Ciliophora

Ciliophora
Description de cette image, également commentée ci-après
Des Ciliés dessinés par Ernst Haeckel (1904).
Classification WoRMS
Règne Chromista
Sous-règne Harosa
Infra-règne Alveolata

Embranchement

Ciliophora
Doflein (d), 1901

Synonymes

  • Ciliata Perty, 1852
  • Infusoria sensu Bütschli, 1887-1889
  • Ciliophyceae Rothmaler, 1951

Les Ciliés (Ciliophora, Ciliata ou Euciliata, autrefois nommés aussi « Infusoires ») sont un embranchement d'eucaryotes unicellulaires du règne des Chromista (historiquement des Protozoaires). Ils sont caractérisés par la présence de cils cellulaires à leur surface à au moins un instant de leur cycle.

Description[modifier | modifier le code]

Schéma représentant une paramécie. Légende : 1 - vacuole contractile, 2 - canaux radiaux, 3 -vacuole alimentaire, 4 - macronoyau, 5 - micronoyau, 6 - cils vibratils, 7 - péristome, 8 - cytopharynx, 9 - cytostome, 10 - cytoprocte.

Les Ciliés sont parmi les unicellulaires les plus complexes. La cellule est polarisée, et les organites forment des zones spécialisées dans la nutrition, la motricité ou l'excrétion.

Ils sont d'une grande taille parmi les unicellulaires (entre 30 et 300 µm). Leurs cils sont généralement disposés en rangées longitudinales ou obliques nommées cinéties, leur extrémité est encastrée dans un système tangentiel de microfibrilles. La répartition des cils est variable, elle peut donner des appareils locomoteurs particuliers et des structures de capture de proies. Chaque cil possède une mitochondrie qui permet son activation et des microtubules qui lui donnent rigidité et flexibilité.

Ils ont la particularité de posséder deux noyaux : un micronoyau reproducteur qui sert pendant la mitose à la transmission du patrimoine génétique et un macronoyau végétatif qui permet de synthétiser les protéines. La reproduction s'effectue en une division longitudinale qui permet d'obtenir deux ciliés identiques.

Leur nutrition se fait par la capture de proies au niveau du péristome : des groupements de cils appelés cirres vibrent et créent des mouvements d'eau qui aspirent les proies jusqu'à la membrane. Les proies sont ingérées par endocytose, puis digérées par les lysosomes. De nombreuses espèces possèdent un cytostome.

Écologie[modifier | modifier le code]

Les Ciliés sont présents dans les eaux douces, saumâtres et marines où ils existent sous diverses formes : formes libres nageuses, formes fixes pédonculées, formes coloniales, formes parasitaires non pathogènes ou formes symbiotiques.

Hétérotrophes, ils se nourrissent de particules organiques, de bactéries, d'autres ciliés, de flagellés voire d'animaux microscopiques. Leurs structures orales se spécialisant selon leur régime alimentaire.

Parmi les cas particuliers bien documentés, on peut citer celui de la symbiose digestive chez la vache : les ciliés présents en abondance dans la panse (rumen) appartiennent à un groupe très spécialisé (Entodiniomorphes), dont tous les représentants vivent en anaérobiose dans le tube digestif de mammifères herbivores. Ces ciliés sont également capables de digérer la cellulose et participent directement à la dégradation de l'herbe ingérée. Mais comme ils consomment principalement les bactéries, cela maintient les populations bactériennes en croissance exponentielle contrôlée, là où elles ont un métabolisme très rapide.

Formes fossiles[modifier | modifier le code]

Les plus vieux fossiles connus de Ciliés sont ceux de l'ordre des Tintinnides : ces ciliés sécrètent des loges protéiques qui peuvent se fossiliser. Jusqu'en 2007, les plus vieux fossiles connus dataient de l'Ordovicien (- 450 Ma). Des fossiles plus anciens ont été trouvés datant de 580 millions d'années (période Édiacarien) dans la Formation de Doushantuo, à Guizhou, dans le sud de la Chine[1].

Parmi les fossiles plus courants, les calpionelles (groupe proche des actuels Tintinnides) furent extrêmement abondantes pendant le Crétacé, et constituent un repère utile en biostratigraphie.

Historique[modifier | modifier le code]

Le nom valide complet (avec auteur) de ce taxon est Ciliophora Doflein, 1901[2], dont la publication originale est :

  • (de) Doflein, F., Die Protozoen als Parasiten und Krankheitserreger nach biologischen Gesichtspunkten dargestellt, Jena, Gustav Fischer, , 296 p. (lire en ligne Accès libre), p. 227.

Dans les années 1670 Antoni van Leeuwenhoek fut le précurseur de la microbiologie. Mais ce n’est que beaucoup plus tard que les ciliés furent étudiés de façon systématique.

En 2013 Zéphyrin Fokam propose un résumé de l’histoire de ces études, qu'il décline en plusieurs grandes périodes marquant les progrès successifs[3] :

1. Période des découvertes (1880-1930) : les ciliés sont étudiés par microscopie photonique et classés sur la base des infraciliatures buccale et somatique. Cette période fut marquée par les travaux d’Otto Bütschli sur les protozoaires dès 1876.

2. L’âge d’exploitation (1924-1950) : les techniques de coloration argentique ont permis de grandes avancées, avec les travaux de Klein (1926)[4], Chatton et Lwoff[5], József von Gelei (d) et Horváth[6]. C’est durant cette période qu’Alfred Kahl, de 1930 à 1935, a effectué la description de plus de 3000 espèces.

3. L’âge de l’« infraciliature » (1933-1960) : les classifications se basent alors sur la description fine de l’infraciliature – l’assemblage total des cinétosomes tant oraux que somatiques et leurs structures fibrillaires associées. Durant cette période, le nombre des espèces décrites double. Les grand auteurs furent Chatton et Lwoff déjà cités, Fauré-Fremiet[7] et Corliss.

4. L’âge de l’ultrastructure (1963-1985) : voit l’analyse précise de l’ultrastructure des protozoaires. Les travaux de D. R. Pitelka[8] mettent en avant les études par microscopie électronique. C’est l’âge de l’étude précise des arrangements de cils, appelés cinéties, qui débouche sur la classification de Corliss[9].

5. La période actuelle, qualifié d’« âge de raffinement » (à partir de 1985) : cette période bénéficie des techniques informatiques et génétiques permettant une étude comparée à la fois de la morphologie, et des séquences des acides nucléiques des différentes lignées progressivement établies durant les périodes précédentes ; de tester ainsi leur validité ; de tenter d'y rattacher les lignées aberrantes. Des taxonomistes comme Wilhelm Foissner (de) et Jacques Berger marquent cette période.

Deux classifications concurrentes des Ciliophora résultent de ces études : celle de Puytorac (1994), principalement basé sur les caractéristiques morphologiques, et celle de Lynn (2008) qui s’appuie à la fois sur des analyses cladistiques et phénétiques.

Phylogénie[modifier | modifier le code]

Liste des classes[modifier | modifier le code]

Selon le World Register of Marine Species (27 septembre 2023)[10], d'après la World Ciliophora Database (K. Xu, S. Agatha & J. Dolan, 2023) :

Selon le Catalogue of Life (27 septembre 2023)[11] et GBIF (27 septembre 2023)[12], d'après The World Ciliate Catalog (E. Aescht, 2012) :

Selon l'IRMNG (27 septembre 2023)[13] :

Quelques espèces[modifier | modifier le code]

On dénombre environ 10 000 espèces de Ciliés[12] dont voici quelques exemples :

Ciliatologistes notables[modifier | modifier le code]

Parmi tous les chercheurs qui ont participé à la connaissance des protozoaires et, en particulier des Ciliophora, en voici un certain nombre, cités par ordre d'année de naissance[14] :

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) C.-.W Li, J.-Y. Chen, J. H. Lipps, F. Gao, H.-M. Chi et H.-.J Wu, « Ciliated protozoans from the Precambrian Doushantuo Formation, Wengan, South China », dans P. Vickers-Rich et P. Komarower, The rise and fall of the Ediacaran biota, vol. 286, London, Geological Society, coll. « Geological Society special publication », (ISBN 9781862392335, DOI 10.1144/SP286.11, lire en ligne), p. 151-156.
  2. Guiry, M.D. & Guiry, G.M. AlgaeBase. World-wide electronic publication, National University of Ireland, Galway. https://www.algaebase.org, consulté le 27 août 2022
  3. Zéphyrin Fokam. Étude morphologique et phylogénie des Ciliés Astomes endocommensaux d’Oligochètes terricoles de la région de Yaoundé et ses environs. Thèse Université de Yaoundé : lire en ligne
  4. Klein, B. M. (1926). Ergebnisse mit einer Silbermethode bel Ciliaten. Archiv für Protistenkunde, 56, 243–279
  5. Chatton, E., & Lwoff, A. (1930). Imprégnation, par diffusion argentique, de l‟infraciliature des ciliés marins et d‟eau douce, après fixation cytologique et sans dessiccation. Comptes Rendus des Séances de la Société de Biologie et de ses Filiales, 104, 834–836.
  6. Gelei, J. von, & Horváth, P. (1931). Eine nasse Silber−bzw. Goldmethode für die Herstellung der reizleitenden Elemente bei den Cillaten. Zeitschrift für Wissenschaftliche Mikroskopie und für MikroskopischeTecknik , 48 , 9–29.
  7. Fauré-Fremiet, E. (1950). Morphologie comparée et systématique des ciliés. Bulletin société de Zoologique de France, 75, 109–122.
  8. Dorothy Riggs Pitelka,Electron-microscopic structure of protozoa. Oxford, Pergamon Press. Macmillan, New York], 1963 : lire en ligne
  9. Corliss, J. O. (1979). The ciliated protozoa: Characterization, classification, and guide to the literature (2nd ed., 455 pp.). London/New York: Pergamon Press
  10. World Register of Marine Species, consulté le 27 septembre 2023
  11. Catalogue of Life Checklist, consulté le 27 septembre 2023
  12. a et b GBIF Secretariat. GBIF Backbone Taxonomy. Checklist dataset https://doi.org/10.15468/39omei accessed via GBIF.org, consulté le 27 septembre 2023
  13. Rees, T. (compiler). The Interim Register of Marine and Nonmarine Genera. Available from https://www.irmng.org at VLIZ, consulté le 27 septembre 2023
  14. (en) John O. Corliss. A Salute to Fifty-Four Great Microscopists of the Past: A Pictorial Footnote to the History of Protozoology. Part II. Transactions of the American Microscopical Society, Vol. 98, No. 1 (Jan., 1979), pp. 26-58 : lire en ligne
  15. (en)[PDF] FOKIN Sergei Ivanovich. Biography : lire en ligne

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jean Théodoridès, « État des connaissances sur la structure des Protozoaires avant la formulation de la Théorie cellulaire. », Revue d'histoire des sciences, vol. 25, no 1,‎ , p. 27–44 (DOI 10.3406/rhs.1972.3263, lire en ligne, consulté le )
  • Puytorac, P. de, A. Batisse, J. Bohatier, J.O. Corliss, G. Deroux, P. Didier, J. Dragesco, G. Fryd-Versavel, J. Grain, C.-A. Grolière, R. Hovasse, F. Iftode, M. Laval, M. Rogue, A. Savoie et M. Tuffrau, « Proposition d'une classification du phylum Ciliophora Doflein, 1901 », Comptes Rendus de l'Académie de Sciences, Paris, vol. 278,‎ , p. 2799-2802
  • (en) Eugene B. Small et Denis H. Lynn, « A new macrosystem for the phylum Ciliophora doflein, 1901 », Biosystems, vol. 14, nos 3-4,‎ , p. 387–401 (DOI 10.1016/0303-2647(81)90045-9, lire en ligne, consulté le )
  • Guillaume Lecointre, Hervé Le Guyader et Dominique Visset, Classification phylogénétique du vivant, Belin, (ISBN 978-2-7011-4273-9)
  • (en) Erna Aescht, Catalogue of the Generic Names of Ciliates (Protozoa, Ciliophora) : Denisia 1, Biologiezentrum Linz/Austria, (ISSN 1608-8700, lire en ligne Accès libre [PDF])
  • (en) Alan Warren et al., « Beyond the “Code” : A Guide to the Description and Documentation of Biodiversity in Ciliated Protists (Alveolata, Ciliophora) », Journal of Eukaryotic Microbiology, vol. 64, no 4,‎ , p. 539‑554 (DOI https://doi.org/10.1111/jeu.12391, lire en ligne Accès libre)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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