Le Serment des Horaces

Le Serment des Horaces
Le Serment des Horaces
Artiste
Date
1784
Commanditaire
Type
Technique
Lieu de création
Dimensions (H × L)
330 × 425 cm
Mouvement
Propriétaire
No d’inventaire
INV 3692
Localisation
Inscription
L.DAVID FACIEBAT ROMAE ANNO MDCCLXXXIVVoir et modifier les données sur Wikidata

Le Serment des Horaces est un tableau du peintre français Jacques-Louis David, achevé en 1785. Le tableau est de grande taille : 330 centimètres de hauteur et 425 centimètres de largeur. Il est conservé au Musée du Louvre. Ce tableau est considéré comme un des chefs-d’œuvre du néoclassicisme tant dans son style que dans sa description austère du devoir.

Il représente un grand sujet de l’histoire légendaire de la Rome Antique, où les frères Horaces défendent en combats singuliers la cité de Rome face aux Curiaces champions de la ville d'Albe. Liés par mariage à leurs sœurs respectives, le sacrifice des Horaces et des Curiaces exalte les vertus patriotiques. Le seul survivant du combat fut l'ainé des Horaces, qui à son retour fut maudit par sa sœur Camille pour la mort de son mari. Les frères Horaces jurent à leur père par ce serment de vaincre ou de mourir dans cette guerre qui les oppose aux Curiaces d'Albe, champions des Albains, cité rivale et voisine. Si le combat apparaît bien dans plusieurs sources littéraires (le livre I de l'Histoire romaine de Tite-Live, la vie de Tullus Hostilius par Aurelius Victor[1]), le serment lui est une invention de David. Il est possible que David qui était franc-maçon ait été inspiré par les procédures de serment utilisant les épées. Le serment traduit le courage et la fierté. David brise les règles habituelles de composition en décentrant les sujets principaux. Il ne tient pas non plus compte des principes de l’Académie en traitant ses couleurs et reliefs de manière relativement plate.

Historique[modifier | modifier le code]

Dessin préparatoire (Palais des beaux-arts de Lille).

Bien que l'exécution du tableau ait débuté à Paris sur une commande du roi, David choisit de poursuivre celle-ci à Rome, dans le Palazzo Costanzi, ce qu’il ne put se permettre que grâce au soutien financier de son beau-père. Il fut aidé en partie par son élève Jean-Germain Drouais. L'œuvre fut achevée en 1785. Exposé d’abord à Rome dans l'atelier du peintre, le tableau fut apporté à Paris et exposé au Salon de 1785, puis de nouveau au Salon de 1791. Il connut un énorme succès et permit à David d’éclipser ses rivaux dont Pierre Peyron.

Dans les années qui suivirent, le tableau devint le symbole de la Révolution française, mais il est peu probable que David l'ait conçu comme un appel à la révolution.

Composition[modifier | modifier le code]

Trinité[modifier | modifier le code]

L'unité jusque dans chaque frère Horace

Le chiffre trois est omniprésent dans la composition du Serment des Horaces. En effet, il a toujours été considéré comme un symbole de perfection et de stabilité. Il faut, par exemple, seulement trois points pour définir un plan, ce sont aussi trois points que forment la triangulation qui renforce le squelette. Dans bon nombre de mythologies, le chiffre trois renvoie à l'idéal et à la symbiose divine : les trois entités chrétiennes (Père, Fils et Saint-Esprit), les trois Moires et les trois Charites grecques... Mais aussi ici les trois Horaces, les trois Curiaces et leurs sœurs respectives. Dans Le Serment des Horaces, toute la composition est basée sur le chiffre trois : on compte trois groupes de personnages, chacun inscrit dans une des trois arcades présentes en arrière-plan.

La règle des tiers ici respectée

La première association est composée des trois Horaces : les frères adoptent une position qui suggère la figure géométrique du triangle. Ils évoquent la force, la stabilité et l'unité de leur groupe, mais aussi celles qui règnent dans chacun d'eux. Le père des trois combattants, constituant la deuxième partie, porte aussi en lui le chiffre trois : les trois épées qu’il s’apprête à confier à ses trois fils. Enfin, au niveau du troisième groupe, les femmes sont trois : en les représentant toutes trois, David a sans doute voulu mettre en valeur leur union dans le malheur et leur soutien solidaire. On pourrait croire qu’en recul se trouve une épouse, mais la femme en noir est en réalité la mère des Horaces. En réconfortant ses petits-enfants au nombre de deux, le petit groupe compte lui aussi trois membres : l’artiste a pu vouloir représenter le lien intergénérationnel qui unit la famille.

On observe que la règle des tiers a été parfaitement appliquée et centre ainsi le regard du spectateur sur le « tiers central » : les mains tendues des Horaces vers les glaives détenus par le père ; l’accent est mis sur le serment prêté.

Stabilité des lignes[modifier | modifier le code]

Lignes droites pour les hommes, courbes pour les femmes au-dessous de la médiane

Le tableau montre une dichotomie caractéristique du néoclassicisme : on remarque d’emblée la présence de deux groupes dans la composition de David : les hommes, à gauche, et les femmes, à droite. Cette division est surtout menée par la différence qui prédomine entre les lignes directrices : elles sont droites pour les hommes, courbées pour les femmes. Si les hommes, droits, aux bras tendus, sont empreints de détermination, de force et de patriotisme, les femmes éplorées par le départ à la guerre de leurs frères, de leurs maris ou de leurs fils semblent effondrées, anéanties.

Cette distinction est aussi établie par la position des personnages de part et d’autre de la ligne médiane. Dans « Des Glaneuses » de Millet par exemple, la disposition des trois femmes au-dessous de la ligne d’horizon peut indiquer leur pauvreté ; ici, la médiane joue un rôle semblable en élevant les hommes et leur patriotisme; c’est à eux qu’il est donné d’accomplir les actes qu'ils considèrent héroïques, alors que les femmes qui les désapprouvent et les subissent sont courbées sous cette ligne.

Une perspective épurée[modifier | modifier le code]

Convergence des lignes vers la main maintenant les épées.

Les lignes de construction ont ici pour rôle la stabilisation de la scène. Elle se déroule sans aucun doute dans la villa d’un grand aristocrate Romain : l’architecture, ses colonnes, ses arches et ses pavés ne pouvant être ceux d’une modeste habitation. Ce sont justement ces éléments qui assurent le parfait équilibre du tout.

Ceci est d’abord dû à l’opposition de la verticalité des colonnes à l’horizontalité du parterre. Ensuite, comme indiqué dans la partie trinité, les arches sont au nombre de trois et correspondent à chaque groupe de personnage. Ces derniers sont comme « appuyés » par l’architecture même et il en va donc pareillement pour le serment proclamé.

Le pavement régulier constitue un pilier important de la régularité et de l’équilibre qui règne au cœur de la composition. En prolongeant les lignes du sol, celles des murs et des chapiteaux (parallèles dans la réalité), il est possible de retrouver le point de fuite de la composition : il se situe sur la main gauche du père qui détient les trois épées, attirant le regard vers cette zone du tableau et soulignant le rôle essentiel et central du serment prêté par les Horaces qui est de se battre jusqu'à sa mort pour défendre leur patrie.

Chronologie[modifier | modifier le code]

Au-delà de la présentation en frise de la scène du serment (qui intensifie elle aussi son aspect dramatique), on peut déceler une dimension temporelle en lisant l’image de gauche à droite : les trois héros tendent le bras en signe de leur promesse faite de se battre pour Rome, le père leur tend les armes ce qui a pour conséquence le désespoir des femmes (qui, elles, sont plus attachées aux liens maternel et familial qu’aux principes guerriers et à la cité). Bien que plutôt triste, elle démontre à nouveau la détermination des guerriers et leur but d’aller sans cesse « vers l’avant » (par la défense des intérêts collectifs, les actes héroïques, la reconnaissance…).

Jeux de regards et position des personnages[modifier | modifier le code]

Alignement des regards sur la ligne d'horizon

Des trois Horaces, le premier est sans cesse mis en avant par rapport à ses frères :

  • il est au premier plan, ce qui attire d’emblée sur lui le regard du spectateur. Sa position est différente de celle de ses deux frères, il tend le bras droit et tourne le dos au spectateur, lorsque les autres tendent le bras gauche et font face à l'observateur.
  • alors que les deux autres tendent les mains en direction de leur père et des épées (signe, peut-être, de leur fougue), la sienne reste parallèle à la ligne d’horizon comme pour attendre que son arme lui soit offerte (il ne la réclame pas et paraît plus mature que les autres, son bras est droit et stable, la force représentée par son bras servira sans faillir sa patrie)
  • le détail le plus révélateur réside dans l’alignement de son regard avec le point de fuite et l’œil de son père : cette droite est de surcroît la ligne d’horizon. À nouveau une forme de « trinité » unit le premier fils à son père et à la cité. Il prête serment à l’autorité paternelle qui détient entre ses doigts le symbole de la cité.

Dans la légende, seul un des trois Horaces survit : il se peut que ce soit lui.

Couleurs[modifier | modifier le code]

Les couleurs apportent une nouvelle division au sein du tableau : amorcée par la manipulation des lignes, la dichotomie est confirmée grâce aux couleurs utilisées par David. Elles semblent emprisonnées dans les formes et établissent une division nette : alors que les hommes sont vêtus de couleurs vives à nouveau symboles de leur force, de leur énergie, de leur détermination, les femmes portent des parures ternes qui évoquent leur langueur, leur tristesse et leur incapacité d’action. Pareillement aux lignes, les couleurs sont choisies pour exprimer les différences fondamentales qui existent entre les deux sexes.

Signification et portée du tableau[modifier | modifier le code]

Gravure du Serment des Horaces par Antoine-Alexandre Morel.

La couleur la plus visible au niveau du groupe des hommes est le rouge : elle exprime force, virilité, puissance, action et courage. Rien de plus significatif donc, pour des soldats, que d’être vêtus de rouge. Le blanc est davantage un symbole divin et de pureté, il peut renvoyer à l’idée d’une mission confiée par un père, une cité, mais aussi par des Dieux. Quant au bleu, il renvoie à la sagesse, à la vertu, à la foi et à la paix. L’Horace du premier plan concentre ces trois couleurs, il est donc à nouveau présenté comme le plus important des trois frères.

Bien que le drapeau français tel que nous le connaissons n’ait été mis en place que lors de la Révolution française, les gardes françaises étaient, elles, vêtues de bleu, de blanc et de rouge depuis le règne de Henri IV.

Le premier des frères, qui par son rôle constitue déjà un symbole important de patriotisme (envers sa cité), peut ainsi être interprété comme un « messager » du nationalisme français. La Fayette ayant établi les couleurs de la cocarde tricolore comme nouvelles « couleurs nationales », on comprend maintenant plus aisément pourquoi le Serment des Horaces a été considéré comme un symbole phare de la Révolution française à cette époque.

Peintres et œuvres ayant influencé Le Serment des Horaces[modifier | modifier le code]

Caravage[modifier | modifier le code]

Clair obscur dans L'incrédulité de Saint-Thomas du Caravage

La lumière employée par David met en place un effet hautement dramatique. Elle est dite caravagesque et reprend l’orientation utilisée par Le Caravage et ses suiveurs[2] (peintre du XVIIe siècle dont l’œuvre a révolutionné la peinture par l’invention de la technique du « clair-obscur »). Cette dernière est violente, contrastée et instaure de fait un effet théâtral aux scènes peintes : on peut la comparer à un projecteur braqué vers les personnages mis en valeur.

Gavin Hamilton : Le Serment de Brutus[modifier | modifier le code]

Le Serment de Brutus par Gavin Hamilton

Hormis la similitude dans les titres, le Serment des Horaces de David compte un grand nombre de points communs avec le Serment de Brutus de Gavin Hamilton, peint en 1764. On retrouve au sein des deux compositions les lignes pavées qui forment la perspective ainsi que le même jeu d'armes dans un groupe masculin (opposé, à nouveau, à un groupe de femmes éplorées). On peut de même noter une similitude de tonalités de couleurs et d'éclairage.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Louis-Alexandre Péron, Examen du tableau peint par David : “Le Serment des Horaces”, suivi d'une notice historique du tableau, lus à la Société libre des beaux-arts, 1839.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. L'histoire des Horaces n'est pas dans les Vies parallèles de Plutarque mais dans la Vie de Tullus Hostilius qui se trouve dans le de Viris illustribus et dont l'auteur est le pseudo Aurelius Victor. Les vies du de Viris illustribus sont parfois publiées en supplément des Vies parallèles de Plutarque, d'où la confusion qui attribue à Plutarque un récit de l'histoire des Horaces.
  2. En effet, Alexandre Péron, élève de David, souligne que l´artiste aurait été inspiré d´un peintre caravaggesque français, Valentin de Boulogne, pour adopter ce style plus dramatique. (PÉRON, Alexandre. Examen du tableau des Horaces. Paris: Ducessois, 1839, p. 16)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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