Lee Miller

Lee Miller
Lee Miller correspondante de guerre en 1943.
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 70 ans)
ChiddinglyVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Activités
Fratrie
Johnny Miller (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoints
Aziz Eloui Bey (d) (de à )
Roland Penrose (à partir de )Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfant
Antony Penrose (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
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signature de Lee Miller
Signature
Plaque commémorative

Lee Miller, née Elizabeth Miller le à Poughkeepsie dans l'État de New York aux États-Unis et morte le à Chiddingly dans le Sussex de l'Est au Royaume-Uni, est une photographe et reporter américaine, égérie du surréalisme.

Biographie[modifier | modifier le code]

Née dans une famille protestante[1], privilégiée et cultivée aux opinions progressistes, Elizabeth Miller est élevée à égalité avec ses frères. Son père est ingénieur et photographe amateur ; à l'adolescence, elle sera photographiée nue par ce dernier[2]. Elle est marquée par un viol subi à sept ans et une maladie sexuellement transmissible qui s'ensuit[3],[4]. Autre drame, alors adolescente, son petit ami se noie devant elle lors d'une promenade en barque[5].

Elle entreprend en 1925 des études de théâtre et d'arts plastiques à l'École nationale supérieure des beaux-arts puis à New York à partir de 1927. Dans cette ville, elle est repérée par hasard par Condé Nast, le fondateur du magazine Vogue, dont elle ne tarde pas à faire la couverture[5],[1] dès le mois de mars[6] ; elle pose alors pour les photographes de mode de Vogue[2] tels Edward Steichen ou George Hoyningen-Huene[7].

Rencontre avec Man Ray[modifier | modifier le code]

En 1929, Lee Miller quitte l'Amérique pour Paris et fait la connaissance de Man Ray, de dix-sept ans son aîné, dont elle devient à la fois la muse, la maîtresse et l'assistante[3]. En parallèle, elle poursuit sa carrière dans le mannequinat[2]. Elle crée en 1930 son propre studio photographique. Lee Miller reprend notamment des commandes du monde de la mode[8] que Man Ray n'est plus en mesure d'honorer. Ainsi à cette époque, des images signées Man Ray sont en fait l’œuvre de Lee Miller. Avec Man Ray, elle redécouvre la technique photographique de la solarisation[9],[5].

Lee Miller participe au mouvement surréaliste en produisant des images pleines d'esprit et d'humour. À cette époque, Lee Miller se lie d'amitié avec Paul Éluard, Pablo Picasso et Jean Cocteau. Ainsi elle interprète le rôle de la statue dans le film de Jean Cocteau Le Sang d'un poète[5]. Dotée d'un physique exceptionnel, elle déclare néanmoins : « J’étais très belle. Je ressemblais à un ange mais, à l’intérieur, j’étais un démon »[10].

New York[modifier | modifier le code]

En raison de la jalousie possessive de Man Ray[3], Lee Miller le quitte ; la rupture est violente[11] et elle repart à New York en 1932[12] où elle ouvre son propre studio[11], assistée d'Erik, le plus jeune de ses deux frères[13],[14]. La galerie Julien Levy organise sa première exposition personnelle.

Deux ans plus tard, elle épouse Aziz Eloui Bey, un riche homme d'affaires égyptien, et ils s'installent au Caire[5]. Elle photographie alors le désert et des sites archéologiques, et produit une photo connue, Portrait of Space. Mais la vie au Caire la lasse et ses amis surréalistes lui manquent : elle repart à Paris durant l'été 1937[11]. C'est à cette époque qu'elle photographie Pablo Picasso en Minotaure et qu'il la peint en Arlésienne[11] ; elle devient un modèle pour Picasso qui réalise par la suite d'autres nombreux portraits d'elle[15].

Lors de ce voyage en France, elle fait la connaissance de l'écrivain surréaliste anglais Roland Penrose[11]. « Penrose avait séduit Lee en Cornouailles et à Mougins en 1937, l'avait poursuivie à travers les Balkans en 1938, conquise en 1939 avec « The Road is Wider Than Long » en Égypte, enlevée et ramenée à Londres via Antibes au début de la guerre »[16].

Correspondante de guerre pour Vogue[modifier | modifier le code]

L’équipe des correspondantes de guerre. Lee Miller est l’avant dernière sur la droite.

En 1940, Lee Miller vit avec Roland Penrose. Elle travaille à Londres pour le British Vogue, fournissant photos de mode et de multiples portraits[11]. Dès 1942, elle est accréditée par l'US Army[6] et prend des images du Blitz[17].

Durant l'été 1944, elle devient correspondante de guerre au sein de l'armée américaine sur les terrains de guerre. Mandatée par Audrey Withers, ses comptes-rendus et photographies sont publiés dans le magazine américain et dans son édition britannique[17],[18]. De 1944 à 1946, en équipe avec David Sherman, photographe du magazine Life mais également son amant de guerre[11], elle suit la 83e division[17] depuis le débarquement en France (en août 1944 elle est à Paris et photographie ses amis artistes, début 1945 à Colmar[11]), un périple qui va la mener jusqu'en Roumanie, en passant par l'Allemagne, l'Autriche ou la Hongrie[5].

Lee Miller témoigne, par l'image mais également par le texte puisqu'elle commente ses photographies[11], de la vie quotidienne des soldats. Après être passée par les Pays-Bas, elle découvre en avril 1945[6] les camps de concentration de Buchenwald et Dachau. Ses photographies, dont celle de deux soldats ouvrant en pleine clarté un camion rempli de cadavres entassés, sont les premières à révéler le concret de l'horreur des camps. Il lui faudra écrire à Vogue et certifier que les clichés sont authentiques, pour que le magazine les publie[19] deux mois plus tard : « Je vous supplie de croire que c'est vrai » est-elle obligée d'indiquer à la rédaction du magazine[11] ; l'article de Vogue portera d'ailleurs le titre de « BELIEVE IT » avec sept pages rien que pour ses photos[17]. « Nous avons hésité longtemps et nous nous sommes concertés pour décider si nous devions ou non publier » précisera bien plus tard Edna Woolman Chase, alors rédactrice en chef[17].

Elle arrive à Munich et s'installe pendant quelques jours avec David E. Scherman, correspondant de Life, dans l'appartement privé d'Hitler au 16, Prinzregentenplatz. Le jour même de leur arrivée dans les lieux, le , le Führer se suicidait dans son bunker à Berlin. Durant leur séjour, Scherman prendra d'elle l'une de ses plus célèbres photos, prenant un bain — nue mais relativement pudique — dans la baignoire personnelle du dictateur, un portrait de ce dernier à ses côtés[5],[20].

Elle assiste à l'incendie du Berghof mais ne rentre pas chez elle à la fin de la guerre : l'association de somnifères, alcool et d'amphétamine fait qu'elle poursuit une errance en l'Europe centrale (Autriche, Hongrie…) jusqu'en janvier 1946, photographiant la dévastation[21]. Elle finit par retourner à Londres[21].

Max Ernst et Picasso[modifier | modifier le code]

Minée par un passé d’abus sexuel et un syndrome post-traumatique, elle sombre dans l’alcool et la dépression[5],[1]. En 1946, avec Roland Penrose, Lee Miller rend visite à Max Ernst et son épouse, l'artiste Dorothea Tanning, en Arizona. Penrose et Lee Miller se marient l'année suivante, en Angleterre et ont un fils Anthony en 1947. En 1949, ils s'installent à Farley Farm House (en), dans le Sussex en Angleterre.

Depuis l'année de naissance de son fils, son rôle de photographe se fait par « intermittence »[21]. De 1948 à 1973, elle poursuit son travail pour Vogue et ses photos illustrent les ouvrages de Penrose, Picasso et Antoni Tàpies. Elle s'intéresse également à la gastronomie, remportant des concours culinaires[5].

Lee Miller meurt chez elle d'un cancer à Chiddingly le 21 juillet 1977 à l’âge de 70 ans.

Postérité[modifier | modifier le code]

Alors que Lee Miller laisse, après sa mort, 60 000 photographies dans des cartons, elle revient au premier plan dans les années 1990[2]. Son fils, Anthony Penrose, a fondé les archives Lee Miller dans le Sussex et a publié plusieurs livres sur la vie et l'œuvre de sa mère[5]. Un film, Lee Miller, réalisé par Ellen Kuras est basé sur sa vie. Son personnage est joué par Kate Winslet[5].

Actrice[modifier | modifier le code]

Expositions[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Teresa Griffiths, « Lee Miller - Mannequin et photographe de guerre », Arte, 2020.
  2. a b c et d Lambron, p. 89.
  3. a b et c Guy Duplat, « Couples d'artistes: Lee Miller et Man Ray », La Libre Belgique,‎
  4. Marianne Amar, « Les guerres intimes de Lee Miller », Clio. Femmes, Genre, Histoire, no 20,‎ (ISSN 1252-7017, DOI 10.4000/clio.1396, lire en ligne, consulté le )
  5. a b c d e f g h i j k et l Claire Guillot, « Reporter de guerre, photographe de mode, mannequin… Lee Miller, bien plus qu’un cliché », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  6. a b et c Norberto Angeletti, Alberto Oliva et al. (trad. Dominique Letellier, Alice Pétillot), En Vogue : L'histoire illustrée du plus célèbre magazine de mode, White Star, , 410 p. (ISBN 978-8861120594), « 1940- 1950 : de la Café Society à Christian Dior », p. 136
  7. « Lee Miller, personnage fascinant et essentiel », artsphalte.com, consulté le 31 juillet 2022.
  8. BeauxArts magazine, 6 novembre 2022, "Rencontres d'Arles : Lee Miller, des studios de Vogue aux camps de la mort", Inès Boittiaux [1]
  9. Voir la section : « En photographie » de l'article consacré à la solarisation en physique.
  10. Condé Nast, « La folle vie de Lee Miller, muse de Man Ray, photographe de guerre et cuisinière surréaliste », sur Vanity Fair, (consulté le )
  11. a b c d e f g h i et j Lambron, p. 90.
  12. (en-GB) « Man crush: When Man Ray met Lee Miller », The Independent,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. Erik Miller sera par la suite embauché comme photographe chez le constructeur aéronautique Lockheed Aircraft Corporation
  14. Katherine Slusher, Lee Miller, Roland Penrose: The Green Memories of Desire, Prestel, 2007, page 95.
  15. William Rubin (sous la direction de) Picasso et le portrait, coédition Réunion des musées nationaux et Flammarion, Paris, 1996, p. 78 et 86, (ISBN 2-7118-3489-1).
  16. Sarah Wilson, La Planète affolée. Surréalisme, dispersion et influences, 1938-1947, catalogue d'exposition au Centre de La Vieille Charité, Marseille, Édition Musées de Marseille/Flammarion, 1986, page 163.
  17. a b c d et e Norberto Angeletti, Alberto Oliva et al. (trad. Dominique Letellier, Alice Pétillot), En Vogue : L'histoire illustrée du plus célèbre magazine de mode, White Star, , 410 p. (ISBN 978-8861120594), « Lee Miller : reportages de guerre », p. 142-143
  18. (en) Ruth La Ferla, « Fashion Magazine Editors, Take a Page From Audrey Withers », sur nytimes.com, (consulté le )
  19. A.-J. Bizimana, 60e anniversaire de la libération d'Auschwitz - Comment la presse a découvert l'Holocauste, dans Le Devoir du 27 janvier 2005.
  20. « L'étonnante histoire d'une séance photo dans la baignoire d'Hitler pour le magazine Vogue », slate.fr, 2 avril 2013. On pourra voir ce célèbre cliché ainsi qu'une de ses variantes, assortis d'anecdotes et de commentaires de Lee Miller, ici : (en) auteur de l'article non indiqué, « Lee Miller in Hitler's Bathtub » [« Lee Miller dans la baignoire d'Hitler »], sur Iconic Photos, (consulté le ). Et on verra ici, en plus de ces photos, un cliché de Lee Miller découvrant, le visage écœuré et peu de temps avant cette séance dans l'appartement d'Hitler récemment suicidé, les horreurs du camp de concentration de Dachau : (en) Messy Nessy, « Taking a Bath in Hitler’s Tub for Vogue » [« Prendre un bain dans la baignoire d'Hitler pour Vogue »], sur messynessychic.com, (consulté le ). Commentaire de l'auteur de l'article (traduit par nos soins) : « Miller avait traversé l’horreur du camp de la mort quelques heures plus tôt [horreur dont témoigne la saleté des chaussures militaires à double boucle devant la baignoire]. Au milieu de la controverse qui suivit la publication de la photo dans Vogue, Miller déclara qu’elle essayait simplement de se laver des odeurs de Dachau. »
  21. a b c et d Lambron, p. 91.
  22. L'art de Lee Miller, Centre d'art du Jeu de Paume [2]
  23. « Exposition / Femmes photographes de guerre », sur museeliberation-leclerc-moulin.paris.fr, (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Eleonora Antonioni, Les Cinq vies de Lee Miller, Éditions Steinkis, 2021. bande dessinée inspirée de la vie de Lee Miller
  • Carolyn Burke (en), Lee Miller dans l'œil de l'histoire, éditions Autrement, 2007.
  • Georgiana Colvile, Scandaleusement d'elles : trente-quatre femmes surréalistes, Paris, Jean-Michel Place, 1999, p. 196-205 (ISBN 2-85893-496-7).
  • Marc Lambron, L'Œil du silence, 1993. prix Femina 1993 la vie romancée d'Elizabeth Miller de 1944 à 1946
  • Jessica Nelson, Debout sur mes paupières, Belfond, 2017 roman inspiré par la vie de Lee Miller
  • Antony Penrose (en), The Lives of Lee Miller, Londres, Thames and Hudson, 1985.
    • Les Vies de Lee Miller, Thames and Hudson, rééd. en français en 2022 (ISBN 9780500297148).
  • Antony Penrose, Lee Miller's war 1944-1945, Londres, Condé Nast Books, 1992. traduction française de Noëlle Akoa Lee Miller photographe et correspondant de guerre, Paris, éd. Dumay, 1994.
  • Antony Penrose, Lee Miller, muse et artiste surréaliste, in La Femme s'entête/La Part du féminin dans le surréalisme, textes réunis par Georgiana Colvile et K. Conley, Paris, Lachenal & Ritter, 1998.
  • The Legendary Lee Miller photographer 1907-1977, Lee Miller Archive, East Sussex, 1998.
  • Grim Glory: Lee Miller's Britain at War, Lee Miller Archives, 2020.
  • Marc Lambron, « Lee Miller, le reflet de sa vérité », Le Point, no 2603,‎ , p. 88-91 (ISSN 0242-6005). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Roman[modifier | modifier le code]

  • L'Âge de la Lumière, Whitney Scharer, éditions de l'Observatoire, 2019.

Documentaires[modifier | modifier le code]

  • Lee Miller ou la Traversée du miroir, film de Sylvain Roumette, France, 1995, 54 min, Production Terra Luna Films.
  • L’amour à l’œuvre - Lee Miller et Man Ray, documentaire de Delphine Deloget, France, 2018, 25 min, Arte.
  • Lee Miller - Mannequin et photographe de guerre, documentaire de Teresa Griffiths, Royaume-Uni, 2020, 60 min, Arte.
  • Grande Traversée : Lee Miller, une combattante, podcasts et émissions de Judith Perrignon, 2022, cinq fois 58 min, France Culture .

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]