Guerre civile autrichienne

Guerre civile autrichienne
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Soldats de la Bundesheer à Vienne, le 12 février 1934.
Informations générales
Date du 12 février au
Lieu Autriche
Issue

Victoire des conservateurs-nationalistes :

Belligérants
Parti ouvrier social-démocrate (Sozialdemokratische Arbeiterpartei) Parti communiste d'Autriche
(Kommunistische Partei Österreichs)
Front patriotique (Vaterländische Front)

Drapeau de l'Autriche République d'Autriche

Commandants
Richard Bernaschek (de) Drapeau de l'Autriche Engelbert Dollfuss
Drapeau de l'Autriche Emil Fey
Forces en présence
80 000 partisans (dont 17 000 à Vienne) Ensemble de l'armée, police, gendarmerie et Heimwehr
Pertes
137-196 tués
399 blessés
10 exécutés
105-118 tués
319 blessés

Guerre civile autrichienne

La guerre civile autrichienne (en allemand : Österreichischer Bürgerkrieg), également connue sous le nom d’insurrection de février (Februarkämpfe), désigne les quelques jours d'escarmouches qui opposent en Autriche les forces socialistes et conservatrices-fascistes du 12 au qui firent près de 7 000 victimes (morts et blessés).

Contexte historique[modifier | modifier le code]

Le chancelier autrichien Engelbert Dollfuss en 1933.

Après la désintégration de l'Empire austro-hongrois à la fin de la Première Guerre mondiale en 1918 et le traité de Saint-Germain-en-Laye, l'Autriche devient une république parlementaire indépendante. Deux principales factions dominent alors la vie politique de la nouvelle nation : les socialistes (représentés politiquement par le Parti social-démocrate) et les conservateurs (représentés politiquement par le Parti chrétien-social ou Christlichsoziale Partei en allemand, qui deviendra plus tard le Front patriotique, Vaterländische Front). Les socialistes trouvent leurs bastions dans les quartiers populaires des villes, tandis que les conservateurs peuvent s'appuyer sur le soutien de la population rurale et de la plupart des classes supérieures. Les conservateurs ont aussi maintenu des alliances étroites avec l'Église catholique romaine et peuvent compter parmi leurs rangs des religieux influents.

Comme dans la plupart des démocraties européennes naissantes de l'entre-deux-guerres, la politique de l'Autriche a pris une saveur très idéologique. Les deux camps ne sont ainsi pas simplement composés de partis politiques mais comprennent également des structures d'encadrement plus vastes, y compris de propres forces paramilitaires. Les conservateurs développent donc l’Heimwehr constituée en 1921-1923 ; les paramilitaires sociaux-démocrates se sont quant à eux regroupés dans la ligue de défense républicaine Republikanischer Schutzbund en allemand. Les altercations et les affrontements (notamment lors de rassemblements politiques) sont ainsi fréquents. La révolte de juillet 1927 est le point culminant de cette confrontation.

À cela s'ajoutent les affres de la Première République d'Autriche qui n'ont fait qu'empirer dans les années suivantes. La Grande Dépression a également montré ses effets en Autriche, entraînant un chômage élevé et une inflation massive. En , la nomination par Hindenburg d'Adolf Hitler au poste de chancelier en Allemagne menace l'État autrichien. Le , le chancelier Engelbert Dollfuss (appartenant au Parti chrétien-social) dissout le Parlement autrichien. Dans un vote serré (concernant les salaires des travailleurs des chemins de fer) au Conseil national, chacun des trois présidents du parlement a démissionné de son poste afin de voter, ne laissant personne pour présider la réunion. Même si les statuts auraient pu résoudre cette situation, Dollfuss saisit cette occasion pour déclarer que le parlement avait cessé de fonctionner, et bloque toutes les tentatives de le convoquer à nouveau. Le Parti social-démocrate perd ainsi sa plate-forme d'action politique. Les conservateurs, face à la pression et la violence, non seulement de la gauche mais aussi de nazis infiltrés venus d'Allemagne, peuvent désormais gouverner par décret, sur la base d'une loi d'urgence de 1917. Les libertés civiles sont alors suspendues et le Parti social-démocrate interdit, plusieurs de ses membres étant par ailleurs arrêtés.

Déroulement du conflit[modifier | modifier le code]

Insigne de l'Heimwehr datant de la guerre civile.
Mémorial de pierre en l'honneur de Hans Preiner, un policier autrichien tué le 12 février 1934 à Linz.

Le , l’Heimwehr commandée par Emil Fey, entreprend une marche sur l'hôtel Schiff à Linz, une propriété du Parti social-démocrate (dirigé par Richard Bernaschek), marche qui dégénère en affrontements. La police, la gendarmerie et l'armée fédérale (Bundesheer) viennent épauler cette dernière. Après de brefs combats, le bâtiment est envahi par les conservateurs.

De nombreuses escarmouches ont alors lieu dans toute l'Autriche entre socialistes et conservateurs. Les socialistes se barricadent dans les zones urbaines (Gemeindebauten), bastions du mouvement socialiste en Autriche, comme Karl Marx Hof. La police et les paramilitaires ont pris position à l'extérieur de ces ensembles fortifiés avant d'échanger des tirs avec ces derniers à l'arme légère. Des combats ont également lieu dans les villes industrielles telles que Steyr, Sankt Pölten, Weiz, Eggenberg bei Graz, Kapfenberg, Bruck an der Mur, Graz, Ebensee et Wörgl.

L'intervention de l'armée autrichienne, jusqu'alors neutre, marque le tournant du conflit. Le chancelier Dollfuss ordonne le bombardement du Karl-Marx-Hof, mettant en danger la vie de milliers de civils et détruisant de nombreux appartements avant de forcer les combattants socialistes à la reddition. Les combats dans la capitale prennent fin le mais perdurent dans les villes de Styrie, en particulier dans Bruck an der Mur et dans Judenburg, jusqu'au 14 ou .

Après cette date, il ne reste alors que quelques groupes socialistes qui combattent encore contre l'armée, ou qui sont en pleine déroute. La guerre civile autrichienne prend fin le .

Bilan et conséquences[modifier | modifier le code]

Mémorial dédié aux victimes et aux combattants de la guerre civile dans la cour de l’hôtel Schiff à Linz.

Plusieurs centaines de personnes (y compris les paramilitaires, membres des forces de sécurité et des civils) sont tuées durant le conflit, auxquelles s'ajoutent plus de 300 blessés.

Les autorités arrêtent et exécutent neuf dirigeants du Parti social-démocrate en vertu des dispositions de la loi martiale. On dénombre en outre plus de 1 500 arrestations et les principaux socialistes, comme Otto Bauer, sont contraints à l'exil.

Une fois éliminée la principale force d'opposition, le pays connaît l'instauration de l'austrofascisme. Le Front patriotique, résultat de la fusion de l’Heimwehr et du Parti chrétien-social, devient le seul parti politique légal (parti unique) sous le nouveau régime autoritaire, le Ständestaat.

En , les nazis autrichiens tentent un coup d’État qui échoue et fait environ 270 morts. Treize personnes sont exécutées et quatre se suicident avant leur exécution. Le chancelier Dollfuss est assassiné, Kurt von Schuschnigg lui succède et reste à la chancellerie jusqu’en (date de l’Anschluss).

Pendant ce coup d’État, l’Allemagne reste neutre car elle ne se sent pas encore assez forte militairement pour intervenir. Mussolini, alors encore hostile et méfiant vis-à-vis du Troisième Reich, envoie des soldats à la frontière autrichienne pour protéger l’indépendance de l’Autriche si elle venait à être menacée, cette dernière étant liée à l'Italie par une alliance.

La guerre civile autrichienne s'est néanmoins révélée un moment décisif dans l'histoire de la République. Après la Seconde Guerre mondiale, lorsque l'Autriche est réapparue dans le paysage politique en tant que nation souveraine en 1945, la politique retombe sous la domination des sociaux-démocrates et des conservateurs (désormais regroupés au sein du Parti populaire autrichien - ÖVP). Toutefois, afin d'éviter un retour des divisions amères de la Première République, les dirigeants de la Deuxième République ont été déterminés à mettre l'idée d'un large consensus au cœur du nouveau système politique : la « Grande Coalition », regroupant des membres des deux partis.

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (de) Erika Weinzierl: Der Februar 1934 und die Folgen für Österreich. Picus Verlag, Wien 1994, (ISBN 3-85452-331-9).
  • (de) Irene Etzersdorfer / Hans Schafranek (Hrsg.): Der Februar 1934 in Wien. Erzählte Geschichte. Verlag Autorenkollektiv. Wien 1984, (ISBN 3-85442-030-7).
  • (de) Hans Schafranek, "Die Führung waren wir selber" — Militanz und Resignation im Februar 1934 am Beispiel Kaisermühlen, in: Helmut Konrad/Wolfgang Maderthaner (Hrsg.), Neuere Studien zur Arbeitergeschichte, Bd.II: Beiträge zur politischen Geschichte, Wien 1984, S.439–69.
  • (de) Stephan Neuhäuser (Hrsg.): “Wir werden ganze Arbeit leisten“ — Der austrofaschistische Staatsstreich 1934. Books on Demand, Norderstedt 2004, (ISBN 3-8334-0873-1).
  • (de) Emmerich Tálos, Wolfgang Neugebauer (Hrsg.): Austrofaschismus. Politik, Ökonomie, Kultur. 1933–1938. 5. Auflage. Lit, Wien 2005, (ISBN 3-8258-7712-4).
  • (de) Robert Streibel: Februar in der Provinz. Eine Spurensicherung zum 12. Februar 1934 in Niederösterreich, Grünbach Edition Geschichte der Heimat 1994, (ISBN 3-900943-20-6).
  • (de) Eberhard Strohal, Die Erste Republik (series title: kurz & bündig). Vienna: hpt-Verlag, 1988.