Champignon entomopathogène

Un champignon entomopathogène est un champignon parasite d'insectes ou d'autres arthropodes, entraînant leur mort.

Criquets tués par le champignon Beauveria bassiana (Ascomycota, Hypocreales)

Cycle biologique[modifier | modifier le code]

Puceron vert du pêcher (Myzus persicae) tué par le champignon Pandora neoaphidis (Zygomycota, Entomophthorales). Échelle, trait = 0,3 mm.

Le cycle biologique des champignons entomopathogènes diffère légèrement selon les groupes taxonomiques, mais il comprend toujours une phase parasitaire (de l'infection de l'hôte jusqu'à la mort de ce dernier) et une phase saprophyte (après la mort de l'insecte-hôte). La survie de ces champignons, et leur reproduction, est dépendante de l'infection d'insectes-hôtes et entraîne invariablement la mort de ceux-ci[1].

Ces champignons se fixent généralement à la surface externe du corps des insectes sous la forme de spores microscopiques (il s'agit généralement de spores mitosporiques asexuées également appelées conidies). Dans des conditions favorables de température et d'humidité (généralement élevée), ces spores germent, se développent sous forme d'hyphes et colonisent la cuticule de l'insecte ; finalement ils traversent la cuticule et atteignent la cavité du corps de l'insecte (hémocèle). Ensuite, les cellules fongiques prolifèrent dans la cavité du corps de l'hôte, généralement sous forme d'hyphes dotées de parois cellulaires ou sous la forme protoplastes sans parois (selon l'espèce de champignons impliquée). Au bout d'un certain temps, l'insecte est généralement tué (parfois par des toxines fongiques) et de nouvelles propagules (spores) se forment dans l'insecte si les conditions environnementales sont à nouveau favorables ; une forte humidité est généralement nécessaire pour la sporulation.

Groupes taxonomiques[modifier | modifier le code]

Scatophage du fumier (Scathophaga stercoraria) tué par le champignon Entomophthora muscae (Entomophthorales).

Les champignons entomopathogènes ne forment pas un groupe monophylétique, ils appartiennent à différents taxons rattachés à plusieurs des principaux groupes fongiques. On en connait près de 700 espèces appartenant à une centaine d'ordres différents[1]. Il existe deux ordres principaux de champignons entomopathogènes : les Entomophthorales (Zygomycètes) et les Hypocreales (Ascomycètes)[2].

Les Entomophthorales comprennent notamment les genres Conidiobolus, Entomophaga, Entomophthora, Pandora (en) et Zoophthora. Beaucoup des espèces concernées sont des parasites obligatoires qui ont co-évolué avec leurs hôtes et montrent des adaptations éco-morphologiques spécifiques du cycle biologique des hôtes[2].

Dans l'ordre des Hypocreales, beaucoup d'espèces de champignons entomopathogènes sont connues uniquement sous leur forme asexuée (anamorphe), les plus communes appartiennent notamment aux genres Beauveria, Hirsutella, Isaria, Lecanicillium, Metarhizium, Nomuraea. Les formes sexuées (téléomorphes) se rattachent notamment aux genres Cordyceps et Torrubiella[2]. Parmi ces dernières, figure en particulier Cordyceps sinensis, le « champignon chenille » ou yarsagumbu, connu pour ses propriétés médicinales et aphrodisiaques dans la médecine traditionnelle chinoise et tibétaine.

Des espèces apparentées de champignons parasitent et peuvent tuer d'autres invertébrés, par exemple des nématodes.

Tableau des principaux groupes de champignons entomopathogènes
D'après Ainsworth et al. 1983[3]
Subdivisions Ordres Familles Exemples de genres
Mastigomycotina Oomycetes Lagenidiaceae Lagenidium
Chytridiomycetes Blastocladiaceae Coelomomyces
Zygomycotina Entomophthorales Entomophthoraceae Entomophaga
Entomophthora
et nombreux autres genres
Mucorales Mucoraceae Sporodiniella
Ascomycotina Clavicipitales Clavicipitaceae Cordyceps
Metarhizium
Hypocreales Hypocreaceae Cordycepioideus
Laboulbeniales Laboulbeniaceae Laboulbenia
et nombreux autres genres
Pleosporales Podonectriaceae Podonectria
Basidiomycotina Septobasidiales Septobasidiaceae Septobasidium
Deuteromycotina
pas de classification
officielle
Hyphomycetes Verticillium
Aspergillus
Beauveria
Metarhizium
Coelomycetes Sorosporella

Utilisation des champignons entomopathogènes en lutte biologique[modifier | modifier le code]

Les champignons entomopathogènes étant considérés comme des agents de mortalité des insectes naturels et sûrs par rapport à l'environnement, on s'intéresse dans le monde entier à leur utilisation et leur manipulation[4] pour la lutte biologique contre les insectes et d'autres ravageurs arthropodes. En particulier, les phases asexuées de champignons ascomycocètes (Beauveria sp., Lecanicillium sp., Metarhizium sp., Paecilomyces sp., etc.) sont très étudiées en raison de leurs caractéristiques favorisant leur utilisation comme insecticides biologiques.

Production[modifier | modifier le code]

La plupart des champignons entomopathogènes peuvent être élevés sur des milieux artificiels. Cependant, certains exigent des milieux extrêmement complexes ; d'autres, comme Beauveria bassiana et certaines espèces exploitables du genre Metarhizium, peuvent être cultivées sur des substrats riches en amidon, comme les céréales (riz, blé).

Virulence[modifier | modifier le code]

Les champignons de l'ordre des Entomophthorales sont souvent signalés comme causant des niveaux élevés de mortalité (épizooties) dans la nature. Ces champignons sont très virulents. Les ascomycètes anamorphiques (Metarhizium, Beauveria, etc.) sont moins fréquemment responsables d'épizooties dans la nature.

Leurs caractéristiques et propriétés, telles que la spécificité (gamme d'hôtes), les conditions de stockage, de formulation et d'application, sont également des aspects importants.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Augustyniuk-Kram & Kram 2012.
  2. a b et c Entomopathogens and biological control.
  3. « Pathogènes d'insectes », sur LUBILOSA (consulté le )
  4. (en) « Patent n° US 7122176 B2 », Mycoattractants and mycopesticides (consulté le ).[]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Robert A. Samson, Harry C. Evans, Jean-Paul Latge, Atlas of Entomopathogenic Fungi, Springer Science & Business Media, , 187 p. (lire en ligne)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

  • [Augustyniuk-Kram & Kram 2012] (en) Anna Augustyniuk-Kram et Karol J. Kram, « Entomopathogenic Fungi as an Important Natural Regulator of Insect Outbreaks in Forests », Forest Ecosystem, Université Cardinal Stefan Wyszyński de Varsovie,‎ (lire en ligne [PDF] sur cdn.intechopen.com, consulté le ). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [Khan 2012] (en) Sehroon Khan, « Entomopathogenic Fungi as Microbial Biocontrol Agent », Molecular Plant Breeding, Kunming Institute of Botany, Académie chinoise des sciences agronomiques, vol. 3, no 7,‎ , p. 63-79 (lire en ligne [sur researchgate.net], consulté le ).
  • (en) Richard A. Humber, « ARS Collection of Entomopathogenic Fungal Cultures (ARSEF) », Département de l'Agriculture des États-Unis, sur data.nal.usda.gov (consulté le ).
  • (en) « Entomopathogens and biological control » [PDF] sur warwick.ac.uk, Université de Warwick (Royaume-Uni) (consulté le ). Document utilisé pour la rédaction de l’article