Eldorado

L'Eldorado (de l'espagnol El Dorado : « le doré ») est une contrée mythique d'Amérique du Sud supposée regorger d'or.

Ce mythe est apparu dans la région de Bogota en 1536[1]. Il a rapidement été relayé par les conquistadors espagnols qui y ont cru sur la base du récit du voyage de Francisco de Orellana par Gaspar de Carvajal, et dans le cadre du mythe plus ancien des cités d'or, qui était aussi largement diffusé à l'époque chez les conquistadors.

Le mirage d'une contrée fabuleusement riche en or a alimenté sur près de quatre siècles une sanglante course au trésor.

Les conquistadors n'ont pas trouvé l'Eldorado, mais ils ont arraché aux Incas et aux Chibchas des monceaux d'or.

Légende[modifier | modifier le code]

Les pagodes aux toits d'or birmanes, décrites par Marco Polo, sont probablement en partie à l'origine de cette légende.

Christophe Colomb croyait découvrir les « Indes » décrites par Marco Polo (c'est-à-dire en fait l'Asie du sud-est). Les conquistadors ont donc recherché les « cités d'or », décrites par Marco Polo, en Amérique, alors qu'il s'agissait en fait des célèbres pagodes aux toits d'or, situées en Birmanie.

Une coutume des Indiens Chibcha a également nourri ce mythe. Une fois par an, le seigneur (recouvert d'or en poudre) allait dans l'eau du lac de Guatavita (le lac existe toujours aujourd'hui en Colombie) pendant que les villageois lançaient des objets d'or, ainsi que d'autres objets précieux dans l'eau. Cette coutume a été transformée jusqu'à contribuer au mythe d'Eldorado.

Le mythe a perduré jusqu'au XVIIIe siècle chez les conquistadors et les Indiens, qui situaient plus précisément cette contrée entre le fleuve Orénoque et le fleuve Amazone, sur le territoire actuel du Brésil, de la Guyane, du Venezuela, du Suriname et du Guyana.

Pendant la période Klein-Venedig au Venezuela (1528-1546), des agents de la famille bancaire allemande Welser (qui avait reçu une concession de Charles Ier d'Espagne) ont lancé des expéditions répétées à l'intérieur du pays à la recherche d'or, à commencer par la première expédition d'Ambrosius Ehinger en [2].

Sir Walter Raleigh, explorateur anglais, se lança à deux reprises à la recherche de l'Eldorado qu'il pense être Guyane. Son second périple a lieu en 1617. À cette occasion, il décida d'envoyer son fils, Watt Raleigh, en Colombie, sur le fleuve de l'Orénoque. Durant cette expédition, ce dernier fut tué lors d'un conflit avec les Espagnols.

À son retour, Walter Raleigh, alors qu'il avait reçu pour ordre de ne pas créer de conflit avec les Espagnols, se trouve accusé, entre autres, de trahison envers l'Angleterre. L'année suivante, en 1618, le roi James ordonne sa décapitation[3].

Charles Marie de La Condamine, après son voyage de 1743-1744 au cours duquel il descend l'Amazone, fait justice de cette légende : il n'y a pas de lac Parimé (le lac immense décrit par Carvajal), ni de ville fantastique de Manoa.

Le mythe ne s'est vraiment éteint qu'au XIXe siècle avec les expéditions scientifiques du baron allemand Alexander von Humboldt.

Critiques[modifier | modifier le code]

Les adversaires de la véracité du récit d'Orellana se fondent en particulier sur l'impossibilité supposée d'établir une agriculture performante et installée durablement sur un terroir en Amazonie :

  • à cause des climats tropicaux et équatoriaux ;
  • à cause de la terre jaune qui devient stérile en quelques années.

Ils en donnent pour preuve l'échec de la culture sur brûlis.

Découvertes depuis 1993[modifier | modifier le code]

Le Radeau d'or, bijou et offrande muisca.

Plusieurs découvertes de chercheurs opérant dans différentes disciplines depuis 1993 ont poussé à une relecture du récit du voyage d'Orellana. Il n'y aurait pas eu de pays où l'or coulait à flots, mais bien une civilisation agricole prospère, décimée par les maladies apportées par les Européens.

L'anthropologue américain Michael Heckenberger, de l'université de Floride, a relevé par photographie aérienne, dans la région du cours supérieur du Rio Xingu dans l'État du Mato Grosso, plusieurs traces d'une occupation humaine relativement dense. Dix-neuf monticules forestiers, nommés islas, se distinguant dans la plaine nue, distants en moyenne de 3 km, seraient d'anciens villages. Une céramique abondante y subsiste, à fleur de terre. Ces monticules sont reliés par des structures surélevées (routes sur digues, la région étant inondée sous un à deux mètres d'eau à la saison des pluies), et canaux rectilignes. Heckenberger nomme ce peuple Xinguano. Leurs hypothétiques descendants seraient les Kouikourous.

Ailleurs, au cœur de l'Amazonie, l'existence de la terra preta, ce sol fertile qui n'a pu se constituer que par l'intervention de l'homme, ajoute à la crédibilité de ces théories.

On relève également, dans la tribu de chasseurs-cueilleurs des Sironos, des mots pour désigner des plantes dont ils ne font aucun usage : le coton, le maïs, des plantes tinctoriales, qui leur auraient été légués par leurs ancêtres agriculteurs.

La cérémonie coutumière des indiens Chibchas (cf. supra) donne une certaine crédibilité au mythe ; de nombreux objets présentés au Musée de l'or de Bogota en témoignent, notamment la balsa de oro (radeau d'or)[4].

La cité d'Eldorado dans la culture[modifier | modifier le code]

Voir la page : Catégorie:Eldorado dans l'art et la culture

Dans son conte philosophique Candide (1759), Voltaire utilise cette contrée comme décor aux chapitres XVII et XVIII. Ce passage, à travers cet univers utopique, lui permet d'exposer les idéaux des philosophes des Lumières[5]. Le philosophe avait déjà parlé de l'Eldorado dans son Essai sur les mœurs (1756), qu'il décrivit comme un refuge des Incas fuyant l'avarice et la cruauté des Européens[6].

Les références à la cité mythique dans les œuvres de l'esprit (roman, poésie, bande dessinée, peinture, musique, théâtre…) sont extrêmement nombreuses. Par exemple, dans la bande dessinée Un dernier seigneur pour Eldorado (1998) dessinée par Don Rosa, Picsou part à la recherche du trésor de l'Eldorado. Comme dans toutes les histoires du dessinateur, la légende originale est traitée de manière assez documentée, puisque citant les indiens Chibcha et leur coutume comme étant à la source du fabuleux trésor.

Edgar Allan Poe a écrit un poème intitulé Eldorado, publié en 1849. Celui-ci raconte l'histoire d'un chevalier à la recherche de l'Eldorado qui rencontre une ombre. Cette dernière lui dit : « Chevauche hardiment, répondit l'ombre, - si tu cherches l'Eldorado »[3].

Un long métrage d'animation américain, La Route d'Eldorado, centre aussi son intrigue sur cette contrée mythique. Il met en scène deux protagonistes qui, à l'aide d'une carte gagnée malhonnêtement, partent à la recherche de la cité dorée.

Le jeu vidéo Uncharted: Drake's Fortune tourne autour du mythe d'Eldorado. Toutefois, dans le jeu, la légende ne représente pas une cité mais une idole massive, un sarcophage en or appelé El Dorado, « Le doré ».

En 2023, la saison 3 de la série Outer Banks centre son intrigue sur la recherche du trésor de l’Eldorado par un groupe d’adolescents et d’explorateurs.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Bartolomé Bennassar, « L'Eldorado a-t-il existé ? », dans L'Histoire, no 322, , p. 37
  2. « Mythes et légendes de la conquête de l'Amérique » (consulté le )
  3. a et b « L'Eldorado, récit d'une insaisissable cité d'or », sur National Geographic
  4. (es) « Museo del Oro : Banco de la República : La balsa de Eldorado », sur banrepcultural.org (consulté le )
  5. Voltaire, Candide ou l'Optimisme, Vanves, Hachette, , 194 p. (ISBN 978-2-01-394959-0), p. 71
  6. Voltaire, Essai sur les mœurs, Chapitre CLI (lire en ligne) : « On disait que la famille des Incas s’était retirée dans ce vaste pays [le Brésil] dont les limites touchent à celles du Pérou ; que c’était là que la plupart des Péruviens avaient échappé à l’avarice et à la cruauté des chrétiens d’Europe ; qu’ils habitaient au milieu des terres, près d’un certain lac Parima dont le sable était d’or ; qu’il y avait une ville dont les toits étaient couverts de ce métal : les Espagnols appelaient cette ville Eldorado ; ils la cherchèrent longtemps. Ce nom d’Eldorado éveilla toutes les puissances. La reine Élisabeth envoya en 1596 une flotte sous le commandement du savant et malheureux Raleigh, pour disputer aux Espagnols ces nouvelles dépouilles. Raleigh, en effet, pénétra dans le pays habité par des peuples rouges. Il prétend qu’il y a une nation dont les épaules sont aussi hautes que la tête. Il ne doute point qu’il n’y ait des mines : il rapporta une centaine de grandes plaques d’or et quelques morceaux d’or ouvragés ; mais enfin on ne trouva ni de ville Dorado, ni de lac Parima ».

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Bartolomé Bennassar, « L'Eldorado a-t-il existé ? », L'Histoire, no 322,‎ , p. 36–39 (lire en ligne).
  • (en) Daniel Genkins, « « To Seek New Worlds, for Gold, for Praise, for Glory » : El Dorado and Empire in Sixteenth-Century Guiana », The Latin Americanist, vol. 58, no 1,‎ , p. 89–104 (DOI 10.1111/tla.12022).
  • Éric Gigot, « Le mythe de l'Eldorado, un imaginaire entre utopie, dystopie et retour à l'origine », Teză de doctorat. Universitatea din Oradea, școala doctorală istorie, Roumanie, , 498 p.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]