Paul Federn

Paul Federn
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Voir et modifier les données sur Wikidata (à 78 ans)
New YorkVoir et modifier les données sur Wikidata
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Formation
Activités
Fratrie
Robert Federn (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfants
Anna Urbach (d)
Ernst FedernVoir et modifier les données sur Wikidata
Œuvres principales
  • La Psychologie du moi et les psychoses (1979)

Paul Federn, né à Vienne le et mort à New York le , est un médecin et un psychanalyste américain d'origine autrichienne. Proche de Sigmund Freud, il appartient à la première génération des psychanalystes, et préside la Société psychanalytique de Vienne dans les années 1920. Après son exil aux États-Unis en 1938, il est connu comme représentant de l'Ego psychology.

Biographie[modifier | modifier le code]

Petit-fils de rabbin et fils d'un médecin généraliste réputé de Vienne, Paul Federn est « issu de la bourgeoisie juive libérale », sa mère appartenait à une famille de riches marchands[1]. Élisabeth Roudinesco évoque une « humeur dépressive » dès sa jeunesse, « ce qui ne l'empêcha pas d'être un fringant officier de la cavalerie impériale, d'aimer les femmes et de remporter auprès d'elles de beaux succès. Sa stature imposante, sa voix tonitruante, ses yeux vifs et sa grande barbe noire lui donnaient l'allure d'un calife des Mille et Une Nuits »[2]. Après s'être installé comme médecin interniste à Vienne en 1902, il épousa en 1904 Wilma Bauer (1884-1949) qu'il connaissait pour l'avoir soignée. Wilma Bauer est protestante, et Federn envisagea de se convertir. Ses trois enfants sont élevés dans la religion protestante[3].

Ayant fait des études de médecine pour obéir à son père, il avait obtenu son diplôme de médecine en 1895, et c'est au cours de son internat avec Hermann Nothnagel qu'il fut présenté par ce dernier à Freud. « Avec Freud, il fit une sorte d'analyse avant la lettre, au cours de laquelle il parvint à contrôler son humeur mélancolique. »

Il fut un membre influent de la Société psychologique du Mercredi[4]. « Profondément marqué par la lecture de L'Interprétation du rêve, il se voua dès 1904 à la psychanalyse, constituant avec Alfred Adler, Wilhelm Stekel et Rudolf Reitler le premier cercle de disciples de Freud »[5]. Il a présidé la Société psychanalytique de Vienne.

Médecin militaire pendant la Première Guerre mondiale, il devint, après la défaite de l'Allemagne, membre du parti social-démocrate[6]. Il s'est beaucoup intéressé aux applications sociales de la psychanalyse et a défendu l'ouverture de centres ambulatoires. Du fait de son intérêt pour le travail social et la Heilpägagogik, il noua des relations avec August Aichhorn. Il s'intéressa à la délinquance juvénile, à l'éducation sexuelle et à l'émancipation des femmes[6]. Dans un essai publié en 1919 « Zur Psychologie der Revolution: die Vaterlose Gesellschaft (“Sur la psychologie de la révolution: la société sans père”), il analyse la contestation de l'autorité par la génération d'après-guerre comme un parricide inconscient ambitionnant d'instaurer une “société sans père” »[5]. Les travaux de ces trois médecins psychanalystes Ernst Simmel rédige "Psychanalyse des masses", Federn "Sur la psychologie de la révolution", Freud « Psychologie des masses et analyse du moi » sont publiés entre 1919 et 1921, ils présentent des points de jonction (Tréhel, G., 2017).

Son intérêt porté à la folie est probablement lié avec sa situation familiale : en effet, son fils, Walter, brillant étudiant en égyptologie et universitaire est schizophrène et se suicida en 1968[6],[7].

Paul Federn émigra avec sa famille aux États-Unis en 1938, dans le contexte de l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazie. Quelques mois avant son départ, son fils, Ernst Federn, avait été arrêté par la Gestapo, puis déporté à Buchenwald. Paul Federn ne revoit son fils qu'en 1946, aux États-Unis[8].

Il est engagé, dès l'entre-deux guerres, dans la révision de la théorie du moi et dans la refonte de la deuxième topique, travail qui déboucha sur la distinction du moi (ego) et du soi (self), premier pas vers la Self Psychology[6]. Il fut « très affecté de ne pas être vraiment reconnu par les représentants de l' Ego-psychology, qui ne citent jamais ses travaux »[6].

C'est seulement en 1946, après avoir fait reconnaître son diplôme de médecin, qu'il est officiellement reconnu comme analyste didacticien à la New York Psychoanalytic Society. La récidive d'un cancer dont il estimait ne pas pouvoir réchapper le conduisit à se suicider[5].

Paul Federn et la théorie du moi[modifier | modifier le code]

D'après Roudinesco et Plon, c'est « à partir d'une réflexion sur le narcissisme et la clinique des psychoses » que Paul Federn « élabora sa conception des “frontières du moi” »[9].

À partir de la théorie du moi de Freud[modifier | modifier le code]

Selon Maria Teresa de Melo Carvalho, « les élaborations de P. Federn, si elles ne constituent pas une théorie achevée du moi, contiennent néanmoins des éléments féconds qui peuvent fonctionner comme point de relance de la conception du moi »[10]. Au sein de « la critique lacanienne »[11], cette psychanalyste latino-américaine, constamment confrontée dans le « contexte brésilien » à l'importance prise par Lacan quant à la conception élaborée par celui-ci d'une « essence imaginaire du moi »[11], se réfère dans sa recherche à « l'affirmation de Laplanche selon laquelle les travaux de Federn définissent le point théorique et historique très exact d'où il faudrait repartir pour reprendre la théorie freudienne du moi, là où elle a été laissée en jachère, avant d'être déviée par ce qu'on appelle l'ego psychology »[12].

Au cours de sa recension de l'ouvrage de M.-T. de Melo Carvalho, Monique Dechaud-Ferbus écrit que pour Federn, le Moi est « un état psychique, le plus simple qui rend compte du Moi en tant que Moi corporel et Moi psychique ». M.-T. de Melo Carvalho étudie « ce que Federn élabore sur la constitution du Moi et de ses frontières »[13].

Le moi et le narcissisme[modifier | modifier le code]

L'intérêt de Paul Federn « pour la nature et le fonctionnement du Moi » s'accompagne d' « une réflexion en profondeur sur le narcissisme »[14], notamment en ce qui regarde la clinique des schizophrènes: « Dans ses études sur ses patients schizophrènes, Federn en arriva à la conclusion que, loin d'être excessivement investi de libido, leur Moi disposait au contraire d'une énergie d'investissement insuffisante. Contrairement aux hypothèses de Sigmund Freud et de Karl Abraham, c'est donc une carence, non un excès de libido narcissique, qui détermine pour lui la difficulté objectale du psychotique »[15].

Réception française des travaux de Paul Federn[modifier | modifier le code]

La liste des écrits de Paul Federn en allemand et en anglais de 1901 à 1952 est donnée à la fin de la traduction française[16] de l'ouvrage édité de manière posthume sous la direction d'Edoardo Weiss[17] à New York en 1952 et en 1979 pour la traduction française sous le titre La psychologie du moi et les psychoses. Selon M. Dechaud-Ferbus, M.-T. de Melo Carvalho, avec le recul pris dans les années 1990 par rapport aux années 1970 et l'évolution de la théorie psychanalytique — les travaux de Paul Federn ont spécialement intéressé Didier Anzieu dans Le Moi Peau et Jean Laplanche dans Vie et mort en psychanalyse — met « en relief ce qui est resté occulté dans les travaux de Federn »[18].

Au niveau de la recherche la plus récente (années 2010), F. Houssier, D. Bonnichon, X. Vlachopoulou et A. Blanc du groupe de recherches « Paul Federn et la psychothérapie des psychoses » (dirigé par Florian Houssier), éditeurs de la traduction française de deux textes jusqu'alors inédits en français, Investissements du moi et actes manqués, et Contes. Mythes. Histoire des premiers temps, ont pour but de « réparer l'oubli indifférent » à l'égard d'un des « psychanalystes pionniers » parmi les plus « proches du fondateur de la psychanalyse », pionnier notamment « de la psychothérapie psychanalytique des psychoses ». Ils rappellent les hommages rendus à son égard par Didier Anzieu et en 1970 par Jean Laplanche. Dans leur introduction à cette traduction de deux textes de P. Federn des années 1920-1930, les auteurs déclarent s'appuyer essentiellement sur « trois sources centrales » : l'ouvrage de Federn paru à titre posthume et dirigé par Edoardo Weiss La psychologie du moi et les psychoses (1952), l'ouvrage de M.-T. de Melo Carvalho Paul Federn, une autre voie pour la théorie du Moi (1996) et l'article de P.-C. Racamier, « À propos de La Psychologie du moi et les psychoses de P. Federn » (1954)[19].

Publications[modifier | modifier le code]

En allemand et en anglais[modifier | modifier le code]

  • (de) Zur Psychologie der Revolution: Die vaterlose Gesellschaft. Suschitzky, Leipzig 1919.
  • (de) Einige Variationen des Ichgefühls, 1926.
  • (de) Narzissmus im Ichgefüge, 1927.
  • (de) Das Ich als Subjekt und Objekt im Narzissmus, 1929.
  • (de) Hygiene des Geschlechtslebens für den Mann. Hippokrates, Stuttgart 1930.
  • (de) Bis der Arzt kommt. Hippokrates, Stuttgart 1930
  • (de) Gesundheitspflege für Jedermann. Heft 1–2. Hippokrates, Stuttgart 1930
  • (en) The Analysis of psychotics, 1934.
  • (de) Das psychoanalytische Volksbuch. Seelenkunde. Hygiene. Krankheitskunde. Kulturkunde. Hippokrates, Stuttgart 1926 u. : Huber, Bern 1939.
  • (en) Ego Psychology and the psychoses, 1952, Basic Books, Inc. New York.

Traductions françaises[modifier | modifier le code]

  • La Psychologie du moi et les psychoses (Ego psychology and the psychoses, 1952, édition posthume sous la dir. d'Edoardo Weiss), Introduction d'Edoardo Weiss, traduit de l'américain par Anne Lewis-Loubignac, Puf, Coll. « Bibliothèque de psychanalyse » (dir. Jean Laplanche), 1979, (ISBN 2130357032).
  • Investissements du moi et actes manqués, suivi de Contes. Mythes. Histoire des premiers temps (Die Ichbesetzung bei den Fehlleistungen, 1932, et Märchen — Mythus — Urgeschichte, 1926), traduit de l'allemand par Catherine Haussone, introduction « Paul Federn, la psychanalyse sans frontières » par Florian Houssier, Delphine Bonnichon, Xanthie Vlachopoulou et Adrien Blanc (Groupe de recherches « Paul Federn et la psychothérapie des psychoses » sous la dir. de Florian Houssier, laboratoire UTRPP, université Paris-XIII, Sorbonne Paris Cité), Paris, Les éditions d'Ithaque, 2017, (ISBN 978-2-916120-78-2)
  • Cartes postales, notes & lettres de Sigmund Freud à Paul Federn (1905-1938), traduit de l’allemand par Benjamin Lévy, avec la collaboration de Ch. Woerle pour la transcription, Introduction par le Groupe de travail Paul Federn (F. Houssier, D. Bonnichon, A. Blanc et X. Vlachopoulou), Les éditions d'Ithaque, 2018, (ISBN 978-2-916120-87-4)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Paul-Claude Racamier, « À propos de La Psychologie du moi et les psychoses de P. Federn », L'Évolution psychiatrique 2, 1954, p. 321-332
  • Maria Teresa de Melo Carvalho, Paul Federn, une autre voie pour la théorie du moi, Puf, 1996, coll. « Voix nouvelles en psychanalyse », (ISBN 2130473962)[20] Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Anna Maria Accerboni, « Paul Federn », dans Alain de Mijolla (dir.), Dictionnaire international de la psychanalyse, Hachette Littératures, (ISBN 2-0127-9145-X).Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • É. Roudinesco et M. Plon, Dictionnaire de la psychanalyse , Entrée « FEDERN Paul (1871-1950) — Psychiatre et psychanalyste américain », Paris, Fayard, Collection « Le Livre de Poche », 2011, (ISBN 978-2-253-08854-7) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Florian Houssier, Delphine Bonnichon, Xanthie Vlachopoulou et Adrien Blanc, « Paul Federn, la psychanalyse sans frontières », Introduction à Paul Federn, Investissements du moi et actes manqués, suivi de Contes. Mythes. Histoire des premiers temps, Paris, Ithaque, 2017, p. 7-30. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Florian Houssier, Xanthie Vlachopoulou, Delphine Bonnichon & Noémie Capart, « Freud consultant. Une lecture de la correspondance entre Freud et Federn », Revue française de psychanalyse, 2015/4, vol. 79, p. 1198-1212, [lire en ligne]
  • Gilles Tréhel, (2017). Ernst Simmel, Paul Federn, Sigmund Freud et les masses révolutionnaires. Psychothérapies, 2017, 37(3), 183-195.

Article connexe[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. É. Roudinesco et M. Plon, Dictionnaire de la psychanalyse, Entrée « Paul Federn (1871-1950) — Psychiatre et psychanalyste américain », p. 444
  2. É. Roudinesco et M. Plon, p. 444.
  3. Roudinesco et Plon, p. 444.
  4. Roudinesco et Plon, p. 445.
  5. a b et c Accerboni 2005, p. 623.
  6. a b c d et e Roudinesco et Plon, p. 445
  7. Roudinesco et Plon, p. 446.
  8. Roudinesco et Plon, p. 446.
  9. Roudinesco et Plon, p. 445
  10. M. T. De Melo Carvalho, Paul Federn — Une autre voie pour la théorie du moi, p. 6.
  11. a et b M.T. De Melo Carvalho, Paul Federn, p. 1.
  12. Jean Laplanche, Nouveaux fondements pour la psychanalyse, Paris, PUF, 1987, p. 134. Cité (en italique) par T.M. De Melo Carvalho, Paul Federn, p. 6.
  13. Dechaud-Ferbus, Monique. « “ Paul Federn, une autre voie pour la théorie du Moi ” de Maria-Térésa de Mélo Carvalho », Revue française de psychanalyse, vol. 65, no 1, 2001, p. 275-278. [lire en ligne] (Consulté le ).
  14. Accerboni 2005, p. 624.
  15. Accerboni 2005, p. 624-625.
  16. Liste détaillée des écrits de Paul Federn dans La psychologie du moi et les psychoses, Paris, PUF, coll. « Bibliothèque de la psychanalyse » (dirigée par Jean Laplanche), 1979, p. 379-383.
  17. « Dans ses dernières volontés, Paul Federn m'a confié l'édition de ce livre », rappelle Edoardo Weiss qui rapporte dans son introduction les paroles de Federn lors de leur dernière rencontre à Noël 1949 alors que les jours de celui-ci étaient comptés: « Ne me pleurez pas quand j'aurai disparu, j'ai laissé en manuscrit ce que j'avais à dire dans le domaine de la psychologie du moi. » (Paul Federn). Dans P. Federn, La psychologie du moi et les psychoses, Introduction d'E. Weiss, 1979, p. 7.
  18. M. Dechaud-Ferbus, « “Paul Federn, une autre voie pour la théorie du Moi” de Maria-Térésa de Mélo Carvalho », Revue française de psychanalyse, 2001.
  19. F. Houssier, D. Bonnichon, X. Vlachopoulou et A. Blanc, « Paul Federn, la psychanalyse sans frontières », introduction à P. Federn, Investissements du moi et actes manqués, suivi de Contes. Mythes. Histoire des premiers temps, 2017, p. 8 et 15. Référence à Vie et mort en psychanalyse de Jean Laplanche, 1970, pour l'évocation de Paul Federn, p. 128. L'article de P.-C. Racamier est paru dans L'Évolution psychiatrique 2, 1954, p. 321-332 (Article cité dans la bibliographie du groupe de recherches « Paul Federn et la psychothérapie des psychoses », p. 28-30).
  20. [compte rendu] Monique Dechaud-Ferbus, « “Paul Federn, une autre voie pour la théorie du Moi” de Maria-Térésa de Mélo Carvalho », Revue française de psychanalyse, vol. 65, no 1,‎ , p. 275-278.