Histoire des maires de France

Le mode de désignation des maires des communes en France a évolué au fil de l'histoire politique du pays.

Origine[modifier | modifier le code]

La naissance de la commune en tant que telle remonte au XIe siècle. Puis, au XIIe siècle, le maire fait son apparition. En effet, dès lors que la commune était reconnue juridiquement et politiquement, il lui restait à se doter de représentants. Selon l’époque et les lieux, on parlera de « pairs », d’« échevins », de « mayeurs[1] », de « conseillers », de « syndics » ou de « consuls ». Dans la France du sud, on parlera donc, plus spécifiquement, de "consulat", dont sont membres les consuls, généralement choisis au nombre de trois parmi les « conseillers ». Ils sont cooptés par les grandes familles bourgeoises de la ville. Cette institution est très présente entre la fin du XIIe siècle et jusqu'à la Révolution, œuvrant pour la sécurité de la ville, sa salubrité et réglant la vie économique.

Le mot « maire » trouve son origine dans le polyptyque d'Irminon, ouvrage de droit d’un abbé de Saint-Germain-des-Prés au IXe siècle. Il emploie le mot « maior » quand il parle du représentant du domaine : c’est celui qui administre le village pour le compte du seigneur.

Ancien Régime[modifier | modifier le code]

Mise à mal par l'effondrement des économies et des structures rurales causé par la guerre de Cent Ans, l'institution se développe après celle-ci pour répondre au besoin d'administrer de nouveau les campagnes pour le compte de propriétaires non résidents. À la fin du XVe siècle, les maires achètent leur charge pour deux ans[2]. Souvent, celle-ci revient par intermittence aux mêmes plus importants censitaires. L'institution décline avec le développement et la spécialisation des compétences de l'administration royale, la prévôté (juge, prévôt, lieutenant, procureur fiscal, greffier, huissier), ce avant même le début des guerres de religion[2].

Par l'édit royal de 1692 les fonctions de magistrats élus sont supprimées et, dans la plupart des villes sont créés un office de maire et des offices d'assesseurs en remplacement des syndics choisis par les assemblées d'habitants. La vente des nouveaux offices permet de renflouer les caisses de l'État.

Des édits de 1764 et 1765 tentent de briser ce système arbitraire en proposant un maire choisi par le roi sur proposition de trois candidats.

L'administration municipale reste sous le contrôle de l'intendant général jusqu'à la Révolution française.

De 1789 à 1799 : Révolution française, Première République, Directoire[modifier | modifier le code]

Les agents municipaux (maires) sont élus au suffrage direct pour deux ans et rééligibles par les citoyens actifs de la commune, contribuables payant une contribution au moins égale à 3 journées de travail dans la commune. Sont éligibles ceux qui paient un impôt au moins équivalent à dix journées de travail.

Avec Thermidor (), la Constitution du 5 fructidor an III (), met en place les municipalités cantonales. Chaque commune élit dorénavant un agent municipal qui participe à l'administration de la municipalité cantonale. L'agent municipal passe sous l’autorité des « présidents des municipalités cantonales ».

De 1799 à 1848 : Consulat, Premier Empire, Restauration, monarchie de Juillet[modifier | modifier le code]

La Constitution du 22 frimaire an VIII () revient sur l’élection du maire, les maires sont nommés par le préfet pour les communes de moins de 5 000 habitants, par le Premier consul de la République pour les autres.

Avec la loi du 28 pluviôse an VIII (), l’appellation de maire revient, qui remplace celle d’agent municipal.

À compter du 2 pluviôse an IX () le maire est chargé seul de l’administration de la commune et les conseillers ne sont consultés que lorsqu’il le juge utile. Le maire exerce ce pouvoir absolu jusqu’en 1867.

La Restauration conserve la nomination des maires et des conseillers municipaux. Après 1831, les maires sont nommés (par le roi pour les communes de plus de 3 000 habitants, par le préfet pour les plus petites), mais les conseillers municipaux sont élus pour six ans.

Du à 1851 : Seconde République[modifier | modifier le code]

Les maires sont élus par le conseil municipal pour les communes de moins de 6 000 habitants. Les maires des chefs-lieux d'arrondissement, de département et les villes de 10 000 habitants et plus, continuent d'être nommés par le préfet.

De 1851 à 1870 : Second Empire[modifier | modifier le code]

Les maires sont nommés par le préfet, pour les communes de moins de 3 000 habitants et pour 5 ans à partir de 1855.

De 1870 à 1982[modifier | modifier le code]

Dans un premier temps, le système napoléonien est conservé avec des modifications opportunistes.

Au début de la IIIe République les maires sont élus par le conseil municipal. Mais dès 1873, pour les chefs-lieux (du département au canton) et pour les villes de plus de 20 000 habitants, le maire reste nommé par le préfet. Cette situation est étendue à toutes les communes le 20 janvier 1874 par le gouvernement de Broglie[3], ce qui permet au personnel politique de procéder à des révocations en masse dans la perspective d'élections nationales.

C'est le qu'une loi sur l’organisation municipale, qui inspire encore de manière substantielle la législation actuelle, est promulguée ; elle établit le principe de l'élection du maire et des adjoints par le conseil municipal, quelle que soit l'importance de la commune[4] (sauf pour Paris). Elle fixe le mandat à quatre ans[5],[6].

La loi du porte de quatre à six ans la durée du mandat des conseillers municipaux, et donc des maires[7].

Sous Vichy, par la loi du , les maires des communes de plus de 10 000 habitants sont nommés par le gouvernement[8], ceux des communes de 2 000 à 10 000 habitants, par le préfet. Les maires des communes de moins de 2 000 habitants sont élus par le conseil municipal[9].

À Paris, le maire est élu à partir de 1977.

Cas de l'Alsace et de la Moselle[modifier | modifier le code]

En Alsace-Lorraine, de 1871 à 1918, annexé au IIe Reich allemand, les maires sont nommés pour 6 ans par le président du district (Bezirkspräsident), qui est l'équivalent du préfet.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'Alsace et la Moselle étant rattachées au IIIe Reich allemand, les maires des villages, issus de la communauté villageoise sont nommés par le commissaire de l'arrondissement (Landkommissar des Kreises) qui est plutôt un administratif. Ceux des grandes villes, investis par le parti national-socialiste (NSDAP), sont généralement des Allemands et dépendent directement du Gauleiter ou chef du Parti pour la région.

Records[modifier | modifier le code]

  • Le maire le plus âgé

Charles Edmond Mathis (Ehuns (Haute-Saône)), serait le maire ayant été en fonctions à l’âge le plus avancé, 101 ans, élu plusieurs fois, il totalise 70 ans de mandat de maire de 1878 à 1883 puis de 1888 à 1953.

Louis Philipon (Juvigny (Aisne)) serait le deuxième maire ayant été en fonctions à l’âge le plus avancé, 98 ans. Il serait également le quatrième maire ayant eu le mandat le plus long, 69 ans de 1929 à 1998[10].

  • Le maire le plus jeune

Jérôme Negroni (San-Lorenzo (Haute-Corse)) a été élu en 2009 à l'âge de 20 ans[11], mais il est possible que certains maires aient été élus à l'âge de 18 ans, minimum légal depuis 1974.

Hugo Biolley (Vinzieux (Ardèche)) a été élu en 2020 à l'âge de 19 ans[12], il devient donc le maire le plus jeune de France[13].

  • Le mandat le plus long

André Cornu (Bazolles (Nièvre)) serait le maire ayant eu le plus long mandat ininterrompu, 72 ans, de 1815 à sa mort en 1887[14].

  • Le mandat en cours le plus long
Liste des plus longs mandats de maire
Nom du maire Durée des mandats Début du mandat Fin du mandat Commune Notes
André Cornu 72 ans 1815 1887 Bazolles
Charles Edmond Mathis 70 ans 1878 1953 Éhuns Coupure entre 1884 et 1888
François de Noailles 69 ans 1932 2001 Épinay-Champlâtreux
Louis Philipon 69 ans 1929 1998 Juvigny (Aisne)
Roger Senié 66 ans 1947 2014 La Bastide-de-Bousignac
Arthur Richier 66 ans 1947 2014 Faucon-du-Caire
Yves Bahu 65 ans 1959 2024 Priez en cours → 2026
Paul Girod 63 ans 1958 2021 Droizy Décédé en cours de mandat
Félix Dehau 62 ans 1872 1934 Bouvines
Jean de Galard 61 ans 1959 2020 Saint-André (Haute-Garonne)
Jules Jeanneney 61 ans 1896 1957 Rioz
Hubert d'Andigné 59 ans 1946 2005 Le Champ-de-la-Pierre
Albéric de Froissard 59 ans 1871 1930 Bersaillin
Simon Louvart de Pontlevoye 59 ans 1912 1971 Bazoges-en-Pareds
Maurice Sicre 59 ans 1965 2024 Axiat en cours → 2026
Michel Rubé 59 ans 1965 2024 Catenoy en cours → 2026
Marcel Humblot 59 ans 1965 2024 Morionvilliers en cours → 2026
Maurice Bello 59 ans 1965 2024 Molring en cours → 2026
Jean Proriol 58 ans 1962 2020 Beauzac
Philippe de Bourgoing 57 ans 1950 2007 Tracy-sur-Mer Décédé en cours de mandat
Geoffroy de Montalembert 57 ans 1936 1993 Ermenouville Décédé en cours de mandat
Daniel Bernard 57 ans 1967 2024 Fignévelle en cours → 2026
Claude Boura 56 ans 1964 2020 Xousse
Aimé Césaire 56 ans 1945 2001 Fort-de-France
Alphonse Bastian 55 ans 1965 2020 Éblange
Tony Larue 55 ans 1935 1995 Le Grand-Quevilly Deux coupures durant la période 1941-1944 et la période 1945-1947
Jacques Le Roy Ladurie 55 ans 1928 1983 Les Moutiers-en-Cinglais
Maurice Widehen 54 ans 1966 2020 Bimont
Daniel Miette 54 ans 1966 2020 Magny-le-Désert Décédé en cours de mandat
Jean André Savoie-Taillefer 54 ans 1965 2019 Pouzay Décédé en cours de mandat
Yves de Kervéguen 54 ans 1953 2007 Vigny Décédé en cours de mandat
André Rideau 54 ans 1947 2001 Adriers
René Antrope 53 ans 1965 2018 Rémécourt
Jean-Claude André 53 ans 1971 2024 Demange-Baudignécourt en cours → 2026
Pierre Chaussepied 53 ans 1971 2024 Lonnes en cours → 2026
Jean Claude Dusanter 53 ans 1971 2024 Artemps en cours → 2026
Maurice Pallut 53 ans 1971 2024 Chanterelle (Cantal) en cours → 2026
Pierre Petitguillaume 53 ans 1971 2024 Ceaulmont en cours → 2026
Jean-Louis de Ganay 52 ans 1946 1998 Courances
Pierre Ducout 52 ans 1972 2024 Cestas en cours → 2026
Louis Sabini 51 ans 1964 2015 Olmeta-di-Tuda
Alexandre de La Rochefoucauld 51 ans 1950 2001 Combreux
Olivier d'Ormesson 51 ans 1947 1998 Ormesson-sur-Marne
Jacques Zimmermann 51 ans 1973 2024 Givrycourt en cours → 2026
Gabriel Tambon 50 ans 1965 2015 Le Castellet (Var)
Manon Dumoulin 50 ans 1958 2008 Neuville-sur-Ailette Record de longévité féminin
Michel d'Aillières 50 ans 1958 2008 Aillières-Beauvoir
André de Robien 50 ans 1888 1938 Saint-Germain-d'Anxure
Armand Ferrando 50 ans 1974 2024 Châteauneuf-lès-Moustiers en cours → 2026
Alain Vasselle 50 ans 1974 2024 Oursel-Maison en cours → 2026
Gilbert Fongaro 49 ans 1965 2014 Pont-du-Casse
Andrée Gollot 49 ans 1971 2020 Saint-Maurice-le-Vieil
Marcel Berthomé 49 ans 1971 2020 Saint-Seurin-sur-l'Isle
Alfred Pettazzoni 49 ans 1971 2020 Les Monthairons
André Trigano 49 ans 1971 2020 Mazères puis Pamiers
Jean Robert 49 ans 1971 2020 Beuxes
Michel Pacaux 49 ans 1971 2020 Frelinghien
Jean-Albert Robin 49 ans 1934 1983 Saint-Genès-de-Castillon
Élisée Pratlong 48 ans 1929 1977 Arphy
Jacques Chaban-Delmas 48 ans 1947 1995 Bordeaux
Jean-Vitus Guerrini 48 ans 1929 1977 Asco
Aymeri de Montesquiou 48 ans 1976 2024 Marsan en cours → 2026
Michel Frouin 47 ans 1973 2020 Lugon-et-l'Île-du-Carnay
Jean-Paul de Rocca Serra 47 ans 1950 1997 Porto-Vecchio
Louis Laot 47 ans 1936 1983 Trémaouézan
Élie Fraisse 47 ans 1977 2024 Saint-Vénérand en cours → 2026
Alain Mantangon 47 ans 1977 2024 Gauriaguet en cours → 2026
Luc Corradi 47 ans 1977 2024 Vitry-sur-Orne en cours → 2026
Laurent Cathala 47 ans 1977 2024 Créteil en cours → 2026
Alain Lefebvre 47 ans 1977 2024 Aix-Noulette en cours → 2026
Yvon Hervé 47 ans 1971 2024 Sainte-Sève Coupure entre 2008 et 2015
Christian Guyot 47 ans 1977 2024 Saint-Père-sous-Vézelay en cours → 2026
Roger Prévot 46 ans 1953 1999 Villeneuve-la-Garenne Décédé en cours de mandat
Robert de Toulouse-Lautrec 46 ans 1919 1965 Mordelles
Michel Bacconnier 46 ans 1977 2023 Saint-Quentin-Fallavier
Jean Kiffer 46 ans 1965 2011 Amnéville Décédé en cours de mandat
Jacky Pougheon 46 ans 1978 2024 Combrailles (Puy-de-Dôme) en cours → 2026
Antoine de Vogüé 45 ans 1953 1998 Oizon Décédé en cours de mandat
Louis-Amédée de Moustier 45 ans 1975 2020 Caulaincourt
Jean Pierre Baret 45 ans 1975 2020 Périssac
Roland Povinelli 45 ans 1975 2020 Allauch Décédé en cours de mandat
Edouard Herriot 45 ans 1905 1957 Lyon Coupure entre 1940 et 1945
Charles Hyacinthe Joseph Lespagnol de Grimbry 45 ans 1800 1845 Wasquehal Décédé en cours de mandat
Lucien Degauchy 45 ans 1977 2022 Courtieux Décédé en cours de mandat
Albert Serin-Moulin 44 ans 1900 1944 Jargeau
Gaston Viens 44 ans 1965 2009 Orly
Philippe Dubourg 44 ans 1977 2021 Illats Décédé en cours de mandat
André Santini 44 ans 1980 2024 Issy-les-Moulineaux en cours → 2026
Daniel Hoeffel 43 ans 1965 2008 Handschuheim
Henri Maret 43 ans 1965 2008 Jaillans
Guy Dambre 43 ans 1977 2020 Fayet (Aisne)
Roland Robert 43 ans 1971 2014 La Possession
Christian Marchandeau 43 ans 1977 2020 Annet-sur-Marne
Daniel Maurice 43 ans 1977 2020 Gesvres-le-Chapitre
Pierre Augey 43 ans 1977 2020 Fargues (Gironde)
Nicole Bonnamy 43 ans 1977 2020 Saint-Sulpice-de-Pommiers
Gonzague de Broglie 43 ans 1946 1989 Lingeard
Pierre Méhaignerie 43 ans 1977 2020 Vitré

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Normandie, Picardie, Lorraine.
  2. a et b E. Meunier, Histoire de Saint-Martin-sur-Oreuse, in Contact, IV, Bulletin paroissial, Thorigny-sur-Oreuse, 1990.
  3. Jean-Marie Mayeur, Les débuts de la IIIe République, Le Seuil 1973, coll. Points, p. 28
  4. Article 76 de la loi du , Léon Morgand, La loi municipale : commentaire de la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation et les attributions des conseils municipaux. Organisation, Berger-Levrault, Paris, 1884-1885, p. 36, sur Gallica.
  5. « Les grands principes de la loi municipale de 1884 », Sénat, consulté le 24 juillet 2012
  6. Article 41 de la loi du , Léon Morgand, La loi municipale : commentaire de la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation et les attributions des conseils municipaux. Organisation, Berger-Levrault, Paris, 1884-1885, p. 24, sur Gallica.
  7. Guillaume Marrel, Renaud Payre, L'allongement du mandat en 1929 : une redéfinition de l'espace politique municipal, in Le temps des mairies, Frédéric Sawicki dir., Politix, no 53, 2001, p. 59-86 (en ligne).
  8. Jean-Claude Michon, « Cholet. L’action d’Alphonse Darmaillacq pendant la Seconde Guerre mondiale », Courrier de l'Ouest, (consulté le )
  9. « Loi du 16 novembre 1940 portant réorganisation des corps municipaux », Journal officiel de la République française,‎ , p. 6074-5 (lire en ligne, consulté le ).
  10. Les maires de Juvigny sur francegenweb.org
  11. À 20 ans, Jérôme Negroni devient le plus jeune maire de France, Corse-Matin, 2 septembre 2009
  12. À 19 ans, Hugo Biolley est le plus jeune maire de France, Ouest-France, 25 mai 2020
  13. A 19 ans, l’Ardéchois Hugo Biolley est (pour l’instant) le plus jeune maire de France, L'Obs, 25 mai 2020
  14. le Livre des records de 1998 (ISBN 9782911792045)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Maurice Agulhon, Louis Girard, Jean-Louis Robert et al., Les maires du Consulat à nos jours, Publications de la Sorbonne, 1986.
  • André Chandernagor, Les Maires en France : XVIIIe – XIXe siècles, Paris, Fayard, .
  • Jocelyne George (préf. Maurice Agulhon), Histoire des maires de 1789 à 1940, Paris, Plon, .
  • Ministère de l'Intérieur, Guide du maire
  • Revue Pouvoirs, Les maires - 1983 no 24.
  • Georges-Daniel Marillia, Les pouvoirs du maire, Berger-Levrault, 2014 (réédition).
  • Gilles Rossignol, Moi, maire rural, Buchet-Chastel, 2008.

Articles connexes[modifier | modifier le code]