Initiative populaire « Internement à vie pour les délinquants sexuels ou violents jugés très dangereux et non amendables »

Initiative populaire fédérale
Internement à vie pour les délinquants sexuels ou violents jugés très dangereux et non amendables

Déposée le
Déposée par Selbsthilfegruppe Licht der Hoffnung

Contre-projet non
Votée le
Participation 45,58 %
Résultat : acceptée[NB 1]
Par le peuple oui (par 56,2 %)
Par les cantons oui (par 19 5/2)[NB 2]

L'initiative populaire fédérale « Internement à vie pour les délinquants sexuels ou violents jugés très dangereux et non amendables » est une initiative populaire suisse, approuvée par le peuple et les cantons le .

Contenu[modifier | modifier le code]

Cette initiative vise à créer un nouvel article 64bis à la Constitution fédérale, précisant qu'un délinquant sexuel « qualifié d'extrêmement dangereux et non amendable dans les expertises nécessaires au jugement » dont être interné à vie sans possibilité de liberté anticipée. Le texte complet de l'initiative peut être consulté sur le site de la Chancellerie fédérale[1].

Déroulement[modifier | modifier le code]

Contexte historique[modifier | modifier le code]

Depuis le cas de Werner Ferrari, condamné pour le meurtre d'un enfant en 1970 à douze ans de prison et qui, libéré après 9 ans avait récidivé en tuant 5 nouveaux enfants, plusieurs cas, dont celui du « sadique de Romont » Michel Peiry de meurtres d'enfant avec récidives sont révélés en Suisse dans les années 1990. Dans ce climat, l'association Selbsthilfegruppe Licht der Hoffnung (en allemand Lumière de l’espoir), formée de familles et de proches de victimes, décide de lancer cette initiative[2].

Récolte des signatures et dépôt de l'initiative[modifier | modifier le code]

La récolte des 100 000 signatures nécessaires par le comité s'est déroulée entre le et le . Le même jour, elle a été déposée à la chancellerie fédérale qui l'a déclarée valide le [3].

Discussions et recommandations des autorités[modifier | modifier le code]

Le parlement[4] et par le Conseil fédéral[5] ont recommandé le rejet de cette initiative sans proposer de contre-projet, l'initiative était jugée trop rigide, en particulier en refusant d'accorder à une personne internée un réexamen de sa situation tant que des connaissances scientifiques nouvelles ne peuvent justifier cette demande. Dans les deux chambres, la question de la conformité de cette initiative avec le droit international a été évoquée[6].

Le Conseil fédéral explique en particulier son refus de l'initiative par le projet du Département fédéral de justice et police qui propose alors une révision de la Partie générale du code pénal. Cette modification, qui va dans le sens d'une plus grande sévérité envers les récidivistes prévoit, entre autres, une extension du champ d’application de l'internement aux auteurs d'infractions très graves, même dans le cas où ces auteurs ne présentent pas de troubles mentaux ainsi qu'une révision de la procédure de libération qui doit être assortie d'une période de mise à l'épreuve[7]. Les recommandations de vote des partis politiques sont les suivantes[8] :

Parti politique Recommandation
Démocrates suisses oui
Lega dei Ticinesi oui
Parti chrétien-conservateur non
Parti chrétien-social non
Parti démocrate-chrétien non[NB 3]
Parti évangélique non
Parti libéral non
Parti de la liberté oui
Parti radical-démocratique non[NB 4]
Parti socialiste non
Parti suisse du travail non
Union démocratique du centre oui[NB 5]
Union démocratique fédérale oui
Les Verts non

Votation[modifier | modifier le code]

Soumise à la votation le , l'initiative est acceptée par 19 5/2 cantons[NB 2] et par 56,2 % des suffrages exprimés[9]. Le tableau ci-dessous détaille les résultats par cantons[10] :

Effets[modifier | modifier le code]

Selon le réseau de santé Medicus Mundi Suisse, l'internement à vie a pour effet « de fragiliser les processus de soins, exacerber les facteurs de risques et de renforcer d’autres causes de morbidité »[11] ; de plus, cette initiative prive explicitement une catégorie de personnes de certains de leurs droits[12]. Pour ces raisons, le Conseil fédéral met au point, en , un projet d'application qui réduit la portée de cette initiative afin d'assurer sa conformité avec la convention européenne des droits de l'homme[13]. Cette proposition est acceptée par le Parlement en , malgré les doutes et les menaces de référendum exprimés par une partie de ses membres[14].

Le , soit plus de 6 ans après le vote de l'initiative, la première condamnation prévoyant un internement à vie a été prononcée par le Tribunal cantonal de Thurgovie. L'accusé a été reconnu coupable d'homicide après avoir poignardé à mort une prostituée et s'être débarrassé du cadavre, dissimulé dans une valise, dans une ravin. Multirécidiviste, il avait déjà été condamné pour cinq autres viols à caractère sadiques par le passé et n'a exprimé aucun regret[15].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Selon l'article 139 de la Constitution, une initiative proposée sous la forme d'un projet rédigé doit être acceptée à la fois par la majorité du peuple et par la majorité des cantons. Dans le cas d'une initiative rédigée en termes généraux, seul le vote du peuple est nécessaire.
  2. a et b Le premier chiffre indique le nombre de cantons, le second le nombre de cantons comptant pour moitié. Par exemple, 20 6/2 se lit « 20 cantons et 6 cantons comptant pour moitié ».
  3. La section cantonale du Tessin et celle du Valais romand se sont prononcées en faveur de l'initiative.
  4. Les sections cantonales de Genève, de Neuchâtel et du Valais du PRD s'est prononcée en faveur de l'initiative.
  5. La section du Valais romand de l'UDC a laissé la liberté de vote

Références[modifier | modifier le code]

  1. Texte de l'initiative populaire fédérale 'Internement à vie pour les délinquants sexuels ou violents jugés très dangereux et non amendables' sur admin.ch. Consulté le
  2. « Erreur », sur swissinfo.ch (consulté le )
  3. Initiative populaire fédérale 'Internement à vie pour les délinquants sexuels ou violents jugés très dangereux et non amendables' sur admin.ch. Consulté le 1er décembre 2009
  4. « Objet parlementaire 01.025 »  (20 juin 2003) de la Feuille fédérale référence FF 2003 I 3979
  5. Référence FF 2001 I 3265  (4 avril 2001) de la Feuille fédérale  
  6. « Synthèse message / rapport et délibérations », sur parlement.ch (consulté le )
  7. « Le contrefeu qui avait été préparé par les autorités (Conseil fédéral et Parlement) », sur législation psy (consulté le )
  8. Consignes de vote des partis actuellement représentés au parlement et des organisations
  9. Votation no 506 Tableau récapitulatif sur admin.ch. Consulté le 1er décembre 2009
  10. Votation no 506 - Résultats dans les cantons sur admin.ch. Consulté le 1er décembre 2009
  11. Philippe Chastonay et Emmanuel Kabengele Mpinga, « Santé mentale et violations des droits de l’homme », Bulletin de Medicus Mundi Suisse, no 96,‎ (lire en ligne)
  12. André Vallotton, « L'initiative populaire pour une vraie perpétuité : les méfaits du sentiment d'insécurité en démocratie directe », Champ pénal,‎ (lire en ligne)
  13. « Internement à vie : des conditions strictes », sur swissinfo.ch (consulté le )
  14. « Internement à vie: le National veut légiférer », sur tsr.ch (consulté le )
  15. « Premier internement à vie décidé en Suisse », sur Télévision suisse romande (consulté le )