Histoire de la pratique féminine du football en France

Histoire de la pratique féminine du football en France présente une chronologie de la pratique du football par les femmes en France de ses débuts à l'année 1970, qui voit le football de nouveau reconnu par la Fédération française de football après plusieurs décennies d'éclipse.

Les prémices et l'âge d'or[modifier | modifier le code]

La première trace écrite de la pratique féminine remonte à 1910 à l’école supérieure pour jeunes filles de Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle)[1].

Suzanne Liébrard en 1920.

Son vrai décollage a lieu pendant la Première Guerre mondiale, où les femmes remplacent les hommes au travail mais s'adonnent également au sport. Le premier match de football est disputé le et oppose deux équipes du Fémina Sport, l'une étant conduite par Thérèse Brulé et l'autre par Suzanne Liébrard[2]. Succès faisant, les femmes jouèrent en lever de rideau de la rencontre France-Belgique le [2]. Fondée le , la Fédération des sociétés féminines sportives de France organise à partir de cette année-là un premier championnat de France féminin de football[2] jusqu'en 1932.

Durant les années 1920, des figures influentes cherchent à déconsidérer le sport féminin. Ainsi, le fondateur du quotidien L'Auto Henri Desgrange affirme en 1925 « Que les jeunes filles fassent du sport entre elles, dans un terrain rigoureusement clos, inaccessible au public, oui, d'accord. Mais qu'elles se donnent en spectacle, à certains jours de fête, où sera conviés le public, qu"elles osent même courir après un ballon dans une prairie qui n'est pas entourée de murs épais, voilà qui est intolérable[2]. » De même, Pierre de Coubertin déclare en 1928, « S'il y a des femmes qui veulent jouer au football, libres à elles. Pourvu que cela se passe sans spectateur, car les spectateurs qui se groupent autour de telles compétitions n'y viennent point pour voir du sport[2]. »

À l'instar d'autres activités comme le rugby ou les sports de combat, la pratique féminine du football est interdite par le régime de Vichy le [2].

Le British Ladies' Football Club (The North team), en 1895. Debout : Lily Lynn, Nettie Honeyball, Williams, Edwards, Ide. Assises : Compton, F. B. Fenn, Nellie Gilbert, P. Smith, Rosa Thiere, Biggs.
Melle Laloz (de face, en clair pour "l'En Avant"), et une joueuse du Fémina Sport (à D., rayée verticalement), en décembre 1920.
  •  : première rencontre internationale entre l'Angleterre et l'Écosse, à Easter Road, Édimbourg. La même année, de nombreux matchs féminins s'attirent les critiques de la presse[3].
  •  : Sous la houlette de Nettie Honeyball, un match de prestige opposant Londres du Nord et Londres de Sud est organisé à Crouch End, Londres. Les Nordistes s'imposent 7-0 (ou 7-1 selon les sources).
  • 1918 à 1922 : Le Fémina Sport dispute une série de matchs dans toute la France pour faire la promotion du football féminin. De nombreux clubs sont fondés à la suite de ces rencontres.
  •  : Finale retour de la première édition du Championnat de France organisé par la FSFSF; c'est une première mondiale. Le fameux Fémina Sport enlève ce premier titre en s'imposant en finale face à l'En Avant (club omnisports féminin fondé à Paris en 1912)[4].
  •  : Premier match international entre une formation anglaise de Preston, les Dick-Kerr's Ladies, et une sélection des meilleures joueuses françaises. La partie déplace plus de 25 000 spectateurs à Manchester. La France gagne 0-2 et boucle cette première tournée anglaise avec deux victoires, un nul et une défaite.
  •  : 12 000 spectateurs assistent au stade Pershing de Paris[5] au match retour du précédent. Un match nul 1-1 sanctionne cette partie. Les Anglaises disputent dans la foulée trois matchs en province (Roubaix, Le Havre, Rouen) face à des sélections locales.
  • 1921 : Tournée triomphale en Angleterre des Dick-Kerr's Ladies avec un record d'affluence de 53 000 spectateurs à Goodison Park (Everton, Liverpool).
  • 1920/1921 : En France, 18 équipes parisiennes participent au Championnat. De plus, les championnes de Paris affrontent en play-offs pour la première fois des formations de province pour l'attribution du titre de championnes de France.
  •  : Nouvelle tournée anglaise pour l'équipe de France. Les Bleues s'imposent lors de leur premier match (1-5), puis encaissent trois courtes défaites.

L'interdiction du football féminin[modifier | modifier le code]

  •  : tournée sans défaite pour l'équipe de France en Angleterre. Victorieuses à Plymouth (1-2), les Bleues concèdent des nuls sans but à Exeter et Falmouth.
  • 1925 : le foot féminin est en crise en France « Le jeu ne vaut rien », Gabriel Hanot. Les grandes foules de l'immédiat après-guerre ont fondu. Henri Desgrange (L'Auto) est plus radical encore : « Que les jeunes filles fassent du sport entre elles, dans un terrain rigoureusement clos, inaccessible au public : oui d'accord. Mais qu'elles se donnent en spectacle, à certains jours de fêtes, où sera convié le public, qu'elles osent même courir après un ballon dans une prairie qui n'est pas entourée de murs épais, voilà qui est intolérable ! ».
  • 1926 : décès d'une joueuse, Miss C.V. Richards, en plein match. Cet incident est surexploité par les opposants du football féminin. Pour eux, les femmes ne doivent pas être footballeuses.
  • 1927 : autre angle d'attaque des opposants au football féminin : le professionnalisme ! Les meilleures joueuses sont en effet sujettes à transferts et touchent des primes financières...
  • 1932 : le football féminin meurt à petit feu en France. La 15e et dernière édition du championnat de France organisée sous l'égide de la FSFSF sacre en 1932 l'incontournable Fémina Sport.
  •  : première trace de football féminin en Italie (Milan), le « Gruppo Femminile Calcistico de Milan »[6],[7].
  •  : le football est officiellement radié des sports soutenus par la FSFSF.
  •  : la Ligue de Paris organise un championnat de Paris féminin comprenant dix clubs. Le premier match de ce championnat se tient le . Fémina sport enlève le titre en 1934 ; Dunlop Sports, finaliste malheureux en 1934, est champion 1935 en écartant en finale le Fémina. Actif à Paris, mais en nette perte de vitesse, l'activité en province du football féminin est quasi nulle depuis la radiation de 1933.
  • 1937 : dernière édition du championnat de Paris organisé depuis 1933 par la Ligue de Paris. Victime d'attaques permanentes de la part des autorités sportives et politiques qui font campagne contre la pratique du football féminin, le foyer parisien s'éteint en 1937.
  •  : le Gouvernement de Vichy « interdit vigoureusement » la pratique du football féminin. La liste des sports interdits aux femmes est publiée le .

Une renaissance difficile[modifier | modifier le code]

Si une pratique récréative a pu subsister après-guerre, la première initiative organisée remonte à quand un journaliste de L'Union lance un appel pour organiser un match féminin lors de la kermesse annuelle[9]. Quinze femmes répondent à cet appel. « À Reims, Humbécourt, Gerstheim, mais aussi dans la banlieue lyonnaise, se développent ainsi des matches féminins en levers de rideau des rencontres masculines, afin de divertir les hommes dans les tribunes. » Mais à Reims, les joueuses s'organisent pour pérenniser leur pratique au sein du FCF de Reims, qui deviendra la section féminine du Stade de Reims. En tant que pionnières, les footballeuses rémoises se lancent alors dans la promotion du football féminin. Pendant cinq ans, elles enchaînent des tournées internationales, jouant même devant 60 000 spectateurs indonésiens à Bandung[9]. Dans le sillage de Reims, d'autres sections se créent, notamment en Champagne-Ardenne, dans le Bas-Rhin, en Charente, dans les banlieues lyonnaise et parisienne, ce qui conduit la Fédération française de football à reconnaître officiellement la pratique le et une cinquantaine d"équipes au cours de l'année[9].

  • 1947 : Tentative de relance du football féminin en Alsace (échec) .
  • 1947 : 17 clubs de football féminin sont actifs en Angleterre.
  • 1947-1951 : Plusieurs matchs de charité France-Angleterre. Les premières rencontres ont lieu les 23, 25 et .
  • 1951 : 26 clubs de football féminin sont actifs en Angleterre.
  • 1955 : Fondation d'une éphémère fédération féminine en Italie (AICF).
  • 1955 : Fondation d'une fédération féminine aux Pays-Bas.
  • 1956 : Le football féminin n'a jamais était interdit en RDA. Malgré l'interdit en RFA, les Allemandes continuent à jouer et 18 000 spectateurs se déplacent à Essen (RFA) pour assister au premier match RFA-Pays-Bas (2-1), évidemment non officiel.
  • 1965 : Cinquantième anniversaire des Dick-Kerr's Ladies. 858 matchs ont été disputés par cette formation au cours de ce demi-siècle.
  • 1966 : 32 équipes tchèques prennent part au tournoi national tchèque organisé par le magazine « Mlady Svet ».
  • 1966 : Relance du football féminin en Italie. Ce renouveau fait suite à la décision de la Milanaise Valeria Rocchi de mettre sur pied une équipe féminine de football afin de récolter des fonds pour des œuvres humanitaires en Inde.
  • 1967 : 46 équipes tchèques prennent part à la deuxième édition du tournoi national organisé par le magazine « Mlady Svet ». Dès cette année 1967, le Slavia Prague dispute des matchs en Italie.
  • 1968 : 64 équipes tchèques prennent part à la troisième édition du tournoi national organisé par le magazine « Mlady Svet ». Le football féminin s'implante en Tchécoslovaquie avec la création d'une fédération de football féminin, indépendante de la fédération tchèque, forte de 91 clubs à ses débuts.
  • 1968 : Fondation du championnat national italien FICF.
  • 14 et  : Tournoi international entre le FCF Reims, une sélection alsacienne, une équipe anglaise (Herne Bay LFC) et le Slavia Pramen Kablice, champion de Bohême-du-Sud. Les Tchèques s'imposent en finale face au FCF Reims.
  • 1969 : Première édition de la Coupe d'Europe avec quatre pays : Angleterre, Danemark, France et Italie. L'Italie est sacrée championne.
  •  : Un article du journal sportif français Miroir Sprint appelle à la création d'une Fédération française de football féminin. Les anglaises suivent cette voie en fondant la Women's Football Association qui regroupe 44 clubs.
  •  : La Football Association anglaise reconnaît le football féminin. 54 clubs sont recensés en Angleterre.
  • 1969 : Le Slavia Prague est l'équipe de l'année. Sur 59 matchs joués, aucune défaite et 401 buts marqués pour seulement 11 encaissés !

Percée en France[modifier | modifier le code]

  •  : Relance du football féminin à Caluire, banlieue de Lyon, avec l'organisation d'un match de football féminin. Une équipe prend corps dans la foulée de ce match de démonstration.
  •  : Le CSC Vieux Nice forme une équipe féminine de football qui se contente de s'entraîner pendant deux étés.
  • 1968 : Les filles du FCF Reims, puis du Stade de Reims engagent le combat en France pour la reconnaissance du football féminin. Enchaînant entre 1968 et 1973 les tournées aux États-Unis, Mexique, Canada, Indonésie et Haïti, notamment, les Rémoises constituent la meilleure formation de l'Hexagone. 60 000 spectateurs sont enregistrés à Bandung (Indonésie) à l'occasion d'un match des filles de Reims.
  •  : Création d'une équipe féminine de football au sein du RC Joinville.
  • 1968 : Début de la pratique du football féminin dans le Centre-Ouest, notamment à Soyaux.
  • 1969-1970 : La Ligue d'Alsace organise le premier championnat d'Alsace de football féminin. Neuf clubs y prennent part et le FCF Schwindratzheim remporte le titre en écartant Notre-Dame de Strasbourg en finale.
  •  : Création d'une équipe féminine de football au sein de la Fidésienne SA, club de Sainte-Foy-lès-Lyon.
  • 1970 : En début d'année 1970, on recense 21 clubs ou sections féminines de football en Champagne-Ardenne.
  •  : Réunion au siège de la FFF entre les autorités du football français et les représentants d'une cinquantaine de clubs de football féminin en vue de préparer la reconnaissance du football féminin faite quelques jours plus tard.
  •  : La FFF reconnaît le football féminin tombé en désuétude en France depuis les années 1930. Une cinquantaine de clubs féminins sont recensés dont 21 pour la Ligue du Nord-Est et 12 dans le Bas-Rhin.
  • 1970 : À la fin de la saison 1969-1970, on recense 21 clubs féminins de football en Centre-Ouest.

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Les premières footballeuses françaises ont joué à Pont-à-Mousson », sur estrepublicain.fr, (consulté le )
  2. a b c d e et f Pascal Glo, « 1943, l'année maudite du foot français : Et Vichy interdit le football féminin », sur lequipe.fr, (consulté le )
  3. (en) Roger Domeneghetti, From the Back Page to the Front Room : Football's journey through the English media, Ockley Books, , 385 p. (ISBN 978-1-78301-558-0, lire en ligne), « 13. The medias gives women a red card »
  4. « Sport féminin - Le Fémina Sports champion d'association », Le Petit Journal, no 20562,‎ , p. 2 (lire en ligne, consulté le )
  5. D. C., « Le foot, une affaire très politique », leparisien.fr, (consulté le )
  6. Dans l'hebdomadaire sportif Il Littoriale de Rome du 8 mars 1933 dans "Fuori Giuoco", Les femmes milanaises veulent une photo de l'actrice italienne Leda Gloria qui avait été publié avec un maillot de foot par le "Calcio illustrato" de Milan.
  7. Dans l'hebdomadaire sportif Il Littoriale de Rome du 16 mars 1933 dans Fuori Giuoco, section Le donne e il calcio (« Les femmes et le foot ») la corréspondence avec le Directeur du journal.
  8. L'hebdomadaire sportif Il Littoriale de Rome du 22 novembre 1933 en première page.
  9. a b et c Tara Britton, « 10 choses à savoir sur le football féminin français qui fête son cinquantenaire », sur lequipe.fr, (consulté le )
  10. (en)FA apologies for 1921 ban, The Guardian, 11 février 2008
  11. France Culture, L'heure du documentaire, 30.07.2012, Les filles de Reims : premières footballerines en équipe de France

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

  • pboutreau, « Les pionnières... », (consulté le )
  • pboutreau, « Aura et déclin », (consulté le )