Grand hiver de 1709

Le Lagon gelé en 1709, par Gabriele Bella, une partie de la lagune gela en 1709 à Venise.

L'hiver de 1709, appelé grand hiver de 1709, est un épisode de froid intense en Europe qui marqua durablement les esprits car il provoqua une crise de subsistance qui entraîna une famine. Cet épisode commença brutalement le jour de l'Épiphanie 1709, par une soudaine vague de froid qui frappa l'Europe entière.

En France cet hiver fut particulièrement cruel. À Paris, les températures furent très basses (Paris n'en connaîtrait de plus basses que bien plus tard notamment en ). Les régions du Sud et de l'Ouest de la France furent sévèrement touchées avec la destruction quasi complète des oliveraies et de très gros dégâts dans les vergers. De plus, l'événement prit la forme de vagues de froid successives entrecoupées de redoux significatifs. Ainsi, en février, un redoux de deux semaines fut suivi d'un froid assez vif qui détruisit les blés et provoqua une crise frumentaire.

Certaines chroniques sont sujettes à caution, car il est parfois affirmé que le gel fut continu pendant plus d'un mois, ce qui est inexact car survinrent aussi des dégels prononcés et des pluies importantes. Les observations précises de Louis Morin de Saint-Victor confirment que le froid ne fut pas continu. Globalement, l'année entière 1709 fut fraîche, certains auteurs allant jusqu'à affirmer qu'il gela tous les mois de l'année. Certains hivers postérieurs furent encore plus rigoureux mais ne marquèrent pas autant les esprits car les conditions historiques étaient différentes.

Conditions météorologiques[modifier | modifier le code]

Le tableau de Pieter Brueghel l'Ancien intitulé Chasseurs dans la neige (1565) représente une vague de froid intense où toute la nature est gelée.

Conditions générales en Europe[modifier | modifier le code]

L'hiver 1708-1709 en France fut extrêmement irrégulier. Des périodes de froid intense et de douceur se succédèrent[1],[Note 1]. Décembre 1708 fut doux et pluvieux. En janvier 1709, il y eut une période de froid intense du 6 au , qui fut suivie d'un redoux brutal. Début février, la température retomba brièvement, suivie d'un nouveau redoux, puis la température rechuta brutalement à la fin du mois.

Les conditions météorologiques en Europe de l'Ouest furent tout aussi inhabituelles car plusieurs tempêtes de vents d'ouest et de vent du sud[3] se produisirent ; nonobstant la présence de temps à autre d'un temps glacial. Normalement, les tempêtes apportent un temps doux, d'où l'étrangeté du phénomène[3]. Des éruptions volcaniques en 1707 et 1708 (le mont Fuji et le Vésuve)[3], qui produisirent un voile de cendres dans la stratosphère, pourraient expliquer cet hiver rigoureux (hiver volcanique) en 1709. Globalement, les températures moyennes en Europe furent inférieures de °C aux moyennes du XXe siècle[3].

Relevés de Louis Morin à Paris en 1709.

Conditions météorologiques dans le Sud de la France[modifier | modifier le code]

Grande douceur suivie d'un froid vif[modifier | modifier le code]

Dans la période précédant le grand froid de , les conditions avaient été extrêmement clémentes avec de très nombreuses pluies[4],[5]. Dans le Sud de la France, la végétation avait commencé à redémarrer et la sève à monter[6]. Vérifiant le dicton « Il vaut mieux voir un voleur dans son grenier qu'un laboureur en chemise en janvier »[7], les températures très douces de début janvier suivies d'une grosse vague de froid eurent des conséquences désastreuses pour les cultures.

Il semblerait qu'un front froid de retour ait balayé le royaume de France, se manifestant par la présence de stratocumulus accompagnés de faibles chutes de neige et les températures chutèrent de manière rapide le jour de l'Épiphanie (en moins de 24 heures). Un tel phénomène est souvent suivi par un blocage d'air froid[8].

Ainsi, nonobstant la douceur précédente, le Rhône commença à geler la nuit suivante aux environs d'Avignon[9]. À Marseille, le , la température chuta de plus de 19 degrés Celsius, passant de +8,5 °C à −11,2 °C[10]. Le Vieux-Port fut pris par les glaces[10],[Note 2].

Le , il fit −16,1 °C[12] à Montpellier et −17,5 °C à Marseille, minimum remarquable maintenu jusqu'au à Marseille[13]. François Arago note que le pic de froid eut lieu deux jours plus tôt à Montpellier qu'à Paris[12] et que tous les fleuves du Midi furent gelés, alors que la Seine ne gela jamais complètement[12].

Il est mentionné que la plupart des oliviers dans la région de Grasse gelèrent complètement, et durent être coupés au pied. Les oliviers, réputés être des arbres solides, recommencèrent à pousser à partir du pied en donnant des rejetons. Lorsque la repousse fut suffisamment avancée, il fallut élaguer les rejetons et attendre que les arbres produisissent à nouveau des olives[14]. Les orangers de la région de Grasse[Note 3] subirent également le gel[15]. En limite de la zone de culture de l'olivier à Mas-Cabardès dans la montagne Noire, tous les oliviers furent détruits et durent être remplacés[16].

Comptes rendus des contemporains[modifier | modifier le code]

Le jour de l'Épiphanie 1709 fut marqué par une chute très brutale de la température dans le Sud de la France. Le matin était ensoleillé et agréable puis subitement dans l'après midi le temps se couvrit et un froid mordant prit place. Ainsi Pierre Billion à Avignon note :

« Le dimanche 6e janvier 1709, le temps parut beau et beau soleil jusques environ les trois heures après midy qu'il se couvrit par une bize froide qui augmenta si fort que dans la nuit, touts les bords du Rhosne et de la Sorgues qui traverse notre ville, furent glacés ; lequel froid violent et sec le fut tellement que le dit Rhosne et Sorgues furent glacés jusques au jeudy 17e dudit mois[9]... »

Le livre de raison de la famille Paris d'Arles affirme que[9] :

« Le sixième janvier 1709, ce jour-là estoit fort beau, et dans la nuit, fit une sy grande froid que le Rosne fut pris avant qu'il feut le lendemain à midy et augmenta si fort d'un jour à autre pendant quinse jours, que homme vivant n'avoit pas veu un hiver si rude. On passoit sur la glace du Rosne avec des calèches et charrettes, et nous cousta bien cher car tous les bleds, tant de nostre terroir que des autres pays, feurent tous morts aussy bien que les olliviers, orangers, figuiers et les ortolailles[Note 4] des jardins. On escrivoit de par tout que ce froid avoit été généralle". »

Le lors de la vague de froid de , Le Petit Marseillais rappelle les affres de l'hiver 1709. Il écrit[6],[Note 5] :

« Le Constitutionnel rappelle les rigueurs exceptionnelles de l'hiver 1709. C'est tout ce qu'il y a de plus en situation [...]. L'hiver avait été tiède comme le printemps : les arbres étaient en sève, la plupart portaient des bourgeons et quelques-uns même des fleurs, lorsque la veille de la fête des Rois, 5 janvier, la neige tomba en abondance. Le froid eut une durée de 15 jours ; [...] »

De même, le père Giraud à Marseille relève que :

« Le 7e jour du mois de janvier 1709, il neigea un peu, le vent fondit d'abord la neige, mais le temps fut incontinent vif et si froid qu'il seroit difficile de pouvoir l'exprimer : je tenterai cependant de vous en donner quelque idée. [...] Le froid s'augmenta chaque jour de plus en plus[9]. »

Ainsi, le Rhône gela dans la nuit du 6 au . À Mâcon, un phénomène similaire se produisit sur la Saône. Ainsi, Bénet écrivit que[18] :

« Mais, le jour des Rois de la présente année. sur les trois à quatre heures du soir, il s'y éleva une bise si forte, qui causa un froid si cuisant, que la terre, trempée par des pluies presque continuelles, fut gelée dans vingt-quatre heures de trois pieds de profondeur. Les blés, qui commençoient à peine à paroître, furent surpris de cette gelée sans être couverts de neige, qui ne tomba en petite quantité que trois ou quatre jours après. Tout céda à la violence de ce froid, qui dura dix-sept jours avec la même âpreté; la rivière fut glacée presque de toute sa profondeur; les chênes se fendirent du haut en bas; [...] »

Conditions météorologiques en Aquitaine[modifier | modifier le code]

L'hiver 1709 fut rigoureux. La vague de froid dura du 6 au suivie d'un redoux temporaire le . Il neigea abondamment les nuits du 8 au et du 9 au . Bordeaux aurait eu chaque matin des températures inférieures à −18,5 °C jusqu'au . Les minima absolus auraient été de −23,2 °C le et −22,8 °C le . Un redoux se produisit le où la température ne fut plus que −2 °C[19]. Février fut relativement doux ; cependant, un bref retour du froid se produisit le avec un minimum de « seulement » −12,7 °C.

La Garonne fut complètement prise à Bordeaux et il était possible de la traverser à cheval. À Lectoure, l'eau gela à l'intérieur des maisons près des cheminées où des grands feux étaient allumés. Le vin gela aussi dans les barriques. Même l'urine (tiède) gelait immédiatement après miction. Des forêts entières furent dévastées, les chênes se fendirent dans toute la longueur, les châtaigneraies du Périgord furent dévastées ainsi que les vergers de pruniers dans l'Agenais[19],[20].

En Charente, l'hiver 1709 fut aussi remarquable. Il neigea abondamment sans interruption du 9 au . L'accès aux maisons était bloqué. Des congères ayant la hauteur des maisons s'étaient formées[20]. Tout gela, y compris l'urine dans les pots de chambre[Note 6], le vin dans les barriques[Note 7] et même la vapeur dégagée par la respiration. On ne pouvait plus couper le pain gelé[20].

Comptes rendus d'époque[modifier | modifier le code]

Léonard Blanchier qui était maître-chirurgien à Bouex décrivit les conditions météorologiques en . Il affirma[20] :

« Ce grand froit commansa le 6e de janvier autl. an 1709. La foire le landemain se tient à Marthon. On fut obligé de se retirer ce jour-là tant le froid estoit vif. Le 9e dud. mois la neige commansa à tomber et continua pandant 4 jours a plusieurs reprises quy la randit sy épaisse qu'on ne pouvoit sortir hors de chez soy. Elle étoit aussy haute en plusieurs endroits que les maisons. »

Il expliqua aussi que les arbres éclataient bruyamment et écrivit[20] :

« Sans cette neige il ne se seroit pas conservé d'aucune chose sur la terre, sa n'empescha pas que tous nos nouyers, chastaigners et presque tous autres arbres en sont morts par la grande gellée qu'il fesoit. On entendoit lesdits harbres se fandre par moitié quy faisoit du bruit comme un cout de mousquet. »

Conditions météorologiques dans le Nord du royaume de France[modifier | modifier le code]

Relevés à Paris[25][modifier | modifier le code]

Durant le mois de , la température moyenne à Paris fut de −3,7 °C, soit inférieure de 6,1 °C à la température moyenne du XIXe siècle qui était de 2,4 °C[26].

Des relevés de température journaliers furent effectués par Louis Morin de Saint-Victor qui fut académicien et par Philippe de La Hire à l'Observatoire de Paris. Les mesures brutes de température étaient discutables car les thermomètres étaient accrochés le long des façades. Ainsi, il fallut recalibrer les mesures effectuées à l'époque. Le gel dura du au lorsqu'un front chaud atteignit la région et la température redevint positive le où il fit 7,5 °C. Le jour de l'Épiphanie, le froid s'installa et du 10 au , les minima étaient toujours inférieurs à −15 °C sauf le où le minimum ne fut que de −7,5 °C. Des pointes de froid inférieures à −18 °C eurent lieu les 13, 14 et . Le vent dominant était de sud-sud-est. Il neigea les 8, 11, 12, 14, 15, et , ce qui protégea les semences. Le , il se mit à pleuvoir et le redoux perdura jusqu'à début février. Un froid modéré se réinstalla entre le 4 et avec des minima de l'ordre de −5 °C. Un très net redoux reprit avec des maxima de l'ordre de 12,5 °C. Un froid assez vif se réinstalla entre le et le avec des minima à −13,5 °C[27]. Cela eut pour conséquence d'endommager la végétation qui avait commencé à redémarrer[Note 8].

D'après François Arago qui reprit les mesures de La Hire, la matinée du fut froide avec −7,5 °C, celle du connut un minimum de seulement −1,4 °C puis un net refroidissement se produisit le au matin avec −7,6 °C. Le , la température s'effondra à −18,0 °C puis les 13 et il fit respectivement −23,1 °C et −21,3 °C[12]. Curieusement, la Seine ne gela jamais complètement[12].

Comptes rendus d'époque[modifier | modifier le code]

Le curé d'Aubergenville indique sur le registre paroissial de la fin de l'année 1709 :

« L'hiver 1709 fut le plus froid dont on ait connaissance. La gelée ne prit que le , mais si violemment que ce jour là même la glace s'arrêta sur la Seine. Les bleds gelèrent totalement. L'orge qu'on sema à la place produisit en si grande abondance qu'on nomma cette année l'année de l'orge. On l'a appelée avec raison l'année du grand hiver. Jusqu'à la récolte, la disette fut extrême. Le marc d'argent fut taxé à 33lt55s. Le septier de bled mesure de Paris valait 44lt. Dans les mois de janvier et février où le désastre n'était point constaté le grain se vendait comme en 1708. Il monta à 60lt quand le désastre fut connu.... »[30],[31]

Conditions en Normandie[modifier | modifier le code]

Le curé de Feings écrivit dans le registre de sa paroisse[32] :

« Le lundi 7e janvier commença une gelée qui fut ce jour-là, la plus rude journée et la plus difficile à souffrir; elle dura jusqu'au 3 ou . Pendant ce temps-là, il vint de la neige d'environ demi-pied de haut : cette neige était fort fine; elle se fondoit difficilement. Quelques jours après qu'elle fut tombée, il fit un vent fort froid entre biſe et galerne (vent du nord ouest) qui la ramassa dans les lieux bas ; il découvrit les blés, qui gelèrent presque tous; peu de personnes connurent qu'ils étoient morts au premier dégel. »

La chute de neige a été limitée (15 centimètres) et il semblerait qu'elle eût été engendrée par des stratocumulus car elle était « fort fine ».

À Dieppe où les chutes de neige sont rares, il tomba dans la nuit du 2 au d'incroyables quantités de neige. Dans les rues, la neige atteignait près de 3 mètres de hauteur et en ouvrant les portes des maisons, on se retrouvait avec un mur de neige. Ainsi, il fut rapporté que :

« La nuit du 2 au 3 de Fèvrier, les rues de Dieppe s'en trouvèrent comblées juſqu'à la hauteur de neuf pieds. Les bourgeois à leur réveil, furent effrayés en ouvrant leurs maiſons, de s'y voir bloqués par une eſpèce de mur en neige[33]. »

L'orage de neige fut confirmé par Legrelle[34]

qui affirma que :

« Pendant la nuit du 3 au 4 du même mois [février], la neige était tombée en si grande abondance, qu'elle atteignit la hauteur des fenêtres du premier étage. »

En outre, Legrelle affirma que[34] :

« A  [sic] Dieppe, le mardi gras , il fut possible, à la mer basse, de traverser le port sur l'eau douce congelée. »

L'auteur affirma que durant toute la période : « La température se maintint à quinze degrés Réaumur au-dessous de zéro. » Sachant qu'un degré Réaumur vaut degrés Celsius, la température s'est donc maintenue aux environs de −20 °C. Ceci correspondrait à des conditions nettement plus froides que celles décrites par Louis Morin.

Conditions ailleurs en Europe[modifier | modifier le code]

Déficit de température durant l'hiver 1708/1709[35].

Le Royaume-Uni fut frappé par de grosses chutes de neige qui restèrent au sol plusieurs semaines[36]. Le plus grand froid observé à Londres fut −17,2 °C au collège de Gresham le [32]. L'Irlande et l'Écosse furent quelque peu épargnées. La partie sud de la mer du Nord était impraticable et, dans sa limite nord-est, il était possible de traverser à pied entre le Danemark et la Suède[36].

À Berlin, François Arago rapporte indirectement que la température enregistrée la plus basse fut −16,6 °C les 9 et (d'après van Swinden)[32]. En fait, il semblerait que le thermomètre fût descendu jusqu'à −29,1 °C le [37]. Le , il fit encore −20,0 °C à Berlin[37].

Été 1709[modifier | modifier le code]

Certains sites affirment que durant tous les mois il y eut une gelée[13]. Les relevés de Paris ne corroborent pas cette affirmation[38]. En effet, le minimum à Paris ce jour-là[pas clair] fut 14 °C ce qui indique une nuit assez chaude. Le maximum fut 23,7 °C ce qui indique une journée assez plaisante à Paris. Cependant, le minimum à Paris le fut 6,9 °C (parc de Montsouris) ce qui rend possible une température de 4 °C dans la campagne et il est alors fort plausible qu'il y eût une gelée blanche aux environs de Trèves sachant qu'en général le sol peut geler lorsque la température sous abri à 1,5 m du sol est inférieure à +3 °C[Note 9].

Comparaison avec d'autres hivers rigoureux[modifier | modifier le code]

Le mois de décembre 1879 à Paris eut des minima inférieurs à ceux de 1709 sans pour autant avoir d'effets aussi dramatiques. En effet, la température moyenne de fut de −7,4 °C, soit 3,4 °C inférieur à celle de . La température la plus basse mesurée au parc de Montsouris fut de −23,9 °C le [27].

L'hiver 1956 fut aussi exceptionnel de par sa durée et son intensité. Il a de nombreuses similarités avec le mois de . Le mois de fut très doux et la végétation redémarra. Le froid vif qui s'ensuivit fit de lourds dégâts ; à nouveau, les troncs des oliviers éclatèrent et durent être coupés au pied pour qu'ils pussent repousser.

L'hiver 1985 est atypique car les minima mesurés dans le Sud-Ouest battirent des records. Par exemple, il fit −21,7 °C à Aire-sur-l'Adour le surpassant les records de [41]. Cependant, les dégâts sur les oliviers furent très limités. Cela est probablement dû au fait que le temps était sec et très frais avant les grosses gelées. En effet, un anticyclone s'était installé sur l'océan Atlantique du au engendrant un vent de nord-ouest à nord (d'après la loi de Buys-Ballot) et produisait des perturbations faibles engendrant un peu de neige[41]. Les arbres n'étaient donc pas gorgés d'humidité lorsque les froids vifs survinrent.

Surmortalité et famine[modifier | modifier le code]

Élisabeth-Charlotte de Bavière, duchesse d'Orléans, écrit dans ses Correspondances qu'entre le et le , 24 000 personnes étaient mortes à Paris en raison de cette vague de froid.

Environ 600 000 personnes moururent en France à la suite de ces intempéries, que ce soit directement du froid, de la faim ou en raison des épidémies particulièrement meurtrières sur une population sous-alimentée[42]. La mortalité fut aggravée par la situation économique précaire engendrée par la guerre de Succession d'Espagne.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Marcel Lachiver identifia 7 vagues de froid successives entrecoupées de périodes de net redoux[2]. Cela provoqua des montées de sève intempestives qui aggravèrent le gel des plantes lors du retour du froid.
  2. L'eau de mer gèle à −1,9 °C[11].
  3. Si l'on en croit la référence [9] (famille Paris d'Arles) il semblerait que les orangers étaient aussi cultivés en Basse Provence (uniquement sur la côte ?) ; ceci serait pratiquement impensable de nos jours car les coups de froid peuvent être assez vifs. Ceci indiquerait donc que le climat fut plus doux auparavant.
  4. Toutes espèces d'herbes potagères, légumes, toutes les productions d'un jardin potager (Jean Baptiste Bonaventure de Roquefort, Glossaire de la langue Romane, rédigé d'après les manuscrits de la Bibliothèque Impériale, et d'après ce qui a été imprimé de plus complet en ce genre : contenant l'étymologie et la signification des mots usités dans les XI, XII, XIII, XIV, XV et XVIe siècles, avec de nombreux exemples puisés dans les mêmes sources; et précédé d'un discours sur l'origine, les progrès et les variations de la langue françoise, vol. 2, B. Warée, , 780 p. (lire en ligne), p. 272).
  5. On notera que le compte-rendu du Petit Marseillais contient des erreurs factuelles. Il écrivit que «Le thermomètre se maintint du 25 janvier au 13 mars entre 18 et 22 degrés au-dessous du zéro de notre actuel thermomètre centigrade[6]. » Ceci est totalement incorrect car la vague de froid de janvier 1709 n'a duré que moins de 2 semaines et il y eut par la suite des redoux spectaculaires suivis de refroidissements tout autant spectaculaires. En effet, une grande douceur régna entre le 26 janvier et le 20 février dans le sud[17]. Cela corrobore les relevés effectués par Louis Morin et La Hire.
  6. L'urine gèle à approximativement −1,5 °C[21].
  7. Le vin gèle à approximativement −5 °C. Le point de congélation du vin est approximativement égal à son degré en alcool divisé par 2. Une mauvaise piquette à 8 degrés d'alcool gèlera à approximativement −4 °C tandis qu'un bon vin de Bordeaux titrant à 14 degrés gèlera à −7 °C[22],[23],[24]. On notera que le point de congélation du vin dépend des esters qu'il contient[22].
  8. Le père Cotte affirma en 1774 que les gelées tardives étaient néfastes aux blés[28] : « Juſqu'ici je n'ai parlé que des gelées d'hiver, & nous avons vu qu‘en général, elles n'étoient pas à redouter pour les blés. Il n'en n'eſt pas de même lors des gelées de printemps, qui leur ſont toujours funestes à moins qu'elles n'aient été précédées par une longue ſéchereſſe. ». Il reprit la même idée en 1776[29] :

    « Le froid de ce mois (janvier 1776) ſut précédé comme en 1709 d'une grande abondance de neige qui mettoit les blés à l'abri de ſes rigueurs. Ils n'auroient pas ſouffert en 1709, ſi après le dégel, il ne fût pas survenu, la nuit du 23 au 24 février une ſeconde gelée qui fit les plus grands ravages. »

  9. La différence entre la température sous abri et la température au sol peut varier entre 0 °F et 20 °F (0 K et 10 K)[39]. En moyenne, le déficit de température est de 4 °F soit 2 K. Cependant Gagnon affirme que[40] : « L'intensité du rayonnement terrestre est fonction de la nature du sol. En général, plus la couleur du sol est foncée plus fort est le rayonnement terrestre. » Ceci est contre-intuitif et contraire à l'expérience car la neige est plus claire que la roche sombre et émet dans des longueurs d'onde plus petites que l'infrarouge et donc les photons sont plus énergétiques d'après la loi de Planck E = h ν. Cependant, lorsque le sol est enneigé, les nuits sont glaciales en comparaison à l'absence de neige[8]. D'après les données de Gagnon[39], on remarque que par nuit hyper claire sans vent, une gelée blanche pourrait se former avec une température sous abri de 10 °C !

Références[modifier | modifier le code]

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  4. Glaces du Rhône, p. 79.
  5. Hiver 1709 à Grasse, p. 41.
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  10. a et b Hiver 1709 à Grasse, p. 40.
  11. Pierre Bouteloup, « Les changements d'états de la matière VI Congélation de l'eau salée » (consulté le ).
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  13. a et b Vincent Huck, « Année 1709, conditions météo remarquables », .
  14. Hiver 1709 à Grasse, p. 64.
  15. Hiver 1709 à Grasse.
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  17. Glaces du Rhône, p. 82.
  18. Armand Bénet, « Le grand hiver de 1709 à Mâcon », Bulletin du Comité des travaux historiques, no 2,‎ , p. 5 (lire en ligne [PDF]).
  19. a et b Froid 1985, p. 18.
  20. a b c d et e Warisse, « Relation de Léonard Blanchier, maître chirurgien à Bouex », Mémoires de la Société Archéologique et Historique de la Charente,‎ , p. 76 (lire en ligne [PDF]).
  21. Charles Bouchard, Traité de pathologie générale, vol. 3, 534 p. (lire en ligne [PDF]), chap. 1, p. 237.
  22. a et b X Rocques, « La concentration des vins », Revue des Sciences pures et appliquées, vol. 14,‎ , p. 273 (lire en ligne [PDF]).
  23. Pascal Ribéreau-Gayon, Yves Glories, Alain Maujan et Denis Duourdieu, Traité d'oenologie 2.Chimie du vin Stabilisation et traitements, Paris, Dunod, , 519 p. (ISBN 2-10-003948-2), p. 39.
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  41. a et b Froid 1985, p. 6.
  42. Lachiver, Marcel., Les Années de misère : la famine au temps du Grand Roi, 1680-1720, Paris, Fayard, , 573 p. (ISBN 2-213-02799-4 et 9782213027999, OCLC 24955552, lire en ligne).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • [Œuvres d'Arago] François Arago, Œuvres complètes de François Arago Tome 8, Paris, Gide, , 658 p. (lire en ligne), p. 282-285
  • [Glaces du Rhône] Geoges Pichard et Emeline Roucaute, Glaces du Rhône, de la Durance, des étangs de la Méditerranée, 341 p. (lire en ligne)
  • [Hiver 1709 à Grasse] Karine Deharbe, « Le grand hiver de 1709 en Provence orientale : l'exemple de Grasse », Recherches régionales - Alpes-maritimes et contrées limitrophes, Conseil général des Alpes-Maritimes, no 186,‎ , p. 39-71 (ISSN 0996-3634, lire en ligne)
  • [Académie des sciences] Jean-Pierre Legrand et Maxime Le Goff, « Louis Morin et les observations météorologiques sous Louis XIV », La vie des sciences, Académie des sciences, vol. 4, no 3,‎ (lire en ligne)
  • [Froid 1985] Avila Fernand et Avila Maryvonne, « Le froid de janvier 1985 et les grands hivers passés dans le sud-ouest de la France », Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, vol. 58, no 1,‎ (DOI 10.3406/rgpso.1987.4968, lire en ligne)
  • [Gelée blanche] Raymond-M. Gagnon, « Température minimale au niveau du sol », Cahiers de géographie du Québec, Département de géographie de l’Université Laval, vol. 12, no 25,‎ (ISSN 1708-8968, DOI 10.7202/020787ar, lire en ligne)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]