Opération Anubis

Opération Anubis
L'opération Anubis au siège du Département de l'Économie.
L'opération Anubis au siège du Département de l'Économie.

Type opération policière
Pays Drapeau de l'Espagne Espagne
Localisation Catalogne
Date
Répression
Arrestations 18

L'opération Anubis (Operación Anubis) est une opération menée par la justice espagnole contre le référendum d'indépendance convoqué pour le 1er octobre 2017 en Catalogne. L'opération a été mise en œuvre le par la garde civile sur ordre du juge d'instruction numéro 13 de Barcelone, Juan Antonio Ramírez Sunyer (es)[1]. La garde civile a fouillé différents sièges du gouvernement catalan et effectué 14 arrestations de hauts fonctionnaires et dirigeants d'entreprises qui ont préparé le référendum. Les forces de la garde civile ont perquisitionné les départements de l'Économie, des Affaires et Relations institutionnelles et extérieures, du Travail, des Affaires sociales et familiales, ainsi que leurs annexes[2].

Peu après l'arrivée des effectifs policiers aux sièges perquisitionnés, des concentrations de manifestants se sont formées spontanément, en soutien au Gouvernement de la Généralité[1].

L'opération policière emprunte son nom à Anubis, le dieu funéraire de l'Égypte antique.

20 septembre[modifier | modifier le code]

L'opération Anubis trouve son origine dans l'enquête menée par le juge d'instruction numéro 13 de Barcelone, Juan Antonio Ramírez Sunyer (ca), concernant des déclarations de l'ancien juge Santiago Vidal, membre de la Gauche républicaine de Catalogne, ce dernier ayant été dénoncé par le parti de la droite conservatrice Vox et par un particulier. Cette enquête est soumise au secret de l'instruction[3].

Aux premières heures du matin, le , la garde civile se présente simultanément aux sièges de la Vice-présidence et de l'Économie, du Département des Affaires Extérieures, de la Gouvernance, du Travail, des Affaires sociales et de la Famille, de l'Agence tributaire de Catalogne, de l'Institut catalan des Finances, de la fondation puntCat, ainsi qu'aux domiciles de plusieurs employés et hauts fonctionnaires de la Généralité, et enfin dans un bâtiment industriel à Bigues i Riells[4]. Leurs recherches terminées, les forces de l'ordre quittent les bâtiments les uns après les autres, à l'exception du siège de l'Économie, où s'est amassée une foule de plusieurs milliers de manifestants. La garde civile finit par sortir tôt le lendemain matin après vingt heures de perquisition, protégée par les mossos d'Esquadra[5].

Agents de la Police Nationale au siège de la CUP à Barcelone.

Durant la même matinée, des forces de la police nationale se présentent au siège de la CUP à Barcelone. N'ayant aucun mandat, les membres et sympathisants du parti leur interdisent l'entrée. Les policiers repartent finalement au bout de huit heures, sans être intervenus ni avoir arrêté personne[1].

La garde civile mène le même jour des investigations dans des bâtiments de l'Institut d'Études de l'Autogouvernance, dirigée par Carles Viver i Pi-Sunyer (ca)[6].

Enfin, ce jour-là arrivent dans les ports de Barcelone et Tarragone trois navires devant permettre le transport de renforts de police. Les deux premiers navires, arrivés à Barcelone, sont le Rhapsody et le Moby Dada. Celui arrivé à Tarragone est le GNV Azzura. Les trois navires ont été loués à des compagnies italiennes et totalisent 4 000 lits[7].

Personnes arrêtées[modifier | modifier le code]

Le , la garde civile a arrêté dix hauts fonctionnaires de la Généralité et quatre particuliers[8],[9] :

  • Josep Maria Jové i Lladó (es), secrétaire général de la vice-présidence de la Généralité et du département de l'Économie et des Finances. Présenté comme le « numéro deux » d'Oriol Junqueras, il est aussi président du conseil national de l'ERC ;
  • Lluís Salvadó, secrétaire des Finances du département de l'Économie et des Finances. Il est également secrétaire général adjoint de l'ERC ;
  • Francesc Sutrias i Grau (ca), directeur général du Patrimoine du département de l'Économie et des Finances ;
  • Natalia Garriga, directrice des Services du département de l'Économie et des Finances ;
  • Juan Manuel Gómez, responsable du Centre de la sécurité de l'information de Catalogne au sein du Centre des télécommunications et des technologies de l'information (CTTI) ;
  • Josué Sallent, directeur de la Stratégie et de l'Innovation du CTTI ;
  • David Palanques, agent du CTTI attaché au département du Travail et des Affaires sociales de la Généralité ;
  • David Franco, agent du CTTI attaché au département du Travail et des Affaires sociales de la Généralité ;
  • Xavier Puig Farré, directeur du bureau des Technologies de l'information et des Télécommunications du département des Affaires et relations institutionnelles et extérieures, et de la Transparence de la Généralité ;
  • Joan Ignasi Sánchez, collaborateur de cabinet de la conseillère à l'Intérieur de la Généralité Meritxell Borràs ;
  • Josep Masoliver, responsable des techniques et des projets technologiques de la fondation PuntCat ;
  • Mercedes Martínez Martos, fondée de pouvoir de l'entreprise Fox Box Publi Alternativa ;
  • Rosa Maria Rodriguez Curto, directrice générale des Services de l'entreprise T-System' ;
  • Pau Furriol, avocat et militant de l'ERC.

Huit des personnes arrêtées sont libérées le lendemain et les six restantes le surlendemain. Toutes ont fait valoir leur droit au silence. Elles sont inculpées de désobéissance au tribunal constitutionnel pour ne pas avoir arrêté la procédure du référendum, de prévarication ou de détournement de fonds publics[10].

Mobilisations citoyennes[modifier | modifier le code]

Quasiment simultanément aux opérations en cours, la population va se concentrer aux différents lieux perquisitionnés par les forces de l'ordre, principalement au siège du Département de l'Économie sur la Rambla de Catalogne et au siège du Département des Affaires Extérieures, sur la Via Laietana, tous deux à Barcelone. L'ampleur de l'opération policière et les premières arrestations poussent les entités souverainistes à lancer rapidement un appel à la mobilisation pacifique devant les lieux où ont lieu les perquisitions[11]. À mi-matinée, la manifestation de la Rambla s'est agrandie et occupe aussi la Gran Via. Dans l'après-midi la manifestation devant le siège du Département de l'Économie est estimée à 40 000 personnes par la police urbaine[12].

Le soir, au Grand théâtre du Liceu de Barcelone, le public entonne Els Segadors, hymne national de la Catalogne, et lance des appels au vote avant la représentation d'Il viaggio a Reims de Rossini[13].

Hors Catalogne, une quarantaine de manifestations de soutien au référendum et aux personnes détenues ont lieu le jour même à travers l'Espagne[14]. En soirée, un rassemblement de plus de 400 personnes a lieu à Perpignan devant le consulat d'Espagne[15].

21 septembre[modifier | modifier le code]

Le Rhapsody et le Moby Dada servant au transport des forces de police dans le port de Barcelone.

Le , un appel au rassemblement devant le Tribunal supérieur de justice de Catalogne est lancé pour réclamer la libération des personnes détenues, auquel répondront plusieurs milliers de personnes[12]. Les universités de Barcelone ayant donné congé pour la journée, les étudiants sont très nombreux dans les manifestations. Face à la foule, interviennent notamment Jordi Cuixart, Jordi Sànchez, Carme Forcadell et Xavier Domènech[16].

Dans la matinée, les dockers des ports de Barcelone et Tarragone réunis en assemblées refusent d'effectuer leur travail concernant les trois navires affrétés au transport des forces de l'ordre[17].

Plus de 150 personnes se réunissent devant la caserne de la garde civile de la Travessera de Gràcia à Barcelone pour affirmer leur opposition au référendum et leur soutien à la garde civile et à l'unité de l'Espagne[18].

22 septembre[modifier | modifier le code]

Le , le procureur de l'Audiencia Nacional (haut tribunal national) inculpe pour sédition Jordi Cuixart, président d'Òmnium Cultural, et Jordi Sànchez, président de l'Assemblée nationale catalane, leur reprochant d'être les instigateurs des manifestations des 20 et [19].

Le juge d'instruction numéro 13 de Barcelone ordonne la libération des six dernières personnes encore détenues depuis le 20. Bien que diverses charges soient retenues contre elles, celle de sédition n'en fait pas partie. Elles doivent se présenter une fois par semaine à la justice. Josep Maria Jové, Lluís Salvadó, Pep Masoliver, Rosa María Rodríguez Curto, Juan Manuel Gómez et Josuè Sallent quittent la Cité de la Justice à 15h30, où les attendent des centaines de manifestants en signe de soutien[20].

Des étudiants occupent le bâtiment historique de l'université de Barcelone pour soutenir le référendum. Pour la deuxième journée consécutive, des manifestations ont également lieu à Gérone, Tarragone et Lérida[21].

23 septembre[modifier | modifier le code]

Le , le gouvernement espagnol annonce qu'il place les Mossos d'Esquadra sous le contrôle unique du Ministère de l'Intérieur, afin de coordonner plus efficacement l'action des différentes forces de sécurité en cours en Catalogne[22]. C'est le lieutenant-colonel de la garde civile Diego Pérez de los Cobos Orihuel qui prend le contrôle des Mossos d'Esquadra, en lieu et place du major Josep Lluís Trapero Álvarez, et ce au moins jusqu'à la date annoncée pour le référendum, soit le 1er octobre[23].

24 septembre[modifier | modifier le code]

À 11 heures du matin commence le marathon pour la démocratie, initié par l'ANC et Òmnium Cultural. Sur toutes les places des communes de Catalogne, il s'agit durant la journée de fabriquer du matériel de campagne pour le référendum puis de le distribuer ou de l'afficher partout[24].

Réactions[modifier | modifier le code]

Catalogne[modifier | modifier le code]

Quelques heures après le début des perquisitions du , le président de la Généralité de Catalogne Carles Puigdemont convoque une réunion de gouvernement extraordinaire. Il déclare ensuite que l'État espagnol vient d'instaurer un état d'exception de facto et que, malgré tout, le référendum du 1er octobre aura bien lieu[25].

Gouvernement espagnol[modifier | modifier le code]

Le à 21h, le premier ministre Mariano Rajoy lit une déclaration dans laquelle il justifie l'opération policière et judiciaire en cours, afin de faire respecter l'état de droit. Il insiste sur l'indépendance de la justice et réaffirme l'illégalité du référendum. Il prévient aussi que l'État espagnol réagira de la même manière à chaque nouvelle violation du droit en Catalogne[26].

Le même jour, le Ministre des Finances Cristóbal Montoro annonce qu'il a signé l'ordre permettant de prendre le contrôle des dépenses de la Généralité de Catalogne, notamment concernant un budget de 4,5 milliards d'euros que le gouvernement catalan conservait en prévision pour des services non-fondamentaux[27].

Hors d'Espagne[modifier | modifier le code]

Le au Royaume-Uni, une vingtaine de députés et de lords signent une lettre réclamant la tenue du référendum. Les signataires sont membres du groupe de discussion du parlement sur la Catalogne[28]. Le même jour au Parlement écossais, la première ministre Nicola Sturgeon affirme être préoccupée que l'État espagnol « nie le droit d'un peuple d'exprimer démocratiquement sa volonté »[29].

En France, le , 129 maires des Pyrénées-Orientales membres du Syndicat intercommunal pour la promotion des langues occitane et catalane signent une « motion de soutien aux maires de Catalogne sud »[30].

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Article connexe[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c (ca) Odei A.-Etxearte, « Cop de l’Estat a la Generalitat », El Punt Avui,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. (es) « La 'operación Anubis' desmonta el referéndum independentista en 20 horas », El Español,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. (ca) « Admesa a tràmit una denúncia contra Santi Vidal per revelació de secrets i delicte informàtic », TV3,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. Joana Viusà, « L'Etat espagnol porte un grand coup au cœur de la Generalitat », L'Indépendant,‎ , p. 26.
  5. « Catalogne : la Guardia civil quitte le ministère de l'économie de la Generalitat après 20 heures de perquisition », L'Indépendant,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  6. (ca) Europa Press, « 1-O.- La Guàrdia Civil acudeix a l’Institut d’Estudis de l’Autogovern », VilaWeb,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. (ca) Maria Ortega, « El govern espanyol mobilitza tres "vaixells d'estat" als ports de Barcelona i Tarragona », ara.cat,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. (es) Lluís Pelicer, « Los 14 detenidos en la operación contra la organización del referéndum », El País,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  9. (es) Arturo Puente, « Quiénes son los 14 detenidos en la operación contra el referéndum », El Diario,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  10. (ca) M. Piulachs et V. Pérez, « Tots els detinguts, lliures », El Punt Avui,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. Laure Mamet, « Opération de la Guardia Civil : riposte immédiate dans la rue », L'Indépendant,‎ , p. 27.
  12. a et b (ca) « Milers de persones clamen per l’allibertament dels detinguts », VilaWeb,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. (ca) « El Liceu entona ‘Els Segadors’ i crida ‘Votarem’ abans de la representació d’aquest dimecres al vespre », El Punt Avui,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. (es) « Mapa de las convocatorias de protesta tras la detención de 14 cargos de la Generalitat », sur publico.es, (consulté le ).
  15. Ph. C., « Les Catalans du nord en appellent à la démocratie », L'Indépendant,‎ , p. 2.
  16. Joana Viusà, « Face au coup de force espagnol les citoyens ne faiblissent pas », L'Indépendant,‎ , p. 31
  17. (ca) « Els estibadors de Barcelona decideixen no operar un buc que allotja policia », El Punt Avui,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. (ca) « Més de 150 persones es manifesten a favor de la Guàrdia Civil a la caserna de Travessera de Gràcia », El Món,‎ (lire en ligne, consulté le )
  19. (ca) Júlia Manresa, « La Fiscalia de l'Audiència Nacional denuncia les mobilitzacions del 20 de setembre per sedició », ara.cat,‎ (lire en ligne, consulté le )
  20. (ca) Pau Esparch, « Tots els detinguts per l'1-O queden en llibertat amb càrrecs però no se'ls acusa de sedició », ara.cat,‎ (lire en ligne, consulté le )
  21. (ca) « Els universitaris ocupen l'edifici històric de la UB en suport del referèndum », ccma.cat,‎ (lire en ligne, consulté le )
  22. (es) « El Gobierno crea un “mando policial único” del que dependerán los Mossos », El País,‎ (lire en ligne, consulté le )
  23. (es) « El coronel de la Guardia Civil Pérez de los Cobos asumirá la coordinación de los Mossos para impedir el referéndum del 1-O », 20 minutos,‎ (lire en ligne, consulté le )
  24. (ca) « Comença la “Marató per la democràcia” a les places de la vila de Catalunya », El Punt Avui,‎ (lire en ligne, consulté le )
  25. (ca) « Cop de l’Estat a les institucions catalanes », ara.cat,‎ (lire en ligne, consulté le )
  26. (es) Jorge Sáinz, « Rajoy advierte a la Generalitat: "Están a tiempo de evitar males mayores" », El Español,‎ (lire en ligne, consulté le )
  27. (ca) Júlia Manresa, « Intervenció total: Hisenda es queda amb la gestió de 4.500 M€ del pressupost de la Generalitat », ara.cat,‎ (lire en ligne, consulté le )
  28. (ca) « Una vintena de diputats i lords a Westminster reclamen a Rajoy que permeti l’1-O “sense més obstacles” », El Punt Avui,‎ (lire en ligne, consulté le )
  29. (ca) « Sturgeon reclama a Espanya que "respecti" el dret a l'autodeterminació de Catalunya », elnacional.cat,‎ (lire en ligne, consulté le )
  30. (ca) Aleix Renyé, « 129 batlles de la Catalunya Nord contra la repressió als seus homòlegs “de la Catalunya Sud” », El Punt Avui,‎ (lire en ligne, consulté le )