Maurice Rollinat

Maurice Rollinat
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Maurice Rollinat par Jean-Désiré Ringel d'Illzach d'après un masque en cire par lui-même.
Nom de naissance Joseph Auguste Maurice Rollinat
Naissance
Châteauroux (Indre)
Décès (à 56 ans)
Ivry-sur-Seine
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture français
Genres

Œuvres principales

  • Dans les brandes (1877)
  • Les Névroses (1883)
  • L'Abîme (1886)
Signature de Maurice Rollinat

Joseph Auguste Maurice Rollinat, né à Châteauroux (Indre) le et mort à Ivry-sur-Seine le , est un poète, musicien et interprète français.

Notice biographique[modifier | modifier le code]

Maurice Rollinat par Charles Gallot

Son père, François Rollinat, était député de l'Indre à l'Assemblée constituante en 1848 et un grand ami de George Sand.

Issu d'un milieu cultivé, Rollinat se met très tôt au piano, pour lequel il semble avoir de grandes facilités.

Dans les années 1870, il écrit ses premiers poèmes. Il les fait lire à George Sand, qui l'encourage à tenter sa chance à Paris. Il y publie son premier recueil Dans les brandes (1876-1877), qu'il dédie à George Sand, mais qui ne connaît aucun succès[1].

Il rejoint alors le groupe des Hydropathes, fondé par Émile Goudeau, où se rassemblent de jeunes poètes décadents se voulant anticléricaux, antipolitiques et antibourgeois. Plusieurs soirs par semaine, la salle du Chat noir, célèbre cabaret parisien dans laquelle on croise Willette ou Antonio de La Gandara, se remplit pour écouter l'impressionnant Rollinat. Seul au piano, le jeune poète exécute ses poèmes en musique. (Il mit aussi en musique les poèmes de Baudelaire). Son visage blême, qui inspira de nombreux peintres, et son aspect névralgique, exercent une formidable emprise sur les spectateurs. De nombreuses personnes s'évanouissent, parmi lesquelles notamment Leconte de Lisle et Oscar Wilde.

Ses textes, allant du pastoral au macabre en passant par le fantastique, valent à Rollinat une brève consécration en 1883. Cette année-là, le poète publie Les Névroses, qui laisse les avis partagés. Certains voient en lui un génie ; d'autres, comme Verlaine dans Les Hommes d'aujourd'hui, un « sous-Baudelaire », doutant ainsi de sa sincérité poétique. Cependant, grâce aux témoignages et aux travaux biographiques, nous savons que Rollinat fut toute sa vie très tourmenté et que ses névralgies ne l'épargnèrent guère. Son ami Jules Barbey d'Aurevilly écrira que « Rollinat pourrait être supérieur à Baudelaire par la sincérité et la profondeur de son diabolisme ». Il qualifie Baudelaire de « diable en velours » et Rollinat de « diable en acier ».

Rollinat chantant au piano
(d'après une aquarelle de Gaston Béthune).

Malade et fatigué, Rollinat refuse d'être transformé en institution littéraire. Pour continuer son œuvre, il se retire alors, en 1883, dans la Creuse, à Fresselines, proche de l'École de Crozant. Il s'y entoure d'amis avec lesquels il partagera les vingt dernières années de sa vie[2]. Il publiera cinq livres de poèmes : l'Abîme (1886), La Nature (1892), Le Livre de la Nature (1893), Les Apparitions (1896) et Paysages et Paysans (1899), ainsi qu'un recueil en prose : En errant (1903).

Alors que sa compagne, l'actrice Cécile Pouettre, meurt, Rollinat tente plusieurs fois de se suicider. Son ami le peintre Eugène Alluaud le veille et s'inquiète. Malade, probablement d'un cancer, le poète est transporté à la clinique du docteur Moreau à Ivry où il meurt en , à l'âge de 56 ans.

Il repose au cimetière Saint-Denis de Châteauroux (concession Rollinat-Didion division 25 n°350)[3].

Il en était venu à être oublié de ses contemporains. Un poète d'Issoudun, Albert Liger, qui assistait aux obsèques, demanda à un curieux qui était celui qu'on enterrait ; celui-ci répondit : « Il paraît que c'est un nommé Rollinat, un fameux pêcheur à la ligne dans la Creuse »[4].

Distinction[modifier | modifier le code]

Hommages[modifier | modifier le code]

La poésie de Rollinat : de la Nature à la condition humaine[modifier | modifier le code]

Dans les brandes (1877)[modifier | modifier le code]

Dans les brandes ouvre un étrange parcours poétique. Le mépris de la ville et des hommes qui y vivent fait encore davantage briller la Nature, blonde, lumineuse et conseillère. Rollinat y trouve une double perfection : celle des éléments qui la composent et celle du geste de l'homme qui l'habite. Très descriptif, Rollinat donne à voir dans ses poèmes animaliers (L'écureuil, La chèvre) les personnalités différentes de chaque vivant. L'homme de la campagne, quant à lui, développe des mœurs particulières, dont la beauté rustique enchante le poète (Le chasseur en soutane, La fille aux pieds nus). Quant à Rollinat lui-même, spectateur de la Nature et des hommes, il cherche en vain sa place (Où vais-je ?). Le réel, décrit par Rollinat à travers le prisme du monde rustique, regorge d'interrogations, de failles inexpliquées, auxquelles le poète va chercher à donner sens.

Les Névroses (1883)[modifier | modifier le code]

Rollinat à sa table de travail, La Pouge (Fresselines), en 1898.
Rollinat dans son salon, La Pouge (Fresselines), en 1900.

Publié chez Charpentier en 1883, annoncé dès 1882, ce recueil est le plus célèbre de Rollinat. Davantage que Dans les brandes, l'étrangeté et le macabre jouent un rôle capital. La Nature est alors transfigurée par le poète sous la pression d'un imaginaire de l'étrange qu'il fait se dégager du moindre évènement (La vache au taureau). Les Névroses, ouvrage de la fascination par excellence, proche du symbolisme, démet le réel de toute son innocence et de sa virginité mythologique.

Le diable, la mort, le mal, sont des thématiques omniprésentes qui percent le voile de la simple donnée naturelle. La réalité déborde alors de sens par le double recours à l'imaginaire et au nihilisme. Évacuant Dieu de sa réflexion poétique, Rollinat suppose le Diable comme s'infiltrant dans toutes les manifestations humaines et non humaines. Par ce biais négatif, il réhabilite ce qu'il y a de plus naturel et ancré dans l'humain : la luxure et la mort.

Il consacre un poème à Honoré de Balzac (extrait) :

« Balzac est parmi nous le grand poète en prose,
Et jamais nul esprit sondeur du gouffre humain,
N’a fouillé plus avant la moderne névrose,
Ni gravi dans l’Art pur un plus âpre chemin[7]. »

Et un à Edgar Allan Poe :

« Edgar Poe fut démon, ne voulant pas être Ange.
Au lieu du Rossignol, il chanta le Corbeau ;
Et dans le diamant du Mal et de l’Étrange
Il cisela son rêve effroyablement beau[8]. »

L'Abîme (1886)[modifier | modifier le code]

Trois ans après son départ de Paris pour Fresselines, Rollinat publie L'Abîme, qui est l'ouvrage du retrait. Ce recueil est aussi le plus synthétique de tous les ouvrages en vers de Rollinat. Le poète avait souhaité composer un livre sur la condition humaine. Dans L'Abîme, Rollinat examine en grande partie les vices humains, à la manière des moralistes du XVIIe siècle. On trouve dans la réflexion de Rollinat des échos pascaliens (La chanson de l'Ermite) quant à la place de l'homme dans l'univers, mais surtout une fascination pour l'intériorité humaine (La genèse du crime, Le faciès humain), regorgeant de pouvoirs insoupçonnés, de pulsions et de projets souvent vains. L'Abîme offre un constat accablant de la nature humaine et de sa destinée. La vie, déplorable, ne sera pas, selon Rollinat, excusée par la mort. À la fin du recueil, notamment dans Requiescat in Pace, le poète, cynique, fait de la mort un juge sans Dieu au sein de laquelle l'homme n'aura aucun droit au pardon.

Œuvres[modifier | modifier le code]

  • Participation au recueil Dixains réalistes
  • Dans les brandes, poèmes et rondels (1877) (Lire sur Wikisource : Dans les brandes, poèmes et rondels, Paris, Charpentier,  Fac-similé disponible sur Wikisource Télécharger cette édition au format ePub Télécharger cette édition au format PDF (Wikisource))
  • Les Névroses (1883) (Lire sur Wikisource : Les Névroses, Paris, Fasquelle,  Fac-similé disponible sur Wikisource Télécharger cette édition au format ePub Télécharger cette édition au format PDF (Wikisource))
  • L'Abîme (1886) (Lire sur Wikisource : L’Abîme, Paris, Charpentier,  Fac-similé disponible sur Wikisource Télécharger cette édition au format ePub Télécharger cette édition au format PDF (Wikisource))
  • Dix mélodies nouvelles (1886)
  • La Nature (1892)
  • Le Livre de la nature, choix de poésies (1893)
  • Les Apparitions (1896)
  • Ce que dit la Vie et ce que dit la Mort (1898)
  • Paysages et paysans (1899) (Lire sur Wikisource : Paysages et paysans, Paris, Fasquelle,  Fac-similé disponible sur Wikisource Télécharger cette édition au format ePub Télécharger cette édition au format PDF (Wikisource))
  • En errant, proses d'un solitaire (1903)

Publications posthumes[modifier | modifier le code]

  • Ruminations : proses d'un solitaire (1904)
  • Les Bêtes (1911)
  • Fin d'Œuvre (1919)
  • Le Cabinet secret : pièces érotiques et politiques inédites, édition établie par Claire Le Guillou, Paris, Éditions du Sandre (2014)
  • Poèmes de jeunesse proposés par Catherine Réault-Crosnier et Régis Crosnier (Catherine Réault-Crosnier, 2015)

Rééditions[modifier | modifier le code]

  • Œuvres. I. Dans les brandes. II. Les Névroses, éditées par R. Miannay, Paris, Lettres Modernes Minard (1971-1972).
  • Les Névroses, édition de Philippe Martin-Lau, Paris, Éditions du Sandre (2010).
  • Poèmes choisis, édition de Sébastien Robert, Paris, Edilivre (2012).
  • Ruminations, proses d'un solitaire, édition d'Irène de Palacio, Editions du 26 octobre (2021).

Filmographie[modifier | modifier le code]

  • " Dans l'œil de Rollinat", un film de Pascal Guilly, une coproduction TGA Production et BIP TV. Documentaire, 52 minutes, 2019

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Paul Verlaine, Maurice Rollinat, monographie publiée dans la revue Les Hommes d'aujourd'huino 303 ; texte sur wikisource
  • Jean-Paul Dubray, Maurice Rollinat intime, Marcel Seheur Éditeur, Paris, 1930.
  • Hugues Lapaire, Rollinat, poète et musicien, 267 p., Mellottée, Paris, 1932.
  • Émile Vinchon, La Vie de Maurice Rollinat – Documents inédits, Laboureur & Cie, imprimeurs-éditeurs, Issoudun, 1939.
  • Régis Miannay, Maurice Rollinat, poète et musicien du fantastique, Badel, 1981.
  • Association des amis de M. Rollinat, Actes du colloque 1996 (cent cinquantenaire de la naissance du poète), 2005.
  • Claire Le Guillou, Rollinat : ses amitiés artistiques, Joca seria, 2004.
  • Christian Jamet, Les Eaux semblantes, roman, Éditions Demeter, 2005.
  • Laurent Bourdelas, Du pays et de l'exil Un abécédaire de la littérature du Limousin, Les Ardents Editeurs, 2008.
  • « Maurice Rollinat », base Léonore, ministère français de la Culture
  • Un article témoignage de Francis Jourdain dans "Ce Soir" du (Gallica)
  • Félix Fénéon, Nouvelles en trois lignes, 1906, collection Libretto, 162 pages, éditeur Libella, Paris, 2019.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Dans sa lettre datée de Nohant, le 18 avril 1874, George Sand invite Maurice Rollinat à écrire des poèmes pour enfants avec la nature comme source d'inspiration, mais sans erreur scientifique (les homards ne sont pas rouges avant d'être cuits !) : Correspondance de George Sand, éditée par Georges Lubin, Classiques Garnier. Tome XXIV, , Bordas, 1990, p. 26-29
  2. Goncourt lui consacre quelques lignes dans son Journal, à la date du 18 février 1892 : "le paysan qu'il est maintenant, vaguant toujours à travers les champs, ...".
  3. Cimetières de France et d'ailleurs
  4. Albert Liger, « L'enterrement d'un grand poète », Revue du Berry,‎ , pages 94 à 96
  5. Décret du 16 juillet 1895.
  6. Fénéon, 1906, p. 112
  7. Maurice Rollinat, Les Névroses, les âmes, les luxures, les refuges, les spectres, les ténèbres, section : « les âmes », Charpentier, 1883, p. 38.
  8. Ibid. p. 35.

Annexes[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]