KC Kiss » ; le premier volume est publié en [17] lorsque le douzième est publié en [18].

L'œuvre est traduite à l'international dans une dizaine de langues, notamment en anglais, en chinois mandarin ou encore en français[12]. La version française est traduite par Chiharu Chūjo[4], adaptée par Nathalie Bougon et éditée par les éditions Akata dans sa collection « Large »[19] ; l'œuvre entre dans sa démarche de proposer un catalogue qui traite de diverses problématiques sociétales[10]. Le premier volume francophone est ainsi publié en [20] et le douzième en [21].

Analyse[modifier | modifier le code]

Un shōjo manga typique[modifier | modifier le code]

Pré-publié dans un magazine de shōjo manga, Perfect World est conçu avant tout autre chose comme une œuvre de divertissement[6], qui adhère aux conventions du shōjo manga romantique, aussi bien sur le plan narratif que graphique.

Au niveau narratif, les deux protagonistes principaux sont une variation réaliste de l'héroïne positive et lumineuse et du héro plus froid et distant[6], quand l'histoire est centrée sur une romance policée et mélodramatique qui prend la forme d'un quatuor amoureux[19]. Ainsi l'autrice explique « Ce n’est pas parce que l’un des thèmes est le handicap qu’on doit négliger le sentimental. J’adore les histoires d’amour et il faut que les lecteurs aient le cœur qui bat la chamade. Si je n’y arrive pas, j’ai échoué. C’est ma seule obsession quand j’écris mes histoires[4]. »

Sur le plan esthétique, les traits du dessin sont doux[10] et dans la norme des œuvres contemporaines du genre[22], notamment avec son héro au corps gracile qui ne signale pas une forte masculinité[2].

Plus spécifiquement Yoshiko Okuyama, professeure d'études japonaises spécialiste du handicap, intègre Perfect World dans la lignée de nombreux shōjo mangas romantiques qui utilisent le handicap comme un procédé narratif permettant de mettre à l'épreuve la solidité de l'amour reliant les deux protagonistes, qui doivent alors faire face à la discrimination et se retrouvent aliénés de la société. Mais Okuyama souligne que le manga propose par-dessus ce procédé narratif typique un important aspect didactique sur le handicap[3].

Représentation du handicap[modifier | modifier le code]

L'histoire étant écrite du point de vu de Tsugumi, qui est valide et qui ne connaît initialement que peu de choses sur le handicap, elle permet au lecteur d'apprendre avec la protagoniste la réalité du handicap moteur à partir de ses observations et de ses erreurs dans sa relation avec Itsuki[2]. Toutefois comme la relation entre les deux protagonistes est le cœur de l'histoire, l'œuvre ne se veut pas universelle[10] et ne prétend pas être un documentaire[6].

Itsuki et son handicap sont ainsi individualisés, son personnage ne verse ni dans le misérabilisme, ni dans le héroïsme stoïque ; s'il partage une expérience commune avec d'autres personnes paraplégiques, concernant ses difficultés de déplacement, ses problèmes de santé et la discrimination qu'il subit, il possède ses propres forces et faiblesses[2],[19],[22].

Par ailleurs, les protagonistes rencontrent au fil de l'histoire d'autres personnes en situation de handicap moteur, chacune dans une situation matrimoniale et avec un handicap qui lui est propre. Ceci permet d'éviter que le handicap ne se retrouve enfermé dans un unique cas de figure[4].

Adaptations[modifier | modifier le code]

Photographie couleur d'un portrait de taille d'une jeune femme typée asiatique, avec une tunique rose à motifs floraux.
Hana Sugisaki en .

Une adaptation cinématographique du manga est annoncée dans le numéro de de Kiss[23]. Elle est dirigée par Kenji Shibayama et écrite par Keiko Kanome, les rôles principaux sont interprétés par Hana Sugisaki pour Tsugumi, et Takanori Iwata pour Itsuki[24].

Le film sort en salles le sous le titre Perfect World : Kimi to iru kiseki (パーフェクトワールド 君といる奇跡?)[24]. La réception par le public est médiocre, avec une recette de 622 million de yen[25].

Malgré ce résultat, une adaptation en drama est diffusée à la télévision l'année suivante sur KTV et Fuji TV pour un total de 10 épisodes, entre le et le . Là encore le résultat d'audience est médiocre[25].

L'implication de Rie Aruga dans ces deux projets d'adaptation est faible ; elle a principalement signé les chartes au démarrage des projets[6].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Crystalyn Hodgkins, « Prix Kodansha : les résultats des Manga Awards sont annoncés », sur Anime News Network, (consulté le )
  2. a b c d e f g et h Okuyama 2020, p. 84.
  3. a b et c Okuyama 2020, p. 86.
  4. a b c d e f g h i j et k Croquet 2019.
  5. Rémi 2020.
  6. a b c d e f et g Boutet 2019.
  7. a b c et d Anzalone 2019, p. 105.
  8. a b et c Okuyama 2020, p. 85.
  9. a et b Anzalone 2019, p. 108.
  10. a b c d e et f Bellan 2019.
  11. a et b Anzalone 2019, p. 106.
  12. a b et c 上野 2020.
  13. Okuyama 2020, p. 83.
  14. (zh-HK) 周仲明, « Perfect World打破隔膜爆喊上位 », 東方日報,‎ .
  15. (ja) « 実写映画&ドラマ化も果たした、有賀リエ「パーフェクトワールド」がKissで完結 », sur Natalie,‎ (consulté le ).
  16. Alex Mateo, « Le manga Perfect World prendra fin avec son douzième tome », sur Anime News Network, (consulté le ).
  17. (ja) « パーフェクトワールド = perfect world 1 », sur Bibliothèque nationale de la Diète (consulté le ).
  18. (ja) « パーフェクトワールド = perfect world 12 », sur Bibliothèque nationale de la Diète (consulté le ).
  19. a b et c Anzalone 2017.
  20. « Perfect world 1 », sur Bibliothèque nationale de France (consulté le ).
  21. « Perfect world 12 », sur Bibliothèque nationale de France (consulté le ).
  22. a et b Silverman 2018.
  23. (ja) « 車椅子生活になった初恋の人との恋描くマンガ「パーフェクトワールド」実写化 », sur Natalie,‎ (consulté le ).
  24. a et b (ja) 高橋聡, « シネマレジェンド 高橋聡が選ぶこの一本「パーフェクトワールド 君といる奇跡」 岩田&杉咲の恋愛青春譚 », 大阪日日新聞.,‎ .
  25. a et b (ja) « 松坂桃李ドラマ“瀕死”視聴率とスキャンダル重なる窮地か 映画もコケたのになぜドラマ化? », sur Wezzy,‎ (consulté le ).

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Livres et articles[modifier | modifier le code]

Critiques[modifier | modifier le code]

  • Olivia Tripault, « "Perfect world" : le libre droit à l'amour », Atlantico,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  • Frederico Anzalone, « Perfect World #1-4 », sur BoDoï, (consulté le ).
  • (en) Rebecca Silverman, « Perfect World GN 1 », sur Anime News Network, (consulté le ).
  • Lucile Bellan, « «Perfect World», amour et handicap au pays du manga », Slate,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  • Pauline Croquet, « « Perfect World » : le manga romantique s’empare avec justesse de la question du handicap », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  • Rémi I., « Perfect World #9-10 », sur BoDoï, (consulté le ).

Interviews[modifier | modifier le code]

  • (ja) 松澤夏織, « 日本人は障害者に慣れていない『パーフェクトワールド』 », sur Excite,‎ (consulté le ).
  • Frederico Anzalone, « Rie Aruga : Quand la roue tourne », Atom, no 11,‎ (ISSN 2552-9900).
  • (ja) 上野啓祐, « 障害ある人との恋愛模様、リアルに 漫画「パーフェクトワールド」作者・有賀リエさんに聞く 日常の「大変さ」地道な取材で », 信濃毎日新聞,‎ .

Liens externes[modifier | modifier le code]