Les Puissances des ténèbres

Les Puissances des ténèbres
Image illustrative de l’article Les Puissances des ténèbres

Auteur Anthony Burgess
Pays Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni
Genre Roman
Version originale
Langue Anglais
Titre Earthly Powers
Éditeur Hutchinson
Lieu de parution Londres
Date de parution 1980
Version française
Traducteur Georges Belmont et Hortense Chabrier
Éditeur Acropole
Lieu de parution Paris
Date de parution 1981
Nombre de pages 678 (original), 1024 (traduction française)
ISBN 0-09-143910-8

Les Puissances des ténèbres (Earthly Powers) est un roman d’Anthony Burgess publié en 1980 et traduit en français en 1981.

Résumé[modifier | modifier le code]

Église Sainte-Dévote de Monaco, lieu où Don Carlo fait son prêche au chapitre 27.

Le narrateur, Kenneth M. Toomey, est un écrivain populaire né en 1890. Il quitte l'Église catholique à l'âge de 26 ans, en raison de son homosexualité. Sa sœur, Hortense, épouse le compositeur Domenico Campanati, dont le frère, Don Carlo, finira pape. Un jour de , l’archevêque de Malte frappe à sa porte : après la mort de Don Carlo Campanati (devenu Grégoire XVII), sa canonisation est en route. On demande à Toomey de relater un miracle opéré par Carlo quelques décennies auparavant, et dont il a été témoin. Il retrace alors sa vie, à voyager dans le monde, à rencontrer les acteurs majeurs de l’histoire et de la littérature du XXe siècle.

Parcourant ces mémoires fictifs, le lecteur est confronté à l'opposition entre pélagianisme et augustinisme, thématique récurrente dans l'œuvre de Burgess. L'œuvre traite également de la place de l'homosexualité et de son rejet par l'Église catholique. Se pose aussi la problématique de l'itinérance du narrateur, entre Londres, Paris, Monaco, Rome, Tanger, New York, Hollywood, mais aussi celle de la colonisation britannique en Malaisie. Toomey connaît la première et la seconde guerre mondiale : il n'est pas mobilisé pour le premier conflit, en raison d'un problème cardiaque. Il rencontre James Joyce dans un bar du Paris des années 1920, le Paris de Sylvia Beach et d'Ernest Hemingway. Durant la guerre de 1939-1945, il rencontre Joseph Goebbels en Allemagne et est érigé en héros par le parti nazi.

Sur le plan littéraire et poétique, le roman de Burgess est baigné d'humour, avec de nombreux jeux de mots et de jeux onomastiques. Il fait un usage fréquent du comique de situation, et n'hésite pas à employer la parodie. Burgess y emploie, comme souvent, de nombreuses références théologiques, intellectuelles, philosophiques.

Réception[modifier | modifier le code]

L'œuvre a été sélectionnée pour le Booker Prize en 1980, mais c'est le roman Rites de passage, de William Golding qui en est lauréat. Burgess, convaincu que son livre méritait le prix, ne pardonnera pas à l'institution cet échec[1].

Récemment réédité en France[2], il est considéré par les amateurs de Burgess comme un de ses chefs-d'œuvre, aux côtés de L'Orange mécanique (1962)[réf. nécessaire]. L'œuvre est mentionnée par Frédéric Regard dans son Histoire de la littérature anglaise[3].

Jim Clarke, au sein de son livre The Aesthetics of Anthony Burgess, propose de voir dans Les Puissances des ténèbres une transition entre la période dionysiaque de la vie de Burgess et l'esthétique apollinienne qui caractérise ses dernières œuvres[4]. Les Puissances des ténèbres explore également le terrain encore frais du postmodernisme.

Traitement de la vérité historique[modifier | modifier le code]

Dans ce roman, Burgess se livre à une « brillante analyse des rapports entre écriture romanesque et Histoire », selon Frédéric Regard[5].

Christine Jordis écrit, dans Gens de la Tamise: Le roman anglais au XXe siècle[6] :

« Le lecteur ne doit pas s'y tromper : il ne s'agit pas d'un livre historique, même si ces chroniques reflètent l'ensemble des événements, idées, mouvements et tendances de ce siècle (des erreurs évidentes sont d'ailleurs là comme autant d'avertissements), mais d'un divertissement — Burgess, affirmant sa liberté de romancier, insiste sur ce point. Que le sujet en soit le grave problème du bien et du mal tel qu'il se manifeste dans l'actualité n'y change rien. »

De nombreux critiques et lecteurs ont remarqué les inexactitudes et erreurs historiques volontaires présentes dans le roman. Par exemple, l'écrivain autrichien qui reçoit le Prix Nobel de littérature en 1935, Jakob Strehler, n'existe pas en dehors du roman. Ce personnage a donné son nom à l'« effet Strehler » théorisé par le sociologue Olivier Caïra pour définir une « technique consistant à laisser le lecteur présumer l’existence d’un être du monde au sein d’un cadre explicitement fictionnel »[7]. De même, en , le narrateur mentionne son compte à la BNP, qui n'a été créée qu'en 1966. L'erreur peut être attribué à Burgess ou à son narrateur Toomey, qui mentionne à plusieurs reprises ses hésitations et le manque de fiabilité de sa mémoire. Mais comme le souligne Christine Jordis, il s'agit d'un divertissement, d'une fiction, dont l'objectif n'est pas historique mais littéraire[réf. nécessaire].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Anthony Burgess, « L'insularité du roman britannique », Le Monde,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  2. « Anthony Burgess est un gros Malin », Nouvel Obs,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. Regard, Frédéric., Histoire de la littérature anglaise, Paris, PUF, , 275 p. (ISBN 978-2-13-079570-4, OCLC 1006716920, lire en ligne)
  4. Clarke, Jim,, The aesthetics of Anthony Burgess : fire of words, , 303 p. (ISBN 978-3-319-66411-8, OCLC 1008962882, lire en ligne)
  5. Regard, Frédéric., La littérature anglaise, Paris, Presses universitaires de France, , 127 p. (ISBN 978-2-13-054217-9, OCLC 393207937, lire en ligne)
  6. Christine Jordis, Gens de la Tamise et d'autres rivages ... : le roman anglais au XXe siècle, Éd. du Seuil, (ISBN 978-2-02-050582-6, OCLC 492258974, lire en ligne)
  7. Caïra, Olivier, 1973-, Définir la fiction : du roman au jeu d'échecs, Paris, Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales, , 262 p. (ISBN 978-2-7132-2293-1, OCLC 767738474, lire en ligne), p. 106