Droits voisins du droit d'auteur en France

Représentation très simplifiée du cadre de la propriété intellectuelle, et de ses « objets », en France, à la fin du XXe siècle.

Les droits voisins du droit d'auteur constituent une partie particulière de la propriété littéraire et artistique en droit français et en droit européen depuis une directive de [1].

Les textes réglementant ce secteur du droit se trouvent en France dans le code de la propriété intellectuelle[2]. Ils fondent comme droits-voisins : le droit des artistes-interprètes, le droit des producteurs de phonogrammes, le droit des producteurs de vidéogrammes, et le droit des producteurs de bases de données.

Histoire[modifier | modifier le code]

Avant 1985[modifier | modifier le code]

Avant 1985, les artistes, interprètes et comédiens principaux ne recevaient aucune rémunération sur la diffusion et rediffusion des œuvres où ils étaient interprètes ou comédiens. Seul l'auteur des paroles, le compositeur de la musique, et leurs éditeurs respectifs touchaient une rémunération. L'artiste-interprète ne recevait qu'un pourcentage sur la vente des disques.

Loi de 1985[modifier | modifier le code]

La loi no 85-660 du crée les droits voisins, au profit : des artistes interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, et des entreprises de communication audiovisuelle, la presse[3]. Ceux-ci jouissent dès lors d’un droit exclusif qui leur donne la possibilité d’autoriser ou d’interdire l’utilisation et l’exploitation de leur prestation et de prétendre à une rémunération en contrepartie de leur autorisation.

Les artistes-interprètes jouissent également d'un droit moral : sur leur nom (nom de l'artiste doit être associé à son interprétation), et sur d'éventuelles modifications (on ne peut pas modifier l'interprétation sans son autorisation, si la modification dénature l'interprétation). Le droit moral est inaliénable et imprescriptible : il ne peut être cédé et n'est pas limité dans le temps. Il est transmis aux héritiers.

Rémunération équitable[modifier | modifier le code]

Pour ne pas soumettre toute utilisation de phonogrammes à l'autorisation préalable des artistes interprètes et des producteurs, la loi dite « Lang » de 1985 a institué une « rémunération équitable » (article L. 214-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle). Cette loi française est la transposition en droit français de la convention de Rome de 1961.

L’article L. 214-1 du code prévoit ainsi que « lorsqu'un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l'artiste interprète et le producteur ne peuvent s'opposer à sa communication directe dans un lieu public, dès lors qu'il n'est pas utilisé dans un spectacle ; à sa radiodiffusion, non plus qu'à la distribution par câble simultanée et intégrale de cette radiodiffusion ». En contrepartie, l’artiste interprète et le producteur perçoivent une rémunération équitable assise sur les recettes de l'exploitation ou évaluée forfaitairement. Cette rémunération (et donc le droit d’utiliser les phonogrammes) s’applique quel que soit le lieu de fixation du phonogramme, mais n’est reversée que dans les états membres de l’Union européenne (directive du ) et dans les autres états signataires de la Convention de Rome (déclaration de la France sous l’article 12 de la Convention). Le taux de cette rémunération est déterminé soit par des accords entre les organisations représentatives des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des personnes utilisant les phonogrammes (article L. 214-3 du code) soit, à défaut d’accord, par une commission administrative (article L. 214-4 du code).

En 2005, le montant de la rémunération équitable s’élève :

  • Pour les discothèques, à 1,65 % des recettes réalisés par l’établissement, (décision du ) ;
  • Pour les radios, à 5 % des recettes, y compris les recettes publicitaires, (loi no 93-924 du ) ;
  • Pour les télévisions, à 2 % des recettes (décision du ).

Auquel il convient d’appliquer divers abattements selon les situations.

Le défaut de versement de la rémunération équitable est un délit (article L. 335-4 alinéa 3 du code) puni d’une peine d’amende de 300 000 euros. En application de l’article L. 214-5 du code, cette rémunération est obligatoirement perçue par une société de perception et de répartition de droits, actuellement la « Spré » (www.spre.fr).

Directives européennes[modifier | modifier le code]

En 2011, par la directive du , le parlement européen prolonge de 50 à 70 ans la durée des droits voisins des interprètes ou exécutants, décomptés à partir de la première publication ou de la première communication au public[4],[5].

En 2015, la France a transposé cette directive européenne, par la loi no 2015-195 du , qui vient notamment modifier l'article L.211-4 du Code de la propriété intellectuelle[6].

La directive européenne de 2019 impose aux plates-formes et aux GAFA (tel YouTube) de conclure avec les ayants droit des accords pour les rémunérer lorsqu’un utilisateur ou les algorithmes du système postent une œuvre (un texte, une chanson, un film…) sur lesquels ces ayants-droit ont des droits. Si la plate-forme ou le géant du net ne concluent pas un accord juste, ils encourent des poursuites pour non-respect de ces droits voisins du fait de la publication d’œuvres protégées sur leur réseau. Les plates-formes en ligne doivent en outre rémunérer les éditeurs de presse dont elles republient les contenus.

Condamnation de Google en 2021 et en 2024[modifier | modifier le code]

En 2021, un premier contentieux avec Google au titre de cette loi aboutit à une condamnation liée à ce qui est assimilé à un abus de position dominante. Le montant de l’amende s’élève à 500 millions d’euros infligé par l’Autorité française de la concurrence[7],[8],[9].

En mars 2024, l’Autorité de la concurrence inflige à nouveau 250 millions d’euros d’amende à Google pour non respect des droits voisins. Elle reproche à la société américaine de ne pas avoir respecté ses engagements, pris en 2022, quant à la mise en œuvre de ce mécanisme européen de rémunération des médias en ligne ainsi que l’utilisation des contenus de la presse dans son IA Google Gemini[10].

Sociétés de gestion[modifier | modifier le code]

La Société pour la perception de la rémunération équitable (Spré) collecte auprès des utilisateurs et répartit entre les quatre sociétés qui représentent les artistes interprètes d'une part et les producteurs d'autre part[11].

Pour les artistes et musiciens interprètes, ce sont :

Pour les producteurs, ce sont :

La Spré a donné un mandat à la SACEM pour collecter les sommes dues par les utilisateurs de phonogrammes du commerce (de musiques) qui sonorisent des lieux (commerces, centres commerciaux, etc.).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « La très controversée réforme européenne du droit d’auteur finalement adoptée », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. 1re partie, livre II
  3. loi no 85-660 du 3 juillet 1985.
  4. Page 11-b dans la Directive du parlement européen et du conseil modifiant la directive 2006/116/CE relative à la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins
  5. Harmonisation et allongements de durées de protection en droits d’auteur et droits voisins sur le site d'Aklea, consulté le 21 nov. 2013.
  6. La France allonge la durée de protection des droits voisins dans le secteur de la musique, publié le 5 août 2015 sur le site LEXplicite, consulté le 15 mars 2018.
  7. « Droits voisins : Google sanctionné d’une amende de 500 millions d’euros par l’Autorité française de la concurrence », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. « Tout comprendre au droit voisin, au centre du contentieux entre Google et les médias », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. « Droits voisins : pourquoi Google doit payer 500 millions d’euros à la France », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  10. Claudia Cohen, Droits voisins : l’Autorité de la concurrence inflige 250 millions d’euros d’amende à Google, lefigaro.fr, 20 mars 2024
  11. SPRÉ, Société de Perception de la Rémunération Équitable de la Communication au Public des Phonogrammes du Commerce (consulté le 11 février 2018)
  12. Société civile Adami pour l'Administration des Droits des Artistes et Musiciens Interprètes (consulté le 11 février 2018)
  13. [PDF] Plaquette de présentation de la SCPP, page 2/13, publié le 5 février 2013 sur le site de la SCPP (consulté le 11 février 2018)
  14. Présentation de la SPPF, Société Civile des Producteurs de Phonogrammes en France (consulté le 11 février 2018)
  15. La SCPA, Société Civile des Producteurs Associés (consulté le 11 février 2018)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]