Maurice Grimaud

Maurice Grimaud, né le à Annonay (Ardèche) et mort le à Paris dans le 15e arrondissement[2], est un haut fonctionnaire français.

Il fut préfet de Police de Paris lors des événements de Mai 68.

Une carrière préfectorale[modifier | modifier le code]

Maurice Grimaud est le petit-fils d'Antoine Grimaud, maire d'Annonay de 1904 à 1919. Il commence des études littéraires, obtient une licence de lettres, apprécie Gide, Proust, Giraudoux et Valéry, passe un été chez son ami Roger Martin du Gard[3]. Mais après son échec au concours d'entrée de l'École normale supérieure (qu'il regrettera toute sa vie)[4],[5], il intègre la fonction publique comme attaché à la résidence générale du Maroc, de 1936 à 1943, d'abord comme précepteur du fils du résident général de France, Charles Noguès, puis à partir de 1938 comme conseiller diplomatique[6]. Il travaille ensuite au commissariat à l'Intérieur à Alger, de 1943 à 1944, auprès du gouvernement de Gaulle-Giraud. Entre 1935 et 1936, il milite au sein d'une petite formation de la gauche pacifiste, le Parti frontiste[7].

Il est ensuite directeur de cabinet de l'administrateur général français à Baden-Baden en Allemagne, de 1945 à 1947, conseiller de l'Organisation internationale des Réfugiés (OIR) à Genève, en 1948 et 1949, délégué général pour la France, en 1950 et 1951, et directeur de l'Information à la résidence générale de France au Maroc, de 1951 à 1954.

Revenu en France, il devient en janvier 1954 conseiller technique au cabinet de François Mitterrand, alors ministre de l'Intérieur. Quelques mois[6] plus tard, il est nommé préfet des Landes, puis en 1957 préfet de la Savoie où il a un rôle prépondérant dans les cérémonies du Centenaire du Rattachement de la Savoie à la France, la création des premières intercommunalités et le développement de Courchevel. Il devient ensuite préfet de la Loire en 1961. Maurice Grimaud est nommé en 1963 directeur général de la Sûreté nationale (alors qu'éclate l'affaire Ben Barka, qui cependant n'implique pas la police).

Préfet de police à Paris en mai 68[modifier | modifier le code]

Du au il est le préfet de police de Paris. À 54 ans, Maurice Grimaud succède à Maurice Papon à ce poste (où il souligne que le racisme est présent parmi les policiers[8]). À l'âge de 21 ans, il avait été témoin de la confrontation mortelle qu'il y avait eu entre manifestants et forces de l'ordre le sur la place de la Concorde. Il souhaite que ces tragiques événements ne se reproduisent pas[9]. Ainsi il fait tout pour éviter un bain de sang lors des manifestations de mai 1968 : « Frapper un manifestant tombé à terre c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière » (lettre aux forces de police du )[10]. Si plusieurs centaines de blessés sont recensés, aucun mort ne peut être relié aux événements. En , il appuie la dissolution du groupe Occident.

Face au ministre de l’Éducation, le Premier ministre Georges Pompidou soutint le 1er mai la position de Grimaud de ne pas procéder à l’arrestation de Daniel Cohn-Bendit. Dans sa déclaration à l’Assemblée nationale du , le Premier ministre souligne « la fermeté et l’humanité avec laquelle le préfet de police n’a cessé, conformément aux instructions du ministre de l'Intérieur, de diriger l’action de ses hommes. Dans ses mémoires publiées le , à l'âge de 64 ans, il affirme avec ironie, qu’il a « davantage tenté de guérir Paris de sa mauvaise circulation “que de ses gauchistes qui, après tout, n’étaient pas si loin de mes idées quand ils commencèrent à brûler les voitures” »[11],[12]. Il est alors convié à un numéro de l’émission télévisée Apostrophes, créée trois ans auparavant, dans laquelle Bernard Pivot souhaite faire dialoguer Maurice Grimaud avec Daniel Cohn-Bendit[13]. Les deux invités dialoguent avant l'émission par voie de presse mais le second n'obtient pas le droit de rentrer en France. Bernard Pivot met alors en place un duplex depuis Genève pour faire apparaître son visage dans un téléviseur placé sur le fauteuil[13]. Maurice Grimaud prend alors la défense du droit de Daniel Cohn-Bendit de rentrer en France, tandis qu'on annonce une arrivée à Paris le 8, 9 ou [13].

Il refuse d'être présenté comme un héros ayant empêché le sang de couler[8] lors des événements de et souligne l'organisation de la police face à des situations d'émeutes. Maurice Grimaud reconnaît que ses engagements de jeunesse à gauche l'avaient aidé à comprendre cette révolte. Par sa relation pragmatique avec le Premier ministre Georges Pompidou[3], le Gouvernement n'enclenche pas une spirale répressive. Ses efforts, conjugués à ceux du ministre de l'Intérieur Christian Fouchet, font qu'il n'y a pas eu de morts à Paris.

Maurice Grimaud a raconté cette période troublée dans son livre En mai, fais ce qu'il te plaît, qui s'appuie sur l'agenda quotidien qu'il tenait[4]. Préfet de Police, il illustre le haut commis de l'État, fidèle aux valeurs républicaines et assurant la continuité de l'État, sans être au-devant de la scène.

Haut fonctionnaire[modifier | modifier le code]

Il est nommé secrétaire général à la Direction générale de l'Aviation civile en 1971 (lancement du Concorde, du programme Airbus…), poste qu’il quittera en 1975 pour prendre la direction de la Régie Immobilière de la Ville de Paris[5].

Il revient à la haute fonction publique en , en devenant le directeur de cabinet de Gaston Defferre, ministre d'État, ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation, où il prépare notamment la décentralisation. En , lorsque Pierre Joxe est nommé ministre de l'Intérieur, il suit Gaston Defferre au ministère d'État chargé du Plan et de l'Aménagement du territoire jusqu'en 1986[14].

Son dernier poste sera celui de délégué général du médiateur de la République, de 1986 à 1992. Maurice Grimaud est passionné d'art contemporain[4], il a été reconnu pour son humanisme, son goût du dialogue et son rejet de tout sectarisme[3]. Il a passé sa retraite entre Paris et Saint-André-de-Cruzières[15], dans le sud de l'Ardèche.

Distinctions et hommages[modifier | modifier le code]

Œuvres[modifier | modifier le code]

  • En mai, fais ce qu'il te plaît, Stock, 1977
  • La Police malade du pouvoir, Seuil, 1980
  • Je ne suis pas né en mai 68 — Souvenirs et carnets 1934-1992, Tallandier, 2007
  • Mai 68, Tempus, 2018 (rééd.)

Vidéos[modifier | modifier le code]

  • Entretien vidéo : Mai 68 vu par Maurice Grimaud. Réalisé dans le cadre de la sortie du hors-série spécial Mai 68 de Liaisons, le magazine de la préfecture de police.
  • Interview exclusive accordée par Maurice Grimaud en à Liaisons, le magazine de la préfecture de police, dans le cadre de la sortie du hors-série Mai 68.
  • Interview-rencontre de Daniel Cohn-Bendit avec le préfet Maurice Grimaud, donnée au Point, .

Références[modifier | modifier le code]

  1. « http://chsp.sciences-po.fr/fond-archive/grimaud-maurice » (consulté le )
  2. Institut national de la statistique et des études économiques, « Fichier des décès - années 2000 à 2009 » [zip], sur www.insee.fr
  3. a b et c Le Figaro, article d'Éric Roussel, édition du 13 mars 2008.
  4. a b et c Critique de son livre Je ne suis pas né en mai 68
  5. a et b Critique littéraire de Bruno Frappat, sur La Croix.com
  6. a et b Les avatars du préfet Grimaud, article d'Emmanuel Hecht dans Les Échos du 4 décembre 2007.
  7. La vie des idées, fiche de lecture
  8. a et b Interview sur France Inter du 21 mars 2008, journal de 13h
  9. David Korn-Brzoza, « 68, sous les pavés... les flics », sur France 3,
  10. Christian Chevandier, Policiers dans la ville. Une histoire des gardiens de la paix, Paris, Gallimard, 2012.
  11. Maurice Grimaud, En mai, fais ce qu’il te plaît, Paris, Stock, 1977,
  12. "Maurice Grimaud et Mai 1968" par Philippe Nivet, dans la revue Histoire@Politique 2015
  13. a b et c "Maurice Grimaud, le préfet médiatique" par Christian Delporte, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines [1]
  14. Site de la section socialiste d'Auterive
  15. Le Dauphiné libéré, « L'Ardéchois Maurice Grimaud est mort », samedi 18 juillet 2009, page 30
  16. « Mai 68 : comment le préfet de police de Paris Maurice Grimaud a évité le pire lors des manifestations », sur TF1 INFO, (consulté le )

Liens externes[modifier | modifier le code]