Initiative populaire « Interdiction d'abattre le bétail de boucherie sans l'avoir préalablement étourdi »

Initiative populaire fédérale
Interdiction d'abattre le bétail de boucherie sans l'avoir préalablement étourdi

Déposée le
Déposée par Société protectrice des animaux

Contre-projet non
Votée le
Participation 49,18 %
Résultat : acceptée[NB 1]
Par le peuple oui (par 60,1 %)
Par les cantons oui (par 10 3/2)[NB 2]

L'initiative populaire « Interdiction d'abattre le bétail de boucherie sans l'avoir préalablement étourdi » est une initiative populaire suisse, approuvée par le peuple et les cantons le . Il s'agit de la première initiative populaire acceptée par le peuple depuis la création de cette possibilité en 1891, mais aussi la seule disposition constitutionnelle sur la protection des animaux en Suisse jusqu'en 1973[1]. C'est la seule votation fédérale organisée dans le pays cette année-là.

Contenu[modifier | modifier le code]

L'initiative propose d'ajouter un nouvel article 25bis à la Constitution fédérale, précisant qu'il est interdit d'abattre le bétail sans avoir étourdi les animaux au préalable.

Le texte complet de l'initiative peut être consulté sur le site de la Chancellerie fédérale[2].

Déroulement[modifier | modifier le code]

Contexte historique[modifier | modifier le code]

Il s'agit d'une des premières manifestations concrètes du développement de la prise en compte de la condition animale en Suisse au XIXe siècle, animée par les premières associations pour la protection des animaux inspirées du modèle anglais créé Berne en 1843 et à Zurich en 1853, puis centralisées au niveau national en 1861[3].

Critiquant à la fois l'égorgement sans étourdissement et le fait que l'animal abattu soit d'abord jeté à la renverse comme des procédés inutilement générateurs de souffrances, les initiateurs de l'initiative populaire niaient aussi l'aspect religieux de la pratique sur la base d'arguments mis en avant par l'ancien rabbin devenu libre-penseur, Jacob Stern[4].

Un climat d'antisémitisme latent en Europe a contribué à soutenir le renfort populaire pour cette initiative populaire, avec des différences très marquées entre cantons opposant notamment certains cantons alémaniques où le soutien était quasi total (Argovie, Zurich, Schaffhouse) et des cantons tels que celui de Vaud, Genève et Tessin où le rejet était tout aussi marqué[4].

Récolte des signatures et dépôt de l'initiative[modifier | modifier le code]

La récolte des 50 000 signatures nécessaires a débuté le . Le , l'initiative a été déposée à la chancellerie fédérale qui l'a déclarée valide[5].

Discussions et recommandations des autorités[modifier | modifier le code]

Le parlement[6] recommande le rejet de cette initiative, sous l'argument principal qu'elle limite la liberté de conscience et de culte du judaïsme, en contradiction avec la Constitution garantissant la liberté de culte. Le caractère religieux de la pratique est cependant nié par les initiateurs, à renfort d'argument grâce au soutien d'un ancien rabbin Wurtembourgeois, Jacob Stern[4].

Votation[modifier | modifier le code]

Soumise à la votation le , l'initiative est acceptée par 10 3/2 cantons[NB 2] et par 60,1 % des suffrages exprimés[7]. Le tableau ci-dessous détaille les résultats par cantons[8] :

Effets[modifier | modifier le code]

L'article constitutionnel accepté à la suite de cette initiative est étendu le [9], pour spécifier en particulier que « la législation sur la protection des animaux est du ressort de la Confédération » et que les « interventions et essais sur les animaux vivants » doivent être sujets à cette législation[10].

Une loi fédérale sur la protection des animaux est alors préparée et présentée au Parlement qui l'accepte en 1978. Un référendum est cependant lancé contre cette loi, en particulier par des groupes jugeant qu'elle ne va pas assez loin dans la protection des animaux ; elle est toutefois acceptée en votation le [11], puis complétée par une ordonnance du entrée en vigueur le . La loi, dans son article 21, précise l'interdiction de l'abattage rituel des animaux en limitant l'obligation d'étourdissement préalable aux mammifères[12], excluant donc les volailles du champ d'application de la loi. Cette disposition a été conservée lors des révisions de la Constitution fédérale au nom de la protection des animaux, et malgré plusieurs contestations de groupes considérant cette interdiction comme étant contraire à la liberté religieuse[13], et en particulier la Fédération suisse des communautés israélites FSCI/SIG[14].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Selon l'article 139 de la Constitution, une initiative proposée sous la forme d'un projet rédigé doit être acceptée à la fois par la majorité du peuple et par la majorité des cantons. Dans le cas d'une initiative rédigée en termes généraux, seul le vote du peuple est nécessaire.
  2. a et b Le premier chiffre indique le nombre de cantons, le second le nombre de cantons comptant pour moitié. Par exemple, 20 6/2 se lit « 20 cantons et 6 cantons comptant pour moitié ».

Références[modifier | modifier le code]

  1. Marie-Claire Ponthoreau, « Chroniques de jurisprudence – Droits étrangers et comparaison des droits », Revue semestrielle de droit animalier (RSDA),‎ , p. 106 (lire en ligne)
  2. « Texte de l'initiative populaire fédérale », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  3. Ruth Lüthi, « Animaux, protection des » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du .
  4. a b et c Friedrich Külling, « Abattage rituel » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du .
  5. « Initiative populaire 'Interdiction d'abattre le bétail de boucherie sans l'avoir préalablement étourdi' », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  6. « Objet parlementaire »  (12 juillet 1893) de la Feuille fédérale référence FF 1893 III 913
  7. « Votation no 40 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  8. « Votation no 40 - Résultats dans les cantons », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  9. « Votation no 241 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  10. « Arrêté fédéral concernant un article sur la protection des animaux qui remplace l'article 25bis actuel de la constitution fédérale »  (9 juillet 1973) de la Feuille fédérale référence FF 1973 I 1633
  11. « Votation no 290 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  12. Loi sur la protection des animaux, RS 455, art. 21.
  13. François Bellanger, « Le statut des minorités religieuses en Suisse », Archives de sciences sociales des religions, no 121,‎ janvier - mars 2003, p. 93 (lire en ligne)
  14. « L’interdiction de l’abattage rituel en Suisse », sur Site de la FSCI/SIG (consulté le )