Ciclosporine

Ciclosporine
Image illustrative de l’article Ciclosporine
Image illustrative de l’article Ciclosporine
Modélisation 3D de la molécule de ciclosporine.
Identification
Nom UICPA [R-[[R*,R*-(E)]]-(L-alanyl- D-alanyl-N-méthyl-L-leucyl- N-méthyl-L-leucyl-N-méthyl- L-valyl-3-hydroxy-N,4-diméthyl- L-2-amino-6-octénoyl-L-α-amino- butyryl-N-méthylglycyl-N-méthyl- L-leucyl-L-valyl-N-méthyl-L-leucyl) cyclique
No CAS 59865-13-3
No ECHA 100.119.569
Code ATC L04AD01, S01XA18
DrugBank DB00091
PubChem 2909
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule C62H111N11O12  [Isomères]
Masse molaire[1] 1 202,611 2 ± 0,063 2 g/mol
C 61,92 %, H 9,3 %, N 12,81 %, O 15,96 %,
Données pharmacocinétiques
Biodisponibilité variable
Métabolisme Hépatique
Demi-vie d’élim. variable (environ 24 h)
Excrétion

Biliaire

Considérations thérapeutiques
Classe thérapeutique Immunosuppresseur
Inhibiteur de la calcineurine
Voie d’administration Orale
Intraveineuse
Topique
Précautions Néphrotoxicité

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

La ciclosporine (selon la dénomination commune internationale, mais aussi appelée cyclosporine) est un agent immunosuppresseur dont l'utilisation thérapeutique, dès le début des années 1980, a permis un essor considérable du domaine de la transplantation d'organes en prévenant le rejet aigu des allogreffes. Aujourd'hui encore largement employée en transplantation (peau, cœur, rein, poumons, pancréas, moelle osseuse, intestin grêle), quoique concurrencée par des molécules plus récentes, la ciclosporine a également des applications en dermatologie et dans le traitement de certaines maladies auto-immunes.

Initialement isolée dans un échantillon de sol en Norvège[2], la ciclosporine A est la forme principale du médicament. Il s'agit d'un peptide cyclique de onze acides aminés synthétisé par un champignon microscopique, Tolypocladium inflatum. Elle comporte des acides aminés dextrogyres, rarement rencontrés dans la nature[3].

Indications[modifier | modifier le code]

Les propriétés immunosuppressives de la ciclosporine ont été mises au point dans le laboratoire Sandoz (devenu Novartis) à Bâle, par le professeur Jean-François Borel[4].

L'efficacité de la ciclosporine A dans la prévention du rejet des allogreffes fut démontrée d'abord pour les transplantations hépatiques par le docteur Thomas Starzl, de l'Université de Pittsburgh. La première patiente à en avoir bénéficié était une femme de 28 ans, le [5]. La ciclosporine fut autorisée en 1983 par la Food and Drug Administration (FDA).

Outre le domaine de la transplantation d'organes, la ciclosporine est utilisée en dermatologie pour le traitement des formes les plus sévères de psoriasis et de dermatite atopique. En rhumatologie elle est un traitement d'indication exceptionnelle de la polyarthrite rhumatoïde et de maladies apparentées. Elle a été étudiée dans plusieurs autres maladies auto-immunes telles que le syndrome de Stevens-Johnson, dans la rectocolite hémorragique en cas de non-réponse aux corticoïdes[6] et dans certaines uvéites postérieures ou moyennes non infectieuses. La ciclosporine locale est également étudiée et déjà prescrite en tant que collyre dans le traitement de kératoconjonctivites sévères avec resistance ou non aux corticoïdes locaux[7],[8],[9], bien que l'on déplore la faible ampleur des études menées sur le sujet, en raison notamment de la rareté de la forme sévère de la kératoconjonctivite. Dans ce cas, le collyre est produit et conditionné en pharmacie d'hopital[10].

La ciclosporine A a fait l'objet d'études comme possible agent neuroprotecteur dans les traumatismes crâniens et a fait la preuve expérimentale de son efficacité pour réduire les lésions cérébrales associées aux traumatismes[11]. La ciclosporine A bloque la formation du pore de transition de perméabilité mitochondriale, canal de la membrane mitochondriale impliqué dans la genèse des lésions liées aux traumas crâniens et aux maladies neurodégénératives.

En 2020, une étude menée par une équipe de chercheurs espagnols dévoile qu'un traitement de cyclosporine fournit une chance de survie plus élevée lors de la contraction de la Covid-19[12].[pertinence contestée]

La cyclosporine possède aussi une AMM dans le traitement de la kératite sévère sous forme d'un collyre commercialisé sous le nom d'IKERVIS. Ce traitement est réservé aux patients adultes présentant une sécheresse oculaire qui ne s'améliore pas malgré l'utilisation de substituts lacrymaux. La prescription est réservée aux spécialistes en ophtalmologie et IKERVIS n'est disponible qu'à l'hôpital[13],[14].

La découverte de la ciclosporine[modifier | modifier le code]

En 1969, Hans Peter Frey[15], ingénieur du laboratoire suisse Sandoz, revient de ses vacances en Norvège avec, dans ses bagages, une poignée de terre ramassée sur les hauts plateaux de l'Hardangervidda, au sud de la Norvège. C'est par hasard en 1971 que le professeur Jean-François Borel découvre qu’un champignon recueilli semble pourvu de capacités immunosuppressives[16]. Il s'est rendu compte que la substance ne contenait que des lymphocytes T et elle avait donc un potentiel important pour la médecine dans la transplantation d’organes. Les tests ont confirmé que cette molécule paralyse les réactions immunitaires de l'organisme sans détruire les cellules. Ce nouveau médicament a été testé en 1977 par le chirurgien britannique Roy Yorke Calne[17].

Hartmann Stähelin, chef du département de pharmacologie de Sandoz, a également participé à la découverte de la ciclosporine et à son développement. Plus tard, il y a eu un différend entre Stähelin et Borel sur leurs parts respectives dans la découverte de la ciclosporine.

Mode d'action[modifier | modifier le code]

Le mode d’action de la ciclosporine n’est pas complètement connu. Il est actuellement admis que la molécule se lie à la cyclophiline des lymphocytes immunocompétents, particulièrement des lymphocytes T. Le complexe ciclosporine-cyclophiline inhibe la calcineurine, protéine phosphatase qui, dans des circonstances normales, active la transcription du gène de l'interleukine 2. Il inhibe également la production d'autres lymphokines, conduisant à une réduction de l'activité des lymphocytes T effecteurs[18].

La ciclosporine A exerce aussi une activité sur les mitochondries. Elle inhibe l'ouverture du pore de transition de perméabilité, bloquant la libération du cytochrome c dans le cytosol. Elle est ainsi un inhibiteur de l'apoptose.

Effets indésirables et interactions[modifier | modifier le code]

Le traitement par ciclosporine est associé à un risque non négligeable de complications et d'interactions médicamenteuses. Les effets indésirables les plus documentés de la ciclosporine A sont la néphrotoxicité et les maladies opportunistes qui résultent de l'immuno-suppression (infections, plus rarement cancers). Les autres effets adverses sont variés, non spécifiques et rarement graves.

Une autre forme du médicament, la ciclosporine G, a montré une néphrotoxicité moindre que la ciclosporine A[19]. Elle en diffère par la position du second acide aminé, où une L-norvaline remplace l'acide α-aminobutyrique[20].

Les inhibiteurs de l'isoenzyme 3A4 du cytochrome P450 diminuent la métabolisation de la ciclosporine. En particulier, la consommation de jus de pamplemousse, un inhibiteur puissant de cet isoenzyme, peut conduire à l’accumulation de ciclosporine, augmentant le risque d'apparition d'effets secondaires dépendant de la dose[21].

Le scandale de 1985[modifier | modifier le code]

En , trois médecins de l’hôpital Laennec, à Paris, les professeurs Philippe Even, pneumologue, Jean-Marie Andrieu, cancérologue, et le docteur Alain Venet, immunologiste, expérimentent la ciclosporine A sur deux patients atteints du sida, puis donnent le une conférence de presse annonçant qu'ils ont trouvé un traitement du sida[22], car ils constatent une augmentation rapide des lymphocytes T4 chez les patients traités. Les magazines s'emballent, et Joël de Rosnay lui-même écrit dans un de ses ouvrages[23] qu'à l'avenir, la ciclosporine sera incontournable pour traiter le sida. Cependant, les deux patients traités meurent, ainsi qu'un troisième traité à Grenoble. L'affaire de la ciclosporine impacte l'image de la recherche médicale française, celle du ministère de la santé et celle de l'auteur[24],[25].

Formulations[modifier | modifier le code]

Le médicament est commercialisé par Novartis sous les noms Sandimmun (présentation originale) et Neoral (microémulsion la plus récente)[26]. Les formes génériques ont été commercialisées sous divers noms (Cicloral par Sandoz, Gengraf par Abott). Depuis 2002, la ciclosporine est disponible en émulsion topique sous forme de collyre unidose pour le traitement du syndrome de l’œil sec dans les formes chroniques et de la kératoconjonctivite sèche sous le nom Ikervis.

Le médicament est également formulé pour certaines préparations vétérinaires sous la marque Atopica pour le traitement de la dermatite atopique canine et féline. La ciclosporine est efficace chez le chien et le chat à moindre dose et avec moins d'effets indésirables.

Divers[modifier | modifier le code]

La ciclosporine fait partie de la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé (liste mise à jour en )[27].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. Yves Landry « Initiation à la connaissance du médicament-UE6 PACES » Ediscience, 2e édition, août 2012, p. 110
  3. (en) Borel JF, « History of the discovery of cyclosporin and of its early pharmacological development », Wien. Klin. Wochenschr., vol. 114, no 12,‎ , p. 433-7 (PMID 12422576)
  4. Catherine Ducruet, « Le parcours d'obstacles de la ciclosporine », sur Les Echos, (consulté le )
  5. (en) Starzl TE, Klintmalm GB, Porter KA, Iwatsuki S, Schröter GP, « Liver transplantation with use of cyclosporin a and prednisone », N Engl J Med., vol. 305, no 5,‎ , p. 266-9 (PMID 7017414)
  6. (en) Lichtiger S, Present DH, Kornbluth A et al., « Cyclosporine in severe ulcerative colitis refractory to steroid therapy », N Engl J Med., vol. 330, no 26,‎ , p. 1841-5 (PMID 8196726)
  7. A* MUSELIER, M. PASSEMARD, B. MATHIEU et A. BRON, « 049 - Intérêt de la Ciclosporine en collyre dans les kérato-conjonctivites chroniques de l’enfant. », /data/revues/01815512/00320HS1/31_2/,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. « Traitement topique avec collyre à base de cyclosporine A en cas d'inflammation de la surface de l'œil », sur www.cochrane.org (consulté le )
  9. « Intérêts de la ciclosporine collyre dans la kératoconjonctivite vernale : une étude rétrospective à propos de 20 cas », sur pepite.univ-lille2.fr (consulté le )
  10. M. Kauss Hornecker, S. Charles Weber, M.-L. Brandely Piat et M. Darrodes, « Collyres de ciclosporine : étude d’une cohorte de patients de 2009 à 2013 », /data/revues/01815512/v38i8/S0181551215002491/,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. (en) Sullivan PG, Thompson M, Scheff SW, « Continuous infusion of cyclosporin A postinjury significantly ameliorates cortical damage following traumatic brain injury », Exp Neurol., vol. 161, no 2,‎ , p. 631-7 (PMID 10686082, DOI 10.1006/exnr.1999.7282)
  12. « Covid-19 - La cyclosporine, (nouveau) médicament "miracle" contre le coronavirus? », sur lindependant.fr (consulté le )
  13. « IKERVIS 1 mg/ml collyre émuls en récipient unidose », sur VIDAL (consulté le )
  14. CHMP, « Ikervis, INN-ciclosporin » [PDF], sur ec.europa.eu, (consulté le )
  15. « La cicloporine », sur Bébés bulles (consulté le )
  16. Catherine Ducruet, « Le parcours d'obstacles de la ciclosporine », sur Les Echos, (consulté le )
  17. (an) Camille Georges Wermuth, The Practice of Medicinal Chemistry, Academic Press, (ISBN 9780080568775, lire en ligne), p. 23
  18. (en) Foxwell B. M., Ruffel B., « The mechanisms of action of cyclosporine », Cardiology Clinics, vol. 8, n° 1, 1990, p. 107-117 (PMID 2137724)
  19. (en) Henry ML, Elkhammas EA, Davies EA, Ferguson RM, « A clinical trial of cyclosporine G in cadaveric renal transplantation », Pediatr Nephrol., vol. 9 Suppl,‎ , S49-51 (PMID 7492487)
  20. (en) Calne RY, White DJ, Thiru S, Rolles K, Drakopoulos S, Jamieson NV, « Cyclosporin G: immunosuppressive effect in dogs with renal allografts », Lancet, vol. 1, no 8441,‎ , p. 1342 (PMID 2860538)
  21. La Revue Prescrire, décembre 2012, tome 32, n°350 (Suppl. Interactions Médicamenteuses), p. 219
  22. « JPM a un avis sur tout - Georgina Dufoix et la ciclosporine », sur jp-m.eu (consulté le ).
  23. Joël de Rosnay, Le Macroscope, première édition
  24. « La troublante affaire cyclosporine-sida » Science&Vie no 820 - janvier 1986, page 36
  25. «L'espace public de la recherche médicale. Autour de l'affaire de la ciclosporine» Reseaux 1999
  26. (en) Gibaud S, Attivi D (2012) « Microemulsion for oral administration and their therapeutics applications » Expert Opin Drug Deliv. PMID 22663249
  27. WHO Model List of Essential Medicines, 18th list, avril 2013