Hauptstadt der Bewegung

Stosstrupp Hitler (troupe d'assaut « Hitler ») de Munich, en 1923.
Troupes du NSDAP sur la Marienplatz lors du putsch raté de la Brasserie, 1923.
Adolf Hitler devant la Feldherrnhalle (la halle des Maréchaux) rend hommage le aux victimes nazies de l'attentat de la Bürgerbräukeller, qui a eu lieu 3 jours plus tôt.
Le monument Feldherrnhalle à Munich après l'entrée de l'armée américaine en 1945. Un anonyme a inscrit à la peinture blanche sur le monument : « Camps de concentration de Dachau - Velden - Buchenwald / j'ai honte d'être un Allemand[1]. »

Hauptstadt der Bewegung (en français, « la capitale du mouvement ») est le titre honorifique nazi conféré à la capitale de la Bavière, Munich, entre 1935 et 1945. Ce terme renvoie d'une part à une responsabilité spécifique de Munich et de la Bavière dans l'ascension du national-socialisme, et d'autre part à la tentative nazie de glorifier rétrospectivement, et à partir de 1935, les débuts du national-socialisme, au moment où le pouvoir se déplace effectivement à Berlin. Il impose à Munich un travail de mémoire conséquent dès 1945.

Munich et l'ascension du nazisme[modifier | modifier le code]

Adolf Hitler réside à Munich au 34 Schleißheimer Straße, où il vit de ses peintures, du printemps 1913 à [2]. Pendant la première guerre mondiale, bien qu'étant autrichien, il demande à servir dans l'armée bavaroise, où il est accepté.

Il trouve dans le Munich d'après-guerre un contexte favorable et des soutiens importants. Après la répression sanglante de la république des conseils de Munich début [3], la Bavière est dirigée après par Gustav von Kahr, avocat réactionnaire et séparatiste, avec le soutien du parti populaire bavarois. Une partie de la bourgeoisie munichoise, traumatisée par la révolution communiste d', soutient Hitler financièrement et l'introduit en société, notamment la famille Bechstein, ou les éditeurs Bruckmann et Hanfstaengl[4].

C'est à Munich qu'Hitler entame en son ascension politique, transformant le DAP, Deutsche Arbeiterpartei, parti des travailleurs allemands, en parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP)[5]. Les réunions du parti se déroulent alors à la brasserie Hofbräuhaus, où Hitler fait adopter, le , le programme en 25 points du NSDAP. Le parti acquiert en son organe de presse officiel, le Völkischer Beobachter, l'observateur populaire, anciennement Münchener Beobachter, l'observateur munichois, grâce aux 60.000 marks provenant des fonds secrets de l'armée et détournés par Franz von Epp, Generalmajor de la Reichswehr, munichois, ancien membre fondateur des corps francs[6]. Les bureaux du Völkischer Beobachter sont situés à Munich dans la Schellingstrasse[4].

Certains corps francs rejoignent massivement les Sturmabteilungen (SA) ou sections d’assaut du NSDAP après 1921. La SA est dirigée par Ernst Röhm, membre de l'état-major de la Reichswehr de Bavière.

Hitler fonde en la troupe d'assaut Hitler ou Stoßtrupp Hitler, qui assure sa protection personnelle et fait le coup de poing. Elle recrute ses membres parmi les proches de Hitler, dont le futur maire de Munich Karl Fiehler, mais également Sepp Dietrich et Walter Buch[7]. et constitue l'embryon de la future SS. Hitler annonce le à la Bürgerbräukeller le plan de son coup d'État, connu comme le putsch de la brasserie, qui avorte et est réprimé le lendemain. Hitler est jugé à Munich puis condamné à cinq années de détention pour haute trahison le ncarcéré quelques mois à la prison bavaroise de Landsberg, où il rédige Mein Kampf[8], il bénéficie d'une libération anticipée le . Mein Kampf est imprimé à Munich, à proximité de l'Isartor[9].

Le Palais Barlow de style classique de la rue Brienner est acquis par le NSDAP avec l'aide de l'industriel Fritz Thyssen le . La centrale nationale du parti y emménage en 1931 depuis le 30 Schellingstrasse. Le bâtiment devient la « braunes Haus », la maison brune. Après l'accession au pouvoir de Hitler, le camp de concentration de Dachau est créé par Himmler à l'emplacement d'une ancienne fabrique de poudre, à 17 km de Munich, dès le . C'est le premier du genre, d'abord géré par la police du Land de Bavière avant d'être confié le à la SS[10]. Sous le commandement de Theodor Eicke de juin 1933 à 1939, le camp de Dachau accueille également la formation des SS, en garnison à proximité immédiate du camp[11]. L'ensemble des camps de concentration allemands est soumis à l'autorité d'Eicke après  : il les réorganise selon le modèle de Dachau, qui devient une « école de la terreur »[12].

C'est également de Munich qu'Hitler procède à la mise au pas de la SA, après la Nuit des Longs Couteaux en [13].

Capitale du mouvement après 1935[modifier | modifier le code]

Munich est tout d'abord et dès 1933 la « ville de l'art allemand ». Destinée à offrir un sanctuaire à l'art nazi, la Haus der Kunst (maison de l'art allemand) est érigée entre 1933 et 1937 selon les plans de l'architecte Paul Troost, sur les ruines de l'ancien palais des glaces détruit en 1931 par un incendie[14]. Consacrée à la glorification du « véritable art allemand » par opposition à « l'art dégénéré », la Haus der Kunst inaugure en un Tag der deutschen Kunst (Journée de l'art allemand)[14]. De juin à , Munich a également accueilli une grande exposition consacrée à l'art dégénéré dans les locaux de la Hofgartenarkade[15].

Lors des scrutins régionaux qui suivent l’élection présidentielle de 1932, le NSDAP renforce ses positions et arrive partout en tête en Allemagne, sauf en Bavière, où il plafonne à 24,9 %. Après l'accession d'Hitler au pouvoir, et lors des élections du , Munich vote à 37,8 % pour le NSDAP, bien en deçà de la moyenne nationale à 43,9%[16]. Lorsque Hitler nomme Munich « Capitale du mouvement »[17] le , il s'agit donc de créer le mythe d'une ville tout entière acquise au nazisme dès le début du mouvement, et de rendre hommage aux combattants des premières heures. Le devient le « jour du mouvement », afin d'honorer les nazis tombés lors de la tentative de coup d'État de 1923.

Deux Ehrentempel (temples d'honneur) sont construits sur la Königsplatz et accueillent dans des sarcophages de plomb les corps de ces « témoins sanglants du mouvement », érigés en martyrs[18]. Le quartier de Königsplatz et de Maxvorstadt devient le quartier du parti nazi, accueillant deux ouvrages de grande ampleur conçus par Paul Troost, le Führerbau (bâtiment du Führer) où sont signés les accords de Munich et le Verwaltungsbau (bâtiment de l'administration)[18]. Le palais Wittelsbach, détruit pendant la guerre, abrite la centrale de la Gestapo. La Königsplatz est un des lieux des autodafés des livres interdits, il accueille parades militaires et festivités nazies[18].

C'est à Munich que se tient les 29 et la conférence qui décide de l'annexion des Sudètes par l'Allemagne. À l'issue d'un entretien avec Hitler le , "jour du mouvement", et depuis l'ancien hôtel de ville de Munich, Joseph Goebbels appelle aux persécutions anti-juives et aux pogroms de la Nuit de Cristal.

Georg Elser, résistant, fait exploser une bombe la veille du jour du mouvement, le , dans la brasserie Bürgerbräukeller, mais Hitler, GoebbelsFrankRibbentrop ont quitté la salle quelques minutes avant l'explosion. Hitler rend hommage aux victimes nazies de l'attentat le à la Feldherrnhalle, lieu emblématique de la tentative de putsch de 1923.

Munich est une des cinq « villes du Führer », avec Hambourg, Nuremberg, Linz et Berlin. D'autres villes allemandes et certaines villes annexées pendant la guerre reçoivent elles aussi des appellations honorifiques. Eisenhower, lors de la prise de Munich le , fait référence à « l'antre de la bête nazie »[19]. En 1945, Munich est en grande partie détruite par les bombardements.

Travail de mémoire et commémoration[modifier | modifier le code]

Le musée de la ville de Munich propose une exposition permanente[20] consacrée à Munich, capitale du mouvement[21]. En ville, de très nombreux monuments et plaques commémoratives[22] rappellent le destin des victimes munichoises du national-socialisme, parmi lesquelles Georg Elser et les membres du mouvement de la Rose blanche. Des scandales comme celui de la rue Hilble ont conduit la ville de Munich à confier[23] en 2010 à l'université Ludwig-Maximilian un travail d'enquête historique sur le rôle et l'implication des fonctionnaires municipaux dans le troisième Reich.

La maison brune, détruite pendant la guerre, et dont seules les fondations avaient été conservées, abrite depuis le [24] dans un nouveau bâtiment le centre de documentation sur l'histoire du national-socialisme sur le modèle du Centre de documentation de Cologne.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Weltkriegsende in München: Späte Scham – München – SZ.de 2020-12-31 https://www.sueddeutsche.de/muenchen/muenchen-weltkriegsende-feldherrnhalle-1.4896848
  2. Lionel Richard, D'où vient Adolf Hitler ?, Autrement, coll. « Série Mémoires », , 230 p. (ISBN 978-2-86260-999-7), p. 101-102,113
  3. Heinrich August Winkler, Histoire de l'Allemagne, XIXe – XXe siècle, Fayard, , p. 335-336
  4. a et b (de) Franziska Brüning, « Anfänge des NS-Regimes: Wie München zur Brutstätte für den Nazi-Terror wurde », sueddeutsche.de,‎ (ISSN 0174-4917, lire en ligne, consulté le )
  5. Richard J.Evans (trad. de l'anglais), Le troisième Reich, volume 1 : L'avènement, Paris, Flammarion Lettres, coll. « Au fil de l'histoire », , 800 p. (ISBN 978-2-08-210111-0), p. 227
  6. Ian Kershaw, Hitler : 1889-1936 : Hubris, Paris, Flammarion, , 1159 p. (ISBN 978-2-08-212528-4), p. 243
  7. (en) Chris McNab, The SS : 1923–1945, Amber books Ltd, , 192 p. (ISBN 978-1-906626-49-5), p. 10-11
  8. Ian Kershaw, Hitler, tome 1, 1889-1936, Paris, Flammarion, , p. 327
  9. (de) Franziska Brüning, « Anfänge des NS-Regimes: Wie München zur Brutstätte für den Nazi-Terror wurde », sueddeutsche.de,‎ (ISSN 0174-4917, lire en ligne, consulté le )
  10. (de) Konzentrationslager Dachau 1933 bis 1945, Dachau, Comité international de Dachau, , 228 p. (ISBN 978-3-87490-750-7), p. 63. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  11. (de) Konzentrationslager Dachau 1933 bis 1945, Dachau, Comité international de Dachau, , 228 p. (ISBN 978-3-87490-750-7), p. 93. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  12. (de) Konzentrationslager Dachau 1933 bis 1945, Dachau, Comité international de Dachau, , 228 p. (ISBN 978-3-87490-750-7), p. 96. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  13. Heinz Höhne, L'ordre noir : Histoire de la SS, Tournai, Casterman, (ISBN 2-84734-456-X), p.76-77
  14. a et b (de) Christoph Vitali et Sabine Brantl, Haus der Kunst 1937-1997 : eine historische Dokumentation, Munich, Haus der Kunst München, , 96 p. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  15. (de) Peter Klaus Schüster, Nationalsozialismus und "Entartete Kunst". Die Kunststadt München 1937, Munich, Prestel Verlag,
  16. (de) « Wie München zur Brutstätte für den Nazi-Terror wurde », sur sueddeutsche.de, (consulté le )
  17. (de) « München als „Hauptstadt der Bewegung“ », sur zukunft-braucht-erinnerung.de (consulté le )
  18. a b et c (de) Peter Korps, Der Königsplatz in München. Ein deutscher Ort, Berlin, Ch. Links, , 181 p. (ISBN 3-86153-372-3, lire en ligne)
  19. (en) Alfred Dupont Chandler, The Papers of Dwight Eisenhower : the war years, Johns Hopkins Press, (lire en ligne), p. 2665
  20. (de) « Nationalsozialismus in München », sur www.muenchner-stadtmuseum.de (consulté le )
  21. (de) Münchner Stadtmuseum, München – "Hauptstadt der Bewegung", Wolfratshausen, Minerva, (ISBN 3-932353-63-3)
  22. Münchner Gedenkstätten für Opfer des Nationalsozialismus (en)
  23. (de) « Namensgebung Hilblestraße », sur ris-muenchen.de, (consulté le )
  24. (de) « NS-Dokumentationszentrum München : Lern- und Erinnerungsort zur Geschichte des Nationalsozialismus », sur ns-dokuzentrum-muenchen.de (consulté le )