Commerce dans l'Égypte antique

Le commerce dans l'Égypte antique est l'ensemble des échanges de biens, denrées et animaux, transitant par les routes commerciales terrestres et maritimes reliant la civilisation égyptienne antique à l'Inde antique, au Croissant fertile, à l'Arabie et à l'Afrique subsaharienne.

Transport et commerce préhistorique[modifier | modifier le code]

Les migrations hors du Croissant fertile ont transporté les premières pratiques agricoles vers les régions voisines, vers l'ouest en Europe et en Afrique du Nord, vers le nord en Crimée et vers l'est en Mongolie[1],[2],[3],[4],[5],[6],[7],[8],[9],[10],[11],[12].

Les peuples du Sahara ont importé des animaux domestiques d'Asie entre 6000 et 4000 avant notre ère. À Nabta Playa, à la fin du 7e millénaire avant notre ère, les Égyptiens de cette épôque importaient des chèvres et des moutons d'Asie du Sud-Ouest[13].

Des artefacts étrangers datant du 5e millénaire avant notre ère dans la culture badarienne en Égypte indiquent un contact avec la Syrie lointaine. Dans l'Égypte prédynastique, au début du 4e millénaire avant notre ère, les Égyptiens de Maadi importaient des poteries[14] de Canaan.

Au 4e millénaire avant notre ère, la navigation était bien établie, et l'âne et peut-être le dromadaire avaient été domestiqués. La domestication du chameau de Bactriane et l'utilisation du cheval pour le transport ont ensuite suivi. Des échantillons de charbon de bois trouvés dans les tombes de Nekhen, datées des périodes Naqada I et II, ont été identifiés comme étant du cèdre du Liban[15]. Les Égyptiens prédynastiques de la période Naqada I importaient également de l'obsidienne d'Éthiopie, utilisée pour façonner des lames et d'autres objets à partir de flocons[16]. Les Naqadiens commerçaient avec la Nubie au sud, les oasis du désert occidental à l'ouest et les cultures de la Méditerranée orientale à l'est[17].

Des poteries et d'autres objets du Levant datant de l'époque naqadienne[18]. Des objets égyptiens datant de cette époque ont été retrouvés à Canaan[19] et dans d'autres régions du Proche-Orient, notamment à Tell Brak[20] et à Uruk et Suse[21] en Mésopotamie.

Dans la seconde moitié du 4e millénaire avant notre ère, la pierre précieuse lapis-lazuli était commercialisée depuis sa seule source connue dans le monde antique - Badakhshan, dans ce qui est aujourd'hui le nord-est de l'Afghanistan - jusqu'en Mésopotamie et en Égypte. Au 3e millénaire avant notre ère, le commerce du lapis-lazuli s'est étendu à Harappa, Lothal et Mohenjo-daro, dans la civilisation de la vallée de l'Indus, dans les régions actuelles du Pakistan et du nord-ouest de l'Inde. La vallée de l'Indus était également connue sous le nom de Meluhha, le premier partenaire commercial maritime des Sumériens et des Akkadiens en Mésopotamie. L'ancien port construit à Lothal, en Inde, vers 2400 avant notre ère, est le plus ancien port maritime connu[22].

Commerce transsaharien[modifier | modifier le code]

La route terrestre à travers le Ouadi Hammamat du Nil à la mer Rouge était connue dès l'époque prédynastique ; des dessins représentant des bateaux égyptiens en roseau ont été trouvés, le long du chemin, datant de 4000 avant notre ère. Des villes datant de la Ire dynastie égyptienne d'Égypte se sont élevées le long de ses jonctions avec le Nil et la Mer Rouge, témoignant de l'ancienneté de la popularité de la route. Elle est devenue une route majeure entre Thèbes et le port d'Elim sur la mer Rouge, d'où les voyageurs se rendaient ensuite en Asie, en Arabie ou dans la Corne de l'Afrique. Des documents attestent de la connaissance de la route par Sésostris Ier, Séthi Ier, Ramsès IV et aussi, plus tard, par l'Empire romain, notamment pour l'exploitation minière.

La route commerciale du Darb el-Arbain, qui passe par Al-Kharga au sud et Assiout au nord, a été utilisée dès l'Ancien Empire pour le transport et le commerce de l'or, de l'ivoire, des épices, du blé, des animaux et des plantes[23]. Plus tard, les Romains ont protégé la route en la bordant de divers forts et petits avant-postes, certains gardant de grands établissements avec des cultures. Décrite par Hérodote comme une route « traversée ... en quarante jours », elle devint à son époque une importante route terrestre facilitant le commerce entre la Nubie et l'Égypte[24]. Son étendue maximale partait de Kobbei, 25 miles au nord d'al-Fashir, traversait le désert, Bir Natrum et Oued Howar, et se terminait en Égypte[25].

Commerce maritime[modifier | modifier le code]

La construction navale était connue des Égyptiens dès 3000 avant J.-C.[26],[27] et peut-être même avant[27]. Les anciens Égyptiens savaient comment assembler des planches de bois pour former la coque d'un navire, reliées par des sangles tissées[26], avec des roseaux ou de l'herbe pour le calfatage[26]. L'institut archéologique américain rapporte[26] que le plus ancien navire — 75 pieds de long —, datant de 3000 avant notre ère[27], pourrait avoir appartenu au pharaon Aha[27].

Une colonie égyptienne du sud de Canaan date d'un peu avant la Ire dynastie égyptienne[28]. Narmer faisait produire de la poterie égyptienne à Canaan — son nom étant apposé sur les récipients — et l'exportait vers l'Égypte[29], depuis des régions comme Tel Arad, En Besor, Rafah et Tel Erani[29]. En 1994, des fouilleurs ont découvert un tesson de céramique incisé portant le signe serekh de Narmer, datant d'environ 3000 avant notre ère. Des études minéralogiques révèlent que le tesson est le fragment d'une jarre à vin exportée de la vallée du Nil vers la Palestine. En raison du climat de l'Égypte, le vin était très rare et presque impossible à produire dans les limites de l'Égypte. Pour obtenir du vin, les Égyptiens devaient l'importer de Grèce, de Phénicie et de Palestine. Ces premières amitiés ont joué un rôle clé dans la capacité de l'Égypte à faire du commerce et à acquérir les biens dont elle avait besoin[30].

Modèle d'une barque funéraire à rames provenant de la tombe de Méketrê (XIIe dynastie, début du règne d'Amenemhat Ier).

La pierre de Palerme mentionne que le roi Snéfrou de la IVe dynastie envoyait des bateaux pour importer du cèdre de grande qualité du Liban. Dans une scène de la pyramide du pharaon Sahourê de la Ve dynastie, des Égyptiens reviennent avec d'énormes cèdres. On trouve le nom de Sahourê estampillé sur une fine pièce d'or sur une chaise du Liban, et des cartouches de la Ve dynastie ont été trouvés dans des récipients en pierre du Liban. D'autres scènes dans son temple représentent des ours syriens. La pierre de Palerme mentionne également des expéditions dans le Sinaï ainsi que dans les carrières de diorite au nord-ouest d'Abou Simbel.

La plus ancienne expédition connue au pays de Pount fut organisée par Sahourê, qui aurait rapporté une quantité de myrrhe, ainsi que de la malachite et de l'électrum. Vers 1950 avant notre ère, sous le règne de Montouhotep III, un officier nommé Hennou a effectué un ou plusieurs voyages à Pount. Au XVe siècle avant notre ère, Néhésy a mené une expédition très célèbre pour la reine Hatchepsout afin d'obtenir de la myrrhe ; un rapport de ce voyage est conservé sur un relief dans le temple funéraire d'Hatchepsout à Deir el-Bahari. Plusieurs de ses successeurs, dont Thoutmôsis III, organisèrent également des expéditions à Pount.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. L Chicki, RA Nichols, G Barbujani et MA Beaumont, « Y genetic data support the Neolithic demic diffusion model », Proc. Natl. Acad. Sci. USA, vol. 99, no 17,‎ , p. 11008–11013 (PMID 12167671, PMCID 123201, DOI 10.1073/pnas.162158799 Accès libre, Bibcode 2002PNAS...9911008C)
  2. I Dupanloup, G Bertorelle, L Chikhi et G Barbujani, « Estimating the Impact of Prehistoric Admixture on the Genome of Europeans », Mol Biol Evol, vol. 21, no 7,‎ , p. 1361–1372 (PMID 15044595, DOI 10.1093/molbev/msh135)
  3. O Semino, C Magri et G Benuzzi, « Origin, Diffusion, and Differentiation of Y-Chromosome Haplogroups E and J: Inferences on the Neolithization of Europe and Later Migratory Events in the Mediterranean Area, 2004 », Am. J. Hum. Genet., vol. 74, no 5,‎ , p. 1023–1034 (PMID 15069642, PMCID 1181965, DOI 10.1086/386295)
  4. LL Cavalli-Sforza et E Minch, « Paleolithic and Neolithic lineages in the European mitochondrial gene pool », Am J Hum Genet, vol. 61, no 1,‎ , p. 247–254 (PMID 9246011, PMCID 1715849, DOI 10.1016/S0002-9297(07)64303-1)
  5. L Chikhi, G Destro-Bisol, G Bertorelle, V Pascali et G Barbujani, « Clines of nuclear DNA markers suggest a largely Neolithic ancestry of the European gene », PNAS, vol. 95, no 15,‎ , p. 9053–9058 (PMID 9671803, PMCID 21201, DOI 10.1073/pnas.95.15.9053 Accès libre, Bibcode 1998PNAS...95.9053C)
  6. M. Zvelebil, dans Hunters in Transition: Mesolithic Societies and the Transition to Farming, M. Zvelebil (editor), Cambridge University Press, Cambridge, UK (1986) p. 5–15, 167–188.
  7. P. Bellwood, First Farmers: The Origins of Agricultural Societies, Blackwell, Malden, MA (2005).
  8. M. Dokládal, J. Brožek, Curr. Anthropol. 2, 1961, p. 455–477.
  9. O. Bar-Yosef, Evol. Anthropol. 6, 1998, p. 159–177.
  10. M. Zvelebil, Antiquity, 1989, 63, p. 379–383.
  11. C. Loring Brace, Noriko Seguchi, Conrad B. Quintyn, Sherry C. Fox, A. Russell Nelson, Sotiris K. Manolis et Pan Qifeng, « The questionable contribution of the Neolithic and the Bronze Age to European craniofacial form », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, vol. 103, no 1,‎ , p. 242–247 (PMID 16371462, PMCID 1325007, DOI 10.1073/pnas.0509801102 Accès libre, Bibcode 2006PNAS..103..242B)
  12. F. X. Ricaut et M. Waelkens, « Cranial Discrete Traits in a Byzantine Population and Eastern Mediterranean Population Movements », Human Biology, vol. 80, no 5,‎ , p. 535–564 (PMID 19341322, DOI 10.3378/1534-6617-80.5.535, S2CID 25142338)
  13. « Fred Wendorf and Romuald Schild, 2000, Late Neolithic megalithic structures at Nabta Playa (Sahara), southwestern Egypt », .
  14. « Maadi Culture » [archive du ], Digitalegypt.ucl.ac.uk (consulté le )
  15. Marie Parsons, « Egypt: Hierakonpolis, A Feature Tour Egypt Story » [archive du ], www.touregypt.net (consulté le )
  16. Barbara G. Aston, James A. Harrell, Ian Shaw (2000), Paul T. Nicholson et Ian Shaw éditeurs, « Stone », dans Ancient Egyptian Materials and Technology, Cambridge, 5-77, p. 46–47. Voir aussi Barbara G. Aston, (1994). « Ancient Egyptian Stone Vessels », Studien zur Archäologie und Geschichte Altägyptens, 5, Heidelberg, p. 23–26. Voir en ligne : [1] et [2].)
  17. Ian Shaw, The Oxford History of Ancient Egypt, Oxford, England, Oxford University Press, (ISBN 978-0-500-05074-3, lire en ligne Inscription nécessaire), 61
  18. Branislav Andelkovic, 1995, The Relations between Early Bronze Age I Canaanites and Upper Egyptians, Belgrade, p. 58, map 2, Branislav Andelkovic, 2002. Southern Canaan as an Egyptian Protodynastic Colony, Cahiers Caribéens d'Egyptologie, 3-4 : 75-92.
  19. Branislav Andelkovic, 1995, p. 68–69, map 1 ; Branislav Andelkovic, 2002.
  20. Places where cylinder seals similar to that from Naqada tomb 1863 have been found.
  21. Dominique Collon, 1987, First Impressions, Cylinder Seals in the Ancient Near East, London, p. 13–14.
  22. S. R. Rao, Lothal, Archaeological Survey of India, , p. 27–29
  23. Jenny Jobbins, « The 40 days' nightmare », dans Al-Ahram, 13–19 novembre 2003, Issue No. 664, Publié au Caire.
  24. Dr Stuart Tyson Smith, Nubia: History, University of California Santa Barbara, Department of Anthropology, <[3].
  25. J. Millard Burr, Robert O. Collins, Darfur: The Long Road to Disaster, Markus Wiener Publishers, Princeton, 2006, (ISBN 1-55876-405-4), p. 6–7.
  26. a b c et d Cheryl Ward, « World's Oldest Planked Boats », dans Archaeology, volume 54, no 3, mai/juin 2001, Institut archéologique américain.
  27. a b c et d Angela M.H. Schuster, « This Old Boat », 11 décembre 2000, Institut archéologique américain.
  28. Naomi Porat et Edwin van den Brink (éd.), « An Egyptian Colony in Southern Palestine During the Late Predynastic to Early Dynastic », dans The Nile Delta in Transition: 4th to 3rd Millennium BC, 1992, p. 433–440.
  29. a et b Naomi Porat, « Local Industry of Egyptian Pottery in Southern Palestine During the Early Bronze I Period », dans Bulletin of the Egyptological, Seminar 8 1986/1987, p. 109–129. Voir aussi University College London web post, 2000.
  30. Michael Homan, « Beer and Its Drinkers: An Ancient near Eastern Love Story », Near Eastern Archaeology, vol. 67, no 2,‎ , p. 87 (DOI 10.2307/4132364, JSTOR 4132364, S2CID 162357890)