Discours de Noël d'Olof Palme

Le discours de Noël d'Olof Palme, diffusé à la radio suédoise le , est l'un des temps forts du premier gouvernement Palme et de l'opposition à la guerre du Viêt Nam en Occident. Le Premier ministre suédois y critique en des termes très durs les bombardements américains sur Hanoï, qu'il compare à plusieurs massacres perpétrés notamment pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces propos provoquent la colère des États-Unis, qui déclarent persona non grata l'ambassadeur suédois à Washington Yngve Möller. Les relations entre les deux pays ne reprennent leur cours normal qu'en .

Contexte[modifier | modifier le code]

Olof Palme, alors ministre de l'Éducation, manifeste aux côtés de l'ambassadeur nord-vietnamien à Moscou Nhuyen Tho Chyan en février 1968.

La guerre du Viêt Nam provoque d'importants remous dans les relations diplomatiques entre la Suède et les États-Unis. Olof Palme, alors ministre des Communications, critique la politique vietnamienne de Washington dans un discours tenu à Gävle en [1]. En , c'est en tant que ministre de l'Éducation qu'il défile, aux côtés de l'ambassadeur nord-vietnamien à Moscou, lors d'une manifestation contre la guerre organisée à Stockholm. Les États-Unis rappellent immédiatement leur ambassadeur en Suède William Heath, qui n'est de retour dans la capitale suédoise qu'un mois plus tard[2]. En , la Suède est le premier pays occidental à établir des relations diplomatiques avec le Nord-Viêt Nam. En signe de protestation, la toute nouvelle administration Nixon attend avant de nommer un ambassadeur en Suède[3].

Le marque le coup d'envoi par les États-Unis de l'opération Linebacker II, une campagne de bombardements intensifs du Nord-Viêt Nam et de sa capitale Hanoï. Plus de 20 000 tonnes de bombes sont déversées pendant les douze jours de l'opération, causant la mort de plus de 1 500 civils[4]. C'est au sixième jour des bombardements que Palme choisit de s'exprimer.

Le discours[modifier | modifier le code]

Une première version du texte, préparée par Anders Ferm, est retravaillée par Palme qui communique la version finale par téléphone à l'agence de presse suédoise TT. Le discours est diffusé pendant le journal de la mi-journée à la radio nationale[nt 1],[5].

L'allocution est brève. Palme y affirme que les bombardements américains n'ont d'autres objectifs que de contraindre le Nord-Viêt Nam à la soumission. Il conclut :

« Voilà pourquoi ces bombardements sont un crime. L'histoire moderne en est jonchée. On les associe souvent à un nom : Guernica, Oradour, Babi Yar, Katyń, Lidice, Sharpeville, Treblinka. [...] Aujourd'hui s'ajoute un nouveau nom à cette liste : Hanoï, Noël 1972[6]. »

Les « crimes » cités par Palme sont : le bombardement de Guernica (Espagne, 1937), les massacres d'Oradour-sur-Glane (France, 1944), de Babi Yar (Ukraine, 1941), de Katyń (Russie, 1940), de Lidice (Tchécoslovaquie, 1942), de Sharpeville (Afrique du Sud, 1960) et le camp d'extermination de Treblinka (Pologne, 1942-43).

Conséquences[modifier | modifier le code]

Les propos de Palme font rapidement le tour du monde. Les États-Unis se déclarent indignés, notamment par le parallèle fait avec le régime nazi. En réaction, la Maison-Blanche fait savoir qu'Yngve Möller, fraichement appointé ambassadeur de Suède à Washington, n'est pas le bienvenu[7]. Aux questions des journalistes qui lui demandent s'il considère Nixon comme l'égal d'Hitler, Palme répond qu'il ne compare pas les hommes, mais les actes[8]. Il faut attendre pour assister à une normalisation des relations entre les deux pays, et pour qu'un nouvel ambassadeur de Suède soit nommé à Washington[9].

L'impact de l'allocution de Palme sur le cours du conflit a été débattu. Selon le conseiller du président Nixon Henry Kissinger, les États-Unis n'ont reçu, lors des bombardements, aucune critique émanant de pays « dont l'opinion leur importait[10] ». Auteur d'une biographie d'Olof Palme, le journaliste Björn Elmbrant estime que le discours du Premier ministre n'a probablement eu aucun impact sur la conduite de la guerre par les États-Unis[11].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Les images d'Olof Palme prononçant son discours, que l'on peut voir par exemple dans le film Palme (2012), proviennent d'une émission diffusée ultérieurement durant laquelle le Premier ministre a répété son texte devant les caméras.

Références[modifier | modifier le code]

  1. (sv) SOU 2002:108, p. 246-247.
  2. (sv) SOU 2002:108, p. 248-250.
  3. (sv) SOU 2002:108, p. 251-253.
  4. (sv) SOU 2002:108, p. 263-264.
  5. (sv) SOU 2002:108, p. 264.
  6. (sv) SOU 2002:108, p. 264-265.
  7. (sv) SOU 2002:108, p. 265.
  8. (sv) Lindström & Nycander, 50:42 - 51:17 : Jag tror att jag ställde...
  9. (sv) SOU 2002:108, p. 269.
  10. (sv) Wachtmeister, p. 175.
  11. (sv) Elmbrant, p. 151.

Liens externes[modifier | modifier le code]