Nanar

Affiche du film Plan 9 from Outer Space réalisé par Ed Wood, un exemple célèbre de « nanar ».

Un nanar est, dans le registre familier, un film qui possède tant de défauts qu'il en devient involontairement ridicule et comique. Ce n'est pas exactement la même chose qu'un navet.

Bien qu'il n'existe pas de définition officielle de ce qu'est un « nanar », on le distingue généralement du « navet » par sa capacité à divertir : le nanar amuse par ses défauts, tandis que le navet est simplement ennuyeux (en référence au goût fade du légume du même nom)[1].

Le terme « nanar » est cependant parfois utilisé abusivement pour désigner tous les films sans intérêt ; il fait alors double emploi avec le terme de « navet », auquel il devrait s'opposer[2]. Le nanar est également parfois confondu à tort avec le cinéma bis ; or, des productions du cinéma bis peuvent être considérées comme de « bons films » et des films à gros budget peuvent aussi être considérés comme des nanars.

Bien que les nanars soient, par définition, de mauvais films, certains cinéphiles affectionnent ce type de production et les recherchent volontairement. Certains nanars ont même acquis une renommée internationale et font maintenant partie de la culture populaire ; par exemple Plan 9 from Outer Space, The Room, Turkish Star Wars, Les Barbarians, Troll 2 ou Birdemic: Shock and Terror.

Dans le jargon des brocanteurs et des bouquinistes, le « nanar » désigne un livre ou un objet médiocre et invendable.

Histoire[modifier | modifier le code]

Étymologie[modifier | modifier le code]

Selon Bernard Pivot, le terme « nanar » serait en fait dérivé du mot « navet », qui daterait lui-même d'avant même l'invention du cinéma : on l'utilisait au XIXe siècle dans les salons littéraires pour désigner des tableaux de peu de valeur (le terme employé aujourd'hui serait plutôt une « croûte ») ou des œuvres littéraires ennuyeuses[réf. incomplète]. Selon le Centre national de ressources textuelles et lexicales, le mot « nanar » désigne une « vieillerie sans valeur »[3]. Le terme s'est semble-t-il répandu dans les années 1950 à partir des cinémas du Quartier latin de Paris[réf. nécessaire].

Selon le dictionnaire Le Robert[Lequel ?], le terme « nanar » date bien du XIXe siècle, mais s'orthographiait alors « nanard ». Il ne dériverait pas de « navet », mais de l'ancien mot d'argot « panard » signifiant « vieil homme »[4]. Un « nanard » est donc aussi à l'origine une vieille « croûte » (une vieille personne étant d'ailleurs parfois surnommée un « vieux croûton »), une œuvre que l'on trouve mauvaise et risible car elle est désuète[5]. Ce dernier point est parfois pris en compte, des dictionnaires traduisant « nanar » par « mauvais car démodé »[réf. nécessaire].

On peut aussi employer le mot « nanar » comme adjectif dans tout ce qui est drôle, car mauvais. Par exemple, parler d'un livre « nanar » pour un livre qui fait rire parce qu'il est très mal écrit, ou d'un jeu vidéo « nanar » car mal programmé et truffé d'éléments insensés[6].

Quelques réalisateurs américains sont largement considérés comme des nanar realisator (des réalisateurs de nanars), notamment Ed Wood qui est connu pour ses films à petit budget ainsi que pour ses erreurs techniques dans ses films, comme les mauvais effets spéciaux[7].

La « nanarophilie »[modifier | modifier le code]

Selon Antonio Dominguez Leiva et Simon Laperrière, auteurs du livre Éloge de la nanarophilie, l'origine de la pratique du visionnage de nanars, ou « nanarophilie », se trouve dans le mouvement surréaliste[8].

Les surréalistes cherchent volontairement au cinéma tout ce qui relève du « bizarre », c'est-à-dire ce qui est contraire au « bon goût », et vagabondaient de salle en salle en quête de moments nanars. Ils évitaient le « bon cinéma » ou le cinéma reconnu par la critique. Leiva et Laperrière soutiennent que le nanar naît avant tout dans le regard du spectateur, qui jouit d'un mauvais film au lieu de simplement s'ennuyer ou s'irriter[8].

Nanars « volontaires »[modifier | modifier le code]

Certains films sont volontairement réalisés comme des « nanars », constituant des formes de parodies qui se donnent l'air sérieux sans l'être (humour pince-sans-rire), et qui se distinguent des nanars « involontaires » dus à un manque de moyens assumé[9].

Une société de production comme Troma, pionnière du genre, a de nombreux nanars volontaires à son actif. La société The Asylum, plus récente, se distingue par son utilisation massive d'images de synthèse[9].

Les séries The Toxic Avenger et Sharknado sont les exemples les plus connus de nanars volontaires[9].

Personnalités liées aux nanars[modifier | modifier le code]

France[modifier | modifier le code]

  • Jean-Marie Pallardy, réalisateur français de nombreux nanars (dont une grande partie érotiques), auteur entre autres de Vivre pour survivre, film franco-turc considéré comme l'un des plus grands nanars de tous les temps par le site spécialisé Nanarland[10].
  • Jean Rollin, auteur de nombreux nanars (comme Le Lac des morts vivants), dont certains érotiques[11].
  • Philippe Clair, auteur de nombreuses comédies de rire gras, souvent à thème militaire (comme Le Führer en folie)[12].
  • Max Pécas, qui a la réputation d'être un grand réalisateur de nanars français, même si de nombreux amateurs ne sont pas d'accord avec cette idée : Pécas n'a d'ailleurs qu'un seul film chroniqué sur Nanarland, où son auteur est qualifié de « roi du navet » plutôt que de « roi du nanar »[13].
  • Howard Vernon, ancien second couteau dont la carrière a progressivement dérivé vers la série Z.
  • Norbert Moutier, réalisateur semi-amateur dont les films auto-produits et auto-édités ont eu initialement une diffusion plus que confidentielle et réunissant des personnalités liées au cinéma bis.
  • Marius Lesœur, fondateur de la firme Eurociné, qui produisit un grand nombre de films à très petits budgets, souvent en coproduction avec l'Espagne.

Italie[modifier | modifier le code]

États-Unis[modifier | modifier le code]

Chine (essentiellement Hong-Kong)[modifier | modifier le code]

  • Godfrey Ho (de son vrai nom Ho Chi Keung, « Godfrey Ho » étant son pseudo le plus connu), réalisateur hongkongais de films d'arts martiaux (très souvent impliquant des ninjas) souvent considérés comme des nanars. Il a par ailleurs beaucoup utilisé la technique du « 2 en 1 » qui consiste à produire plusieurs films à partir d'un unique tournage, souvent sans en prévenir les équipes et les acteurs, bien qu'il ait nié avoir fait appel à ces techniques dans ses interviews.
  • Joseph Lai, qui a travaillé avec Godfrey Ho et qui a notamment fondé la société IFD, responsable de nombreux films considérés comme des nanars, dont des films d'animation produits en Corée du Sud.
  • Tomas Tang, un concurrent de Joseph Lai.
  • Bruce Lee, acteur célèbre été imité dans des films de Bruceploitation, des films destinés à imiter les films de Bruce Lee dans les années qui suivirent sa mort.

Autres[modifier | modifier le code]

  • Menahem Golan, producteur israélien qui produisit et réalisa de nombreux films considérés comme des nanars, parmi lesquels plusieurs films avec les acteurs Chuck Norris et Jean-Claude Van Damme.
  • Cüneyt Arkın, le « Alain Delon turc », star de nombreux nanars turcs dans les années 1980-1990 dont notamment Dünyayı Kurtaran Adam (appelé aussi « Turkish Star Wars » car réutilisant des images volées à George Lucas), un film turc devenu culte et considéré également comme l'un des plus grands nanars de tous les temps[24].
  • Weng Weng, acteur nain philippin ayant joué dans des films très appréciés des amateurs de nanars (semi-parodies de James Bond aux titres évocateurs comme 007 1/2 ou For Your Height Only[25]).
  • Teddy Page, réalisateur philippin vraisemblablement mort en 2008. Il travaillait avec des acteurs européens et américains de seconde zone qui avaient échoué aux Philippines, et n'avait que de faibles budgets pour imiter des films d'action américains[26].
  • Santo, catcheur mexicain ayant fait une carrière d'acteur dans des films d'exploitation, où il joue partiellement son propre rôle et incarne des redresseurs de torts.
  • René Cardona, réalisateur prolifique du cinéma d'exploitation mexicain, comme le seront ensuite son fils et son petit fils.
  • Jesus Franco, réalisateur espagnol prolifique dans le cinéma bis.
  • Uwe Boll, réalisateur allemand célèbre pour ses adaptations filmiques de jeux vidéos, toutes jugées médiocres.

Films notables[modifier | modifier le code]

Quelques films considérés comme des « nanars » sont entrés dans la culture populaire.

Émissions et sites spécialisés[modifier | modifier le code]

Plusieurs sites internet et émissions télévisées se sont spécialisées dans la chronique des nanars, comme Nanarland en France[27]. Escale à Nanarland est une émission consacrée à ce type de films, diffusée sur le site Allociné en collaboration avec l'équipe du site Nanarland et arrêtée depuis le [28].

Depuis 2017, la chaîne Arte propose sur son site internet la websérie « Nanaroscope ». Deux saisons sont disponibles pour des épisodes durant entre 7 et 10 minutes[29].

Mystery Science Theater 3000 est une émission de télévision humoristique américaine dans laquelle étaient diffusés des nanars, régulièrement ponctués des interventions d'acteurs plaisantant sur les défauts de ces films[30].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Saison 2, épisode 37 : L'art du nanar », émission Pop-fiction, France Inter, .
  2. Éric Neuhoff, « Un champ de navets », sur lenouvelliste.ch, .
  3. Informations lexicographiques et étymologiques de « Nanar » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales.
  4. Alice Develey, « D'où viennent les "navets" et les "nanars" ? », sur Le Figaro.fr, .
  5. Dominguez Leiva et Laperrière 2015, p. 27.
  6. M6web, « Top 10 : Les nanars du jeu vidéo », sur jeuxvideo.fr, (consulté le )
  7. Dominguez Leiva et Laperrière 2015, p. 18.
  8. a et b « La nanarophilie, une célébration du mauvais goût dans le cinéma », sur radio-canada.ca, .
  9. a b et c Dominguez Leiva et Laperrière 2015, p. 64.
  10. White Fire, sur Nanarland.com.
  11. « Jean Rollin », sur Nanarland.
  12. « Philippe Clair », sur Nanarland.
  13. Chronique de Nanarland consacrée au film On n'est pas sorti de l'auberge.
  14. Bruno Mattei, Claudio Fragasso, Massimo Vanni et Gianni Franco, Rats - Notte di terrore, Beatrice Film, (lire en ligne)
  15. « Hell of the Living Dead (1980) - IMDb » (consulté le )
  16. « Alfonso Brescia », sur Nanarland.
  17. « Enzo G. Castellari », sur Nanarland.
  18. « Aldo Maccione », sur Nanarland.
  19. Dominguez Leiva et Laperrière 2015, p. 12.
  20. The Asylum, sur Nanarland.com.
  21. « Chuck Norris », sur Nanarland.
  22. « Steven Seagal », sur Nanarland.
  23. « Jean-Claude Van Damme », sur Nanarland.
  24. Critique du film Turkish Star Wars.
  25. Eddie Nicart, Yehlen Catral, Carmi Martin et Anna Marie Gutierrez, For Y'ur Height Only, Liliw Films International, (lire en ligne)
  26. Nanarland : https://www.nanarland.com/personnalites/realisateurs-producteurs/teddy-page.html
  27. Dominguez Leiva et Laperrière 2015, p. 57.
  28. AlloCine, « Escale à Nanarland », sur AlloCiné (consulté le )
  29. « Nanaroscope (Saison 2) - Cinéma », sur ARTE (consulté le )
  30. Dominguez Leiva et Laperrière 2015, p. 55.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jean-Pierre Putters, Ze craignos monsters (3 tomes), éd. Vents d'Ouest, 1991-1998.
  • François Forestier, 101 nanars : une anthologie du cinéma, affligeant mais hilarant, éd. Denoël, 1996.
  • François Forestier, Le Retour des 101 nanars : une nouvelle anthologie du cinéma navrant (mais désopilant), éd. Denoël, 1997.
  • François Kahn, Encyclopédie du cinéma ringard : le cinéma de bazar et d'essais, éd. Jacques Grancher, 2004 (ISBN 2733908960).
  • Laurent Kanin, Cinéma bis : 50 ans de cinéma de quartier, éd. Nouveau Monde, 2007.
  • Laurent Kanin, Les Classiques du cinéma bis, éd. Nouveau Monde, 2009.
  • J.M. Erre, Série Z, roman, éd. Buchet-Chastel, 2010.
  • Y. Le Corre, Nanars : regarder des mauvais films, Trois couleurs, no 112, , p.  48-51.
  • Antonio Dominguez Leiva et Simon Laperrière, Éloge de la nanarophilie, Paris, Le Murmure, coll. « Borderline », , 67 p. (ISBN 978-2-37306-005-8).

Articles connexes[modifier | modifier le code]