François Dosse

François Dosse
Francois Dosse en 2018
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Institut universitaire de formation des maîtres de Versailles-Cergy (d) (depuis )
Institut d'études politiques de ParisVoir et modifier les données sur Wikidata
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François Dosse, né le , est un historien et épistémologue français, spécialisé en histoire intellectuelle.

Biographie[modifier | modifier le code]

Titulaire d'une maîtrise d'histoire intitulée Le PCF et le pouvoir entre 1944 et 1947 : analyse des textes officiels du PCF (1972, sous la direction de Madeleine Rebérioux), François Dosse est agrégé d'histoire (1973)[1].

Le 7 décembre 1983, il soutient une thèse de troisième cycle intitulée L'école des Annales dans les médias depuis 1968, sous la direction de Jean Chesneaux[1], obtenue avec la mention très bien. Il poursuit depuis des recherches sur le structuralisme, le philosophe Paul Ricœur (sa biographie, Paul Ricœur. Les sens d'une vie, publiée en 1997, fait aujourd'hui autorité) et l'historien Michel de Certeau.

Le 12 décembre 2001, à l'IEP de Paris, il soutient son habilitation universitaire, intitulée Écoles, Paradigmes, Biographies… Jalons pour une Histoire intellectuelle. Son garant est Jean-François Sirinelli. Le jury est composé de Philippe Boutry, de Jean-Yves Mollier, de Pierre Nora et d'Henry Rousso[1].

François Dosse est l'un des fondateurs de la revue EspacesTemps. En 2007, il publie Gilles Deleuze et Félix Guattari, biographie croisée, où il prend le pari de réhabiliter Guattari dans une histoire intellectuelle qui n'a retenu que Deleuze. En 2011, il consacre une biographie à l'historien Pierre Nora.

François Dosse est actuellement professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris-Est-Créteil-Val-de-Marne et enseignant à l'Institut d'études politiques de Paris.

Famille[modifier | modifier le code]

Il est le fils de l'artiste peintre Tonia Cariffa.

« L'histoire en miettes »[modifier | modifier le code]

Origine de l’expression[modifier | modifier le code]

La notion de « l’histoire en miettes », apparaît dans les travaux de François Dosse la première fois dans un article de 1974 pour la revue Politique-Hebdo, le premier de l’historien[1]. Elle sert ensuite de titre à son premier ouvrage en 1987[2] et à un article pour la revue EspacesTemps.

Ces travaux consistent en des études de l’historiographie française et en particulier de l’École des Annales et de ses évolutions et du courant de la Nouvelle histoire. Premier domaine de spécialisation de l'auteur et thème de sa thèse.

François Dosse s’inspire, pour ce concept, de l’ouvrage de Georges Friedmann, Le travail en miettes (1956)[3], économiste qui a contribué aux publications de la revue des Annales. À noter que Dosse explique s’être inspiré de « l’éclatement de l’histoire » théorisée par Pierre Nora pour la collection « Bibliothèque des histoires »[4].

La première génération des Annales[modifier | modifier le code]

François Dosse revient la naissance de cette école historiographique et les rôles qu’ont tenu en particulier Marc Bloch et Lucien Febvre. Selon lui, l’objectif premier de l’école était de répondre et même de « rompre avec l’historicisme ». C’est-à-dire la tradition historienne, dominante depuis les années 1870, selon laquelle il faut se concentrer en priorité sur « l’histoire-bataille, l’histoire-diplomatie » et construire un roman national. Ce courant étant représenté par Lavisse, Seignobos[5], Fustel de Coulanges ou encore Monod. Ainsi, pour Dosse, l’École des Annales s’inscrit en minorité face à cette école historique positive française dominante.

Ensuite, il faut expliquer, selon lui, le succès de la revue des Annales par le contexte des années 1930. Le premier numéro de la revue paraît le 15 janvier 1929. Juste avant la crise économique mondiale et les phénomènes de chômage, déflation et de récession économique qui s’apparentent à des défis heuristiques pour les sciences humaines et sociales de l’époque. Dosse explique que « les Annales ont l'ambition d'y répondre en donnant une dimension historique, temporelle aux diverses variables économiques quantifiées pour saisir les cycles profonds, les phénomènes de longue durée »[6]. Ainsi, les articles des années 1930 traitent « de la population soviétique, de la crise bancaire en Europe centrale (…) le mécontentement agraire dans l'Ouest américain »[6].

Dernière caractéristique de la première génération des Annales que souligne Dosse : le refus de l’engagement politique et du recours aux idéologies. L’école veut être une « troisième voie » entre communisme à gauche et historicisme à droite. Dosse écrit que « le politique est l'horizon mort de l'univers annaliste »[6], ce qui, d’après lui, n’a pas permis à ces historiens de saisir et d’expliquer la montée du nazisme[7] et du stalinisme dans les années 1930.

La seconde génération des Annales[modifier | modifier le code]

Dans la période qui suit la Seconde Guerre mondiale, François Dosse identifie de nombreux changements au sein de l’école des Annales[8]. Tout d’abord son institutionnalisation, la nouvelle EHESS, fondée à partir de la VIe section de l’EPHE devient le centre de cette école de pensée[9]. Selon, Dosse, les quatre premiers présidents de l’EHESS (Fevbre, Braudel, Le Goff, Furet) sont tous des « annalistes ». L’historien parle alors d’une « hégémonie historienne ».

Toutefois, des contestations arrivent, Dosse revient sur les critiques formulées par Claude Lévi-Strauss : « il récuse la conception évolutionniste de l'histoire ainsi que son ethnocentrisme. L'historien se cantonnerait au domaine de l'empirie alors que l'anthropologue aurait accès à l'essence du réel grâce à la notion de structure. »[6]

La réponse la plus aboutie serait celle de Fernand Braudel, qui parvient à intégrer les notions issues du structuralisme et à récuser plus nettement l’histoire événementielle. Il opère un basculement avec sa fameuse thèse, qui, au lieu de s'intituler « Philippe II et le monde méditerranéen » s'appelle finalement « La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II ». François Dosse parle de « parade braudélienne »[10].

Seulement, pour réaliser ce décentrement de l’homme au profit de la structure, il faut se concentrer sur le temps long et donc s’éloigner de l'histoire très récente, et avec du projet d’explications des phénomènes du monde contemporain. En cela, ils marquent une différence forte avec le projet initial des Annales.

La troisième génération des Annales[modifier | modifier le code]

Cette troisième phase de l’École des Annales correspond aux années 1970 et 1980, c'est-à-dire à l’époque où François Dosse rédige son ouvrage sur le sujet et qui serait marquée par « l’émiettement de l’histoire ».

L’idée principale de l’historien sur cette génération et celle de l’augmentation des ruptures internes et la diversification des courants historiques[8], il écrit que « l'unité de l'école, comme sa continuité, est artificielle, factice »[6]. C’est un des signes de l’émiettement de l’histoire.

Une autre manière d’expliquer le titre de l’ouvrage se trouve dans l’idée de la fragmentation et donc l’émiettement de la société. Dosse écrit que « l’éclatement du corps social fait que l'individu ne se pense plus en groupe mais dans sa propre historicité, c'est "l'exaltation du chacun pour soi et le marché pour tous" »[6], ainsi dans une société fragmentée, l'histoire est en miettes.

Enfin, dernier élément important pour Dosse, la perte du projet d’explication globale, d’explication totale de la société. Pour lui, « la troisième génération rompt avec l'ambition d'une histoire totale de la première ». Il cite Michel de Certeau[11] qui a déclaré en 1978 qu’« On doit renoncer à une histoire globale qui était l'ambition de L. Febvre ». Un des facteurs explicatifs de ce choix résiderait dans les « illusions perdues » qui marquerait cette génération d’historien[3]. En premier lieu de ces déceptions : les révélations du système du goulag[12] et le déclin de l'URSS[13] pour des historiens qui ont été marqués par le marxisme et dont certains ont été membres du PCF (François Furet, Denis Richet, Jacques Ozouf, Alain Besançon, Emmanuel Le Roy Ladurie)[14]. Sans oublier une certaine désillusion vis-à-vis des capacités de l’État dans un concept de fin des Trente Glorieuses et de crise de l’État-providence. L’histoire serait donc en miettes parce qu’elle aurait perdu l’ambition de produire un système explicatif global et cohérent.

Publications[modifier | modifier le code]

  • L’'Histoire en miettes. Des "Annales" à la "nouvelle histoire", Paris, La Découverte, 1987 (2e édition : Presses Pocket, "Agora", 1997).
  • Histoire du structuralisme. Tome 1 : Le champ du signe, Paris, La Découverte, 1991.
  • Histoire du structuralisme. Tome 2 : Le chant du cygne, Paris, La Découverte, 1992.
  • L’Instant éclaté. Entretien avec Pierre Chaunu, Paris, Aubier, 1994.
  • L’Empire du sens. L'humanisation des sciences humaines, Paris, La Découverte, 1995.
  • Paul Ricœur. Les sens d'une vie, Paris, La Découverte, 1997.
  • L’Histoire, Paris, Armand Colin, 2000.
  • Michel de Certeau. Le marcheur blessé, Paris, La Découverte, 2002.
  • La Marche des idées. Histoire des intellectuels, histoire intellectuelle, Paris, La Découverte, 2003.
  • Le Pari biographique. Écrire une vie, Paris, La Découverte, 2005, 2011.
  • Paul Ricœur, Michel de Certeau. Entre le dire et le faire, Paris, Cahiers de l'Herne, 2006.
  • Paul Ricœur et les sciences humaines, Paris, La Découverte, 2007.
  • Gilles Deleuze et Félix Guattari, biographie croisée, Paris, La Découverte, 2007.
  • Historicités, codirigé par Christian Delacroix et Patrick Garcia, Paris, La Découverte, 2009[15].
  • Renaissance de l'événement, Paris, PUF, coll. « Le nœud gordien », 2010.
  • Pierre Nora. Homo Historicus, Paris, Perrin, 2011.
  • Castoriadis. Une vie, Paris, La Découverte. 2014.
  • Les Hommes de l’ombre : Portraits d'éditeurs, Paris: Perrin, 2014.
  • Le Philosophe et le Président, Stock, 2017.
  • La Saga des intellectuels français, tome I. À l’épreuve de l'histoire (1944-1968), Paris, Gallimard, 2018.
  • La Saga des intellectuels français, tome II. L’Avenir en miettes (1968-1989), Paris, Gallimard, 2018.
  • Pierre Vidal-Naquet. Une vie, La Découverte, 2020.
  • Amitiés philosophiques, éditions Odile Jacob , 2021.
  • Macron ou les illusions perdues - Les larmes de Paul Ricoeur, Le Passeur, 2022.
  • Les vérités du roman : Une histoire du temps présent, éditions Le Cerf , 2023.
  • Vincennes. Heurs et malheurs de l'université de tous les possibles, Paris: Payot, 2024

Distinction[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d « CV Dosse », sur ihtp.cnrs.fr
  2. « L'histoire en miettes - François Dosse - Éditions La Découverte », sur www.editionsladecouverte.fr (consulté le )
  3. a et b Yves Florenne, « « L'Histoire en miettes », de François Dosse », sur Le Monde diplomatique, (consulté le )
  4. François Dosse, « Pierre Nora ou l'avènement de l'intellectuel démocratique », Revue historique, vol. 664, no 4,‎ , p. 921 (ISSN 0035-3264 et 2104-3825, DOI 10.3917/rhis.124.0921, lire en ligne, consulté le )
  5. François Dosse, L'histoire, Paris, A. Colin, , 222 p. (ISBN 978-2-200-25636-4), p. 46
  6. a b c d e et f François Dosse, « L'histoire en miettes: des Annales militantes aux Annales triomphantes », Espace Temps, vol. 29, no 1,‎ , p. 47–60 (DOI 10.3406/espat.1985.3250, lire en ligne, consulté le )
  7. Christian Delacroix, François Dosse et Patrick Garcia (dir.), Les courants historiques en France : XIXe – XXe siècle, Paris, A. Colin, , 404 p. (ISBN 2-200-26811-4), p. 130
  8. a et b Bruno Modica, « L'histoire en miettes, des annales à la nouvelle histoire », sur La Cliothèque, (consulté le )
  9. François Dosse, Histoire du structuralisme. Tome 1, Le champ du signe, 1945-1966, Paris, la Découverte, , 550 p. (ISBN 978-2-7071-7465-9)
  10. A.-S. Chambost, « L'histoire en miettes. Des Annales à la «nouvelle histoire» Fr. Dosse » (consulté le )
  11. François Dosse, Michel de Certeau : le marcheur blessé, Paris, La Découverte, , 655 p. (ISBN 978-2-7071-5076-9), p. 229
  12. François Dosse, L'histoire en miettes : des "Annales" à la "nouvelle histoire", Paris, Pocket, , 268 p. (ISBN 2-266-07063-0)
  13. Anna Joukovskaïa, « Avant‑propos », Cahiers du monde russe, vol. 55, nos 1-2,‎ , p. 5–12 (ISSN 1252-6576 et 1777-5388, DOI 10.4000/monderusse.7980, lire en ligne, consulté le )
  14. (en) Roger Chartier, « Le Monde Comme Représentation », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 44, no 6,‎ , p. 1505–1520 (ISSN 0395-2649 et 1953-8146, DOI 10.3406/ahess.1989.283667, lire en ligne, consulté le )
  15. « Historicités », sur editionsladecouverte.fr (consulté le )
  16. « L'académie française présente le palmarès de ses prix pour l'année 2019 », sur actualitte.com.

Liens externes[modifier | modifier le code]