Don Quichotte chez la Duchesse

Don Quichotte chez la Duchesse
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Don Quichotte se présente à la Duchesse, 1885
Genre opéra baroque
comédie lyrique
Nbre d'actes trois
Musique Joseph Bodin de Boismortier
Livret Charles-Simon Favart
Langue
originale
française
Sources
littéraires
Don Quichotte, Miguel de Cervantes
Durée (approx.) deux heures
Création 12 février 1743
Académie Royale de Musique

Don Quichotte chez la Duchesse, op. 97, est un opéra (ou opéra-ballet ou comédie-ballet) baroque du compositeur français Joseph Bodin de Boismortier sur un livret de Charles-Simon Favart, créé en 1743 à Paris. L'histoire s'inspire du roman homonyme de Miguel de Cervantes.

Historique[modifier | modifier le code]

Cet opéra est joué deux ans avant la première représentation de Platée de Jean-Philippe Rameau, qui aura lieu le 31 mars 1745 à Versailles, autre opéra comique de par le caractère burlesque de son personnage principal homonyme. En parallèle, le librettiste Charles-Simon Favart donnait, un an auparavant et à l'Académie Royale de Musique, une parodie d'Hippolyte et Aricie également de ce compositeur. Joseph Bodin de Boismortier et le librettiste se rencontrent à la Foire Saint-Laurent car le compositeur y est embauché comme sous-chef et Charles-Simon Favart comme metteur en scène. Ils décident de s'associer pour écrire un opéra-comique[1]. Don Quichotte est le premier ouvrage du genre de l'opéra écrit par le compositeur et le deuxième livret de Favart[2]. Il est composé pour le Carnaval de Paris de 1743 pour servir une commande royale[3],[2].

L'opéra est créé le 12 février 1743 à l'Académie Royale de Paris dans la Grande Salle du Théâtre du Palais-Royal[4]. Lors de cette première représentation, l'opéra ballet est suivi d'une reprise des Amours de Ragonde, de Mouret[5].

Postérité[modifier | modifier le code]

L'ouvrage a vraisemblablement joui d'une forte popularité après sa création. Il a offert au compositeur un de ses premiers et plus grands succès ainsi qu'une renommée qui lui permit de vivre de sa musique[6]. L'ouvrage a notamment été interprété par les célèbres soprano et danseuse du XVIIIe siècle Marie Fel et Marie-Anne de Camargo.

Une parodie de l'ouvrage paraît peu après sous le nom de Don Quichotte Polichinelle, composée par Adrien-Joseph Le Valois d'Orville. Elle fut jouée en 1743 au Théâtre de Marionnettes de la Foire Saint-Germain[5].

Aujourd'hui[modifier | modifier le code]

Une version de concert est donnée à la BBC le 9 février 1973, avec Felicity Palmer, Christine Clarke, Philip Langridge, Neil Jenkins, Michael Rippon et dirigée par Roger Norrington[7].

Hervé Niquet et le Concert Spirituel[modifier | modifier le code]

L'opéra est redécouvert à la période actuelle notamment par le chef d'orchestre français Hervé Niquet dans les années 1980, qu'il fit sortir de l'ombre[6]. Il en ressort une production au Grand Palais à Paris en 1988 pour le début de son ensemble le Concert Spirituel. La première version scénique de cet œuvre à la période actuelle est en 1996[8]. Hervé Niquet y dirige alors Stephan Van Dyck en Don Quichotte, Richard Biren en Sancho Pança, Emily Hall et Paul Gay.

Depuis, Hervé Niquet dirige des représentations de cet ouvrage régulièrement sur beaucoup de scènes françaises et à l'étranger ainsi que des versions de concerts et des enregistrements[9]. Le Concert Spirituel s'est notamment doté des humoristes Shirley et Dino pour mettre en scène, voire participer sur scène, aux productions de cet opéra-ballet où le comique est prépondérant[10]. Il s'est également entouré du chorégraphe Philippe Lafeuille pour les scènes de ballet.

Les productions de cet ouvrage par Hervé Niquet et son ensemble se rapproche davantage de la farce sur scène, brisant régulièrement le quatrième mur pour jouer avec le public : sont joués des airs postérieurs à la date de composition de l'ouvrage, des saynètes burlesques sont intercalées autour de la pièce, etc. Le contexte de la mise en scène est conservée dans son époque et l'on assiste à ce que l'on pourrait nommer une comédie musicale baroque[11].

Autre[modifier | modifier le code]

En 1988 au Grand Palais dirigé par Hervé Niquet. En 1996 à l'Opéra Comique puis repris à Metz dirigé par Hervé Niquet avec le Concert Spirituel, mis en scène par Vincent Tavernier. En 1997 à l'Opéra de Bordeaux dirigé par Didier Bouture, mis en scène par Criqui. En 2001 au Théâtre de Lucerne dirigé par Hervé Niquet et Didier Bouture, mis en scène par Béatrice Jaccard et Peter Schelling. En 2004 à Montréal dirigé par Hervé Niquet avec La Nouvelle Sinfonie. En 2005 en version concert à la Chapelle Sainte Anne de Toulouse, sous la direction de Jean-Marc Andrieu avec l'Orchestre baroque de Montauban. En 2015 à l'Opéra Théâtre de Metz dirigé par Hervé Niquet avec le Concert Spirituel et mis en scène par Shirley et Dino[9]. François-Nicolas Geslot joue Don Quichotte, Marc Labonnette en Sancho Pança, Chantal Santon-Jeffery, Virgile Ancely, Marie-Pierre Wattiez, Agathe Boudet, Charles Barbier[8]. Reprise en 2016 et 2020 de la production l'Opéra Royal du Château de Versailles. En 2016 au Festival de Radio-France à Montpellier[12]. Avec Emiliano Gonzalez-Toro, Marc Labonnette, Chantal Santon, João Fernandes. Repris en tournée en 2017 pour trente représentations dont à l'international à l'Opéra de Mexico et au Festival Cervantes à Guanajuato notamment[13],[14]. En 2017 au Festival de Sablé[15].

Description[modifier | modifier le code]

L'ouvrage est un opéra-ballet comique en trois actes de moins de deux heures[4]. Il s'agit plus exactement d'un ballet comique plutôt que d'un opéra à proprement parler, par sa nature proche de la farce mise en musique[16]. L'opéra-ballet n'est pas parvenu complet jusqu'à nous : il manque en effet les scènes de comédie dans le livret. Cela oblige les nouvelles productions à ignorer ou réinventer les passages perdus[12],[17].

Résumé[modifier | modifier le code]

L'histoire du livret reprend un passage du roman de Miguel de Cervantes dans lequel une farce diégétique mise en abîme est jouée par les personnages à l'intérieur de la pièce elle-même, dont l'histoire est entrecoupé d'intermèdes avec ballets[18],[11]. Don Quichotte est victime des facéties du Duc et de la Duchesse lui faisant croire qu'il est bien accueilli au château. Les épisodes, rôles et actions sont cependant détournés du récit originel, dans un arrangement fait par le librettiste : l'aventure se termine au Japon. En tant que comédie-ballet, chaque entrée, ou acte, de l'ouvrage développe son intrigue propre[18].

Rôles[modifier | modifier le code]

Rôle Voix Créateurs[5]
Chant
Don Quichotte ténor (ou haute-contre) Jean-Antoine Bérard
Sancho Pança baryton (ou taille) Louis-Antoine Cuvillier
La Duchesse Altisidore soprano Marie Fel
Paysanne soprano Mlle Bourbonnois
Japonaise soprano Marie Fel
Duc basse
Merlin basse Person
Montésinos basse Albert
Japonais basse Person
Amante enchantée 1 soprano Mlle Clairon
Amante enchantée 2 soprano Mlle Gondré
Danse
Ballerine Marie-Anne de Camargo

Argument[modifier | modifier le code]

Prologue[modifier | modifier le code]

Le Duc et la Duchesse, fervents lecteurs de Miguel de Cervantes reconnaissent Don Quichotte et Sancho qui entrent sur leurs terres. Ils organisent donc une farce dans le théâtre du château transformé en fausse forêt pour moquer la naïveté du chevalier.

Acte I[modifier | modifier le code]

Une forêt : le duc appelle le héros au secours, lui faisant croire que la duchesse est attaquée par un monstre. Pour retenir Quichotte, la duchesse feint de l'aimer, mais celui-ci, amoureux de Dulcinée, la rejette et s'en va. Sancho, qui veut quant à lui rester au château, fait croire à Quichotte, avec la complicité de la Duchesse, que Dulcinée se cache dans la vallée, transformée en paysanne par un sort. Le Duc, déguisé en Merlin, vient annoncer à Quichotte qu'il doit se rendre chez Montésinos et donner mille coups de bâtons à Sancho pour que Dulcinée redevienne elle-même.

Acte II[modifier | modifier le code]

La caverne de Montésinos : Sancho revient et prétend s'être donné les coups, quand la Duchesse se présente en tant que reine du Japon. Elle tente de nouveau de séduire Don Quichotte ; mais, face à un nouveau refus, elle laisse éclate sa fureur. Don Quichotte s'élance alors pour combattre un géant qui garde l'entrée de la grotte de Montésinos. Ce dernier annonce la victoire du chevalier, mais le prévient que le charme de Dulcinée n'est pas encore rompu car Sancho n'a pas reçu les coups. C'est alors que la Duchesse, toujours en colère, fait changer le héros et son servant en ours et en singe.

Acte III[modifier | modifier le code]

Les jardins de la Duchesse : les domestiques de la Duchesse font semblant de prendre Quichotte et Sancho pour des animaux. Quand Sancho essaie de convaincre le chevalier d'accepter l'amour d'Altisidore ainsi que ses richesses, celui-ci reste insensible. Merlin réapparaît et libère les deux héros du sortilège, puis offre au chevalier Dulcinée et l'empire du Japon, et à l'écuyer, l'amour d'une infante. Les Japonais célèbrent le courage du héros.

Enregistrements[modifier | modifier le code]

  • Boismortier. Don Quichotte chez la Duchesse, Naxos, 1997, dir. Hervé Niquet avec l'ensemble le Concert Spirituel, enregistré en 1996 à la Grande salle de l’Arsenal de Metz, 1 CD[19].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Michel Boesch, « Don Quichotte chez la Duchesse - Boismortier », sur Baroquiades, (consulté le ).
  2. a et b Brochure du communiqué de presse de l'Opéra de Metz sur le compositeur et l'ouvrage Don Quichotte chez la Duchesse, pdf, à lire ici.
  3. Denis Peyrat, « Don Quichotte chez la Duchesse : Hervé Niquet fait son carnaval à l'Opera Royal », sur Bachtrack, (consulté le ).
  4. a et b Gherardo Casaglia, « Don Quichotte chez la Duchesse », sur L'Almanacco di Gherardo Casaglia (consulté le ).
  5. a b et c « Don Quichotte chez la duchesse », sur Opéra Baroque (consulté le ).
  6. a et b Gérard Condé, « Don Quichotte chez la duchesse », sur Avant Scène Opéra, (consulté le ).
  7. (en-US) Christopher Corwin, « La Duchesse s’amuse », sur Parterre Box, (consulté le ).
  8. a et b Laurent Bury, « Toujours plus lourd », sur Forum Opéra, (consulté le ).
  9. a et b « Boismortier : Don Quichotte chez la Duchesse », sur Château de Versailles Spectacles (consulté le ).
  10. Catherine Jordy, « À la lance : Hervé Niquet… », sur Forum Opéra, (consulté le ).
  11. a et b Anne Heijboer, « Don Quichotte chez la Duchesse, une comédie musicale baroque », sur Olyrix, (consulté le ).
  12. a et b Yvan Beuvard, « Hervé Niquet, le farceur, récidive », sur Forum Opéra, (consulté le ).
  13. Jean-Marcel Humbert, « Auberge espagnole », sur Forum Opéra, (consulté le ).
  14. Damien Dutilleul et Hervé Niquet, « Hervé Niquet : « Faire le zouave, pourquoi pas ! » », sur Olyrix, (consulté le ).
  15. Charlotte Saulneron, « A Sablé, le loufoque Don Quichotte chez la duchesse par les Benizio », sur ResMusica, (consulté le ).
  16. Jean-Stéphane Sourd Durand, « Au pays des moulins… (Bodin de Boismortier, Don Quichotte chez la Duchesse, Le Concert Spirituel - Opéra-théâtre de Metz Métropole, 18/01/2015) », sur Muse Baroque, (consulté le ).
  17. Emmanuelle Giuliani, « Opéra-ballet : La réjouissante exubérance de « Don Quichotte chez la duchesse » », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le ).
  18. a et b Anne-Laure Faubert, « Don Quichotte à Versailles », sur Bachtrack, (consulté le ).
  19. « CD Don Quichotte », sur Opéra Baroque (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]